ECOLOGIE: LES BACTERIES POURRAIENT S’ATTAQUER AUX DECHETS NUCLEAIRES SOUTERRAINS ! (Jean OVERNEY / Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne /reporterre)

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ECOLOGIE: LES BACTERIES POURRAIENT S'ATTAQUER AUX DECHETS NUCLEAIRES SOUTERRAINS ! (Jean OVERNEY / Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne /reporterre) dans REFLEXIONS PERSONNELLES burepg

Les bactéries pourraient s’attaquer aux déchets nucléaires souterrains

 Les micro-organismes pourraient affecter la stabilité de l’entreposage de résidus radioactifs. Un problème encore méconnu, qui fait l’objet d’une étude pionnière à l’EPFL

Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne – 24 janvier 2013

Sous terre, le temps semble s’être arrêté.

C’est pourquoi les profondeurs de la Terre sont considérées comme les endroits les plus sûrs pour enfouir les déchets nucléaires. Mais les scientifiques ont constaté une intense activité bactérienne dans ce monde souterrain, suite à l’intrusion humaine. Des scientifiques de l’EPFL [Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne] ont lancé un programme de recherche afin d’identifier ces micro-organismes souterrains. Ils comptent mieux comprendre quelle pourrait être leur influence sur l’étanchéité des barrières utilisées pour confiner les déchets nucléaires – conteneurs, béton ou roches, par exemple.

Il s’agit d’identifier les bactéries présentes dans les profondeurs, et de comprendre comment elles transforment la chimie de leur milieu. Plus encore, il s’agit également de prédire comment ces micro-organismes pourraient évoluer sur de longues périodes. Autant d’informations qui permettront d’évaluer, à long terme, la sécurité des sites d’enfouissement.

« Pour identifier les microbes qui évoluent dans la roche, nous utilisons des techniques de séquençage d’ADN et des outils bio-informatiques », explique Rizlan Bernier-Latmani, Directrice du projet et responsable du Laboratoire de Microbiologie Environnementale à l’EPFL. Les données fourniront aussi un aperçu des types de molécules que les microbes peuvent produire en transformant leurs substrats. « Nous parlons de très longues durées, plusieurs centaines de milliers d’années. Si les bactéries peuvent transformer leur milieu, elles le feront. »

Rizlan Bernier-Latmani a lancé une campagne expérimentale à des centaines de mètres de profondeur, sous le Mont Terri, près de St. Ursanne dans le Jura. Un site qui n’abrite pas – et n’abritera jamais – de déchets nucléaires. Ce lieu est devenu une plateforme de recherche et de collaboration internationales pour étudier la pertinence de la roche argileuse dans l’enfouissement des déchets radioactifs. Les résultats obtenus sur ce site expérimental pourront être transférés à d’autres sites similaires.

Évaluer le potentiel des microbes

Rizlan Bernier-Latmani cite plusieurs processus bactériologiques qui pourraient avoir un impact sur la stabilité du stockage de déchets radioactifs. La corrosion des déchets métalliques et des conteneurs de stockage, ou la production de gaz, peuvent affecter le confinement des déchets radioactifs. On présume aussi de potentiels effets bénéfiques. En effet, les microbes peuvent également consommer certains gaz qui, au fil du temps, pourraient augmenter la pression dans un environnement étanche et scellé. De plus, en modifiant la conformation des éléments radioactifs, les bactéries peuvent réduire leur solubilité, et les figer à l’intérieur du substrat rocheux.

« Pour prendre en compte l’activité des micro-organismes, il nous faut mieux la comprendre. Ainsi, nous pourrons évaluer la sécurité, de l’environnement de stockage sur le long terme », explique la chercheuse.

Observer l’adaptation des bactéries en temps réel

La technologie de séquençage d’ADN permet d’identifier des quantités infimes de bactéries, même dans les cas où ils ne représenteraient que 0.1% de la population microbienne. « Il est très important de repérer même les bactéries présentes en faibles quantités, parce qu’elles pourraient prospérer une fois l’environnement de stockage sous scellés. »

Cette même technique permettra de résoudre un problème épineux. Dans les communautés microbiennes, différentes espèces coexistent pendant des millénaires. L’environnement est en constante évolution. En conséquence, il arrive que les bactéries mutent et acquièrent de nouvelles fonctions. Elles peuvent même s’emparer des gènes d’autres espèces – un processus connu sous le nom de « transfert génétique horizontal ». Afin de mieux cerner la façon dont les bactéries pourraient évoluer sur des milliers d’années, les scientifiques doivent identifier l’ensemble des gènes exprimés par toute la communauté microbienne.

Comment identifier tous les types de bactéries présents dans les dépôts d’argile, sous le Mont Terri ? Dans le passé, les scientifiques prélevaient des bactéries à partir d’échantillons d’eau, et les cultivaient jusqu’à ce qu’elles atteignent une population suffisamment importante pour être analysée. Or, seul un pour cent des espèces bactériennes peuvent être mises en culture. De fait, les résultats étaient loin de représenter l’ensemble des espèces présentes.

Aujourd’hui, de nouvelles techniques permettent aux scientifiques d’analyser les populations bactériennes sans avoir à les mettre en culture. Grâce à ces techniques, l’ADN de tous les micro-organismes présents dans un échantillon peut être extrait, séquencé, puis réuni en utilisant des algorithmes bio-informatiques. Cela permet d’identifier tous les microbes et de cataloguer leur machinerie moléculaire de manière exhaustive – on dresse la liste complète des protéines qu’ils peuvent produire. Les scientifiques peuvent même identifier avec précision quelles protéines sont utilisées à un moment donné. Cela fournit un aperçu de la stratégie adoptée par les bactéries pour survivre, et surtout du danger qu’elles pourraient représenter.

Un aquarium à bactéries

Rizlan Bernier-Latmani et son équipe utilisent un nouveau bioréacteur – un aquarium à bactéries – qui peut s’intégrer directement au substrat rocheux des tunnels profonds. De la sorte, ils peuvent extraire des échantillons d’eau souterraine, qui leur permet d’observer la prolifération des bactéries et leur activité dans leur milieu naturel.

À l’heure actuelle, les scientifiques cherchent à comprendre comment les bactéries s’adaptent à leur régime souterrain, et comment leur présence peut influer la sécurité des dépôts. Ils les stimulent, en enrichissant l’eau souterraine avec des molécules différentes : par exemple l’hydrogène, pour simuler l’accumulation du gaz qui résulte de la corrosion des conteneurs en acier. En même temps, ils auront accès à de nombreux paramètres en temps réel –pH, quantité d’oxygène dissous ou sulfates. . Avec les techniques de séquençage d’ADN, ils pourront observer les bactéries alors même qu’elles s’adaptent à leur nouvel environnement.

On ne sait toujours pas si les microbes étaient présents à l’origine, ou s’ils ont colonisé le substrat rocheux pendant les travaux de forage. Mais ils sont bien là, et ils sont actifs. Des centres souterrains ont été sélectionnés pour offrir l’option la plus viable en matière de stockage des déchets nucléaires car, contrairement à la surface de la terre, le substrat rocheux semble être figé dans le temps. Les micro-organismes, quant à eux, continuent de prospérer à leur propre rythme.

Jan OVERNEY


[Note de Reporterre – Cet article nous a été signalé par le Cedra, qui relève aussi une thèse soutenue à Nancy sur le même sujet des bactéries, dont il présente une synthèse :

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Source : Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne

Lire aussi : Le débat « sans débat » sur les déchets nucléaires commence

Publié dans : REFLEXIONS PERSONNELLES |le 3 février, 2013 |Pas de Commentaires »

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