CONTAMINATION DE L’EAU PAR LES PESTICIDES…VERSION GOUTAL !

PARIS – L’Institut National de Veille Sanitaire (INVS) a publié lundi 29 avril 2013 une étude reflétant l’exposition de la population française aux pesticides qui, pour la famille d’insecticides la plus utilisée, se révèle être plus élevée qu’en Allemagne ou en Amérique du Nord.
Sur la base de l’étude de concentrations urinaires mesurées en 2007, l’INVS indique que les métabolites des pesticides pyréthrinoïdes (famille d’insecticides la plus utilisée aujourd’hui pour le traitement des cultures et les applications domestiques) étaient plus élevées que celles observées en Allemagne, au Canada et aux Etats-Unis.
La consommation de certains aliments et l’utilisation domestique de pesticides (traitements antipuces ou dans un potager) influençaient de façon notable les concentrations, ajoute l’INVS.
L’étude rendue publique lundi est un des volets d’une grande enquête sur la nutrition et la santé des Français réalisée en 2006-2007.
La présence de 42 biomarqueurs a été mesurée chez 400 personnes pour évaluer l’exposition des Français à trois familles de pesticides (pyréthrinoïdes, organophosphorés et organochlorés) et aux PCB-NDL (polychlorobiphéniles), ces derniers étant interdits depuis 1987.
Pour les pesticides organophosphorés, efficaces sur les insectes et les acariens mais dont les usages ont été fortement restreints, la France présente des concentrations urinaires similaires à la population israélienne mais supérieures à celles des Américains et des Canadiens. Elle affiche en revanche des niveaux inférieurs à l’Allemagne, dont les chiffres datent de 1998.
Pour cette catégorie de pesticides, plusieurs facteurs semblent influencer les marqueurs urinaires (âge, corpulence, alimentation) et également le lieu de résidence et notamment la surface agricole dédiée à la culture de la vigne et l’usage d’insecticides dans le logement.
L’INVS estime qu’une attention particulière doit être portée aux pesticides organophosphorés et pyréthrinoïdes pour lesquels les niveaux français semblent être parmi les plus élevés en référence à des pays comparables.
Pour la dernière famille de pesticides étudiés, les organochlorés, les mesures et restrictions d’usage semblent montrer leur efficacité, note l’INVS, tout en appelant à vérifier leur efficacité pour certains chlorophénols.
Par exemple, les concentrations de l’insecticide DDT (interdit depuis 1971 en France) étaient voisines, voire plus faibles que dans d’autres pays, notamment en Europe et en Amérique du nord, et encore nettement inférieures à celles observées en Asie.
Mais, si pour la plupart des chlorophénols, les concentrations moyennes françaises sont similaires à celles mesurées dans les études allemandes et américaines, elles étaient bien supérieures pour deux marqueurs, rapporte l’INVS.
Le premier (2,5-DCP), présent dans des désodorisants et des antimites, est interdit depuis 2009.
Enfin, si la concentration moyenne de PCB a été divisée par trois en 20 ans (1986-2007) dans les analyses de sang, il y a encore 13% des femmes en âge de procréer (18-45 ans) et moins de 1% des adultes, qui avaient en 2007 des niveaux supérieurs à ceux recommandés par les autorités sanitaires.
Ceci est imputé à l’héritage historique de la pollution aux PCB qui reste marquée en Europe et en France.
Les PCB, autrefois utilisés dans du matériel électrique, sont des substances qui s’accumulent dans l’organisme de certains poissons.
Plus de 90% des pesticides sont utilisés dans l’agriculture, le reste par des jardiniers amateurs et pour usages collectifs, comme les voies ferrées.
(©AFP / 29 avril 2013 16h53)
Avez-vous entendu parler de l’enquête APACHE ? Non ? Je vous donne ci-dessous trois liens qui vous permettront d’en savoir un peu plus. Vous verrez, les uns sont pour les pesticides et les autres contre.
http://www.generations-futures.fr
Et bien moi, je vais vous donner mon témoignage de riveraine.
J’ai eu envie de réagir après avoir entendu un discours à la télévision si loin de la réalité.
Je ne ferais pas de mon cas une généralité, j’ose espérer qu’il reste encore des personnes conscientes.
J’habite dans le bordelais et ce depuis plus de 50 ans. J’ai pu voir l’évolution de mon environnement depuis tant d’années.
Quand j’entends parler d’utilisation raisonnée et respectueuse des riverains, que nous ne sommes pas trop exposés, j’ai envie de hurler.
Voilà la tenue préconisée pour l’utilisation des pesticides mais moi riveraine, je ne suis pas arnachée comme lui.
Le premier pied de vigne est à environ 3 mètres d’une de mes fenêtres et de l’autre côté de la maison environ 20 mètres ainsi qu’à droite, à gauche un peu plus. Je suis cernée.
Lors des traitements obligation de fermer les volets pour ne pas avoir de produit sur le vitrage, il se répand sur le volet, obligation d’obstruer les aérations de la fenêtre. Ce qui veut dire que l’ouvrier sur l’emjambeur n’arrête pas le pulvérisateur lorsqu’il tourne au bout du rang. Si bien que je me mets mes doigts sans aucune protection dans le produit.
Les voitures garées sur le bord de la route ont le même traitement, et là on remet les doigts dans les produits. En plus, il faut aller laver la voiture pour enlever toute trace de pollution et surtout pour éviter le contact.
Il y a lontemps que je ne mets plus de linge dehors au moment des traitements, il ne faut pas rêver les produits se déposent partout. En fait, il y en a sur tout objet qui reste dehors.
Ce qui va suivre n’est pas triste non plus. Je rentrais chez moi en voiture avec mon fils, j’étais à moins de 100 mètres de mon domicile. J’ai identifié immédiatement une odeur caractéristisque d’un produit, c’était une odeur forte, âcre. L’effet a été rapide, je me suis retrouvée à suffoquer au volant de ma voiture, je ne pouvais plus respirer. De retour, je me suis enfermée ma respiration est revenue petit à petit sous de regard affolé de mon fils. Lorsque j’ai pu, j’ai appelé le propriétaire de la vigne pour connaître le nom du produit. On m’a répondu que si c’était toxique, l’ouvrier ne l’utiliserait pas, on n’a jamais voulu me dire son nom. Et je ne le sais toujours pas. Je tiens à signaler que jamais, je n’ai été ashmatique.
J’ai souvent vu les ouvriers tourner au bout du rang sans arrêter le pulvérisateur et malheur à celui qui passe. On est pulvérisé avec.
Lors des traitements se sont des nuages de produit jusqu’à à avoir du mal à distinguer l’emjambeur et que le vent entraîne n’importe où.
Chez nous en plaisantant, on dit souvent que l’eau est meilleure parce qu’elle passe sous les pieds de vigne.
Je mets à votre disposition la carte des cours d’eau et rivières pollués par les pesticides. Pas besoin d’en dire plus, la carte parle toute seule.
Alors l’eau meilleure, heureusement que l’on a de l’humour!!!
PHOENIX
SANTÉ AU TRAVAIL
Ils sont les premiers à décharger les milliers de tonnes de marchandises qui arrivent chaque jour par bateau. Ils sont aussi les premiers à respirer l’air des cales : céréales aspergées de pesticides, pétrole, ciment… Et ils en paient le prix : sur les docks, on meurt dix ans plus tôt. A Nantes et Saint-Nazaire, las de voir tomber leurs collègues, les dockers sont à l’initiative d’un programme de recherche pour améliorer leurs conditions de travail et préserver leur santé. Un enjeu crucial pour l’avenir de leur métier. Reportage.
Ce matin de janvier 2013, le crachin s’entête sur les quais du port de Montoir-de-Bretagne, à quelques encablures de Saint-Nazaire. Un navire de 40 000 tonnes de soja brésilien vient d’accoster. Mais le déchargement attendra. « Il y a trop de gaz dans les cales », expliquent les dockers. Réfugiés dans le petit bâtiment qui fait office de foyer, ils attendent « qu’il n’y ait plus de danger ». D’ici quelques heures, quand l’aspirateur géant et métallique – appelé la « vis sans fin » – aura terminé d’avaler les tonnes de soja, pour les expédier vers les zones de stockage situées à l’arrière des quais, les dockers descendront dans les cales.« Avec des échelles de cordes quand il y en a, ou en passant par derrière le stock, en bas des tas de marchandise. Parfois, les murs de soja que la vis sans fin repousse contre les parois des cales s’écroulent. Dans ce cas, on en a partout ! », détaille Karl Montagne, docker depuis 30 ans.
Arrosé de pesticides avant la traversée de l’Atlantique, pour décourager champignons, rongeurs et insectes, le soja débarqué ce jour-là et l’atmosphère qui règne dans la cale ne sont pas très respirables. C’est la seule chose que savent les dockers. « A un moment, on nous dit, c’est bon, vous pouvez y aller. Mais nous ne savons rien des produits qui ont été utilisés. Et respirer des doses réputées sans danger, pendant un jour, d’accord. Mais tous les jours ou presque, pendant 20 ans, qu’est-ce que cela donne ? », s’interroge Karl Montagne. « Et le simple fait que ce soit OGM, ça fait quoi ? Parce que 90 % du soja qu’on décharge est OGM ! », poursuit son collègue Christopher Le Canderf.
Cancers en vrac
Ces inquiétudes, et discussions, à propos des menaces sanitaires qui planent sur les travailleurs portuaires sont apparues il y a quelques années, sur les quais de l’estuaire de la Loire, de Nantes à Saint-Nazaire. Fin 2007, Jean-Luc Chagnolleau, docker pendant 30 ans, se découvre un cancer du rein. « Il avait toujours eu une vie très saine », précise son ami Serge Doussin, métallo et ancien secrétaire départemental CGT. « Quand il a su qu’il était malade, il a tout de suite pensé à son boulot », ajoute Gilles Rialland, travailleur portuaire, également syndiqué CGT. L’enquête que Jean-Luc Chagnolleau entreprend alors auprès de ses collègues prend des airs de série noire. Sur 140 dockers contactés, en grande majorité partis à la retraite, 87 déclarent être malades, dont 61 sont atteints de cancers, et 35 sont décédés. L’espérance de vie de ces travailleurs se révèle d’une dizaine d’années inférieure à celle de leurs aînés !
Sonné, Jean-Luc Chagnolleau décide, avec ses copains syndicalistes, d’en parler à des médecins cancérologues, qui les encouragent à poursuivre leurs recherches. En février 2010, l’Association Pour la Protection de la Santé au Travail dans les Métiers Portuaires (APPSTMP) est créée. Objectif : « Faire éclater publiquement la vérité sur le dossier des maladies professionnelles, et leur bilan qui se révèle être un véritable drame humain ! »
18 mois plus tard, en septembre 2011, Jean-Luc Chagnolleau tire sa révérence. Ses amis décident de poursuivre le combat. Habitués aux luttes collectives, et sûrs de leurs forces, les dockers de Nantes et Saint-Nazaire prennent tous, ou presque, leur carte à l’association. « Il y a chez eux une vraie unité, et une solidarité très vivante », juge Serge Doussin, président de l’association depuis le décès de Jean-Luc.
Respirer pesticides et ciments
Les dockers de Montoir déchargent et nettoient chaque année une centaine de cargos de vrac (dont la cargaison est à même la cale), plus des pétroliers et des porte-conteneurs. « Nous ne contrôlons pas chaque bateau. Si l’on a un soupçon de produit pouvant porter atteinte à la santé des salariés, on fait appel à un expert extérieur à l’entreprise, pour qu’il prenne des mesures », assure Ilyasse Aksil, président du Groupement des Opérateurs Portuaires, qui réunit les sociétés qui emploient les dockers. « Les cales sont ventilées. Nous ne faisons pas travailler nos salariés dans des atmosphères qui les mettent en danger. Dans la mesure des connaissances que l’on a des produits utilisés. »
Outre les pesticides, parmi les polluants que renferment les cargos, se trouve notamment la silice, contenue dans le ciment. Elle peut provoquer silicose, bronchite chronique et cancer. Pour vider un cimentier, doté de cales d’une dizaine de mètres de haut, les dockers poussent la marchandise au bulldozer. Et curent les parois à la pelle, à la raclette et au balais. Équipés de combinaisons blanches, ils s’activent dans des nuages de poussière et de gaz d’échappements, munis en guise de protection respiratoire de simples museaux.« C’est mieux que rien », assurent-ils. « De toute façon, on s’est entendu dire que le ciment était bon pour la santé », s’esclaffe le contremaître.
« Le coke de pétrole, c’est vraiment dégueulasse »
« Le pire, reprend Karl Montagne, c’est le coke de pétrole. Ça c’est vraiment dégueulasse. On ne peut pas faire plus d’une finition de cales (opération de vidage des cales et nettoyage complet, ndlr) de coke par jour. Mais cela dure entre trois et quatre heures. Ce qu’on souhaite, c’est ne pas être plus d’une heure par jour au contact de ces cochonneries. » Sous-produit du raffinage du pétrole, le coke se présente sous forme solide et noire. Composé en grande partie de carbone, il contient d’importantes quantités de polluants tels que le soufre, ou encore les métaux lourds. Il sert de combustible à l’industrie du ciment et de la chaux, et est utilisé comme source de carbone dans la fabrication de l’aluminium et de l’acier.
« Pour que les salariés soient mieux protégés, il faudrait que le législateur impose des obligations. Pour les marchandises qui arrivent au port, les taux de radioactivité sont définis précisément. Il faudrait faire de même pour tous les produits chimiques. Si c’est laissé au bon vouloir des entreprises, les contrôles ne seront jamais systématiques et il y aura des distorsions de concurrence », plaide de son côté Ilyasse Aksil.
Une étude sur l’exposition aux produits dangereux
Pour démontrer que la dégradation de la santé des dockers est liée à ces expositions aux produits dangereux, une recherche-action, le programme Escales, a été lancée à l’automne. Financé par le Conseil Régional de Loire-Atlantique et soutenu par la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (Direccte), ce projet devrait permettre de retracer les parcours professionnels de dockers atteints de pathologies graves [1].
Des sociologues, des médecins du travail ou des spécialistes sont associés à cette recherche qui entend « produire des connaissances qui mettent en évidence que le travail est en cause dans la maladie ». Pour reconstituer les parcours des dockers, l’équipe de recherche peut notamment s’appuyer sur un outil étonnant, propre à ce corps de métier : les carnets de travail. « Les gars ont longtemps été payés à la semaine, explique Serge Doussin. Du coup, ils notaient tout, pour être sûrs que leur paie correspondait au travail effectué. »Christian Zimmer confirme : « J’ai été docker pendant 30 ans, j’ai tout noté. Le noms des bateaux, les noms des équipes, les marchandises, les horaires. »
« Mais le plus simple pour nous, c’est la parole des salariés », précise Christian Couteanceau, chercheur en sociologie, chargé des entretiens avec les travailleurs. Quels outils étaient utilisés ? Quelle était l’ambiance respirée ? Comment le travail était-il organisé ? « Nous avons aussi des recherches bibliographiques à mener, concernant le caractère cancérogène des produits utilisés. Et il faut recenser les flux de marchandises qui ont transité sur les quais de Nantes et Saint-Nazaire ces quarante dernières années. » Pour cette étape de recensement, la collaboration des autorités portuaires et des employeurs des dockers seront précieuses. Si les douanes disposent de données sur les conteneurs, ce sont les entreprises, qui opèrent sur les docks pour décharger tel ou tel navire, qui possèdent leurs propres statistiques. Car les dockers travaillent pour une multitude d’employeurs. Ceux-ci accepteront-ils de collaborer au projet ?
Quid des intérimaires et des équipages ?
« Dans les perspectives dessinées par Escales, il y également l’aide et le soutien aux travailleurs qui gravitent autour du port et dans les hangars », notent Serge Doussin et Gilles Rialland. « Il y a beaucoup d’intérimaires, qui n’osent rien dire, ni rien demander », enchaîne Karl Montagne. Sans oublier les capitaines de bateaux et leurs équipages. Venus d’Asie du sud-est et parfois de Russie, les marins maîtrisent un peu l’anglais. Ils ignorent les dangers des marchandises transportées. Pour ouvrir les cales de soja traité aux pesticides, ils placent un simple foulard serré devant la bouche…
« Nous avons réussi à négocier des équipements de protection individuels », précise Christopher Le Canderf, qui siège au Comité d’Hygiène et de Sécurité des Conditions de Travail (CHSCT) de son entreprise, Montoir Vrac Service.
« Mais c’est impossible de respirer avec ces machins quand on fait un effort. Il faudrait investir dans des équipements plus perfectionnés. » Protéger les travailleurs contre les molécules chimiques qui transitent sur les navires de marchandises est un vrai casse-tête. Les douaniers du Havre, qui se sont élevés dès 2010 contre les taux élevés de pesticides dans les conteneurs qu’ils inspectent, ont étudié le problème de près.
« Nous ignorons la durée de vie des cartouches de charbon qui peuvent filtrer les produits, et qui équipent certains masques » , se désole Sébastien Géhan, délégué CGT. « Les seuls équipements garantis sont ceux que revêtent les pompiers en cas d’intervention d’urgence. Mais ce n’est pas utilisable au quotidien, c’est beaucoup trop encombrant. » A Nantes et Saint-Nazaire, les travailleurs attendent impatiemment les conclusions d’Escales, pour pouvoir faire des propositions en matière de prévention.
« Combien de temps il nous reste ? »
« Derrière tout ça, il y a des intérêts économiques, c’est évident », dit Serge Dousssin. « Mais pour nous, il n’y a pas d’opposition entre la santé au travail et la pérennité de l’activité portuaire. Au contraire ! Pour que le métier continue d’exister, il faut conserver les compétences et pouvoir assurer leur transmission. » Pour Jean-Luc Chagnolleau, qui a initié cette prise de conscience des risques sanitaires du métier, et pour les gars qui l’ont accompagné dans son combat, il y avait la volonté d’assurer une vraie suite au savoir-faire des dockers. Et la crainte de voir les plus jeunes s’en détourner.
« On l’aime notre métier, répètent-ils souvent. Mais on veut pouvoir l’exercer en toute sécurité. » Passés la colère, les coups de gueule et la détermination à défendre le droit à la santé au travail, reste la peur. On n’en parle pas si facilement chez les dockers – « qui restent des machos », glisse l’un d’entre eux. Mais quand même. « On dit ça en se marrant, mais des fois on se demande combien de temps il nous reste. Pas à travailler, mais à vivre ».
Nolwenn WEILER
Photos : © Laurent GUIZARD
Octobre 2006, dans le cadre de ses recherches, Marie-Monique Robin questionne un homme, Alan Gibson, vice président de l’association Vietnam Veterans of America. Le malheureux est sérieusement amoché. Il a « le regard émacié des grands malades en fin de vie. A soixante-sept ans, il en paraît quinze de plus. Installé dans son fauteuil roulant, il me montre les deux jambes qu’il n’a plus. »
Pourtant, Alan Gibson n’est pas un mutilé de guerre. Le bout d’homme fait partie des multiples victimes de MONSANTO et du gouvernement américain de l’époque.
Le vecteur, c’est l’agent orange, produit par la firme au moment de la guerre du Viêt-nam. De janvier 1962 à 1971, « on estime que 80 millions de litres de défoliants ont été déversés sur 3,3 millions d’hectares de forêts et de terres [vietnamiennes]. Plus de 3 000 villages ont été contaminés et 60 % des défoliants utilisés étaient de l’agent orange, représentant l’équivalent de quatre cents kilos de dioxine pure. Or, selon une étude de l’université de Columbia (New York) publiée en 2003, la dissolution de 80 grammes de dioxine dans un réseau d’eau potable pourrait éliminer une ville de 8 millions d’habitants. » (p. 53)
A Anniston, à cause de MONSANTO, les habitants meurent les uns après les autres. Des années durant, la firme a déversé des PCB (ou polychlorobiphényles), huiles chimiques hautement toxiques, un peu partout dans la ville.
« Mon petit frère est mort à dix-sept ans, d’une tumeur au cerveau et d’un cancer des poumons… il est mort parce qu’il mangeait les légumes de notre jardin et le poisson qu’il pêchait dans un cour d’eau hautement contaminé ! MONSANTO a fait d’Anniston une ville fantôme »(David Baker, président du comité d’Anniston contre la pollution).
Plus loin, Marie-Monique Robin indique que, « selon un rapport déclassifié, établi secrètement en mars 2005 par la Envirenmental Protection Agency (EPA, l’Agence américaine de protection de l’environnement), 308 000 tonnes de PCB ont été fabriqués à Anniston de 1929 à 1971. Sur ce total, 32 000 tonnes de ces déchets contaminés ont été déposés dans une décharge à ciel ouvert, située sur le site même, au coeur de la communauté noire de la ville » (p. 23). Jusqu’en 1971 ! Pourtant, dès 1937, MONSANTO savait que les PCB représentaient un grave danger pour la santé. Alors pourquoi continuer à polluer ? A cause d’une idéologie claire, formulée dans un document déclassifié de la firme, « Pollution letter » (daté du 16 février 1970), Monsanto « ne peut pas se permettre de perdre un dollar de business ».
Suite à une plainte déposée par 20 000 habitants de Anniston en 2001, MONSANTO est jugée coupable d’avoir pollué « le territoire d’Anniston et le sang de sa population avec les PCB ». Et condamnée à payer 700 millions de dollars de dommages et intérêts. Mais, regrette David Baker, « aucun des dirigeants de la firme n’a été condamné à de la prison »(p. 39).
Dans l’affaire de la dioxine qui a décimé la petite ville de Times Beach, MONSANTO échappe aux poursuites.
Mais ne soyons pas trop sévères. Il y eut quelques châtiments. En 1996 à New-York puis en janvier 2007 en France, MONSANTO est condamnée pour publicité mensongère. Depuis 1974, elle vendait son cher Roundup ready, (qui a des effets néfastes sur les cellules humaines et qui est l’herbicide le plus vendu au monde depuis 30 ans !) comme un produit biodégradable et bon pour l’environnement.
De 1997 à 2007, les cultures transgéniques se sont étendues sur plus de cent millions d’hectares dans le monde. Et MONSANTO possède 90 % des OGM cultivés sur la planète, emploie 18 000 salariés dans une cinquantaine de pays, et ses bénéfices ne cessent de grimper (ils ont atteint le milliard de dollars). De l’autre côté, dans des pays comme l’Inde, le Mexique ou le Paraguay, des millions de paysans subissent déjà les conséquences, lourdes, des OGM (faillite de leur modeste entreprise, étranges maladies de peau constatées chez les enfants qui traversent quotidiennement des champs de cultures génétiquement modifiées…).
Pourquoi laisse-t-on ce dangereux géant industriel opérer ?
D’une part parce que, signe de l’ampleur de l’influence de MONSANTO, dès qu’un scientifique honnête trouve un résultat qui ne correspond pas aux intérêts de la firme, il est licencié ou banni des cercles de recherche. Le Professeur Ignacio Chapela – par exemple – a eu la mauvaise idée d’écrire un article pas vraiment favorable à la multinationale, publié dans la revue scientifique Nature. Dans son texte, il montre que le maïs que l’on croit sans OGM contient en fait des substances transgéniques, à cause de la contamination génétique. Quand l’article paraît, Ignacio Chapela subit une sacrée campagne de diffamation, orchestrée par MONSANTO.
Autre exemple, Richard Burroughs, vétérinaire à la Food and Drug Administration (FDA, agence chargée de la sécurité des denrées alimentaires et des médicaments), chargé de réaliser des tests sur l’hormone de croissance transgénique bovine RBGH. Les résultats du chercheur sont décevants pour MONSANTO: pour les vaches comme pour les buveurs de lait, le danger est énorme. Il est licencié. Et à partir de 1994, le produit est commercialisé aux Etats-unis.
D’autre part, à cause de la réglementation américaine en matière d’OGM. Pour ne donner qu’un élément, le principe d’équivalence en substance – même substance entre les plantes génétiquement modifiées et les plantes conventionnelles – est accepté.
Mais aussi et surtout parce que face aux pressions de la firme, les politiques ne font pas le poids. En 1998, le bureau de Tony Blair fait stopper les travaux trop gênants du scientifique Arpad Pusztai. Dan Glickman, Ministre de l’Agriculture de Bill Clinton de 1995 à 2000 avoue quant à lui à Marie-Monique Robin avoir « subi beaucoup de pressions de la part de l’industrie [MONSANTO] et de certains membres du gouvernement surtout dans le domaine du commerce extérieur ».
L’entreprise finance, en toute légalité, les campagnes électorales des grands partis. Mais plus efficace est « sa capacité d’infiltration dans tous les rouages décisionnels du pays », via le système des « portes tournantes »(chaises musicales) : quatre ministères importants de l’administration W. Bush sont ainsi « tenus par des proches de MONSANTO, soit qu’ils aient reçu des subsides de la firme, soit qu’ils aient travaillé directement pour elle ». Parmi ces collaborateurs, citons pêle-mêle John Ashcroft, Tommy Thompson, Ann Venneman, Donald Rumsfeld et Clarence Thomas (p. 178).
Laissons le mot de la faim à Vandana Shiva, présidente de la fondation Navdanya en Inde. Pour cette militante anti-OGM, le seul but de la « seconde révolution verte », c’est « d’augmenter les profits de MONSANTO ». Dès lors que chaque paysan dépendra de cette firme pour chaque grain semé, pour chaque champ cultivé, non seulement l’entreprise empochera quantité de royalties, mais, plus puissante qu’une bombe, elle contrôlera les populations du monde.
Alors ne craignez rien, Monsanto veille au grain !
Marie-Monique Robin, Le monde selon Monsanto – De la dioxine aux OGM, une multinationale qui vous veut du bien, éditions La Découverte, 370 pages (parution : le 6 mars 2008).
Les victimes vietnamiennes de l’agent orange ont été déboutées, vendredi 22 février 2008, par la justice américaine. Lire ici la réaction du Courrier du Vietnam (25/02/08) via le site internet Contre Info .
Le CRIIGEN se réjouit de la confirmation des recherches de l’équipe du Pr. Séralini , publiées en septembre 2012 sur la toxicité à long terme du principal herbicide du monde, le Roundup, et d’un maïs OGM qui l’absorbe sans mourir, deux produits de la firme Monsanto. Cette étude a été une des plus consultées au monde depuis septembre 2012. Non seulement elle a été maintenue dans sa publication par une des meilleures revues de toxicologie au monde, malgré des pressions incessantes, mais aussi les réponses détaillées à toutes les critiques viennent d’être publiées par le même éditeur. De plus, l’équipe a de nouvelles données expérimentales qu’elle diffusera bientôt sur le Roundup.
Les critiques négatives émanaient d’une quarantaine de scientifiques ou regroupements (associations, agences de validation des produits…) dont les conflits d’intérêts ont été établis pour une grande majorité d’entre eux, que ce soit directement avec la société Monsanto, ou bien avec les personnes ayant favorisé les autorisations des produits de la firme en question, ou du même type de produits. La plupart de ces personnes ne sont pas de la spécialité, ou ne publient pas dans le domaine de la toxicologie des pesticides ou de l’évaluation des OGM.
Le CRIIGEN et l’équipe de recherche ont reçu le soutien et les critiques positives de plus de 300 scientifiques de 33 pays et 5 continents, qui représentent davantage à notre sens l’ensemble de la communauté scientifique.
Le CRIIGEN se réjouit aussi du fait que l’ANSES, et plusieurs pays dont la France, ont reconnu la nécessité de tests à long terme pour les OGM, et la sous-évaluation des pesticides. Un projet de résolution en ce sens va être soumis au Parlement français. Nous nous en félicitons. Par ailleurs, la Direction Générale de la Santé et des Consommateurs de la Commission Européenne a désavoué l’avis de l’EFSA sur l’absence de nécessité de tests à long terme.
Ainsi, notre étude a révélé les carences des évaluations ayant conduit aux autorisations des produits incriminés, ainsi que le laxisme des agences sanitaires, dont l’EFSA, qui ont commis des fautes professionnelles graves pouvant mettre en danger la vie d’autrui.
Par ailleurs, nous avons déposé fin 2012 des plaintes en diffamation contre les assertions de « fraude » et « données falsifiées » publiées respectivement dans Marianne et La Provence par Jean-Claude Jaillette et Claude Allègre. Nous rappelons que Claude Allègre fait partie de l’Association de Défense des Biotechnologies Végétales (AFBV) qui a déjà été condamnée avec son président M. Fellous pour diffamation à notre encontre en 2011. D’autres plaintes sont en cours pour propos diffamatoires ridicules et mensongers, alors que toutes les critiques scientifiques s’essoufflent.
Nous allons prendre en 2013 d’autres mesures judiciaires appropriées afin notamment de faire toute la transparence sur les données toxicologiques cachées et laxistes qui ont permis, via les agences sanitaires, d’obtenir les autorisations de commercialisation des produits que nous avons testés, entre autres. Pour donner l’exemple, nous déposons nos données brutes auprès d’un huissier de justice, très solennellement. Nous les rendrons publiques dès que les agences ou Monsanto auront fait de même pour les leurs, et que les gouvernements y auront consenti. Ceci permettra vraiment à l’ensemble de la communauté scientifique de disposer de toutes les données toxicologiques existantes sur ces produits industriels, afin que s’opère une véritable expertise contradictoire et transparente, et non plus une pseudo-expertise biaisée par des groupes de pressions plus soucieux de leurs intérêts que de la santé publique.
CRIIGEN
SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE
(Sophie CHAPELLE) bastamag.net
C’est un mouvement mondial : du Brésil à la Grèce, en passant
par le Périgord, des maisons et des banques coopératives de
semences se multiplient. L’objectif : libérer les agriculteurs des
droits de propriété imposés par l’industrie semencière, ne
dépendre ni des OGM ni des pesticides, et cultiver la
biodiversité. Plus de 300 paysans de quinze pays sont venus
témoigner en France de leurs expériences collectives en faveur
de la souveraineté alimentaire.
« Il faut nous organiser pour récupérer toutes les semences qui sont dans les banques de gènes et remettre ce trésor entre des mains sures, celles des paysans ». Au milieu d’une centaine de variétés de maïs, en plein cœur de la Dordogne, Bertrand Lassaigne raconte l’histoire de la première maison de semences paysannes en France. Installé depuis 20 ans près de Périgueux, Bertrand cultive principalement des céréales et des protéagineux – maïs, céréales à paille, soja, lentilles… Peu à peu, il développe son autonomie en semences et parvient en moins de dix ans à autoproduire la quasi-totalité de ses cultures, sauf en maïs où il continue chaque année d’acheter de la semence non reproductible qualifiée d’hybrides.
En 1999, une rumeur circule parmi les producteurs de maïs : des semences polluées par des OGM auraient été vendues. Bertrand Lassaigne, un des rares agriculteurs à produire du maïs bio, pressent la nécessité de trouver une alternative aux semences industrielles proposées par les semenciers. C’est le début d’un long chemin pour se réapproprier des savoirs-faire perdus. Pour éviter les OGM, il part chercher des semences au Guatemala. Et ramène onze variétés de maïs qu’il sème à son retour. Mais le résultat est décevant : les variétés collectées ne sont pas du tout adaptées au climat.
S’affranchir de l’industrie semencière
Le début du projet est laborieux. La difficulté de trouver de nouvelles variétés s’ajoute à un contexte réglementaire menaçant, qui ne permet ni la vente ni les échanges de semences [1]. Le travail de Bertrand se déroule dans une quasi-clandestinité ! Ce qui limite de facto la communication autour du projet. Mais le bouche-à-oreille fonctionne : plusieurs agriculteurs mettent à disposition « la variété de leurs aïeux ». Bertrand réalise lui-même les premiers croisements, donnant naissance à de nouvelles variétés. Au sein d’AgroBio Périgord, l’association de développement de l’agriculture biologique, Bertrand s’associe à d’autres agriculteurs et jardiniers pour créer la Maison des Semences Paysannes.
Onze ans plus tard, les résultats sont là. Leur maison de semences [2] compte plus d’une centaine de variétés de maïs adaptées aux conditions de l’agriculture biologique. Souvent plus riches en protéines, les variétés sélectionnées sont moins exigeantes en eau et plus résistantes aux maladies que les semences industrielles. Surtout, elles peuvent être replantées d’année en année, contrairement aux semences industrielles dont les droits de propriétés contraignent l’agriculteur à racheter ses semences l’année suivante.
Reportage en images sur la plateforme de maïs, près de Périgueux :
Une idée importée du Brésil
Pour Bertrand Lassaigne, cette plateforme d’expérimentation de variétés de maïs n’aurait pas connu un tel développement sans un voyage d’échange au Brésil en 2004. Il en ramène des techniques, mais aussi un concept, celui des « maisons de semences ». Au Brésil, le terme « maison » est à prendre au sens propre : les semences sont gardées chez l’un des membres du groupe. Pour Bertrand, la maison de semences est davantage un concept. Les variétés sont cultivées, sélectionnées et multipliées dans les champs des agriculteurs.
Comment tout cela marche ? L’agriculteur emprunte un lot de semences à la période des semis et s’engage à retourner à la maison de semences d’Agrobio Périgord un volume supérieur de semences après récolte, ainsi que des notations de suivi de culture. Un lieu de stockage de semences existe à proximité de la plateforme d’expérimentation. Mais pour Bertrand, ce qui fait la richesse de cette « maison », c’est le réseau d’agriculteurs qui la fait vivre : 300 agriculteurs du grand Ouest de la France.
Un kit de semences pour la biodiversité
« Le fondement de la biodiversité, c’est l’échange », confirme Ivan José Canci, un agriculteur brésilien venu tout spécialement en Dordogne pour les Rencontres Internationales des Maisons de Semences, qui se sont déroulées en septembre 2012[3]. Ivan José est impliqué dans un travail sur les variétés locales – un « Kit diversité » – dans l’État de Santa Catarina, au sud du Brésil. L’enjeu est de rendre autonomes les communautés rurales en production de semences. Le kit comprend dix variétés de riz, quatre de maïs, deux de pop corn, deux de pommes de terres, une de pastèque. Chaque famille est en charge de la production d’une variété « créole » [4] pour le reste de la communauté. Plus de 650 familles sont aujourd’hui impliquées. « Développer nos variétés créoles est une façon de lutter contre le modèle agrochimique », assure Ivan José.
A ses côtés, Maria Giselda, venue de l’État de Paraíba, à l’Est du Brésil. Aux yeux de cette agricultrice, les OGM constituent une réelle menace pour l’autonomie. C’est la raison pour laquelle elle est investie dans une des 230 banques communautaires de semences que compte l’État de Paraíba. « Chaque agriculteur est le gardien de sa propre banque et doit faire en sorte qu’elle ne soit pas contaminée par les OGM », explique-t-elle. Chacune de ces banques est autogérée par 10 à 20 familles. Les agriculteurs déposent un premier « capital » de semences, pour pouvoir lancer l’activité de la banque. Les familles qui en ont besoin en empruntent puis alimentent à leur tour la banque après la récolte. « C’est en créant ces banques communautaires de semences que le gouvernement Lula a fini par nous soutenir », confie Maria. Elle est convaincue que sans la pression de la société civile, les politiques publiques de soutien à l’agriculture paysanne n’auraient pas vu le jour au Brésil.
Gardiennes de semences en Inde
« Tant que la nourriture n’est pas produite au niveau communautaire, un pays ne peut pas être en situation de sécurité alimentaire ». C’est le constat dressé par Laxmi, une paysanne du village d’Humnapur sur le plateau du Deccan, au Sud de l’Inde. Propriétaire d’un hectare, elle a toujours conservé ses semences pour les cultures de l’année suivante. « J’ai constaté que les semences hybrides données par le gouvernement détruisaient la santé des sols et de l’environnement. Il y a dix ans, nous nous sommes réunies avec les femmes du village et nous avons décidé d’abandonner les hybrides sur nos parcelles et de récupérer les semences développées au fil des générations. » Ensemble, elles deviennent les gardiennes de semences qu’elles récoltent dans les champs et qu’elles conservent, prêtent, empruntent et échangent.
Aujourd’hui, plus de 5 000 femmes, issues de 75 villages de la région, gèrent 55 banques de semences communautaires avec le soutien de l’ONG Deccan Development Society. 85 variétés sont cultivées sur un millier d’hectares, sans recours aux pesticides chimiques. « Nous ne sommes plus victimes des créanciers, ni des grands agriculteurs auprès desquels il fallait quémander nos semences, se réjouit Laxmi. Désormais, ce sont nos connaissances qui nous nourrissent ». Ces gardiennes de « semences d’espoir » voient l’avenir avec confiance. Bien que le Deccan soit une région semi-aride exposée à de graves sécheresses, elles ont développé des semences adaptées à une grande variété de conditions climatiques. « Nous sommes heureuses de partager nos semences, mais si des entreprises de l’agrobusiness viennent revendiquer un droit de propriété, nous nous battrons contre elles », promet Laxmi.
Faire de l’Afrique une terre nourricière
C’est justement pour faire face à l’invasion des OGM et à des réglementations menaçant les semences paysannes que plusieurs associations et syndicats ont décidé de mettre en place le Comité Ouest-Africain des Semences Paysannes (COASP), en novembre 2011. Pour son coordinateur au Togo, Jacques Nametougli, il n’y a aucun doute, « les paysans sont en train de s’organiser pour assurer la souveraineté alimentaire en Afrique de l’Ouest comme ailleurs ». Jacques est originaire de Cinkassé, une ville frontière avec le Burkina Faso et le Sahel. Là-bas, la monoculture de coton et la rudesse du climat ont poussé les jeunes à l’exode rural. En 1999, Jacques décide de quitter son poste de responsable de formation dans un Centre de développement rural pour s’installer sur des terres en location. « C’était un terrain où rien ne poussait, mais je voulais montrer que nous pouvions en faire une terre nourricière », témoigne-t-il.
Les premiers résultats sont décourageants. Mais Jacques développe aujourd’hui du maraîchage et accueille des jeunes pour leur montrer qu’une agriculture vivrière peut permettre une vie décente en milieu rural. En une décennie, plus de 600 personnes se forment et s’installent dans le village de Cinkassé. Jacques ne veut pas en rester là. Il veut aussi agir contre les produits chimiques qui ruinent économiquement les agriculteurs. Il se rend dans plus de 50 villages pour les sensibiliser sur l’autonomie et impulse la création en 2010 de l’Union des Groupements Agro-Ecologistes pour le Maintien du Patrimoine Local (UGAMPL). Ses membres recherchent, collectent, conservent et valorisent les variétés locales de céréales. Peu à peu, la dynamique s’oriente aussi vers la production de semences maraîchères, comme le gombo ou l’oignon violet de Galmi. Après avoirs recensé plus de 150 variétés dans la région, Jacques projette la création d’une maison de semences dans laquelle les intrants chimiques seront bannis.
Un mouvement mondial
Ce fort mouvement de retour aux semences paysannes, Antonis Breskas le constate aussi en Grèce. Membre de l’association Peliti, il participe avec 220 autres « conservateurs de variétés » à la distribution gratuite de semences dans tout le pays. Malgré le manque de moyens financiers, Antonis s’emploie à répondre aux demandes qui se multiplient avec la crise économique. La solidarité, la réciprocité et les dons sont au cœur de la démarche de cette association, qui n’attend en retour aucune rétribution financière. Avec une collection riche de plus de 2 000 variétés, Antonis a entamé l’an dernier avec les autres paysans la construction d’une maison de semences, qui abritera également les bureaux de l’association.
Cette dynamique collective d’échange et de production de semences ou de plants s’étend à d’autres pays, comme l’Iran (lire notre entretien), l’Autriche, la Hongrie ou la Roumanie. Des délégations de quinze pays sont venues témoigner de leurs expériences à Périgueux en septembre, pour ne pas laisser la souveraineté alimentaire entre les mains des sociétés commerciales. « L’idée, c’est d’occuper le territoire, résume Bertrand Lassaigne, le paysan de Dordogne.Plus il y aura d’agriculteurs qui sèmeront leurs propres semences, plus il y aura de surfaces semées nécessitant peu d’eau et de produits phytosanitaires, plus les semences paysannes pourront sortir de la clandestinité ».
Reste la question de la diffusion des savoirs-faire, balayés par la « révolution verte ». 99 % des agriculteurs français ne sauraient plus produire leurs semences, selon l’association Agrobio Périgord. Sur sa plateforme d’expérimentation, Bertrand Lassaigne et son équipe assurent être prêts à aider les agriculteurs à cette réappropriation des savoirs et à la création de nouvelles maisons de semences paysannes. Trois autres maisons de semences sont en train d’être créées : en Bretagne, en Pays de Loire et en Rhône-Alpes.
Sophie CHAPELLE
Crédit photo : Bio d’Aquitaine
[1] Lire à ce sujet : Les semences et les plantes, propriété exclusive de l’agro-industrie ?
[2] Le programme « L’Aquitaine cultive la biodiversité ».
[3] Les Rencontres Internationales Maisons des Semences Paysannes se sont déroulées du 27 au 29 septembre 2012 à Boulazac (Dordogne) à l’initiative du Réseau Semences Paysannes, de Bio d’Aquitaine et de l’association BEDE.
[4] Après de longues années de luttes et de mobilisation pour la reconnaissance des semences paysannes, la loi n°10.711 parue en 2003 au Brésil reconnaît l’existence des « variétés créoles », comme étant « des variétés développées, adaptées ou produites par des agriculteurs familiaux », et « qui ne sont pas substantiellement identiques aux variétés commerciales ».
Les risques des pesticides pour la santé sont sous-évalués. C’est le constat opéré par la mission commune d’information sur les pesticides du Sénat. A la clé, une centaine de recommandations.
La Mission Commune d’Information sur les Pesticides et leur impact sur la santé, présidée par Sophie Primas (UMP – Yvelines) et dont le rapporteur est Nicole Bonnefoy (Soc. – Charente), a rendu public aujourd’hui son rapport sur les pesticides et la santé. La mission, constituée de 27 sénateurs représentant tous les groupes politiques, a procédé à 95 auditions et entendu 205 personnes. « Nous avons fait fi des a priori« , estime Sophie Primas pour aboutir à un « rapport équilibré« . Une étude votée à l’unanimité, qui propose une centaine de recommandations qui vont d’un contrôle de validité des autorisations de mise sur le marché à une modification des pratiques agricoles, en passant par une meilleure prévention des risques d’exposition professionnelle.
Une certaine « omerta » dans le secteur agricole
Que dit ce rapport ?
Il fait le constat d’une situation peu satisfaisante. Premièrement, les dangers et les risques des pesticides pour la santé sont sous-évalués. Sophie Primas parle d’une certaine « omerta » ou, tout du moins, d’une non-prise de conscience qui régnait dans le monde agricole mais qui est en train de se lever. Nicole Bonnefoy se dit d’ailleurs frappée par le contraste entre les précautions prises par les industriels qui fabriquent ces substances et la réalité des pratiques agricoles.
Conçues après la Seconde Guerre Mondiale dans une logique productiviste, « les pratiques industrielles, agricoles et commerciales actuelles n’intègrent pas suffisamment la préoccupation de l’innocuité pour la santé du recours aux pesticides« , analyse la sénatrice socialiste.
Contrôler la validité des AMM au bout de cinq ans
« Le suivi des produits après leur mise sur le marché n’est qu’imparfaitement assuré au regard de leurs impacts sanitaires réels et les effets des perturbateurs endocriniens sont mal pris en compte« , ajoute Nicole Bonnefoy. D’où la proposition de contrôler la validité des autorisations de mises sur le marché (AMM) au bout de cinq ans, à partir d’un rapport d’étape réalisé par un laboratoire choisi par l’ANSES et financé par le fabricant.
Le sénateur Henri Tandonnet (UDI – Lot-et-Garonne) a pointé, quant à lui, les disparités dans les législations UE et hors UE, mais aussi au sein même de l’Europe, qui sont à la source de fraudes. Résultats : « il n’y a pas de garantie pour le consommateur sur les produits traités par des pesticides« , dénonce-t-il.
En bref, des produits agricoles sont commercialisés en France alors qu’ils ont été traités dans d’autres pays avec des pesticides interdits dans l’Hexagone. D’où la nécessité d’harmoniser les procédures d’AMM entre Etats européens et de renforcer la coopération transfrontalière contre la fraude.
La mission préconise également de rendre publiques les études sur la santé, notamment celles précédant une AMM. « Seuls des tests sur les effets à long terme sur la santé de l’ensemble des substances contenues dans un produit et sur les effets synergiques, ou cocktails, peuvent assurer une évaluation complète« , précise Nicole Bonnefoy.
Améliorer la protection contres les pesticides
La mission a également constaté que les protections contre les pesticides n’étaient pas à la hauteur des risques. D’où plusieurs recommandations portant sur les équipements de protection individuelle (EPI), comme la conception conjointe du pesticide et de l’EPI correspondant.
Le rapport propose également de formuler les produits sous forme liquide plutôt qu’en poudre, d’améliorer leur conditionnement et d’instaurer la tenue d’un registre des expositions professionnelles tant dans les usines de fabrication que dans les exploitations agricoles. Gérard Le Cam (CRC – Côtes d’Armor) pointe, quant à lui, les problèmes de santé que peuvent rencontrer les salariés des sites de stockage de grains.
Plusieurs recommandations du rapport visent d’ailleurs à améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles. Une revendication qui est d’ailleurs à l’origine de la création de la mission d’information, sensibilisée par le combat de Paul François, agriculteur charentais victime d’un herbicide.
Réorienter l’agriculture, renforcer la formation et la recherche
Dernier constat, celui de la nécessité de renforcer le plan Ecophyto.
Alors qu’il vise à réduire de 50% la quantité de pesticides utilisés en France à l’horizon 2018, l’utilisation de pesticides a augmenté de 2,5% en 2011. Pour remédier à cela, la sénatrice Bernadette Bourzai (Soc. – Corrèze) préconise d’accélérer la mise en place des outils existants mais aussi, plus novateur, de cibler les régions et les secteurs de production les plus consommateurs, c’est-à-dire les vignes, l’arboriculture et les cultures maraîchères.
Parmi les recommandations, on peut noter les suivantes : ne traiter que les zones infectées des cultures, mettre fin aux dérogations à l’interdiction d’épandage aérien des pesticides, mais aussi… une disposition relative aux cahiers des charges de l’agro-alimentaire qui prévoirait que « toute clause relative à la liste et aux quantités des pesticides à utiliser [serait] réputée non écrite« .
Chantier de plus long terme, il s’agit plus fondamentalement de réorienter l’agriculture : respect des principes de base de l’agronomie, diversification des cultures, maintien de la qualité des sols, agroforesterie, rotations des cultures, cultures bio, recours aux préparations naturelles peu préoccupantes(PNPP)…
Sophie Primas a également souligné « la nécessité de renforcer la formation et la recherche« . Formation initiale au sein de tous les établissements d’enseignement agricole mais aussi formation continue, à travers un financement pérenne de la formation Certiphyto et le développement des travaux pratiques au sein de celle-ci. L’effort doit aussi porter sur la formation d’agronomes, entomologistes et toxicologues afin de « mieux évaluer les risques, d’orienter les travaux vers la recherche de produits de substitution (bio contrôle par ex.), les méthodes alternatives, et (…) de mener des travaux en matière de sélection variétale en collaboration avec le privé« .
La hiérarchisation des actions en question
Face à la centaine de propositions formulées par la mission, la question de la hiérarchisation des actions et de leur mise en œuvre se pose légitimement. « Le rapport fera l’objet d’un débat en séance plénière en janvier 2013« , souligne Nicole Bonnefoy. Mais les sénateurs souhaitent également faire avancer ces propositions à travers leur travail parlementaire : amendements, propositions de lois, questions écrites ou orales…
Et de citer parmi les actions pouvant être mises en œuvre à court terme : faire sauter le plafond d’emploi appliqué à l’ANSES de manière à ce qu’elle puisse recruter les experts nécessaires, mutualiser les données épidémiologiques actuellement éclatées entre différents acteurs (MSA, InVS, centres anti-poisons, registres du cancer, etc.), ou encore, pour les collectivités locales, ne plus utiliser de pesticides dans les espaces publics comme le préconise Joël Labbé (EELV – Côtes d’Armor).
Henri Tadonnet a également évoqué l’instauration d’une action collective dans le domaine de la santé comme le prévoit le projet de loi « consommation » qui doit être discuté au printemps 2013. Cette procédure serait adaptée aux victimes des produits phytosanitaires, estime le sénateur, compte tenu de la complexité des produits et du coût des expertises nécessaires. Enfin, la notion de « préjudice d’angoisse » en cas de risque de contamination lié à l’exposition professionnelle à des pesticides pourrait également être inscrit dans la loi.
Laurent RADISSON
actu-environnement.com
Le Sud-Ouest est particulièrement concerné par cette pratique qui est symptomatique de l’industrialisation de l’agriculture. Ces dérogations sont parfaitement inacceptables, car les épandages ont un effet très négatif: ils ne se limitent pas à la parcelle traitée, alerte l’eurodéputé écologiste José Bové.
La méthode a notamment été autorisée par les préfets de Haute-Garonne, du Tarn-et-Garonne et du Gers. Les pesticides ou fongicides sont diffusés sous forme liquide ou en micro-granulés par des hélicoptères qui volent en rase-motte au-dessus des champs, essentiellement de maïs.
Le syndicat agricole FNSEA soutient que cette technique n’est utilisée qu’en dernier ressort et que des précautions sont prises pour éviter toute pollution. Les agriculteurs ne le font pas de gaîté de coeur, assure le président de la chambre d’agriculture de Haute-Garonne, Yvon Parayre, car la méthode est très coûteuse, mais il s’agit de prévenir des pertes qui peuvent aller jusqu’à 30% de la récolte.
Ces arguments font bondir les apiculteurs, eux-mêmes confrontés à des pertes importantes, le taux de mortalité des abeilles étant en forte augmentation en France. De 3 à 5% en 1985, il est passé à 35/40% aujourd’hui, et en Midi-Pyrénées, la mortalité moyenne est de 60%, s’inquiète Olivier Fernandez, président des apiculteurs de Midi-Pyrénées.
Coup de Napalm sur la biodiversité
Le chef de file des apiculteurs, à l’origine de la fronde, dénonce en outre un non respect des procédures: le refus de prévenir dans le délai légal, le défaut de balisage avant le traitement, et la pulvérisation mercredi d’un champ de maïs en pleine floraison, normalement interdite, une infraction constatée par les services préfectoraux et pour laquelle une plainte a été déposée.
C’est un coup de Napalm sur la biodiversité, lance le vice-président EELV du conseil régional de Midi-Pyrénées, Gérard Onesta.
Le problème concerne toute la France, c’est effrayant, poursuit-il, ajoutant: La puissance publique donne une dérogation générale et systématique. C’est un scandale sanitaire majeur. Quand on épand, tout le monde en prend: les promeneurs, les enfants qui jouent dans le jardin, les animaux, les cours d’eau, les élevages. Et ce sont des produits de grande toxicité.
Le député PS Gérard Bapt, président du groupe Santé Environnementale de l’Assemblée Nationale, s’étonne aussi de la multiplication des dérogations dans l’ensemble du pays et met en avant une absence de suivi: Qui va aller vérifier sur le terrain si le vent permet l’épandage, si les environs ne sont pas affectés, interroge-t-il.
Pour M. Bapt, qui réclame depuis des mois la suspension de la circulaire prévoyant les dérogations, il y a un danger pour la santé humaine. La DRAAF vit sur de vieux schémas d’agriculture intensive, avec une mésestimation du risque.
La pyrale, parasite qui s’attaque aux pieds de maïs, peut apparaître sur des parcelles en monoculture. Aussi M. Bapt, comme les écologistes, préconise que les agriculteurs varient les cultures sur le même sol.
Au Ministère de l’Agriculture, on rappelle que la règle c’est l’interdiction, les cas particuliers c’est la dérogation, avant de concéder que pour l’année prochaine, il serait souhaitable de revoir les critères qui sont à la disposition des préfets pour accorder ou non les dérogations.
(©AFP / 19 juillet 2012 13h56)