LES GRANDS TRAVAUX DE FUKUSHIMA

LES GRANDS TRAVAUX

DE FUKUSHIMA

LES GRANDS TRAVAUX DE FUKUSHIMA dans REFLEXIONS PERSONNELLES FUKUSHIMA-2

Pas de répit pour les travailleurs de Fukushima. Il faut d’une part surveiller et refroidir constamment l’ex-centrale pour éviter de nouvelles explosions ou incendies et d’autre part lancer en urgence de grands travaux qui permettront de ralentir la progression de la contamination radioactive dans l’environnement. Désormais, l’avenir du Japon et du Pacifique, et sans doute de l’hémisphère nord en général, dépend non seulement de la réalisation de ces travaux gigantesques, mais aussi de leur efficacité pérenne.

Travaux pour éviter une

contamination de l’air

 Les ex-réacteurs, dont il est attesté que deux d’entre eux ont perdu l’intégrité de leur confinement primaire (unité 2 au niveau de la piscine torique et unité 3 au niveau du couvercle de l’enceinte), doivent être couverts par des structures étanches qui empêchent les poussières et les gaz radioactifs de continuer à polluer l’atmosphère. Pour bien faire, il faudrait aussi installer un système de dépressurisation qui empêcherait toute fuite gazeuse vers l’extérieur, couplé à un filtrage conséquent de l’air pour piéger les gaz et aérosols nocifs.

Evidemment, une simple bâche posée sur un ex-réacteur ne peut pas supprimer toute pollution atmosphérique. Aujourd’hui, pour l’unité 1 uniquement, cette couverture sert plutôt à stopper l’arrivée d’eau extérieure dans le bâtiment, mais aussi et surtout à cacher le réacteur de Fukushima Daiichi qui est la honte de l’industrie atomique. La diffusion de la vidéo de son explosion le 12 mars 2011 a été historique : c’est la première fois qu’on voyait une centrale nucléaire exploser à la télévision. 25 ans de travail acharné de désinformation et de formatage des cerveaux anéantis en quelques secondes ! En terme d’image, la diffusion de l’explosion de l’unité 3 a été pire encore car, beaucoup plus puissante, elle a terni et confirmé à jamais l’image du nucléaire sans danger. C’est pourquoi la vidéo de l’explosion de l’unité 4 a été interdite de diffusion, verrouillée, censurée.

La couverture du bâtiment réacteur n°1 a été terminée à l’automne 2011. Il reste à couvrir les unités 2, 3 et 4. Mais avant cela, d’autres grands travaux restent à réaliser de toute urgence.

FUKUSHIMA FUKUSHIMA dans REFLEXIONS PERSONNELLES

 

Travaux pour éviter

une contamination

de la nappe

phréatique

 Par le choix du refroidissement à l’eau de réacteurs percés, les sous-sols de l’ancienne centrale sont devenus un tonneau des Danaïdes : les hommes sont désormais condamnés à pomper et traiter de l’eau radioactive durant des décennies. Et pour juguler une infiltration trop massive de l’eau extérieure, Tepco a prévu de forer 14 puits de pompage en amont de la centrale, afin de faire baisser le niveau de la nappe phréatique.

Coupe des travaux de drainage (Source image Gen4 et Tepco)

L’ancienne centrale électrique dévolue à Tokyo est désormais appelée à devenir une usine de retraitement des eaux usées éternelles de l’industrie nucléaire. Cette usine qui emploiera des milliers de travailleurs durant une durée indéterminée (au minimum 40 ans) devra :

1) pomper l’eau de la nappe phréatique en amont pour éviter un mélange avec la nappe déjà polluée, vérifier sa non contamination et la rejeter en mer, ou le cas échéant la diriger vers le circuit de retraitement,

2) pomper l’eau des sous-sols de la centrale, la traiter et la filtrer avant de la réinjecter dans les circuits de refroidissement des ex-réacteurs et des 7 piscines de désactivation,

3) pomper, traiter et filtrer les eaux de drainage de l’ensemble du site afin qu’aucune goutte d’eau radioactive n’atteigne l’océan,

4) conditionner et stocker de manière pérenne les résidus de filtrage radioactifs.

Avec le brassage de ces millions de tonnes d’eau contaminée, le terme de « liquidateur », donné à l’origine aux gens qui se sont sacrifiés pour contenir la catastrophe de Tchernobyl, prend ici un tout autre sens !

Pour l’instant, l’usine est provisoire, construite dans l’urgence de la catastrophe. Il faudra pour le long terme concevoir une usine en dur, protégée du gel et des intempéries, et de capacité suffisante pour traiter l’eau de tous les systèmes. Il faudra également lui adjoindre des systèmes de secours indépendants qui permettront, quoi qu’il arrive, de faire face à tout évènement imprévu pouvant remettre en cause le refroidissement des 2400 tonnes de combustible qui sont sur le site.

Travaux pour éviter une

contamination de

l’océan Pacifique

En septembre 2011, Tepco avait annoncé la construction d’un barrage, comme décrit dans cet article. Il est censé retenir l’eau de la nappe phréatique contaminée afin qu’elle n’atteigne pas l’océan. C’est un pari risqué car ce barrage est ouvert et des fuites pourront être possibles au sud et au nord de la structure. D’autres voix avaient proposé une enceinte complète, entourant totalement le site nucléaire, afin d’être sûr de capter toutes les eaux souterraines. C’est sans doute ce à quoi seront conduits les ingénieurs s’ils constatent que la pollution perdure dans l’océan. A l’image du premier sarcophage de Tchernobyl, il faut voir la construction de ce barrage comme une première étape dans la prise en charge de cette pollution qui concerne le monde entier puisque les eaux du Pacifique sont internationales.

Tepco a réalisé de nouvelles images de synthèse pour visualiser ce barrage.

Travaux pour éviter un nouvel

incendie de la

piscine 4

Le 15 mars 2011, après plusieurs explosions, l’unité 4 a subi un incendie : les explosions successives ont probablement fait perdre beaucoup d’eau au réservoir de désactivation. De plus, sans refroidissement, l’eau s’est évaporée petit à petit jusqu’à laisser à l’air le haut des barres de combustible. C’est là que l’incendie a pu se déclarer : en l’absence de refroidissement, les barres s’échauffent rapidement et se consument, répandant leurs produits de fission directement dans l’atmosphère. L’incendie s’est arrêté vers midi. Mais un autre incendie a été signalé le lendemain durant quelques heures.

Pour que cela ne puisse plus se produire, par exemple à cause d’un nouveau séisme, Tepco a décidé de mettre à l’abri le combustible de la piscine 4 vers un conditionnement sécurisé au sol. Pour ce faire, il est nécessaire de construire une superstructure qui supportera une grue capable de transférer en toute sécurité les 1535 assemblages.

Autres travaux à prévoir et coûts

pharamineux

Comme pour le barrage, il s’agit de travaux qu’il faut réaliser en priorité. Toutefois il est évident que le combustible des unités 1 et 3 devra être également transféré, car rien ne dit que leurs piscines tiendront des décennies. Mais entretemps, il faudra résoudre le problème de la place disponible dans la piscine commune de Fukushima Daiichi car celle-ci contient déjà plus de 1000 tonnes de combustible. Faudra-t-il en construire une supplémentaire ?

Il faut donc relativiser toutes ces stratégies qui pourraient presque nous faire croire que l’industrie nucléaire maîtrise parfaitement une catastrophe. Aujourd’hui le Japon est largement contaminé, le mal est déjà fait, et il y aura toujours des fuites, la centrale restera toujours une menace.

Enfin, combien cela va-t-il coûter ?

Est-ce que le prix des conséquences des catastrophes nucléaires sera maintenant compris dans le coût du kW ?

Et qui va payer au final ?

On a déjà des éléments de réponse avec la catastrophe de Tchernobyl (1986) : la construction du deuxième sarcophage vient de démarrer. Coût total prévu pour un seul réacteur : 1,54 milliard d’euros.

 
Publié dans:REFLEXIONS PERSONNELLES |on 8 mai, 2012 |Pas de commentaires »

TCHERNOBYL: CONSEQUENCES POUR L’HOMME ET LA NATURE (YABLOKOV, NESTERENKO)

TCHERNOBYL

TCHERNOBYL: CONSEQUENCES POUR L'HOMME ET LA NATURE (YABLOKOV, NESTERENKO) dans REFLEXIONS PERSONNELLES 23Pripiat_abandonne

 A.V.Yablokov

V.B.Nesterenko

A.V.Nesterenko

  CONSEQUENCES DE LA CATASTROPHE

POUR L’HOMME ET LA NATURE

Saint-Pétersbourg

« NAOUKA »

2007

 DIGEST

 Choix des textes et traduction de Wladimir Tchertkoff

Collaboration de Lisa Mouravieff

 La présentation des démonstrations scientifiques, qui étayent les textes choisis, est exclue de ce digest.

Elle nécessiterait la traduction intégrale du livre de 376 pages en russe, qui contient

149 tableaux, 68 figures, et 826 titres de publications.

Alexei V. Yablokov, Vassili B. Nesterenko, Alexei V. Nesterenko

TCHERNOBYL:

CONSÉQUENCES DE LA CATASTROPHE

POUR L’HOMME ET LA NATURE.

Préface de Dimitro M. Grodzinsky

 PRÉSENTATION

Cet ouvrage est le plus complet panorama critique des publications médicales et biologiques consacrées aux conséquences de la catastrophe de Tchernobyl pour les habitants et pour la nature dans les territoires contaminés par les retombées radioactives (principalement au Bélarus, en Ukraine et en Russie).

Première partie (auteurs A. V. Yablokov et V. B. Nesterenko) : contamination des territoires.

Deuxième partie (auteur A. V. Yablokov) : données sur la morbidité générale et sur la mortalité, et sur les maladies des différents organes et systèmes vitaux dans les territoires contaminés par la radioactivité.

Troisième partie (auteurs A. V. Yablokov et A.V. Nesrerenko) : conséquences pour la nature.

Quatrième partie (auteurs V. B. Nesrerenko et A.V. Nesrerenko) : méthodes pour la minimisation des conséquences de la catastrophe.

Le livre examine les approches méthodologiques pour la détermination des effets de la contamination de Tchernobyl. L’opinion, selon laquelle les conséquences de la Catastrophe sont insignifiantes, ne correspond pas à la réalité des faits qui montrent – par le nombre des victimes (centaines de milliers) et par la durée des conséquences (centaines d’années), – que la catastrophe de Tchernobyl est la plus grande catastrophe technologique de l’histoire.

149 tableaux 68 figures 826 titres de publications dans les 376 pages de la version russe.

LES AUTEURS (en quatrième de couverture).

Professeur Alexei V. Yablokov – docteur ès sciences biologiques, conseiller et membre correspondant de l’Académie des sciences de Russie (depuis 1984), membre honoraire étranger de l’Académie des sciences d’Amérique de Boston (depuis 1996), vice-président du Comité d’écologie du Soviet Suprême de l’URSS (1989 – 1991), conseiller pour l’écologie et la santé publique du Président de la Fédération de Russie (1991 – 1993), président de la commission gouvernementale pour l’immersion des déchets radioactifs dans les mers (1992 – 1993), président de la Commission interministérielle de sûreté écologique du Conseil de Sécurité de la Fédération de Russie (1993 – 1997), président du Programme de Sûreté Nucléaire et Radiologique du Centre de Politique Environnementale de Russie et de l’Union Internationale Sociale  Écologique (depuis 1997). Membre du Comité Européen sur le Risque de l’Irradiation (depuis 2000). Président de la fraction « RUSSIE VERTE » du parti politique russe « YABLOKO » (depuis 2006). Auteur de nombreuses monographies et bulletins sur l’écologie, la théorie évolutionniste, la protection de l’environnement, la sécurité radiologique et la politique écologique.

Professeur Vassili B. Nesrerenko – docteur ès sciences techniques, membre correspondant de l’Académie nationale des sciences du Bélarus, Directeur de l’Institut indépendant de protection radiologique « Belrad » , créé en 1989 avec l’appui de A. Adamovitch, A. Sakharov et A. Karpov. Directeur général  de l’Institut de l’énergie nucléaire de l’Académie des sciences du Bélarus et Constructeur général de la centrale mobile d’énergie atomique « Pamir » (1971 – 1987). V. Nesterenko fut le premier scientifique à avoir mesuré (par spectromètre en survol d’hélicoptère, quelques heures après la catastrophe) la puissance de dose sur le toit du bloc n.4 de la centrale de Tchernobyl explosé. Auteur de plus de 350 monographies sur l’énergie nucléaire et sur la radioprotection. Ambassadeur de la paix de l’ONU, lauréat du Prix de la Paix.

Docteur Alexei Nesterenko – Coordinateur de projets internationaux pour le développement soutenable au Bélarus et en Lituanie. Auteur de plus 30 monographies sur l’écologie et la sécurité radiologique. Chef scientifique de l’Institut de protection radiologique « Belrad » (Minsk).

LES RELECTEURS SCIENTIFIQUES : E.B Bourlakova – docteur ès sciences biologiques, professeur, présidente du Conseil scientifique de radiobiologie de l’Académie des sciences de Russie (Moscou) ; D.M. Grodzinsky - docteur ès sciences biologiques, professeur, membre actif de l’Académie des sciences d’Ukraine, membre de la commission nationale de la protection radiologique de la population d’Ukraine (Kiev)

S O M MA I R E

Cruel jeu de cache-cache (D.M.Grodzinsky)…………………………………………………………………….7

Avant-propos des auteurs……………………………………………………………………..10

Introduction : dure vérité sur la catastrophe de Tchernobyl…………………………………12

PREMIÈRE PARTIE. LA CONTAMINATION DES TERRITOIRES…………………14

Chapitre 1. CONTAMINATION RADIOACTIVE…………………………………………………15

1.1. Particularités géographiques de la contamination…………………………………………….15

1.1.1. Europe…………………………………………………………………………………..15

1.1.1.1. Bélarus………………………………………………………………………………15

1.1.1.2. Ukraine……………………………………………………………………….15

1.1.1.3. Partie européenne de Russie…………………………………………………………………….15

1.1.2. Asie………………………………………………………………………………16

1.1.3. Amérique du nord…………………………………………………………………16

1.1.4. Arctique…………………………………………………………………………..16

1.1.5.Hémisphère sud…………………………………………………………………………………………..16

1.2. Particularités écologiques de la contamination…………………………………….16

1.2.1. Contamination en taches de léopard………………………………………………..17

1.2.2. Le problème des « particules chaudes »…………………………………………….17

1.3. Modification de la composition des radionucléides pourvoyeurs de doses…………17      

1.3.1. Modification de la composition des radionucléides dans le temps……………………17

1.3.2. Problème de l’américium-241.……………………………………………………..18

1.4. Combien de personnes ont été touchées par la contamination de Tchernobyl ?…….18

Chapitre 2. CONTAMINATION PAR LE PLOMB DE LA CATASTROPHE

DE TCHERNOBYL…………………………………………………………………………………..20

Conclusion………………………………………………………………………………………………20

DEUXIÈME PARTIE. LA SANTÉ DE LA POPULATION………………………………21

Chapitre 3. PROBLÈMES MÉTHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE DES

CONSÉQUENCES DE LA CATASTROPHE POUR LA SANTÉ……………………………..22

3.1. Difficultés pour obtenir des données objectives sur les effets de la Catastrophe…..22

3.2. De l’utilisation des « protocoles scientifiques »..…………………………………..24

3.3. Comment reconnaître l’influence de la Catastrophe sur la santé de la population..24

Chapitre 4. MORBIDITÉ GÉNÉRALE ET INVALIDITÉ…………………………………….25

4.1. Bélarus………………………………………………………………………………25

4.2. Ukraine……………………………………………………………………………..25

4.3. Russie……………………………………………………………………………….26

4.4. Autres pays ………………………………………………………………………………26

Chapitre 5. VIEILLISSEMENT RADIOLOGIQUE……………………………………………27

Chapitre 6. MORBIDITÉ NON CANCÉREUSE………………………………………………28

6.1 Maladies des systèmes circulatoire et lymphatique…………………………………28

6.1.1. Maladies du sang et des organes hématopoïétiques (p.70)…………………………………….28

6.1.1.1. Bélarus [1. – 14.]………………………………………………………………28

6.1.1.2. Ukraine [1. – 8]……………………………………………………………….28

6.1.1.3. Russie [1. – 11.] ………………………………………………………………28

6.1.2. Maladies des organes du système circulatoire (p.75)………………………………..28

6.1.2.1. Bélarus [1. – 10]………………………………………………………………28

6.1.2.2. Ukraine [1. – 5.]………………………………………………………………28

6.1.2.3. Russie [1. – 14.]……………………………………………………………….28

6.1.2.4. Autres pays……………………………………………………………………28

6.2 Altérations génétiques (p.81)…………………………………………………………28

6.2.1. Altérations de la fréquence des mutations…………………………………………..28

6.2.1.1. Mutations chromosomiques……………………………………………………28

6.2.1.1.1. Bélarus [1. – 5.]……………………………………………………………28

6.2.1.1.2. Ukraine [1. – 13.]………………………………………………………….29

6.2.1.1.3. Russie [1. – 20.]……………………………………………………………29

6.2.1.1.4. Autres pays – Yougoslavie, Autriche, Allemagne, Norvège………………….29

6.2.1.2. Mutations génomiques…………………………………………………………29

6.2.1.2.1. Trisomie-21 (mongolisme) – Bélarus, Allemagne, Suède, Grande Bretagne………29

6.2.1.2.2. Trisomie-13 (syndrome Patau) et autres mutations génomiques………………..29

6.2.2. Polymorphisme génétique des protéines……………………………………………29

6.2.3. Altérations dans l’ADN satellitaire…………………………………………………29

6.2.4. Malformations congénitales induites génétiquement………………………………..29

6.2.5. Enfants de parents irradiés [1. – 13.]……………………………………………………………….29

6.2.6. Les aberrations chromosomiques sont des indicateurs de l’état de santé [1. – 12.]……29

6.2.7. Conclusion (p.100-101)……………………………………………………………29

6.3. Maladies des organes du système endocrinien……………………………………..29

6.3.1 Revue des matériaux concernant les maladies du système endocrinien……………….30

6.3.1.1. Bélarus [1. – 16.]………………………………………………………………30

6.3.1.2. Ukraine [1. – 09.]……………………………………………………………..30

6.3.1.3. Russie [1. – 13.]……………………………………………………………….30

6.3.2. Altérations du fonctionnement de la glande thyroïdienne…………………………….31

6.3.2.1. Bélarus [1. – 15]……………………………………………………………….31

6.3.2.2. Ukraine [1. – 12]………………………………………………………………31

6.3.2.3. Russie [1. – 6]…………………………………………………………………31

6.3.2.4. Autres pays – Pologne…………………………………………………………31

6.3.3. Conclusion………………………………………………………………………..31

6.4. Altérations de l’immunité et du système lymphoïde…………………………………31

6.4.1. Bélarus [1. – 22.]………………………………………………………………….31

6.4.2. Ukraine [1. – 10.]……………………………………………………………….31

6.4.3. Russie [1. – 13.]…………………………………………………………………31

6.5. Maladies des organes respiratoires…………………………………………………32

6.5.1. Bélarus [1. – 8.]……………………………………………………………………32

6.5.2. Ukraine [1. – 9.]…………………………………………………………………..32

6.5.3. Russie [1. – 8.]……………………………………………………………………32

6.6. Maladies des organes du système uro-génital et atteintes à la reproduction………33

6.6.1 Bélarus [1. – 12.]…………………………………………………………………..33

6.6.2. Ukraine [1. – 18.]…………………………………………………………………33

6.6.3. Russie [1. – 10.]…………………………………………………………………..33

6.6.4. Autres pays – Arménie, Tchéquie…………………………………………………..33

6.7. Maladies du système osseux et musculaire…………………………………………33

6.7.1. Bélarus [1. – 3.]……………………………………………………………………33

6.7.2. Ukraine [1. – 7.]…………………………………………………………………..33

6.7.3. Russie [1. – 12.]…………………………………………………………………..33

6.8. Maladies des organes du système nerveux et des organes des sens………………..33

6.8.1. Maladies des organes du système nerveux………………………………………….33

6.8.1.1. Bélarus [1. – 7.]……………………………………………………………….33

6.8.1.2. Ukraine [1. – 13.]……………………………………………………………..33

6.8.1.3. Russie [1. – 25.]…………………………………………………………………………………….33

6.8.2. Maladies des organes des sens……………………………………………………..34

6.8.2.1. Bélarus [1. -11.]……………………………………………………………….34

6.8.2.2. Ukraine [1. – 6.]……………………………………………………………………..34

6.8.2.3. Russie [1. – 3.]………………………………………………………………..34

6.8.2.4. Autres pays – Norvège…………………………………………………………34

6.9. Maladies du système digestif et des organes internes………………………………34

6.9.1. Bélarus [1. – 12.]………………………………………………………………….34

6.9.2. Ukraine [1. – 15.]…………………………………………………………………34

6.9.3. Russie [1. – 17.]…………………………………………………………………..34

6.10. Maladies de la peau……………………………………………………………….34

6.10.1. Bélarus [1. – 5.]………………………………………………………………….35

6.10.2. Ukraine [1.]………………………………………………………………………35

6.10.3. Russie [1. – 7.]…………………………………………………………………………………………35

6.11. Infections et invasions……………………………………………………………..35

6.11.1. Bélarus [1. – 16.]…………………………………………………………………35

6.11.2. Ukraine [1. – 2.]…………………………………………………………………35

6.11.3. Russie [1. – 11.]…………………………………………………………………35

6.12. Malformations congénitales……………………………………………………….35

6.12.1. Bélarus [1. – 15.]…………………………………………………………………35

6.12.2. Ukraine [1. -  12.]………………………………………………………………..35

6.12.3. Russie [1. – 7.]…………………………………………………………………..35

6.12.4. Autres pays – Moldavie, Géorgie………………………………………………….35

6.13. Autres maladies……………………………………………………………………35

Chapitre 7. AFFECTIONS CANCÉREUSES (pp. 178 – 207)…………………………………..35

7.1. Augmentation de la morbidité cancéreuse générale………………………………..36

7.1.1. Bélarus [1. – 8.]…………………………………………………………………..36

7.1.2 Ukraine [1. – 5.]……………………………………………………………………36

7.1.3. Russie [1. – 5.]……………………………………………………………………36

7.2.  Cancer de la thyroïde………………………………………………………………36

7.2.1. Nombre de malades……………………………………………………………….37

7.2.1.1. Bélarus [1. –9.]………………………………………………………………..37

7.2.1.2 Ukraine [1. – 7.]……………………………………………………………….37

7.2.1.2. Russie [1. – 8.]………………………………………………………………..37

7.2.1.4. Autres pays [1. – 4]……………………………………………………………37

7.2.2. Combien et quand peut-on attendre de nouveaux cas de cancers de la thyroïde ?……….37

(pp. 193-196)

7.3. Cancer du sang – leucémie…………………………………………………………37

7.3.1. Bélarus [1. – 8.]

7.3.2. Ukraine [1. – 8.]

7.3.3. Russie [1. – 6.]

7.4. Autres cancers

7.4.1. Bélarus [1. – 11.]

7.4.2. Ukraine [1. – 6.]

7.4.3. Russie [1. –  7.]

Chapitre 8. MORTALITÉ……………………………………………………………………..37

8.1. Augmentation de la mortalité prénatale…………………………………………….38

8.1.1. Bélarus [1. – 2.]

8.1.2. Ukraine [1. – 4.]

8.1.3. Russie [1. – 4.]

8.1.4. Autres pays………………………………………………………………………..38

8.2. Augmentation de la mortalité périnatale, néonatale………………………………..38

et enfantine en général.

8.2.1. Mortalité périnatale

8.2.1.1. Bélarus [1.]

8.2.1.2. Ukraine [1. – 2.]

8.2.1.3. Autres pays – Allemagne, Pologne.

8.2.2. Mortalité néonatale

8.2.2.1. Ukraine

8.2.2.2. Russie

8.2.2.3. Autres pays – Pologne. Angleterre, Galles………………………………………38

8.2.3. Mortalité enfantine générale (0-14 ans)…………………………………………….39

8.2.3.1. Bélarus [1.]

8.2.3.2. Ukraine [1. – 3.]

8.2.3.3. Russie [1.]

8.3. Mortalité des liquidateurs [1. – 14.]

8.4. Augmentation de la mortalité générale……………………………………………..39

8.4.1. Bélarus [1. – 4.]

8.4.2. Ukraine [1. – 3.]

8.4.3. Russie [1. – 3.]

8.5. Calculs de la mortalité générale selon la grandeur du risque cancérigène………..39

8.6. Calculs de la mortalité générale par comparaison entre les territoires……………40

fortement et faiblement contaminés

8.7. Quel est le nombre des victimes de Tchernobyl ?………………………………………………40

8.8. Conclusion…………………………………………………………………………………………………..41

 

Conclusion de la IIe PARTIE…………………………………………………………………41

TROISIÈME PARTIE.

CONSÉQUENCES DE LA CATASTROPHE POUR L’ENVIRONNEMENT………….44

Chapitre 9. CONTAMINATION DE L’ATMOSPHÈRE, DES EAUX ET DES SOLS…………44

9.1. Contamination de l’atmosphère terrestre

9.2. Contamination des écosystèmes d’eau [1. – 8.]

9.3. Contamination du sol [1. – 6.]……………………………………………………..44

Chapitre 10. INFLUENCE SUR LE MONDE VÉGÉTAL…………………………………….45

10.1. Accumulation des radionucléides par les végétaux et les champignons [1. – 24.]..45

10.2. Radiomorphoses et tumeurs [1. – 9.]

10.3. Altérations génétiques [1. – 12.]

10.4. Autres altérations des végétaux et des champignons [1. – 5.]

Chapitre 11. INFLUENCE SUR LE MONDE ANIMAL

11.1. Incorporation des radionucléides [1. – 10.]

11.2. Altérations de la reproduction [1. – 13.]

11.3. Modifications génétiques [1. – 17.]

11.4. Modifications d’autres caractéristiques biologiques [1. – 11.]

Chapitre 12. INFLUENCE SUR LES MICRO-ORGANISMES ET LES VIRUS [1. – 5.]

Conclusion de la IIIe PARTIE……………………………………………………………………………………….45

QUATRIÈME PARTIE.

LA RADIOPROTECTION DES HABITANTS

DES TERRITOIRES CONTAMINES……………………………………………………..46

Chapitre 13. SUIVI RADIOLOGIQUE DANS LES TERRITOIRES CONTAMINES…………46

13.1. Suivi radiologique des produits alimentaires……………………………………..47

13.2. Suivi de la concentration de radionucléides dans l’organisme humain [1. – 5.]

Chapitre 14. EXPÉRIMENTATION DE L’EMPLOI D’ENTÉROABSORBANTS

POUR L’ÉLIMINATION DES RADIONUCLÉIDES DE L’ORGANISME…………………….49

14.1.Emploi des entéroabsorbants à base de pectine. [1. – 12.]

14.2. Où l’aide internationale à la population enfantine souffrante des

conséquences de la catastrophe serait-elle particulièrement efficace ?

Chapitre 15. MESURES DE PROTECTION EN AGRICULTURE  ET EN EXPLOITATION FORESTIÈRE DANS LES TERRITOIRES CONTAMINÉS PAR LES RADIONUCLÉIDES..50

15.1. Mesures de protection en agriculture [1. – 5.]

15.2. Expériences de mesures de protection dans l’exploitation forestière [1. – 4.]

Conclusion de la PARTIE IV…………………………………………………………………51

LEÇONS GÉNÉRALES ET CONCLUSION : Nous ne pouvons pas « oublier Tchernobyl »…..52

BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………..56

 Cruel jeu de cache-cache

Traduction de Lisa Mouravieff

21 ans se sont écoulés depuis la catastrophe de Tchernobyl et le monde est devenu différent – chancelant et incertain.  Tout ce qui constituait depuis des millénaires la plus sûre et la plus fidèle des sources de vie – l’air, les eaux naturelles, les fleurs, les fruits de la terre, les forêts, les fleuves et les mers -  tout cela est devenu en quelques jours source de danger pour l’homme,  car, se propageant du réacteur en ruines à travers tour l’hémisphère nord de notre planète, les éléments radioactifs ont rempli tout notre espace vital  et sont devenus source d’irradiation dangereuse pour l’homme et tout le biote. Tout de suite après l’accident, la réaction de l’opinion publique a, certes, été très forte, ce qui s’est manifesté, entre autre, par un regain de méfiance à l’égard de l’énergie atomique. De nombreux pays ont décidé d’arrêter la construction de nouvelles centrales nucléaires. Les énormes dépenses devenues nécessaires pour minimiser les conséquences négatives de l’accident de Tchernobyl ont aussitôt « augmenté le prix » de l’énergie électrique produite par les centrales nucléaires. Il est évident que tout cela ne pouvait qu’inquiéter les gouvernements de nombreux pays, ainsi que les grandes organisations internationales et les institutions nationales chargées de gérer les technologies nucléaires. C’est sans aucun doute ce trouble qui est à l’origine d’un processus paradoxal : la politisation du problème des effets sanitaires de l’irradiation chronique des populations vivant dans les territoires contaminés par Tchernobyl.

La politisation de ce problème a eu pour conséquence qu’au lieu d’organiser une étude objective et pluridisciplinaire des phénomènes radiologiques et radio biologiques induits par l’irradiation à faibles doses et de prévenir ses effets négatifs éventuels par des mesures adéquates, capables de protéger au maximum les populations des dangers de la radioactivité, on a entrepris, sous l’influence des apologistes de l’énergie atomique, de classer « top secret »  les données sur les valeurs véritables des rejets radioactifs et des doses d’irradiation, et d’occulter les informations sur la morbidité grandissante des populations directement ou indirectement touchées par Tchernobyl. Maintenant qu’il est devenu impossible de cacher la manifestation évidente de la hausse de la morbidité, on tente d’expliquer cette hausse par les conséquences d’un stress national généralisé. On entreprend parallèlement la révision de nombreux paradigmes de la radiobiologie moderne. Par exemple, à l’encontre de la nature de l’interaction entre les rayons ionisants et les structures moléculaires de la cellule telle qu’elle est généralement connue, on se remet à parler de seuil, de « norme acceptable », pour l’action de la radiation. En se basant sur le phénomène d’hormesis, observé lors de l’irradiation par faibles doses chez certaines créatures (mais pas chez l’homme), des scientifiques entreprennent de prouver que  les doses engendrées par Tchernobyl  ne peuvent avoir qu’un effet bénéfique sur l’être humain et tous les êtres vivants en général.

Ce jeu de cache-cache, à la fois étrange et cruel, car le prix à payer se calcule en perte de santé et de qualité de vie pour des millions d’êtres humains, ce petit jeu a atteint son apogée en 2006, lors de la commémoration du 20 anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl à Kiev. Au cours des dix derniers jours d’avril, deux conférences internationales parallèles se sont déroulées dans deux locaux peu éloignés l’un de l’autre : l’une était organisée par les adeptes du nucléaire, l’autre par plusieurs organisations internationales inquiètes pour l’état de santé réel des populations victimes de l’accident de Tchernobyl. La première conférence n’a toujours pas adopté de résolution, car la partie ukrainienne refuse d’adhérer à ses dispositions par trop optimistes. La deuxième conférence s’est unanimement ralliée à la conclusion que la contamination d’énormes territoires par les radionucléides s’accompagne de conséquences sanitaires négatives nettement manifestées et par des risques de maladies radio induites clairement prévisibles pour les années à venir dans les pays d’Europe.

N’est-il pas grand temps d’arrêter ce jeu qui n’a aucune excuse, car le prix à payer est la santé des gens ? J’estime qu’il est grand temps de cesser cette confrontation entre les avocats des technologies nucléaires et ceux qui soutiennent une approche scientifique objective dans leur évaluation des risques de conséquences néfastes de l’accident de Tchernobyl pour les populations. Ces risques ne sont pas du tout, loin de là, des quantités négligeables et les arguments qui le confirment sont tout à fait convaincants.

Les procès-verbaux – aujourd’hui déclassés – des séances des commissions gouvernementales, consacrées à la catastrophe de Tchernobyl, dans les premières décades de mai 1986 contiennent des données sur le nombre de patients souffrant du mal des rayons aigus entrés dans les hôpitaux. Ce sont de très grands chiffres : de deux à trois ordres de grandeur supérieurs à ceux que citent jusqu’à présent les documents officiels. Comment expliquer cette différence d’évaluation du nombre de ceux qui contractèrent le mal des rayons ? Peut-on affirmer sans être accusé de légèreté que tous les médecins qui ont diagnostiqué ce mal étaient dans l’erreur ?

On se souvient que pendant les dix jours qui ont suivi l’accident beaucoup de gens souffraient d’irritation naso-pharyngienne. Cependant nous ne savons pas  quelles sont les valeurs de doses ou le nombre de particules chaudes qui doivent entrer en contact avec l’épithélium du pharynx pour provoquer cette laringopharyngite. Des valeurs probablement plus élevées qu’on l’imagine.

Lors de l’estimation des doses d’irradiation acquises dans l’année de l’accident, on néglige les radionucléides à vie brève des nuages radioactifs qui se sont déposés sur la surface du sol et sur les feuilles des légumes ou autres cultures précoces. Cependant même en 1987 l’activité de certains d’entre eux dépassait l’activité du césium-137 ou du strontium-90. La décision de calculer les doses en se fondant uniquement sur le rayonnement gamma du césium-137 donne donc des résultats sous-évalués pour les doses effectives accumulées. Les doses d’irradiation interne  sont calculées selon l’activité spécifique du lait et des pommes de terre mesurée dans les localités où ils sont produits. Mais on ne tient pas compte de la radioactivité des champignons et autres produits de la forêt alors que ces aliments constituent une part importante de la ration alimentaire des habitants des régions du Polessié.

Les régions du Polessié se caractérisent par un déficit d’iode, par conséquent les effets nocifs de l’iode radioactif doivent y occuper une place plus importante  que dans les régions où cet élément n’est pas en déficit. Mais cet aspect des régions contaminées n’a jamais été pris en compte comme il aurait fallu.

On néglige également le fait que l’efficacité de l’irradiation interne n’est pas toujours identique à celle de l’irradiation externe en ce qui concerne ses effets cytogénétiques : l’irradiation interne a une action nocive bien plus importante.

Nous voyons donc qu’il y a lieu de supposer que les doses d’irradiation n’ont jamais été évaluées convenablement, surtout pendant la première année qui a suivi l’accident. Les données concernant l’accroissement de la morbidité pendant les vingt années qui ont suivi la catastrophe viennent confirmer cette constatation.

Les données sur les cas de tumeurs malignes de la thyroïde chez l’enfant sont particulièrement expressives, au point que les partisans de la « radiophobie » comme cause principale des pathologies de l’après Tchernobyl ne nient pas l’augmentation de la fréquence de ce mal. Avec le temps on a assisté à une augmentation des cas de cancers à l’évolution plus lente, comme le cancer du sein ou des poumons.

D’année en année on assiste à une hausse de la morbidité des maladies non cancéreuses d’étiologie diverse. L’analyse des courbes de la morbidité générale des enfants vivant dans les territoires contaminés par Tchernobyl est particulièrement désespérante. D’année en année on voit diminuer le nombre d’enfants pratiquement en bonne santé. A Kiev, par exemple, où il y avait 90% d’enfants en bonne santé avant l’accident, leur pourcentage a diminué au cours des années qui ont suivi pour ne plus constituer aujourd’hui que 20%. Dans certaines régions du Polessié il n’y a plus un seul enfant en bonne santé. La morbidité chez l’adulte augmente aussi sensiblement dans tous les groupes d’âge : au cours des 20 ans qui ont suivi l’accident son taux s’est vu multiplié par divers facteurs selon les maladies.  On observe  avec netteté l’augmentation des cas de maladie cardio-vasculaire, la hausse de la fréquence des attaques cérébrales, des infarctus, de l’ischémie du muscle cardiaque. La durée moyenne de vie s’abrège en conséquence.

On observe une situation nettement inquiétante concernant les maladies du système nerveux chez l’enfant comme chez l’adulte. La fréquence des maladies de l’oeil, en particulier des cataractes, est en hausse brutale.

Les diverses formes de pathologie de la grossesse et l’état de santé des nouveaux-nés dans les familles des liquidateurs de l’accident ou de ceux qui ont été évacués des zones de forte contamination ne manquent pas d’inquiéter.

Les actions des défenseurs de l’énergie atomique qui nient les effets nocifs de l’irradiation sur la santé des populations paraissent particulièrement cyniques sur cette toile de fond tragique. Leurs paroles s’accompagnent malheureusement d’actes correspondants : refus presque total du financement de la recherche médico-biologique, suppression des institutions chargées « des affaires de Tchernobyl »,  détournement des équipes de scientifiques de l’étude des problèmes engendrés par la catastrophe de Tchernobyl. De plus il reste parmi nous de moins en moins de spécialistes qui sont allés à l’école de l’accident, qui ont pu pénétrer au plus profond des véritables causes des effets radiologiques et ont appris à contrecarrer le développement des conséquences néfastes de l’irradiation. Très bientôt il ne restera plus personne de ceux qui ont appris par leur propre expérience comment il faut agir dans le cas d’une catastrophe radiologique de l’ampleur de celle de Tchernobyl. Pourtant l’expérience acquise est utile non seulement aux pays touchés par cette catastrophe mais aussi à l’avenir de notre planète tout entière qui doit s’attendre à divers accidents à grande échelle vu la direction que suit actuellement le développement des technologies.

Sommes-nous donc à tel point myopes qu’à cause de l’entêtement de quelques favoris du nucléaire privés d’humanité et de morale,  nous sommes prêts à perdre l’expérience de la protection de l’homme des conséquences des éventuelles catastrophes technologiques à grande échelle, expérience que nous avons acquise avec tant d’abnégation et de sincère désintéressement ? Le progrès rapide que l’on observe en biologie et en médecine nous permet d’espérer qu’il n’est pas vain de chercher les moyens de supprimer les risques de nombre des maladies provoquées par une irradiation chronique. Il serait tout à fait insensé de négliger ces possibilités.

Il faut espérer malgré tout que l’objectivité dans l’évaluation des conséquences sanitaires de Tchernobyl finira par prendre le dessus, que la diversité biologique et  une attitude morale de la société en général à l’égard du progrès technique futur finiront par triompher.

On voudrait tant y croire.

Ce livre représente vraisemblablement la tentative la plus complète à ce jour de généraliser un très grand nombre de données concernant les effets nocifs de la catastrophe de Tchernobyl sur la santé des populations et de la nature. Les matériaux du livre montrent avec évidence que les conséquences de la Catastrophe augmentent au lieu de diminuer et continueront à augmenter dans l’avenir. Comment ne pas accepter la conclusion principale du livre : il ne faut pas oublier la Catastrophe, car ses conséquences se feront sentir sur la santé des hommes et de la nature pendant encore plusieurs générations.

 

D.M.Grodzinski, docteur en biologie, professeur,

membre de l’Académie des sciences nationale d’Ukraine.

Kiev, le 26 avril 2007

 

AVANT-PROPOS DES AUTEURS

L’idée principale du présent ouvrage est de présenter de façon brève et systématique les résultats des recherches consacrées aux différentes conséquences de la catastrophe de Tchernobyl. La nécessité d’une telle analyse est devenue évidente après la présentation au public en septembre 2005 par l’Agence Internationale de l’énergie atomique (AIEA) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) du rapport largement annoncé du « Forum de Tchernobyl », dont le contenu peut être brièvement résumé ainsi : « Les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl ne sont pas si graves que cela, il faut organiser au mieux la vie dans les territoires contaminés et oublier Tchernobyl ».

Voici l’histoire de la création de ce livre.  A l’initiative de GREENPEACE International, plusieurs dizaines de spécialistes, pour la plupart de Biélorussie, d’Ukraine et de Russie (voir la liste ci-dessous), motivés par l’absence d’objectivité de l’AIEA et de l’OMS dans l’évaluation des conséquences de Tchernobyl, ont présenté à la veille du 20e anniversaire de la catastrophe en 2005 leurs études originales ou leurs aperçus consacrés aux conséquences de la catastrophe de Tchernobyl. En outre des centaines de copies d’articles, de résumés de thèses et d’autres matériaux consacrés à Tchernobyl reçus par GRENNPEACE ont été ajoutés à la bibliographie sur ce sujet rassemblée par A.Yablokov au cours des nombreuses années qui ont suivi la catastrophe (Yablokov 2001). En se basant sur ces documents, à la veille du 20e anniversaire de la catastrophe, le 16 avril 2006, fut publié le récapitulatif de A.Yablokov, I.Labunska, I.Blokov (Eds). « Health consequences of the Chernobyl Catastrophe » (Amsterdam, 2006, 137 p. ; www.grenpeace.org/international/press/reports/chernobylhealthreport); pour des raisons technique il s’est avéré impossible d’y inclure tout le matériel réuni. Plus tard une partie des documents présentés fut publiée dans le recueil I.Blokov, T.Sadownitchik, I.Labunska, I.Volkov (Eds) 2007.   The Health Effects of the Human Victims of the Chernobyl Catastrophe. Collection of scientific articles, Amsterdam, 235p. ; www.grennpeace.de/fileadmin/gpd/user_upload/themen/atomkraft/chernobylhealthreport.pdf.

Il faut ajouter à cela que des conférences consacrées au 20e anniversaire de Tchernobyl se sont tenues en 2006 en Ukraine, Russie, Biélorussie, Allemagne, Suisse, aux Etats-Unis et dans d’autres pays et que plusieurs aperçus bibliographiques contenant de nouveaux matériaux consacrés à ses conséquences sanitaires ont été publiés.

Citons parmi eux :

-               « Posledstvija Chernobyl’skoj avarii: ocenka i prognoz dopolnitel’noj smertnosti i rakovyh zabolevanij». [Conséquence de l’accident de Tchernobyl : évaluation et prévision de la hausse de la mortalité et de l’augmentation des cas de cancer »] 2006, M., Centr nezavisimoj jekologicheskoj jekspertizy RAN OMNNO «Sovet Grinpis», 24s. (ISBN 5-94442-012-X);

-               C.C.Busby and A.V.Yablokov (Eds).2006. Chernobyl : 20 years On Health Effects of the Chernobyl Accident. European Comm. Of Radiat. Risk Green Audit Press, Aberystwyth, 250 p. (www.euradcom.org/publications/chernobylinformation.htm);

-               A.Yablokov, R.Braun, U.Watermann (Eds), 2006.Chernobyl. 20 Years After. Myth and Truth. Agenda Verlag, Munster, 217 p;

-               I.Fairly and D.Sumner. 2006. The Other Report on Chernobyl (TORCH). Berlin, 90p. (www.greens(efa.org/cms/default/dok/118/118729.the_other_report_on_chernobyl_torch@en.htm);

-               Nacional’nye doklady po posledstvijam Katastrofy v Belarusi, Ukraine i Rossii. [Rapports nationaux sur les conséquences de la Catastrophe en Biélorussie, Ukraine et Russie]

La littérature scientifique consacrée aux conséquences de la Catastrophe compte en 2007 plus de 30 000 ouvrages et articles, publiés pour la plupart en langues slaves. Les systèmes d’information d’Internet contiennent de nombreux millions de documents : descriptions, souvenirs, cartes, photos etc. (par ex. 14,5 millions de pages dans GOOGLE, 1,87 millions dans YANDEX, 1,25 millions dans RAMBLER. Il y a plusieurs dizaines de sites consacrés à Tchernobyl, ils sont particulièrement nombreux chez les associations du réseau « Enfants de Tchernobyl » et les associations des liquidateurs). Le « Tchernobyl Digest », publié à Minsk avec la participation de diverses organisations de Biélorussie et de Russie depuis 1990, présente plusieurs milliers d’ouvrages annotés. Cependant le Rapport du « Forum de Tchernobyl » (2005), largement vanté par l’Organisation mondiale de la Santé et l’Agence Internationale à l’Energie Atomique comme le tableau  « le plus complet et le plus objectif » des conséquences de la Catastrophe, ne mentionne au chapitre de son analyse des conséquences sanitaires de la Catastrophe que près de 350 publications, pour la plupart en langue anglaise.

La liste des documents utilisés pour le présent ouvrage contient près de 1000 titres  mais nous avons utilisé en tout plus de 5000 articles publiés ou placés dans Internet, surtout en langues slaves. Nous nous excusons d’avance auprès des équipes scientifiques et des auteurs dont les travaux liés aux conséquences de la catastrophe de Tchernobyl n’ont pas été mentionnés dans les pages de nos ouvrages – les mentionner tous est physiquement impossible.

Voici les auteurs des diverses parties du présent ouvrage : I-e partie  « La contamination des territoires » – A.V.Yablokov et V.B.Nesterenko ; II-e partie « La santé des populations » – A.V.Yablokov ; III-e partie « Les conséquences de la Catastrophe pour la nature» – V.B. Nesrerenko, A.V.Nesterenko et A.V.Yablokov. L’ensemble du texte a été revu par tous les auteurs et exprime leur opinion commune.

[…]

 Introduction

Dure vérité sur la catastrophe  de Tchernobyl

L’explosion du quatrième bloc de la centrale nucléaire de Tchernobyl le 26 avril 1986 coupa la vie de millions d’habitants de la planète en deux parties : l’AVANT et l’APRÈS Tchernobyl. La catastrophe de Tchernobyl est un alliage complexe où se confondent  aventurisme technocratique et héroïsme de la part des liquidateurs, solidarité humaine et couardise de la part des hommes politiques (qui ont eu peur de prévenir leurs populations de l’énorme risque, multipliant le nombre de victimes innocentes), souffrances des uns et intérêt des autres. Tchernobyl a enrichi notre vocabulaire quotidien de nouvelles expressions : « liquidateurs », «enfants de Tchernobyl », « collier de Tchernobyl », « le SIDA de Tchernobyl », « la trace de Tchernobyl », « la contamination de Tchernobyl ».

Les vingt années qui se sont écoulées depuis la catastrophe nous ont clairement démontré que l’énergie atomique recèle bien davantage de danger que les armes nucléaires : le rejet d’un seul réacteur a provoqué une contamination cent fois supérieure à la contamination due aux bombes lâchées sur Hiroshima et Nagasaki.  Il est évident aujourd’hui qu’un seul réacteur nucléaire est capable de contaminer dangereusement la moitié du globe terrestre. Il est devenu évident que les habitants d’aucun pays de la planète ne peuvent plus compter sur leurs gouvernements pour les protéger d’une contamination radiologique apportée par le vent on ne sait d’où.

Les discussions se poursuivent toujours pour savoir quelle fut la quantité de radionucléides dispersée de par le monde et combien il en reste encore à l’intérieur du sarcophage, ouvrage cyclopéen en béton armé recouvrant le réacteur en ruines. Les uns affirment que 4 à 5% seulement des radionucléides d’une activité totale 50 millions de Ci ont été rejetés, d’autres affirment que le puits du réacteur est quasiment vide et que l’activité totale des radionucléides dispersés dans l’atmosphère s’élève à 10 milliards de Ci (pour le détail voir Annexe 1,2).

On ne connaît pas le nombre exact de personnes ayant participé à la liquidation des conséquences de la catastrophe car les dispositions secrètes interdisaient de « rendre public le fait de l’appel à la participation aux travaux concernés… » (cit. de la lettre du Ministère de la défense de l’URSS du 9 juin 1989… voir ch. 3 pour plus de détails).

Un peu avant le 20e anniversaire de Tchernobyl, en septembre 2005, le « Forum de Tchernobyl », constitué d’un groupe de spécialistes parmi lesquels des représentants de l’AIEA, de l’UNSCEAR, de l’OMS et d’autres programmes de l’ONU ainsi que de la Banque mondiale et de diverses organisations de la Biélorussie, la Russie et l’Ukraine, présenta un rapport en trois volumes – « L’héritage de Tchernobyl : conséquences sanitaires, écologiques et socio-économiques ». Voici les conclusions principales du volume consacré aux problèmes de santé : près de 9000 personnes ont trouvé la mort et peuvent encore périr de cancers radio induits (ce qu’il sera « difficile de découvrir » sur fond de cancers spontanés) ; près de 4000 cas de cancers radio induits de la thyroïde chez l’enfant ont été opérés avec succès ; on observe une certaine augmentation des cas de cataracte chez les liquidateurs et les enfants vivant en territoire contaminé. Cependant les facteurs tels que la misère, les modes de vie impropres, le sentiment de victime, le fatalisme – facteurs largement répandus parmi la population – sont bien plus dangereux que la radioactivité des retombées de Tchernobyl. En général, les conséquences de la catastrophe « pour la santé des gens se sont avérées bien moins graves qu’on ne l’avait cru au départ ».

Ceci est le point de vue des spécialistes travaillant dans le domaine de l’industrie nucléaire. Mais il existe un autre point de vue clairement exprimé par l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan : « On ne connaîtra peut être jamais le nombre exact de victimes. Mais le fait que trois millions d’enfants nécessitent des soins, et cela non pas d’ici 2016 mais bien avant,  nous donne une idée du nombre de ceux qui risquent de tomber gravement malades… Leur vie future sera ruinée et leur enfance gâchée. Nombre d’entre eux mourront avant l’heure… »

Les retombées des nuages de Tchernobyl ont couvert des territoires où vivent au moins trois milliards de personnes. 13 pays européens ont eu plus de 50% et 8 pays plus de 30% de leur territoire dangereusement contaminés par les radionucléides de Tchernobyl (voir Ch.1). Les lois statistiques et biologiques implacables  feront que partout dans ces pays l’écho de Tchernobyl se fera entendre ça ou là pendant de nombreuses générations.

Peu après la catastrophe les médecins, inquiets d’observer une telle flambée de diverses maladies dans les territoires contaminés, ont demandé une aide supplémentaire. Mais les spécialistes liés à l’industrie nucléaire ont continué à clamer du haut de leurs tribunes qu’il n’y a aucune preuve « statistiquement fiable » des effets nocifs de la radiation de Tchernobyl. Ce n’est qu’au bout de dix ans après la Catastrophe qu’il a été admis dans les documents officiels que le nombre de cancers de la thyroïde s’est soudain mis  « étrangement » à augmenter. Si en 1985 plus de 80% des enfants vivant dans les territoires aujourd’hui contaminés de Biélorussie, Ukraine et Russie  étaient en bonne santé, il n’y en a plus que 20% à ce jour. Dans les régions particulièrement touchées il n’y a plus un seul enfant en bonne santé (voir ch.4). L’augmentation de la fréquence de nombreuses maladies dans les territoires contaminés ne peut s’expliquer ni par l’effet de screening, ni par les facteurs socio-économiques, car les différences de fréquence sont observées dans des régions qui se distinguent uniquement par leur niveau de contamination. Parmi les conséquences terribles de la radiation due à Tchernobyl on observe non seulement une augmentation des tumeurs cancéreuses mais des troubles de la structure du cerveau, surtout pendant le développement intra-utérin (voir ch.6).

Pourquoi l’évaluation des conséquences sanitaires de Tchernobyl donne des résultats si différents selon qu’elle provienne de spécialistes du nucléaire ou d’experts indépendants de l’industrie de l’atome ?

Il y a un petit jeu très populaires dans les marchés orientaux : il faut deviner sous quel gobelet se trouve la bille placée subrepticement par le meneur de jeu. Aujourd’hui ce sont les spécialistes du nucléaire qui mènent un jeu semblable : ils utilisent toutes les manipulations possibles et imaginables pour détourner l’attention des scientifiques de l’étude du nombre réel des victimes. La première de ces manipulations est l’exigence d’établir une stricte corrélation entre la pathologie et la dose reçue. Le truc se base sur le fait qu’il est impossible d’établir  le niveau de la dose reçue par simple calcul. Il est impossible de prendre en compte l’irradiation des premiers jours (qui a pu être des milliers de fois supérieure à ce qu’on suppose), il est impossible de tenir compte du caractère tacheté de la contamination du sol dans telle et telle région, il est impossible de prendre en compte l’impact de tous les radionucléides (césium, iode, strontium, plutonium etc…), il est impossible de définir la part de radionucléides accumulée par le corps de chacun avec l’air, les aliments et l’eau (certains aiment le lait et la viande, d’autres ne supportent pas le lait et aiment les légumes). La deuxième manipulation  consiste à baser le calcul sur l’effet de la somme des coefficients de risque, définis par l’étude des conséquences des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki. L’utilisation des coefficients de risque définis au Japon est incorrecte pour la raison, tout d’abord, que l’irradiation y était d’une nature totalement différente qu’à Tchernobyl et ensuite parce que pendant plus de quatre ans toute étude des conséquences y avait été  interdite, laps de temps pendant lequel plus de cent mille personnes parmi les plus faibles sont mortes sans qu’on en tienne compte. Tchernobyl a connu une situation quasiment semblable. Les autorités soviétiques ont non seulement officiellement interdit aux médecins de faire le lien entre les maladies et l’irradiation mais ils ont de plus classé « secrets » tous les matériaux concernant Tchernobyl.

Manipuler les données est contraire à l’objectivité de la recherche scientifique. Pour déterminer de manière scientifiquement correcte l’impact sur l’homme de la contamination radiologique de Tchernobyl, il faut comparer la santé des populations vivant dans des régions aux données ethniques, physiques, géographiques et socio-économiques semblables mais se distinguant par l’intensité de la contamination due aux retombées radioactives. Il est également correct de comparer la santé d’un même groupe de victimes à des moments différents. Si de telles comparaisons  font découvrir des changements  de l’état de santé des groupes mis en regard, on peut conclure avec suffisamment de fiabilité que ces différences sont dues à la catastrophe de Tchernobyl (voir ch.3).

Un principe qui remonte au droit romain clame que personne ne doit être juge de sa propre cause. L’estimation des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl faite par des spécialistes liés à l’industrie atomique ne peut être objective. Ce parti pris des jugements concerne également l’OMS car un accord a été signé en 1959 entre l’AIEA et l’OMS obligeant l’OMS à coordonner sa position avec l’AIEA dans tous les cas où le nucléaire est en jeu. Les gouvernements non plus ne semblent pas particulièrement intéressés à évaluer l’envergure réelle des conséquences de la Catastrophe de peur d’avoir à verser de grosses sommes pour aider les victimes.

Finalement seuls les victimes, les médecins et les organisations non gouvernementales qui expriment l’inquiétude de la société devant le développement du nucléaire semblent intéressés à connaître l’ampleur véritable des conséquences de la Catastrophe. Le livre que nous vous proposons en est une tentative.

Première partie.

LA CONTAMINATION DES TERRITOIRES (p.24)

Traduction de W. Tchertkoff

Il est nécessaire d’établir le caractère et les dimensions de la contamination causée par Tchernobyl pour évaluer les conséquences de cette catastrophe.

Le nuage de Tchernobyl a fait au moins deux fois le tour de la Terre, en laissant des traces principalement dans l’hémisphère nord.

Bien que les controverses au sujet de la quantité des radionucléides expulsés du réacteur explosé n’ont pas cessé, il est clair que cette émission a constitué, même sans compter les radionucléides gazeux, plusieurs centaines de millions de Ci, et a surpassé plusieurs centaines de fois les explosions nucléaires de Hiroshima et de Nagasaki en quantité de radionucléides rejetés.

Pour évaluer les conséquences de la contamination radioactive de Tchernobyl il est nécessaire de présenter dans les grandes lignes la distribution des radionucléides rejetés sur la superficie de la Terre (Ch. 1, division 1.), ainsi que certaines caractéristiques communes de la contamination radioactive dans l’espace et dans le temps (Ch. 1, division 2). Dans le Ch. 2. nous caractérisons brièvement un aspect de la contamination de Tchernobyl, qui attire jusqu’à présent peu d’attention : la contamination par le plomb.

 Chapitre 1. CONTAMINATION RADIOACTIVE […

1.1. Particularités géographiques de la contamination (p.25)

[…] Dans l’ensemble, une grande partie des radionucléides gazeux et aérosols, expulsés du 4ème réacteur de la centrale de Tchernobyl s’est déposée hors des frontières du Bélarus, d’Ukraine et de la partie européenne de la Russie. […]

1.1.1. Europe (p.27)

Selon certaines données (cf. revue Fairlie, Sumner, 2006, tableau 3.6, pp.48-49) l’Europe a reçu  68-89% de radionucléides gazeux et aérosols déposés sur la terre ferme par les nuages de Tchernobyl. Ils se sont distribués de façon extrêmement irrégulière.

Pendant les rejets actifs du réacteur (du 26 avril au 5 mai 1986) le vent autour de Tchernobyl s’est déployé à 360°, en conséquence de quoi les rejets radioactifs (composés de radionucléides différents suivant les jours) ont couvert de grandes étendues. […] Les rejets des radionucléides du réacteur en feu ont duré jusqu’à la mi mai. Chaque rejet avait sa propre géographie et composition de contamination.

Il n’y a pas de données instrumentales de contamination de tous les pays d’Europe par tous les radionucléides de Tchernobyl, et désormais il n’yen aura plus jamais. Les données calculées (sur 1 km2 en moyenne – cf. discussion Fairlie, Sumner, 2006) ne sont publiées que pour le césium-137 et le plutonium. La contamination par le césium-137 de Tchernobyl a touché tous les pays européens sans exception. […]

1.1.1.1. Bélarus (p.37)

Tout le territoire du Bélarus a été pratiquement couvert par le nuage de Tchernobyl.

1. La contamination par les isotopes radioactifs d’iode-131, iode-132 et tellure-132 a atteint tout le territoire du pays. En mai 1986, la contamination maximum par l’iode-131 près du village Svétilovitchi dans la région de Gomel était de 600 Ci/km2.

23% du territoire du pays (47.000 km2) ont été contaminés par le césium-137 au-dessus de 1 Ci/km2 (Nesterenko, 1996; Tsalko, 2005). Au début de 2004, la superficie des territoires avec une densité de contamination par le césium-137 supérieure à 37 kBq/m2 était de 41.110 km2.

Les niveaux maxima de contamination par le césium-137 sont révélés dans la région de Gomel (475 Ci/km2 dans le village Zalessié du district de Braguine, 500 Ci/km2 dans le village Dovliady du district de Narovlia. Le niveau maximum  de la contamination radioactive du sol, découvert en 1993 (village Tchoudiany de la région de Moguilev : 5402 kBq/m2 ou 145 Ci/km2) dépasse le niveau pré accidentel de 3500 fois (Iliazov, 2002).

La contamination du territoire du pays par le strontium-90 a un caractère plus local que la contamination par le césium-137. Les niveaux de contamination du sol par le strontium-90 d’une densité supérieure  à 5,5 kBq/m2 sont révélés sur une superficie de 211 000 km2, ce qui constitue le 10% du territoire de la république.

La contamination du sol par le plutonium-238, -239 et -240 supérieure à 0,37 kBq/m2 embrasse près de 4000 km2, soit presque 2% de la superficie de la république (Konoplia et al., 2006).

Dans l’ensemble, plus 18 000 km2 des terres cultivables du pays sont contaminés (22% de la superficie totale des terres cultivables), dont 2640 km2 sont exclus de la production agricole. La plus grande partie du territoire de la réserve radiologique d’état de Polessié, créée dans la zone proche de la centrale de Tchernobyl (1300 km2), est pratiquement exclue de l’exploitation pour l’éternité à cause de la grande densité de la contamination par les isotopes de longue période.

1.1.1.2. Ukraine

Plus du quart du territoire de l’Ukraine a été contaminé par les rejets de Tchernobyl ; 4,8% du territoire est contaminé par le césium-137 avec une densité supérieure à 1 Ci/km2.

1.1.1.3. Partie européenne de Russie

En 1992, la contamination de la Russie d’Europe a été établie dans 19 régions de la Fédération de Russie (cf. tableau). Avec cela, il faut considérer qu’il y a d’importants territoires contaminés dans la partie asiatique de la Russie.

Territoire

Superficie contaminée

milliers de km2

Population,

milliers de pers

Région de Belgorod

1,6

77,8

Région de Briansk

11,7

476,5

Région de Voronej

1,7

40,4

Région de Kaluga

4,8

95,0

Région de Koursk

1,4

140,0

Région de Leningrad

1,2

19,6

Région de Lipetsk

1,6

71,0

République de Mordovie

1,9

18,0

Région de Nijni Novgorod

0,1

?

Région de Orlov

8,4

346,7

Région de Penza

3,9

130,6

Région de Riazan

5,4

199,6

Région de Saratov

0,2

?

Région de Smolensk

0,1

?

Région de Tambov

0,5

16,2

République du Tatarstan

0,2

?

Région de Tula

11,5

936,2

Région de Oulianov

1,1

58,0

République de Tchouvachie

0,1

?

TOTAL

56,0

2 626,5

 

[…]

1.1.2. Asie

1.1.3. Amérique du nord

1.1.4. Arctique

1.1.5. Hémisphère sud

1.2. Particularités écologiques de la contamination (p.36)

Parmi les nombreuses particularités écologiques de la contamination des territoires par des radionucléides il semble que les plus importantes, pour comprendre les possibles conséquences pour la santé de l’environnement et de l’être humain, sont la distribution tachetée de la contamination, l’action des « particules chaudes » et la bioaccumulation des radionucléides. […]

1.2.1. Contamination en taches de léopard

[…] …à la distance de quelques dizaines de mètres la concentration des radionucléides peut différer profondément. Même dans les limites du terrain dont se nourrit un arbre particulier, la densité de la contamination par le césium-137 diffère de plusieurs grandeurs.

M.Tchikine « Des taches tchernobyliennes sur la carte de France ». (« Komsomolskaya Pravda », 25 mars 1997, p. 6) :

« Le service sanitaire du département français des Vosges a découvert qu’un petit sanglier, abattu par un chasseur local, « brillait ». Les experts, armés d’instruments super modernes, ont donné une information encore plus inquiétante : pratiquement toute l’élévation, où venait de courir l’animal tué, était contaminée. Le niveau de la radioactivité s’élevait à 12000 – 24000 becquerels au mètre carré. A titre de comparaison : la norme européenne est de 600 becquerels. Le niveau du césium-137 des chanterelles et des bolets dépassait la norme d’environ quarante fois… » […]  

 1.2.2. Le problème des « particules chaudes » (p. 38)

Le problème des « particules chaudes » (« poussière de Tchernobyl ») est un autre aspect important de la complexité de l’évaluation des niveaux de contamination radiologique de Tchernobyl.

Le réacteur explosé ne rejetait pas seulement des gaz et des aérosols, – produits de la désintégration de l’uranium (césium-137, strontium-90, plutonium et autres), – mais aussi des particules du combustible d’uranium combinées avec d’autres radionucléides : des particules chaudes solides. De grandes particules lourdes d’uranium et de plutonium sont retombées en proximité de la centrale de Tchernobyl. […]  (Des particules de grandeur moyenne ont été identifiées et leur activité a été mesurée dans des territoires de Hongrie, d’Allemagne, de Finlande et de Bulgarie.) […] Des « particules chaudes liquides » se formaient suite à la concentration des radionucléides dans les gouttes de pluie.

L’activité de certaines particules chaudes atteignait 10 kilobecquerels. Lorsque ces particules pénètrent dans l’organisme à travers l’eau, l’alimentation ou l’air inhalé, elles procurent des doses élevées d’irradiation, même si la personne se trouve dans un territoire non contaminé ou faiblement contaminé. Les petites particules (moins de 5 microns) pénètrent facilement dans les poumons, les grandes (20-40 microns) sont retenues principalement au niveau des voies respiratoires supérieures (Khrushch et al. 1988 ; Malachenko & Goluenko 1990 ; Ivanov et al 1990 ; AIEA 1994).

Les mécanismes de formation et de désintégration de ces particules, leurs propriétés et leur action sur la santé humaine et d’autres organismes vivants sont peu étudiés.

1.3. Modification de la composition des radionucléides pourvoyeurs de doses       (p. 39)

Pour comprendre les particularités de l’influence de la contamination de Tchernobyl sur la santé de l’homme et de l’environnement il est nécessaire de tenir compte des modifications importantes dans la composition des radionucléides, au cours des premiers jours, des semaines et des mois, comme des décennies à venir après la Catastrophe.

1.3.1. Modification de la composition des radionucléides dans le temps

L’irradiation principale de Tchernobyl a été provoquée par des radionucléides de courte période, pendant les premiers jours, semaines et mois après la catastrophe. La contamination des territoires observable actuellement représente seulement une faible partie de toute la radioactivité expulsée au cours de la catastrophe. […]

Pendant les premiers jours de la catastrophe la part du césium-137 ne dépassait pas 4% de l’irradiation totale externe. L’irradiation d’iode-131, d’iode-133, du tellure-129, du tellure-132 et d’une série d’autres radionucléides était des dizaines et des centaines de fois plus élevée.

Pendant les premiers jours et les premières semaines, dans certains territoires les grandeurs maximales d’activité des retombées radioactives de Tchernobyl dépassaient les niveaux du fond naturel d’un facteur supérieur à 10 000 (Krychev, Riazantsev, 2000).

Au cours des mois suivants et des premières années après la Catastrophe, le rôle important dans la formation de la situation radiologique était joué par les isotopes du cérium-141, -144, du ruthénium-103, -106, du zirconium-95, du niobium-95, du césium-136, du neptunium-239 et d’une série d’autres. A partir de 1987 et jusqu’à présent la situation radiologique est déterminée par le césium-137, le strontium-90, le plutonium-231, -239, -240, -241, et dans le futur par l’américium-241. Une partie importante des radionucléides s’est accumulée pendant ce temps dans le sol et constitue en ce moment la source principale de la radioactivité dans la production agricole. Dans l’immédiat, le rayonnement gamma dépendra du césium-137, et le bêta du strontium-90.

La dimension de la contamination peut être illustrée aussi par l’analyse des doses de radioactivité accumulées dans l’émail des dents. Cette analyse, effectuée sur 6000 enfants par l’organisation internationale des « Médecins pour la Prévention  de la Guerre Nucléaire » en Allemagne, a montré que les dents des enfants nés après la Catastrophe (comparés avec les dents des enfants nés en 1983) avaient 10 fois plus de strontium-90 (UK, 2000).

1.3.2. Problème de l’américium-241

Suite aux processus de désintégration du plutonium-241, la formation naturelle de l’américium-241, puissant émetteur de rayons gamma, constitue un aspect important de la contamination de nombreux territoires distants jusqu’à un millier de kilomètres de la centrale de Tchernobyl.

A cause de cette désintégration les territoires, dont le niveau des rayonnements gamma était faible, deviennent de nouveau dangereux.

1.4. Combien de personnes ont été touchées par la contamination de Tchernobyl ? (p. 41)

Les premières prévisions officielles des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl pour la santé des habitants ne parlaient que de quelques cas supplémentaires de cancer dans quelques dizaines d’années. Au bout de 20 ans il est devenu clair que pas moins de 8 000 000 d’habitants du Bélarus, d’Ukraine et de Russie ont pâti de la catastrophe de Tchernobyl. […]

                                                                                                                               

                                                                                                                               Tableau 1.4

Nombre de victimes de la catastrophe de Tchernobyl au Bélarus, en Ukraine et dans la partie européenne de Russie

Groupes de population

Nombre de personnes

Sources diverses

Cardis et al., 1996

Évacués

et émigrés

Bélarus

135 000

135 000

Ukraine

162 000

Russie

  52 400

Habitants des territoires contaminés à plus de

555 kBq/m2 (15 Ci/km2)

270 000

Habitants des territoires contaminés à plus de 37 kBq/m2 (1 Ci/km2)

Bélarus

2 000 000

6 800 000

Ukraine

3 500 000

Russie

2 700 000

Liquidateurs

Bélarus

130 000

200 000

(1986 – 1987)

Ukraine

360 000

Russie

250 000

Autres pays

Pas moins de 90 000

Total

9 379 400

7 405 000

ll faut tenir compte également du fait que dans les territoires contaminés par plus de       1 Ci/km2 vit au moins un million d’enfants, et que le nombre d’enfants des habitants évacués et des liquidateurs s’élève à 450 000 au moins. […]

40% du territoire d’Europe a été contaminé par le césium-137 de Tchernobyl au niveau de  4 – 40 kBq/m2 (0,11-1,08 Ci/km2) (cf. Ch. 1.). Si on suppose que dans ce territoire vivaient près de 35% d’habitants (une partie des retombées s’est déposée sur des régions montagneuses peu habitées), et que la population totale de l’Europe comptait, à la fin des années 80, près de 550 000 000 de personnes, on peut considérer qu’environ 190 000 000 d’Européens vivaient dans des territoires faiblement contaminés, et que 15 000 000 vivaient dans des territoires contaminés par le césium-137 à plus de 40 kBq/m2 (1,08 Ci/km2).

Si on considère que les retombées de Tchernobyl ont contaminé près de 8% du territoire d’Asie, 6% du territoire d’Afrique et 0,6% du territoire de l’Amérique du Nord, en appliquant la même approche que pour l’Europe il apparaît que le nombre total des habitants dans les territoires contaminés par le césium-137 à 40 kBq/m2 pouvait s’élever à près de 200 000 000 de personnes. […]

En résumant sommairement, la contamination radioactive de Tchernobyl a touché près de 400 000 000 de personnes (205 000 000 en Europe et environ 200 000 000 hors de l’Europe), à un niveau de 4 kBq/m2 (0,1Ci/km2) et plus.

Un autre calcul du nombre de personnes ayant subi la radioactivité supplémentaire de Tchernobyl peut être effectué à partir de la dose collective totale. Le tableau ci-dessous présente les résultats de l’un de ces calculs, suivant lequel le nombre total de ceux qui ont reçu la radioactivité supplémentaire de Tchernobyl au niveau de 2,5 10-2 mSv peut représenter  plus de 4,5 milliards de personnes, et au niveau de 0,4 mSv plus de 605 000 000 de personnes.

 

                                                                                                                                                    Tableau 1.6

Nombre total des victimes des retombées radioactives de Tchernobyl dans le monde et leur niveau d’irradiation (Fairly, 2007) 

Groupe

Nombre de personnes

Dose moyenne, mSv

Liquidateurs

240 000

100

Habitants des territoires fortement contaminés

270 000

50

Évacués en 1986

116 000

33

Habitants des territoires faiblement contaminés

5 000 000

10

Autres habitants d’Europe

600 000 000

0,4

Atres habitants du monde

4 000 000 000

2,5 10-2

Qu’il s’agisse de calculs effectués sur la base des territoires contaminés ou de calculs à partir des doses collectives, on ne peut pas ne pas être d’accord avec l’observation de I. Fairly et de D. Sumner (2006, 5. 16, p. 73), quand ils disent que le fait que l’AIEA et les autres organisations officielles aient ignoré les données sur l’énorme diffusion de la contamination de Tchernobyl sur la superficie du globe terrestre « n’a pas d’explication scientifique ». Il nous semble que ce fait n’est pas dicté par le désir de dire la vérité, mais par le désir de minimiser maladroitement les risques de Tchernobyl.

Chapitre 2. CONTAMINATION PAR LE PLOMB  DE LA CATASTROPHE DE TCHERNOBYL (p. 44)

2400 tonnes de plomb selon certaines estimations (« Niveaux d’irradiation… », 2000), et 6720 t. selon certaines autres (Kiselev, 1996) ont été déversées au cours des opérations d’extinction du réacteur du bloc n. 4 en feu de la centrale de Tchernobyl.

Pendant les quelques jours qui ont suivi, une partie importante de ce plomb a été rejetée dans l’atmosphère suite à sa fusion, à son ébullition et à sa sublimation dans l’incendie du réacteur.

La teneur du sang en plomb des enfants et des adultes a sensiblement augmenté au cours des dernières années au Bélarus (Rolevitch el al., 1996). C’est ainsi, par exemple (Petrova et al., 1996) que dans la région de Brest chez 213 enfants examinés la teneur du sang en plomb a représenté 0,109±0,007 mg/l ; près de la moitié des enfants avait la teneur du sang en plomb de 0,007±0,003 mg/l (la norme OMS pour les enfants est de <0,001 mg/l).

La contamination du plomb peut constituer un facteur complémentaire, aggravant l’action de la radioactivité sur l’organisme vivant (Petin, Synzynys, 1998). Il a été montré que la radiation ionisante provoque des processus biochimiques dans les cellules des organismes vivants, liés avec l’oxydation des radicaux libres. Sous l’influence des métaux lourds ces réactions s’intensifient sensiblement (Nikitenko, 1990). La fréquence des gastrites atrophiques augmentait sensiblement chez les enfants dont l’organisme contenait le césium-137 avec du plomb (Gres, Poliakova, 1997). L’empoisonnement par le plomb est déjà dangereux par lui-même en provoquant, par exemple, le retard du développement mental chez les enfants (Zigel, 1993).

  21 ans après la Catastrophe, un autre mystère de Tchernobyl se dévoile : non seulement les simples observateurs des mystérieux vols d’avions et des pluies qui s’en sont suivies ont commencé à parler, mais aussi les pilotes militaires en personne qui pulvérisaient réellement de l’argent iodé, pour empêcher qu’une dangereuse contamination radioactive n’arrive sur les territoires densément peuplés de Moscou, Voronej, Nijni Novgorod et autres (Grei, 2007).

Une grande partie des radionucléides de Tchernobyl est retombée hors des frontières de l’ex URSS, déterminant une contamination radioactive importante d’immenses territoires sur tout le globe terrestre. Le fait que le rapport de l’AIEA/OMS « Forum Tchernobyl » (2005) ne discute que les données concernant les territoires du Bélarus, de l’Ukraine et de la Russie Européenne, et n’analyse pas les données de la contamination des autres pays (dont les territoires ont reçu une grande partie des radionucléides de Tchernobyl), ne trouve pas d’explication scientifique. Les déclarations rassurantes comme quoi la contamination de Tchernobyl n’ajoute que 2% au fond radioactif naturel sur la superficie de la Terre, constituent une dissimulation consciente du fait que dans les territoires touchés cette contamination pouvait surpasser considérablement le fond naturel, et le fait que dans les territoires contaminés par les radionucléides de Tchernobyl à un niveau supérieur à 0,1 Ci/km2 vivent près de 400 000 000 de personnes.

La contamination radioactive de n’importe quel territoire pollué par Tchernobyl est très dynamique tant par sa densité que par sa composition en radionucléides. Cette dynamique est déterminée premièrement par la désintégration naturelle des radionucléides : pendant les premiers jours et les semaines après la Catastrophe, les niveaux de contamination étaient supérieurs aux actuels de plusieurs ordres de grandeur. Deuxièmement, cette dynamique est déterminée par une forte redistribution des radionucléides dans les écosystèmes du fait de leur concentration par les organismes vivants et de leur migration dans le sol et dans l’atmosphère. La non prise en considération de ces facteurs et des facteurs semblables peut constituer l’une des causes qui conduisent les chercheurs à des conclusions erronées quant à l’insignifiance des conséquences de la catastrophe pour la santé tant des habitants que de l’environnement.

Plus de vingt ans après la Catastrophe, des dizaines de millions de personnes (parmi lesquelles près de 7 millions au Bélarus, en Ukraine et en Russie) vivent (et vivront encore pendant de nombreuses décennies) dans un environnement altéré par une contamination, faible mais constante, ajoutée au fond naturel. Même si la densité actuelle de la contamination n’est pas élevée dans quelque territoire précis, l’énorme contamination des premiers jours et des semaines qui ont suivi la Catastrophe, ainsi que la faible contamination persistante pendant des décennies, a pu causer (et causera) une influence considérable sur la santé des habitants et de l’environnement (cf. détails dans parties II et III).

Deuxième partie

LA SANTÉ DE LA POPULATION (p. 46)

Les premières prévisions officielles des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl parlaient seulement de quelques cas supplémentaires de cancer au bout de quelques dizaines d’années. Quatre ans après, ces mêmes personnalités officielles (Iline et al., 1990) 1 augmentèrent le nombre des cas prévisibles à quelques dizaines (alors qu’il y avait déjà des milliers de malades). Vingt ans après, ces mêmes experts formulent la position officielle de l’AIEA et de l’OMS (Health Effects… 2005), selon laquelle le nombre des morts et de ceux qui mourront à cause des maladies provoquées par la Catastrophe, s’élèvera à près de 9000, et le nombre des malades à quelques dizaines de mille.

Près de 400 millions d’habitants de la Terre ont reçu les retombées de Tchernobyl et peuvent, eux-mêmes et leurs descendants, éprouver les conséquences négatives de l’irradiation ionisante de Tchernobyl (détails dans le Ch.1). L’analyse de cette modification de la santé dans ses dimensions globales sera la tâche des recherches futures. La présente étude examine plus en détail les données sur la santé des populations touchées de la partie européenne de l’URSS (essentiellement, de l’Ukraine, du Bélarus et de la Russie européenne), au sujet desquelles existe une énorme quantité  de publications scientifiques, peu connues en Occident.

Une réponse est nécessaire à la question suscitée par le Rapport du « Forum Tchernobyl » (Health Effects.., 2005) : le nombre des décès provoqués par la Catastrophe se monte-t-il réellement aux premiers milliers, et celui des malades à quelques dizaines de mille (ce qui, sur fond de nombreux millions de morts naturelles et de centaines de millions de maladies, est statistiquement peu visible, bien que déjà terrible en soi). Cette réponse est nécessaire avant tout, parce que seule une évaluation objective des dimensions de la Catastrophe constitue une base solide pour l’élaboration de mesures pour l’atténuation de ses conséquences.

La tâche de la présente étude n’est pas de présenter un inventaire exhaustif des données factuelles existantes sur la santé des habitants en relation avec la catastrophe de Tchernobyl (il faudrait plusieurs monographies pour cela), mais de donner une idée des dimensions et de l’éventail des conséquences de cette catastrophe pour la santé humaine.

Pour une présentation du matériel le plus condensée possible, la structure suivante a été choisie dans cette partie : morbidité générale (chapitre 4), vieillissement radiologique (chapitre 5), morbidité non cancéreuse (chapitre 6), morbidité cancéreuse (chapitre 7), mortalité (chapitre 8). L’examen des problèmes méthodologiques, liés au recensement des effets de la contamination de Tchernobyl sur la santé, est placé avant l’exposition des données sur la morbidité liée à cette contamination (chapitre 3). A l’intérieur des chapitres de cette partie le matériel est exposé en général dans l’ordre suivant : Bélarus, Ukraine, Russie, autres pays, et à l’intérieur de ces divisions : enfants, ensemble de la population, liquidateurs.

 Chapitre 3. PROBLÈMES MÉTHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE

DES CONSÉQUENCES DE LA CATASTROPHE POUR LA SANTÉ

 Étant donné que l’action du rayonnement ionisant sur la santé n’a pas de seuil inférieur, le moindre dépassement du niveau d’irradiation au-dessus du fond naturel se fera nécessairement sentir, tôt ou tard, statistiquement (effet stochastique), sur l’état de santé des personnes irradiées ou de leurs descendants. L’énorme quantité de radionucléides expulsés du réacteur du bloc n.4 de la centrale atomique de Tchernobyl (cf. ch. 1 et Annexe), en devenant partie intégrante de l’habitat de centaines de millions de personnes dans tous les continents, devait produire une influence importante sur leur santé.

3.1. Difficultés pour obtenir des données objectives sur les effets de la Catastrophe

/Résumé, par le traducteur/

Causes subjectives : 1. secret ; 2. falsification officielle sans retour des statistiques en URSS ; 3. absence d’une  statistique fiable en URSS (ensuite, en Ukraine, au Bélarus et en Russie) ; 4. désir prononcé des structures gouvernementales et de l’industrie atomique, ainsi que des principales organisations intergouvernementales compétentes (AIEA et OMS) de minimiser les conséquences de Tchernobyl. […]

La situation des liquidateurs est significative à cet égard (leur nombre total s’élève à plus de 800 000). Au cours des premières années après l’accident il a été interdit officiellement d’établir la corrélation entre la morbidité et la radioactivité, en conséquence de quoi les données sur la morbidité des liquidateurs, obtenues avant 1989, on été falsifiées sans retour. (p. 48)

[…] Ainsi, par exemple, dans le livret militaire de pas un  seul (!) des 60 000 militaires en service, qui ont participé aux travaux de liquidation, n’a été enregistré le dépassement de la norme de 25 röntgens, alors en vigueur. En même temps, l’examen clinique de 1100 militaires liquidateurs a révélé chez 37% d’entre eux les symptômes hématologiques de la maladie des rayons, qui indique que ces personnes ont reçu plus de 25 röntgens (Khartchenko et al., 2001). Etc. etc. […]

Tout ceci signifie que, du point de vue d’une méthodologie rigoureuse, il est impossible d’attendre une corrélation certaine entre la morbidité des liquidateurs et un niveau d’irradiation documenté. (p. 50)

Causes objectives :

1. Difficulté d’établir la vraie charge radioactive d’une personne et d’un groupe de personnes, à cause de la :

· difficulté d’une reconstruction correcte des doses transmises au cours des premiers jours, semaines et mois par des radionucléides de courte période, dont l’irradiation pouvait être des centaines et même des milliers de fois supérieure à celle du césium-137 traditionnellement mesuré quelques années plus tard ;

· difficulté de calculer l’action des « particules chaudes » (différenciées dans la composition de leurs radionucléides et de leurs propriétés chimiques) ;

· difficulté de calculer le niveau d’irradiation externe précis d’une personne concrète et d’un groupe de personnes : les doses ne sont pas mesurée par des appareils, toutes les « doses » sont des projections mathématiques indirectes à partir de la consommation moyenne par une personne « moyenne » d’une sélection arbitrairement établie de produits alimentaires, ainsi qu’exposée au niveau moyen de l’irradiation externe par un des radionucléides ;

· difficulté de déterminer l’influence de la contamination des radionucléides, déposés en taches de léopard, sur une personne donnée (cf. ch. 1) ;

· difficulté de déterminer l’influence de tous les radionucléides sur un territoire donné (des territoires propres en césium-137 peuvent être contaminés par le strotium-90, par le plutonium et l’américium) ; […]

· difficulté de déterminer les coefficients spécifiques du passage des radionucléides du sol dans la chaîne alimentaire pour chaque espèce – et même sorte ! – de végétaux, d’animaux et de champignons, pour chaque type de sol, pour les différentes saison et les différentes années.

Etc.… […]

2. Le deuxième groupe des causes objectives est représenté par l’insuffisance des connaissances et des recherches scientifiques modernes :

· de la spécificité de l’action sur l’organisme humain des principaux radionucléides connus, de leur interaction réciproque, ainsi que de leur synergie avec d’autres facteurs de l’environnement ;

· de la variabilité de la sensibilité radiologique humaine selon les individus et les populations (Yablokov, 1998 et al) ;

· de l’influence des doses ultra faibles et des puissances des doses ;

· de l’influence de l’irradiation interne (incorporée).

Les circonstances énumérées ci-dessus provoqueront invariablement, de la part de l’AIEA, de l’OMS et des spécialistes liés à l’industrie nucléaire, l’exigence scientifiquement incorrecte d’une corrélation : « niveau d’irradiation – effet », pour que telle ou telle altération de la santé soit reconnue comme conséquence de la contamination causée par la Catastrophe. L’obligation de découvrir une « corrélation certaine » entre la charge radioactive, toujours déterminée de façon insuffisamment précise, chez une personne concrète (et conséquemment chez un groupe de personnes) et les altération de la santé, saisies avec bien plus de précision (par exemple la fréquence de telle ou telle maladie), comme preuve déterminante du lien entre la maladie et l’irradiation de Tchernobyl, est peu fondée scientifiquement. Les cas fréquents d’une absence de corrélation entre les grandeurs des charges de doses calculées au moyen d’une méthode choisie et les particularités observées d’une altération de la santé (Vorobiev, Chklovskyi – Kodry, 1996 ; Adamovitch et al., 1998 ; Conséquences médicales, 2003 ; Drozd, 2002 ; Kornev et al., 2004 et beaucoup d’autres), ne sont pas la preuve de l’absence de l’action de l’irradiation, mais la preuve de l’erreur méthodologique de cette approche.

3.2. De l’utilisation des « protocoles scientifiques ».

Une des objections communes que l’on fait contre l’utilisation d’une énorme quantité de données sur les conséquences de la Catastrophe pour la santé des habitants, obtenues en Russie, en Ukraine et au Bélarus, consiste dans le reproche que ces données sont obtenues sans respecter les protocoles scientifiques adoptés en Occident. (p. 52)

[… 1. – 4.]

La bonne façon de procéder dans l’analyse des conséquences de la plus grande catastrophe de l’histoire qui s’éloigne rapidement dans le passé, est d’utiliser pour le bien de la société cette énorme quantité de données recueillies par des milliers de spécialistes dans les territoires contaminés par la radioactivité bien que non présentées sous la forme de « protocoles scientifiques » validés. Si c’est le cas, ce n’est pas parce que quelqu’un était contre l’utilisation des « protocoles scientifiques », mais parce que la priorité des médecins était l’aide aux habitants et non la mise en forme des résultats des observations pour une publication scientifique. Il est significatif que, régulièrement, les symposiums des spécialistes qui travaillaient dans les territoires de Tchernobyl n’étaient pas appelés symposiums scientifiques, mais  conférences « scientifiques pratiques ». Les courtes thèses publiées pour ces conférences sont souvent les seules sources d’information de l’énorme travail d’examens de centaines de milliers de victimes.

La mortalité et l’invalidité parmi les spécialistes médicaux eux-mêmes, qui travaillaient dans les territoires contaminés (et qui recevaient une irradiation supplémentaire de leurs patients eux-mêmes), sont indubitablement supérieures : ceci est encore une explication du fait que la généralisation des résultats de leurs observations, remise « à plus tard », ne soit souvent pas terminée sous la forme d’une bonne publication scientifique.

Une grande quantité de données, présentées dans des dizaines de conférences scientifiques pratiques, au cours des années 1980-1990, sur les problèmes de Tchernobyl au Bélarus, en Ukraine et en Russie, ou décrites brièvement dans des éditions administratives non périodiques ne pourra plus jamais être recueillie. Il faut chercher la manière d’extraire une information objective de ces données, au lieu de les rejeter avec superbe.

En novembre 2006, le Comité Fédéral d’Allemagne sur les radiations ionisantes a organisé un symposium, qui a donné la rare occasion d’une discussion ouverte entre des approches fondamentalement divergentes pour la détermination des conséquences de la Catastrophe. Une des conclusions, qui a analysé les résultats de ce symposium, a une importance fondamentale pour tout le matériel tchernobylien : il n’est permis de mettre en doute les données, qui ont été obtenues sans l’utilisation des « protocoles scientifiques » adoptés en occident, que si les résultats des examens du même matériel résultent différents en utilisant ces protocoles. Il est inadmissible, du pointe de vue scientifique, éthique et social, de refuser la discussion des données seulement parce qu’elles ont été obtenues sans l’utilisation des « protocoles scientifiques ».

3.3. Comment reconnaître l’influence de la Catastrophe sur la santé de la population ?

Il est clair que la cause première des maladies radiologiques est constituée par l’irradiation interne et externe par différents radionucléides. Il est possible de le montrer par des voies différentes, parmi lesquelles :

[…]

· la comparaison entre les grandeurs contrôlées instrumentalement de l’accumulation de tel ou tel radionucléide (césium-137, strontium-90, plutonium, américium etc.) dans l’organisme des personnes vivant dans les territoires contaminés. Étant donné qu’un an après la catastrophe la dose interne d’irradiation est formée à 80-90% par le césium-137, la comparaison entre les maladies des personnes qui ont des niveaux différents de son accumulation dans l’organisme (lequel n’aura pas subi l’irradiation d’autres radionucléides pendant la première année de la Catastrophe), donnera des résultats objectifs sur l’influence de la contamination artificielle. Cette méthode est particulièrement efficace pour les enfants, nés plusieurs années après la Catastrophe, comme le montrent les travaux de l’Institut BELRAD (Minsk) (plus en détail cf. la partie IV) ;

[...]

· la mise en évidence d’une corrélation entre les altérations pathologiques d’un organe déterminé ou de parties du corps et les niveaux instrumentalement précis de radionucléides incorporés dans ces organes ou parties du corps. […] (p. 56)

Chapitre 4. MORBIDITÉ GÉNÉRALE ET INVALIDITÉ (p. 56)

 Toutes les fois que les territoires contaminés par les radionucléides de Tchernobyl étaient comparés avec des territoires voisins moins contaminés mais semblables du point de vue des paramètres sociaux et démographiques, on observait l’augmentation de la morbidité générale dans les territoires contaminés. L’augmentation du nombre de nouveaux-nés affaiblis et malades est le résultat de la catastrophe de Tchernobyl, observé dans beaucoup de cas. Les données citées ci-dessous ne sont que des exemples, – elles caractérisent la situation générale.

 4.1. Bélarus [1. – 14.]

1. La morbidité générale des enfants est sensiblement accrue (notamment du fait de l’augmentation de la part des maladies auparavant rares) dans les territoires contaminés (Nesterenko et al., 1993) […]

5. Dans les territoires contaminés par les radionucléides la morbidité générale des enfants du district de Louninets de la région de Brest a augmenté d’un facteur 3,5 dans toutes les classes de maladies, au cours des 8 ans qui ont suivi la Catastrophe, (Voronetski, 1995) : 1986-1988 – 166,6 (sur 1000 enfants), 1989-1991 – 337,3, 1992-1994 – 610,7. […]

9. Dans les districts de Vétka, Narovlia, Khoïniki, Kalinkovitchi de la région de Gomel et dans le district de Krasnopolié de la région de Moguilev la fréquence des avortements et le nombre de nouveaux-nés avec un poids trop faible sont plus élevés dans les territoires contaminés (Ijevsky, Mechkov, 1998).

[…]

4.2. Ukraine [1. – 21.]

1. Au bout des premiers dix ans après la Catastrophe, la morbidité enfantine a augmenté d’un facteur 6 (TASS.., 06.04.98), ensuite elle a un peu diminué et au bout de quinze ans la morbidité générale des enfants ukrainiens était  supérieure à celle1986 d’un facteur 2,9. […]

4. La morbidité des enfants âgés de moins de 14 ans a augmenté de 455,4 en 1987 à 1383,5 (sur 1000) en 2004 (Stépanova, 2006).

5. Le nombre d’enfants pratiquement en bonne santé a diminué dans les territoires contaminés d’un facteur supérieur à 6 : de 3,2% à 0,5%, pendant la période de 1997 à 2005 (Horishna, 2005) […]

7. En 1999, les enfants invalides vivant dans les territoires contaminés étaient quatre fois plus nombreux que la moyenne de toute l’Ukraine (Prysyazhnyuk et al., 2002). […]

14. Pendant la période 1988-2004, le nombre des liquidateurs en bonne santé a diminué de 67,6% à 4,3%, et le nombre des liquidateurs malades de maladies chroniques a augmenté de 12,8% à 81,4% (Rapport national d’Ukraine, 2006 ; Loi…, 2006). […]

19. […] 18 ans après la catastrophe, le nombre de « malades » parmi les liquidateurs ukrainiens a dépassé 94% : à Kiev – 99,9%, dans la région de Soumsk – 96,5%, dans la région de Donetsk – 96,0% (Tchernobyl.., 2004 ; Lubensky, 2004).

[…]

 4.3. Russie [1. – 2.]

1. Le coefficient total de la santé de la population (somme des coefficients de l’invalidité et de la morbidité) dans les territoires de Tchernobyl de la Russie européenne s’est aggravé d’un facteur 2-3, en 10 ans (Tsyb, 1996). […]

7. […] Au début, tous les liquidateurs étaient des jeunes gens en bonne santé. En Russie, cinq ans après la catastrophe, 30% d’entre eux  étaient déjà considérés officiellement « malades », dix ans plus tard, moins de 9% liquidateurs étaient considérés « en bonne santé », et après 16 ans il ne restait dans le groupe « en bonne santé » pas plus de 2% (Ivanov et al., 2004 ; Pribylova et al 2004). […]

9. Le nombre de maladies reconnues chez chaque liquidateur augmente (poly morbidité : pathologie combinée). Avant 1991, il y avait en moyenne 2,8 maladies par liquidateur, en 1995 – 3,5, en 1999 – 5,0 (Liubtchenko, Agaltsev, 2001 ; Liubtchenko et al., 2001).

10. Deux ans à peine après la Catastrophe, des invalides ont commencé à apparaître parmi les liquidateurs, puis les processus invalidants se sont mis à augmenter comme une avalanche (Rybazev, 2002).

En 1995, le nombre d’invalides chez les liquidateurs surpassait les coefficients des groupes d’âge correspondants dans la population d’un facteur trois (Problèmes.., 2002), en 1998 déjà, d’un facteur quatre (Romanenkova, 1998). 15 ans après la catastrophe, 27% de liquidateurs russes étaient devenus invalides, bien qu’ils n’avaient que 48-49 ans d’âge (Guerassimova et al., 2001). En 2004, 64,7% des liquidateurs en âge de travailler étaient invalides (Zubovsky, Tararukhina, 2007).

4.4. Autres pays

1. Hongrie

2. Grande Bretagne

3. Finlande

4. Lituanie

Le fait d’une augmentation manifeste de la morbidité dans les territoires contaminés par les retombées radioactives de Tchernobyl (y compris l’augmentation du nombre d’invalides dans les groupes qui ont reçu une irradiation supplémentaire) n’est pas douteux. Certes, il n’y a pas de preuve directe de l’existence d’un lien entre la morbidité accrue pendant la période post Tchernobyl et l’action de l’irradiation supplémentaire des radionucléides de Tchernobyl. Mais une question se pose alors : avec quoi peut bien être liée cette augmentation de la morbidité deux à trois fois supérieure, coïncidant avec le niveau de la charge radioactive chez des groupes concrets de la population, si ce n’est avec la radioactivité de Tchernobyl ?

L’AIEA et l’OMS (Forum Tchernobyl, 2005) affirment que cette augmentation de la morbidité est liée avec les facteurs socio-économiques et psychologiques. Les facteurs socio-économiques ne peuvent pas en constituer la cause, étant donné que les groupes comparés sont identiques du point de vue de la condition socio-économique, des caractéristiques physique et géographiques des lieux d’habitation, de l’âge et du sexe et ne se différencient que par le niveau de la charge radioactive.

Le facteur psychologique comme la radiophobie ne peut pas constituer non plus une cause déterminante de l’augmentation de la morbidité dans les territoires contaminés, parce que la morbidité augmente partout, quelques années après la Catastrophe, alors que la radiophobie diminue sensiblement avec le temps. [Quelle radiophobie peuvent avoir les petits enfants qui naissent malformés ou souffrent de toutes les maladies infectieuses à cause du système immunitaire affaibli par le lait contaminé de la mère, qui se décharge sur eux, sans le savoir, de sa radioactivité? W.Tchertkoff.]

Chapitre 5. VIEILLISSEMENT RADIOLOGIQUE [1. – 10.]

 Le phénomène du vieillissement accéléré est une des conséquences spécifiques de l’action de la radiation ionisante (Klemparskaya, 1964). Dans tous les territoires contaminés suite à la catastrophe de Tchernobyl, le phénomène du vieillissement précoce est observé à un degré plus ou moins élevé.

1. Un « bouquet » de maladies propres aux personnes d’âge avancé, est une caractéristique des enfants vivant dans les territoires du Bélarus fortement contaminés par les retombées de Tchernobyl (Anonyme, 2005).

2. L’épithélium du tube digestif chez les enfants des régions contaminées du Bélarus rappelle souvent celui des vieillards (Nesterenko et al., 1996).

3. Plus de 70% des 69 enfants et adolescents hospitalisés au Bélarus en 1991-1996 à cause de l’alopécie précoce (calvitie) provenaient des zones fortement radioactives (Morosévitch et al., 1997).

4. L’âge biologique des personnes, qui vivent de manière permanente dans les territoires radiologiquement contaminés d’Ukraine, surpasse l’âge du calendrier de 7 à 9 ans (Mezjerine, 1996). La même tendance s’observe en Russie (Malyguine et al., 1998).

[…]

7. Les processus de vieillissement précoce sont caractéristiques des liquidateurs : beaucoup de maladies apparaissent chez les liquidateurs 10 à 15 ans plus tôt que dans la moyenne de la population. L’âge biologique des liquidateurs surpasse celui de leur état civil de 5 à 15 ans (Gadassina, 1994 ; Poliukhov et al., 1995 ; Romanenko et al., 1996 ; Tron’ko et al., 1995). La différence entre l’âge biologique et celui du calendrier, calculée par les marqueurs du vieillissement chez 306 liquidateurs, est de 5 à 11 ans (Poliukhov et al., 1995 ; cité de Uchakov et al., 1997, p.197).

8. Symptômes du vieillissement précoce des liquidateurs (Antipova et al., 1997 ; Javoronkova et al., 2002 ; Kholodova, Zoubovsky, 2002 ; Zoubovsky, Malova, 2002 ; Vartanian et al., 2002 ; Krassilenko, Eler Aiad, 2002 ; Stépanenko, 2003 ; Khartchenko et al., 1998, 2004 ; Droujinina, 2004 ; Oradovskaya, 2006) :

· poly morbidité sénile à un âge, qui ne sorrespond pas à l’âge avancé ou vieux (10,6 diagnostics de maladies pour un liquidateur dépasse la norme d’âge d’un facteur 2,4) ;

· altérations dégénératives dystrophiques de type sénile dans différents organes et tissus (ostéoporose, cholécystite chronique, cholécystopancréatite, dystrophie du foie etc.) ;

· vieillissement accéléré des vaisseaux sanguins, y compris ceux du cerveau (encéphalopathie sénile à l’âge de 40 ans environ) ;

· altérations du fond de l’oeil : focosclérose ; angiodystrophie de la rétine, cataractes séniles précoces, presbyties précoces ;

· caractère sénile des altérations des fonctions psychiques supérieures ;

· diabète sucré sénile du 2ème type chez des liquidateurs âgés de moins de 30 ans.

[…]

10. une des causes apparentes du vieillissement précoce est représentée par la découverte pratiquement chez tous les liquidateurs des altérations du système circulatoire, qui portent à l’artériosclérose (Tlepchoukov et al., 1998), ainsi que les altérations des tissus épithéliaux (y compris l’épithélium de l’intestin).

***

Le vieillissement radiologique provoqué par la catastrophe de Tchernobyl a déjà touché des centaines de milliers de personnes et touchera des millions dans le futur.

Chapitre 6. MORBIDITÉ NON CANCÉREUSE (pp.70-177)

 Habituellement, quand on mentionne les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl pour la santé des personnes, on pense à l’apparition des maladies cancéreuses. Cependant, quelle que soit leur importance, les maladies cancéreuses sont loin d’épuiser les conséquences médicales de la Catastrophe. Sans prétendre de faire une revue complète du matériel accumulé sur les maladies non cancéreuses, nous citerons des exemples, qui montrent les dimensions et la variété des altérations négatives des différents organes et systèmes.

(Hormis quelques paragraphes significatifs, choisis arbitrairement, la traduction se limite ici à donner la liste des maladies citées pour les 3 pays dans les 107 pages de ce chapitre.

6.1 Maladies des systèmes circulatoire et lymphatique

Les maladies des systèmes circulatoire et lymphatique sont l’une des conséquences les plus répandues de la contamination radiologique de Tchernobyl chez les enfants et les adultes. Les maladies des organes circulatoires sont l’une des causes principales d’invalidité et de la mort des liquidateurs.

6.1.1. Maladies du sang et des organes hématopoïétiques (p.70)

6.1.1.1. Bélarus [1. – 14.]

6.1.1.2. Ukraine [1. – 8]

6.1.1.3. Russie [1. – 11.]

6.1.2. Maladies des organes du système circulatoire (p.75)

6.1.2.1. Bélarus [1. – 10]

6.1.2.2. Ukraine [1. – 5.]

6.1.2.3. Russie [1. – 14.]

6.1.2.4. Autres pays

Moldavie

[…] Bien que le tableau de l’ensemble de la morbidité des systèmes circulatoire et hématopoïétique soit encore loin d’être complet, il devient clair que l’une des causes communes de l’altération du fonctionnement des vaisseaux est l’atteinte de l’endothélium – couche de cellules qui tapisse l’intérieur des parois du cœur et des vaisseaux.

  6.2 Altérations génétiques (p.81)

[…] Vingt ans après la catastrophe, une grande quantité de données est apparue sur les atteintes génétiques, liées à l’irradiation supplémentaire de Tchernobyl. Dans cette partie nous ne citons pas seulement les données sur les mutations de différents types apparues suite à la Catastrophe (6.2.1.), mais aussi celles sur les malformations congénitales induites génétiquement (6.2.3.) ainsi que sur la santé des enfants de parents irradiés (6.2.4.)

6.2.1. Altérations de la fréquence des mutations

6.2.1.1. Mutations chromosomiques

6.2.1.1.1. Bélarus [1. – 5.]

6.2.1.1.2. Ukraine [1. – 13.]

6.2.1.1.3. Russie [1. – 20.]

6.2.1.1.4. Autres pays – Yougoslavie, Autriche, Allemagne, Norvège

6.2.1.2. Mutations génomiques

6.2.1.2.1. Trisomie-21 (mongolisme) – Bélarus, Allemagne, Suède, Grande Bretagne.

6.2.1.2.2. Trisomie-13 (syndrome Patau) et autres mutations génomiques

6.2.2. Polymorphisme génétique des protéines

6.2.3. Altérations dans l’ADN satellitaire

6.2.4. Malformations congénitales induites génétiquement

6.2.5. Enfants de parents irradiés [1. – 13.]

***

Puisqu’on sait qu’à la deuxième et à la troisième génération, chez les enfants de parents qui ont subi les effets des explosions nucléaires au Japon en 1945, la fréquence des maladies des organes hématopoïétiques est 10,5 fois plus élevée, celle des maladies du foie 10 fois et celle du système respiratoire 3,3 fois plus élevée que celle du groupe contrôle (Furitsu et al., 1992), on peut penser que les problèmes de santé des descendants des liquidateurs vont également continuer pendant les générations futures.

 

6.2.6. Les aberrations chromosomiques sont des indicateurs de l’état de santé [1. – 12.]

[…] Ces corrélations montrent que l’augmentation générale du niveau des altérations chromosomiques dans les territoires contaminés constitue un indice objectif d’un risque génétique élevé, de même que du risque de développement de beaucoup d’autres maladies.

 6.2.7. Conclusion (p.100-101)

[…] Le perfectionnement des méthodes scientifiques rendra possible un recensement plus complet de ces mutations génétiques. Toutefois on peut dire déjà, qu’en apparaissant dès les premiers jours qui on suivi l’irradiation et en augmentant le risque d’apparition de différentes maladies, la modification des structures génétiques fut la première manifestation dangereuse de la catastrophe de Tchernobyl,.

Même si l’irradiation de Tchernobyl ne subsistait que peu de temps (comme à Hiroshima et à Nagasaki), ses conséquences se feraient sentir suivant les lois de la génétique statistique pendant au moins une série de générations successives à partir de l’instant de la Catastrophe (Chevtchenko, 2002). L’irradiation de Tchernobyl est génétiquement plus dangereuse que celle de Hiroshima et Nagasaki, tant parce que la quantité des radionucléides rejetés par la Catastrophe dans la biosphère est des milliers de fois supérieure, qu’à cause de la composition des radionucléides. Elle a frappé et frappera les habitants dans des territoires immenses pendant des siècles, en ajoutant de nouvelles atteintes génétiques à celles déjà reçues. Les conséquences génétiques de la catastrophe de Tchernobyl toucheront des centaines de millions de personnes, parmi lesquelles :

· celles qui ont subi le premier choc radiologique par les radionucléides de courte période dans le monde entier, en 1986 (cf. ch.1) ;

· celles qui vivent, et vivront pendant pas moins de 300 ans, dans les territoires contaminés par le strontium-90 et le césium-137, jusqu’à ce que leur niveau ne baisse jusqu’à celui du fond naturel ;

· celles qui vivront dans les territoires contaminés par le plutonium et l’américium pendant des milliers d’années ;

· les enfants des géniteurs irradiés pendant sept générations (même s’ils vivront dans des territoires propres).

 6.3. Maladies des organes du système endocrinien

La glande thyroïde concentre jusqu’à 40% de la quantité totale des radionucléides d’iode chez les adultes et jusqu’à 70% chez les enfants (Iline et al.1989, Dedov et al. 1993). L’hypophyse aussi concentre considérablement (de 5 à 12 fois) les radionucléides d’iode incorporés dans l’organisme (Zubovsky, Tararukhina, 1991). C’est la raison de l’hyper contamination de ces deux glandes endocriniennes très importantes pendant la première période « iodée » de la Catastrophe : pendant les quelques semaines initiales. Du fait que tous les autres organes de la sécrétion interne (glandes parathyroïdiennes, épiphyse, pancréas et glandes surrénales) sont étroitement liés dans l’équilibre hormonal, la contamination radiologique de Tchernobyl  a influé sur le fonctionnement de tous les organes du système endocrinien. Ainsi, la synthèse de l’hormone surrénal cortisone et de l’hormone testiculaire testostérone était corrélée chez les femmes gestantes avec le niveau de l’irradiation interne (Duda, Kharkévitch, 1996). Le niveau de la cortisone dans le sang des enfants était significativement abaissé dans les territoires contaminés (Petrenko et al., 1993). La corrélation entre les coefficients immunitaires et la contamination radiologique du territoire est manifeste chez les enfants et les adolescents atteints d’une thyroïdite Hashimoto auto-immune (Kutchinskaya et al., 2001). Les exemples semblables sont nombreux.

Il est évident que l’influence de l’irradiation de Tchernobyl agit dangereusement sur les organes du système endocrinien, mais quelle est la dimension de cette action ? L’ensemble des exemples présentés dans ce chapitre répond à cette question. A cet effet, après la revue des matériaux qui concernent les maladies des organes du système endocrinien (6.3.1) nous examinerons le problème central de la morbidité endocrinienne liée à la catastrophe de Tchernobyl : les altérations du fonctionnement de la glande thyroïde (6.3.2).

6.3.1 Revue des matériaux concernant les maladies du système endocrinien

 Les maladies du système endocrinien sont parmi les plus répandues dans tous les territoires, qui ont subi les retombées radioactives de TchernobyL (Baleva et al., 1996 et nombreux autres).

Dans les territoires contaminés par la radioactivité les fœtus ont l’activité adrénalo-sympathique diminuée de 50% avant leur naissance et la corticale de 36%, en comparaison avec les données normatives. Le système hypophyso-thyroïdien fonctionne en régime de [dysthyréose ?], et dès la fin de la première semaine de vie et le début de la deuxième, chez 28% des nouveaux-nés examinés se forme une [hypothyréose ?] transitoire (Kulakov et al., 1997).

6.3.1.1. Bélarus [1. – 16.]

6.3.1.2. Ukraine [1. – 09.]

6.3.1.3. Russie [1. – 13.]

 O. Ulévitch. « Le filles de Tchernobyl se transforment en garçons ». Hebdomadaire « Versia » (Moscou, N°7, 22-28 février 2000, p. 14.

« … En été 1998, le docteur Vvedensky a visité avec un groupe de collègues le sanatorium de l’entreprise « Khimvolokno », à 100 km de Gomel. Depuis l’accident de Tchernobyl, les enfants des territoires les plus contaminés passent chaque année des périodes de convalescence dans ce sanatorium… Les médecins ont sélectionné 300 fillettes nées en 1986-1990… Après un an et demi d’observations, les médecins on obtenu des résultats stupéfiants. Les examens anthropométriques : mesures de la hauteur, du poids, du volume du thorax, des hanches et des extrémités – ont révélé que tous les indices quantitatifs chez les filles de la zone de Tchernobyl sont inférieurs à la norme. Cependant la largeur des épaules des filles était supérieure à la norme. On notait que leurs, jambes, épaules et avant bras étaient intensément poilus.

Plus tard, les scientifiques se sont heurtés à des pathologies plus sérieuses. Généralement, le  cycle menstruel commence chez les filles à l’âge de 12-13 ans. Pas une des 300 filles n’avait les menstruations. Les données échographiques ont montré de même que leurs organes internes – utérus, ovaires – étaient insuffisamment développés.  « Les résultats de nos examens pouvaient être le fait d’un hasard exceptionnel, – pense le docteur Vvedensky, – cependant parmi ces trois cents filles il y en avait une qui manquait totalement d’organes génitaux internes… Pour le moment, nous n’avons pas le droit d’en tirer des conclusions scientifiques quelconques. Si nous avions trouvé ne serait-ce que trois filles sur 10.000 examinées avec des malformations congénitales analogues, alors nous pourrions dire que nous sommes en présence d’une terrible catastrophe physiologique. » Mais les médecins n’ont pas d’argent pour des recherches plus étendues et approfondies. Le groupe de Vvedensky a conclu que la cause des altérations résidait dans un déséquilibre hormonal. Sous l’action de la radioactivité l’organisme des jeunes filles produit une énorme quantité de l’hormone testostérone. C’est une hormone masculine. Elle est présente dans l’organisme de chaque femme, mais quand il y en a trop, la femme peut perdre les caractéristiques féminines… »

 6.3.2. Altérations du fonctionnement de la glande thyroïdienne

6.3.2.1. Bélarus [1. – 15]

6.3.2.2. Ukraine [1. – 12]

6.3.2.3. Russie [1. – 6]

6.3.2.4. Autres pays Pologne

6.3.3. Conclusion

Les données présentées dans cette partie ne donnent pas encore un tableau complet des maladies liées aux altérations hormonales. Une des causes principales est due au fait qu’une grande partie de ces altérations n’est pas enregistrée par la statistique médicale actuelle.

[…]

Rappelons que pour un cas de cancer de la glande thyroïde nous avons près de mille cas d’autres maladies de cet organe. Aussi pouvons-nous, affirmer que les maladies du système endocrinien, provoquées par Tchernobyl, devront toucher des millions de personnes. Selon les estimations des experts, seulement au Bélarus près de 1 500 000 de personnes sont à risque de maladie de la glande thyroïde (Gofman, 1994 a ; Lipik, 2004).

6.4. Altérations de l’immunité et du système lymphoïde

L’irradiation supplémentaire affecte l’immunité : le système naturel de protection de l’organisme contre l’infection et la majeure partie des maladies. Ceci est un autre résultat important des nombreuses recherches effectuées au cours des dernières années en Ukraine, au Bélarus et en Russie.

Sous l’effet chronique de l’irradiation ionisante supplémentaire, même de faible intensité, provoquée par les retombées radioactives de Tchernobyl, des altérations apparaissent dans les organes faisant partie du système lymphoïde de l’organisme : moelle des os, thymus, rate, nœuds lymphatiques. Il en résulte une modification de la quantité et de l’activité des différents groupes de lymphocytes du sang et, par suite, une insuffisante production des anticorps (immunoglobulines de différentes classes), des cellules hématopoïétiques, des thrombocytes. L’altération du système immunitaire général a pour résultat la déficience immunitaire et, comme conséquence, l’augmentation de la fréquence et de la gravité des maladies et des infections aiguës et chroniques, observées en grand nombre dans les territoires de Tchernobyl (Bortkevtich et al., 1996 ; Lenskaya et al., 1999 et nombreux autres). L’affaiblissement de l’immunité dans les territoires contaminés par la radioactivité est appelé parfois « le SIDA de Tchernobyl ».

L’examen de près de 150 publications scientifiques porte à la conclusion que l’effondrement de la fonction hormonale du thymus joue le rôle principal dans le développement de la pathologie du système immunitaire irradié (Savina, Khoptynskaya, 1995).

Dans cette partie nous présentons seulement des exemples de l’action de la contamination de Tchernobyl sur le système immunitaire, ce qui permet toutefois de montrer les dimensions de l’atteinte radiogène à la santé.

 6.4.1. Bélarus [1. – 22.]

6.4.2. Ukraine [1. – 10.]

6.4.3. Russie [1. – 13.]

 Bien que fragmentaires, les données présentées dans cette partie sur l’action des retombées radioactives de Tchernobyl sur les caractéristiques du système immunitaire montrent l’énorme dimension de cette action. Selon toute apparence, les atteintes à l’immunité provoquées par les retombées radioactives de Tchernobyl intéressent d’une manière ou d’une autre toutes les personnes qui ont subi l’irradiation supplémentaire sans exception.

 6.5. Maladies des organes respiratoires

L’augmentation des maladies des organes respiratoires dans les territoires de Tchernobyl est observée partout. Les maladies des organes respiratoires (cavité nasale, pharynx, trachée, bronches, poumons) constituent l’une des premières conséquences visibles de l’irradiation ionisante, – des hémorragies nasales et irritations de la gorge aux cancers des poumons. Les particules de la « poussière de Tchernobyl » (radionucléides combinés avec des particules de ciment, du sol etc.) demeurent pendant longtemps dans le tissu pulmonaire à cause de la mauvaise solubilité des oxydes d’uranium. Pendant les premiers jours après la catastrophe, les maladies des voies respiratoires supérieures (cavité buccale, pharynx, trachée) chez les adultes étaient liées essentiellement à l’action des radionucléides sous forme gazeuse et d’aérosols. Pendant la première période après la Catastrophe, l’iode-131, le rubidium-106 et le cérium-144 avaient la plus forte action sur le système respiratoire (IAEA 1992 ; Tchoutchaline et al., 1998 ; Kout’kov et al., 1993 ; Terechtchenko et al., 2004). Plus tard, les maladies des organes respiratoires étaient déterminées par les « particules chaudes » pénétrées dans l’organisme, par l’irradiation externe, et se manifestaient aussi suite aux altérations des systèmes immunitaire et hormonal. Les « particules chaudes » les plus petites de la grandeur de 5 microns pénètrent facilement dans les régions les plus éloignées des poumons, les plus grandes sont retenues dans les voies respiratoires supérieures (Khruchch et al., 1988 ; Malachanko & Goluenko 1990 ; Ivanov et al., 1990 ; IAEA 1994).

La fréquence des maladies broncho-pulmonaires chroniques est en rapide augmentation dans les territoires atteints et parmi les liquidateurs (Kogan, 1998 ; Provotorov, Romachov, 1977 ; Trakhtenberg, Thissov, 2001 ; Yakouchine, Smirnova, 2002 ; Tsélovalnikova, Balachov, Efremov, t2003 et al.). Chez les liquidateurs, dont l’observation de la santé était effectuée plus scrupuleusement, on notait une altération de la régularité respiratoire, conditionnée par l’amoindrissement fonctionnel de l’élasticité des poumons (Kouznetsova, 2004). La « poussière de Tchernobyl » se révèle chez les liquidateurs au bout de nombreuses années dans les bronches, dans les bronchioles et les alvéoles, et cause un « syndrome d’inflammation aiguë des voies respiratoires supérieures par inhalation », qui se manifeste sous la forme d’une combinaison entre rhinite, irritation du larynx, toux sèche, difficulté de respiration (Tchoutchaline et al., 1993 ; Kout’kov, 1998 ; Romanova, 1998 ; Tchikina et al., 2001 et al).

6.5.1. Bélarus [1. – 8.]

1. Les maladies respiratoires aiguës sont deux fois plus fréquentes chez les enfants nés de mères, qui étaient gestantes au moment de l’accident (Nesrerenko, 1996).

[…]

6.5.2. Ukraine [1. – 9.]

6.5.3. Russie [1. – 8.]

[…]

Chez les descendants (non irradiés directement) des survivants atomisés de Hiroshima – Nagasaki (hibakusha), quelques décennies après les bombardements les maladies du système respiratoire se rencontraient avec une fréquence plusieurs fois supérieure aux groupes de contrôle (Furitsu et al., 1992). Si cette augmentation de la morbidité est observée suite à une seule brève irradiation, on peut être certain que l’irradiation de Tchernobyl provoquera une morbidité élevée du système respiratoire pendant plusieurs générations.

6.6. Maladies des organes du système uro-génital et atteintes à la reproduction

6.6.1 Bélarus [1. – 12.]

[…]

« … le médecin se souvient : « Dans un village nous avons découvert douze vieilles femmes lactantes*. Des femmes de 70 ans avaient du lait dans les seins, comme les accouchées. Les spécialistes peuvent discuter du nouvel effet radiologique à faibles doses, mais l’imagination humaine commune est dans l’ impasse… ».

Svetlana Alexievitch « La supplication » (Literatournaïa Gazéta, 24.04.1996).

*galactorrhée, syndrome d’hyperprolactinémie, sécrétion du lait en l’absence de gestation. Une des manifestations de l’altération de la fonction de la glande thyroïde.

 6.6.2. Ukraine [1. – 18.]

6.6.3. Russie [1. – 10.]

6.6.4. Autres pays – Arménie, Tchéquie.

 6.7. Maladies du système osseux

6.7.1. Bélarus [1. – 3.]

6.7.2. Ukraine [1. – 7.]

6.7.3. Russie [1. – 12.]

6.8. Maladies des organes du système nerveux et des organes des sens

Avant la catastrophe de Tchernobyl le système nerveux était considéré comme le plus résistant à l’action de l’irradiation ionisante (Gouskova, Baïsogolov, 1971). Vingt ans après la Catastrophe on peut dire que cette idée s’est révélée exacte seulement pour les doses élevées d’irradiation : chez les habitants, soumis à une faible irradiation chronique, comme chez les liquidateurs (irradiés pendant un temps relativement court), les maladies du système nerveux  sont devenues habituelles.

6.8.1. Maladies des organes du système nerveux

Certaines régions du système nerveux central sont particulièrement réceptifs à l’affection radiologique (revue cf. Loganovsky, 1999). Vingt ans après la Catastrophe beaucoup de données se sont accumulées montrant que l’irradiation ionisante de niveau relativement faible conduit non seulement à des altérations stochastiques, mais également à des altérations déterministes des systèmes nerveux central et végétatif : à des encéphalopathies de radiations.

6.8.1.1. Bélarus [1. – 7.]

6.8.1.2. Ukraine [1. – 13.]

6.8.1.3. Russie [1. – 25.]

[…]

4. Chez les étudiants de 16-17 ans des territoires contaminés on a découvert une diminution  de l’étendue de la mémoire de courte durée et une détérioration de la fonction d’attention, dont la manifestation a été corrélée avec la densité de la contamination radioactive (Ouchakov et al., 1997).

[…]

6. On voit apparaître de plus en plus d’observations du phénomène de « débilité mentale de Tchernobyl » (détérioration de la mémoire, automatisme de l’écriture, apparition de convulsions, douleurs de tête pulsionnelles) provoquée par la destruction des cellules de l’encéphale  chez les adultes (Sokolovskaya, 1997).

[…]

9. En 1995, le niveau de la morbidité du système nerveux et des organes des sens chez les liquidateurs était supérieur à la moyenne du pays d’un facteur 6,4 (« Sécurité écologique de Russie » éd. 4, Moscou pp. 211-225, avril 2002).

[…]

20. Les plaintes typiques des liquidateurs sont les fortes douleurs de tête, que les analgésiques ne diminuent pas, diminution de la mémoire des événements du jour, faiblesse      générale, fatigue, diminution de la capacité de travail, transpiration, battements du cœur, douleurs aux os et aux articulations, qui empêchent de dormir la nuit, accès de douleurs avec pertes de conscience, accès d’arythmies cardiaques avec frissons ou fébrilité, troubles de la vue, insomnie, engourdissement des bras et des pieds (Sokolova, 2000 ; Kholodova, 2006).

[…]

25. La gravité des pathologies neurologiques chez les liquidateurs est corrélée avec les altérations de la circulation sanguine dans différentes parties du cortex, de la matière blanche et des formations profondes de l’encéphale (Kholodova,)

***

Les nombreuses données sur les maladies du système nerveux dans les territoires contaminés ainsi que chez les liquidateurs montrent que les idées précédentes sur la stabilité du système nerveux soumis à l’influence radiologique s’avèrent erronées. L’influence des radiations, même de niveau relativement faible (par rapport aux évaluations précédentes de la sécurité radiologique), à l’instar de celle qui existe dans les territoires contaminés, conduit à de profondes altérations systémiques du système nerveux central.

Chez de nombreux habitants des territoires contaminés, en particulier parmi les irradiés in utero, mais aussi chez les liquidateurs, certaines fonctions du système nerveux sont altérées : particularités de la perception, mémoire de courte durée, attention, pensée opérative, sommeil. Cela est corrélé avec des altérations de l’activité des parties profondes de l’encéphale : diencéphale, parties rétro frontales, temporales, sincipitales et occipitales des lobes du cerveau. L’influence radiologique altère de quelque façon aussi l’activité  du système nerveux végétatif. Il reste à ajouter que le retard mental est noté chez 45% des enfants nés de mères qui ont survécu à un bombardement atomique (Boulanova, 1996).

6.8.2. Maladies des organes des sens

6.8.2.1. Bélarus [1. -11.]

[…]

5. Il y a une corrélation directe  entre le niveau du césium-137 incorporé et la fréquence des cataractes chez les enfants du district de Vétka de la région de Gomel (Bandajevsky, 1999).

6.8.2.2. Ukraine [1. – 6.]

6.8.2.3. Russie [1. – 3.]

6.8.2.4. Autres pays – Norvège

                                                                                           ***

Ce n’est qu’après l’an 2000 que la médecine officielle a commencé à reconnaître que l’augmentation des cas de cataracte partout dans les territoires de Tchernobyl, parmi les évacués et les liquidateurs sont d’origine radiologique. Il a fallu attendre 10 ans ( !) après que les médecins aient commencé à donner l’alarme à ce sujet.

6.9. Maladies du système digestif et des organes internes

6.9.1. Bélarus [1. – 12.]

6.9.2. Ukraine [1. – 15.]

6.9.3. Russie [1. – 17.]

6.10. Maladies de la peau

6.10.1. Bélarus [1. – 5.]

6.10.2. Ukraine [1.]

6.10.3. Russie [1. – 7.]

6.11. Infections et invasions

Étant donné que la radioactivité ionisante est un puissant facteur mutagène, le nuage des radionucléides du bloc explosé N°4 de la centrale atomique de Tchernobyl, qui a recouvert tout l’hémisphère Nord de la planète d’un mélange de différents radionucléides (cf. chap. 3 et 4), ne pouvait pas ne pas modifier les entérobiocénoses en activant un processus de création de nouvelles formes de microorganismes, dont certains sont pathogènes. C’est ce qui s’est passé effectivement. En témoignent les données sur l’augmentation du nombre et de la gravité des toxicoses intestinales, gastroentérites, (dysbactérioses ?), septicémies, hépatites virales, virus respiratoires dans les territoires contaminés par les retombées de Tchernobyl (Batian, Kojarskaya,1003 ; Kapitonova, Krivitskaya, 1994 ; Nesrerenko et al., 1993 ; Boussouète et al., 2000).

6.11.1. Bélarus [1. – 16.]

6.11.2. Ukraine [1. – 2.]

6.11.3. Russie [1. – 11.)

***

Il n’est pas exclu que les faits exposés ci-dessus sur la propagation plus large des affections infectieuses et parasitaires dans les territoires contaminés et parmi les liquidateurs ne soient que le reflet d’un processus insuffisamment étudié et extrêmement dangereux de la diffusion de formes radio induites d’infections virulentes dangereuses. L’influence radiologique, qui neutralise certaines affections infectieuses, provoque la diffusion d’autres maladies, en agissant aussi bien sur les agents pathogènes directement, qu’en détériorant la résistance antimicrobienne et antivirale de l’organisme suite à l’affaiblissement du système immunitaire. L’instabilité génétique observée dans les territoires de Tchernobyl peut favoriser une sensibilité plus élevée de l’organisme aux infections virales et d’autres types (Vorobtsova et al., 1995).

6.12. Malformations congénitales

Les malformations congénitales (MC) et les anomalies héréditaires moins importantes prennent naissance en tant qu’altérations pendant le développement embryonnaire et peuvent être soit génétiquement provoquées (résultant de quelque mutation, comme par exemple, le syndrome de Down), soit tératogènes – provoquées par quelque influence externe au cours du développement embryonnaire (habituellement à la 16ème semaine de grossesse). Dans la partie 6.2.4 « Malformations induites génétiquement » nous avons examiné certaines MC ayant une claire origine génétique. Dans cette partie nous examinons les données de toutes les autres MC et anomalies de développement.

6.12.1. Bélarus [1. – 15.]

6.12.2. Ukraine [1. -  12.]

6.12.3. Russie [1. – 7.]

6.12.4. Autres pays - Moldavie, Géorgie.

6.13. Autres maladies

 Chapitre 7. AFFECTIONS CANCÉREUSES (pp. 178 – 207)

Les affections cancéreuses (tumeurs malignes, cancers) constituent une des conséquences les plus typiques de l’irradiation ionisante. Du moment de l’irradiation à celui de l’apparition  de tumeurs malignes qu’elle provoque, passe une période de latence. D’après les données obtenues des études des victimes du bombardement atomique de Hiroshima et Nagasaki, les cancers provoqués par l’irradiation apparaissent dans leur généralité de la façon suivante :

- leucémie (cancer du sang) – au bout de 5 ans ;

- cancer de la thyroïde – au bout de 10 ans ;

- cancer du sein et des poumons – au bout de 20 ans ;

- cancer de l’estomac, de la peau et du rectum – au bout de 30 ans.

Dans le cas de l’irradiation de Tchernobyl ce tableau est rendu plus complexe du fait que les personnes vivant dans les territoires contaminés subissent une irradiation supplémentaire constamment renouvelée, et tant que cette irradiation aura lieu, la morbidité totale augmentera sans cesse.

 « R.Geil :… une probabilité quelconque de l’apparition des maladies cancéreuses suite à l’accident de Tchernobyl est extrêmemnt faible… Il est même possible qu’il n’y aura pas de cas du tout, ou le nombre sera tel que nous ne pourrons pas le déterminer… J’espère qu’il n’y aura pas de cas supplémentaires d’affections cancéreuses.

L. A. Bouldakov : Il y a la morbidité causée par le bruit de fond (rayonnement naturel), et il ne doit y avoir aucun cas supplémentaire ».

Colloque du prof. R. Geil de l’Université de la Californie avec le vice-directeur de l’Institut de biophysique du ministère de la Santé de l’URSS, prof. L. A. Bouldakov, peu de mois après la catastrophe de Tchernobyl

(cit. de Diatchenko et al., 1996 pp.716-717)

Pour apprécier les données présentées ici il faut tenir compte du fait que la qualité des statistiques oncologiques russe et ukrainienne est basse, elle ne correspond pas aux standards internationaux. Dans l’ensemble, ces données présentent une évaluation minimisée des affections cancéreuses rencontrées.

[…]

Dans cette partie nous présentons successivement les données de la morbidité cancéreuse générale, du cancer de la glande thyroïde, de la leucémie, et ensuite de tous les autres néoplasmes malins observés dans les territoires touchés par les retombées de Tchernobyl. Il faut rappeler que les données présentées dans cette partie, comme dans les autres, ne représentent pas une revue exhaustive, mais seulement des exemples, qui témoignent de la dimension de l’ensemble du problème qui, dans le cas présent, est celui de l’apparition de tumeurs malignes sous l’effet des radionucléides répandus lors de la catastrophe de Tchernobyl.

7.1. Augmentation de la morbidité cancéreuse générale

Il existe deux voies pour déterminer la dimension de la morbidité cancéreuse causée par la catastrophe de Tchernobyl : sur la base du calcul des doses reçues (en utilisant les coefficients de risque correspondants), et en comparant directement les niveaux de morbidité cancéreuse des habitants des territoires contaminés.

7.1.1. Bélarus [1. – 8.]

1. Pendant la période 1990-2000, la fréquence de toutes les affections cancéreuses a augmenté de 40% dans le pays. L’augmentation était maximale dans la région de Gomel, la plus contaminée par la radioactivité de Tchernobyl, et moindre dans les régions moins contaminées de Brest et de Moguilev (respectivement, 53%, 33%, 32% ; Okeanov et al., 2004).

[...]

7.1.2 Ukraine [1. – 5.]

7.1.3. Russie [1. – 5.]

 7.2.  Cancer de la thyroïde

Le problème du cancer de la thyroïde attire particulièrement l’attention non seulement parce que la morbidité de ce cancer est pour le moment la plus considérable quantitativement parmi toutes les néoplasies malignes causées par la catastrophe de Tchernobyl, mais aussi parce que la glande thyroïde constitue l’anneau central du système endocrino-hormonal, et son affection provoque des dizaines d’autres maladies sérieuses.

7.2.1. Nombre de malades

7.2.1.1. Bélarus [1. –9.]

7.2.1.2 Ukraine [1. – 7.]

7.2.1.2. Russie [1. – 8.]

7.2.1.4. Autres pays [1. – 4]

1. France. Le nombre total de malades du cancer de la thyroïde pendant la période 1986-2002 dans le Midi de la France s’élevait jusqu’ à 1500 cas selon les médias et les ONG.

+ Autriche, Tchéquie, Grande Bretagne.

7.2.2. Combien et quand peut-on attendre de nouveaux cas de cancers de la thyroïde ?

(pp. 193-196)

***

 Les particularités caractéristiques de la diffusion et de l’apparition du cancer de la thyroïde de Tchernobyl sont très différentes des données, largement utilisées comme références, sur les conséquences des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki.

Le cancer de Tchernobyl :

- apparaît beaucoup plus tôt (non après 10 ans, mais déjà au bout de 3-4 ans après l’irradiation) ;

- il se développe dans une forme beaucoup plus agressive ;

- il ne touche pas seulement les enfants, mais des personnes adultes au moment de l’irradiation.

Il est erroné de penser que ce cancer est facilement guérissable chirurgicalement. Bien que dans la majorité des cas il est curable par l’opération, dans un  tiers des cas environ le cancer continue à se développer après l’intervention. En outre, dans tous les cas de la cure chirurgicale sans exception le malade reste invalide pour toute la vie, dépendant entièrement des médicaments.

Enfin, il faut tenir compte du fait que le cancer de la thyroïde n’est que la pointe de l’iceberg des affections radio induites de cet organe (cf. partie 6.3.2.) – pour chaque cas de cancer il y a des centaines de cas d’autres maladies de la thyroïde, qui altèrent aussi son fonctionnement.

7.3. Cancer du sang – leucémie

7.3.1. Bélarus [1. – 8.]

7.3.2. Ukraine [1. – 8.]

7.3.3. Russie [1. – 6.]

7.4. Autres cancers

7.4.1. Bélarus [1. – 11.]

7.4.2. Ukraine [1. – 6.]

7.4.3. Russie [1. –  7.]

CHAPITRE 8. MORTALITÉ

Pendant les 20 ans qui ont suivi la Catastrophe, pas une seule publication officielle (ni internationale, ni nationale) n’a fourni de données chiffrées de la mortalité dans l’ensemble des territoires touchés par les retombées de Tchernobyl : elles ne contiennent les données de l’augmentation de la mortalité que dans des groupes particuliers de la population et pour certaines maladies (essentiellement cancéreuses (cf. chap.7).

A partir de 1986 en URSS, l’espérance moyenne de vie a sensiblement baissé et la mortalité néonatale et celle des âges adultes a commencé visiblement à augmenter.

Il n’y a pas de preuves d’un lien direct de ces modifications avec la catastrophe de Tchernobyl, mais il n’y a pas de preuves convaincantes de l’absence de ce lien. Dans le même temps, il y a un grand nombre de preuves de l’augmentation de la mortalité prénatale, enfantine et générale, corrélée avec la contamination de Tchernobyl.

8.1. Augmentation de la mortalité prénatale.

[Avortements spontanés, fausses couches, mort-nés…]

8.1.1. Bélarus [1. – 2.]

8.1.2. Ukraine [1. – 4.]

8.1.3. Russie [1. – 4.]

8.1.4. Autres pays

Les avortements et les mort-nés en Ukraine à cause de la contamination radioactive de Tchernobyl ont atteint le nombre de 50 000 (Lipik, 2004). Si on se base sur ce chiffre pour la partie européenne de la Russie et pour le Bélarus, leur nombre ne doit pas être inférieur à cette grandeur, et on peut évaluer à 100 000 le nombre total des fœtus morts prématurément pendant le temps écoulé depuis la catastrophe dans ces trois pays. Si on considère que ces trois territoires ont reçu près de la moitié de tous les rejets radioactifs de Tchernobyl, on peut supposer qu’en dehors de ces territoires la dimension des morts prénatales doit également se chiffrer à 100 000. La grandeur totale de la mortalité prénatale provoquée dans le monde par l’irradiation de Tchernobyl, peut donc être de l’ordre de 200 000 cas.

8.2. Augmentation de la mortalité périnatale, néonatale et enfantine en général.

Un effet tragique de la contamination de Tchernobyl est représenté par l’augmentation de toutes les catégories de mortalité enfantine : précoce néonatale (0-6 jours après la naissance) ; périnatale (avortements + 0-6 jours après la naissance) ; néonatale (0-27 jours) ; petite enfance (première année) ; enfantine générale (0-14 ans).

Il y a peu de données précises sur la mortalité enfantine pour le Bélarus, l’Ukraine et la Russie, en premier lieu à cause de la falsification traditionnelle de ces données (Lossoto, 2005) : afin de ne pas « empirer » les statistiques de la santé nationale, on a pris l’habitude dans le territoire de l’ex URSS d’enregistrer les nouveau-nés non le jour de la naissance, mais après 1-2 semaines (transférant de cette façon la mortalité enfantine précoce dans la catégorie des mort-nés).

8.2.1. Mortalité périnatale

8.2.1.1. Bélarus [1.]

8.2.1.2. Ukraine [1. – 2.]

8.2.1.3. Autres pays – Allemagne, Pologne.

8.2.2. Mortalité néonatale

8.2.2.1. Ukraine

8.2.2.2. Russie

8.2.2.3. Autres pays – Pologne. Angleterre, Galles.

 ***

Sur la base des données citées ci-dessus on peut supposer que la mortalité générale supplémentaire de la petite enfance, provoquée par les retombées de Tchernobyl, doit représenter en Europe plusieurs milliers de cas. Une détermination plus précise de cette grandeur constitue la tâche de recherches spéciale.

 8.2.3. Mortalité enfantine générale (0-14 ans)

8.2.3.1. Bélarus [1.]

8.2.3.2. Ukraine [1. – 3.]

8.2.3.3. Russie [1.]

***

L’augmentation de la mortalité enfantine, provoquée par la catastrophe de Tchernobyl, ne sera jamais déterminée avec précision. Toutefois, en nous basant sur les données fragmentaires en notre possession d’indices nettement élevés de toutes les classes de mortalité enfantine et de mort-nés dans les territoires les plus contaminés, nous pouvons supposer qu’au Bélarus, en Ukraine et en Russie la mortalité supplémentaire « tchernobylienne » doit être évaluée globalement en dizaines de milliers de personnes.

8.3. Mortalité des liquidateurs [1. – 14.]

Il n’existe pas de données suffisamment complètes de la mortalité des liquidateurs d’Ukraine, de Russie et du Bélarus pour toute la période postérieure à la Catastrophe. Rappelons que les liquidateurs étaient des personnes en bonne santé et essentiellement jeunes, parmi lesquels la mortalité était au départ beaucoup moindre que dans les groupes d’âge correspondants.

[…]

3. A partir de 1995, la mortalité parmi les liquidateurs  devint plus élevée que celle des groupes correspondants de l’ensemble de la population (Loi d’Ukraine… 2006).

[…]

8. Selon les données de « Union Tchernobyl » sur 244 700 liquidateurs de Russie pas moins de 31 700 (env. 13%) sont morts en 2005.

En généralisant les données de la mortalité des liquidateurs, on peut affirmer qu’à partir de 1990 – quatre ans après la Catastrophe, – la mortalité parmi eux a surpassé la mortalité dans les groupes correspondants de la population. Selon toute vraisemblance, la mort de                    14 000-15 000 environ des 112 000 – 125 000 liquidateurs décédés en 2005 (14-15% des           830 000) peut être causée par l’irradiation de Tchernobyl.

8.4. Augmentation de la mortalité générale

La contamination de Tchernobyl a indéniablement provoqué une mortalité générale plus élevée de toute la population.

8.4.1. Bélarus [1. – 4.]

8.4.2. Ukraine [1. – 3.]

8.4.3. Russie [1. – 3.]

8.5. Calculs de la mortalité générale selon la grandeur du risque cancérigène

Sur la base des différents coefficients de risque (apparition du cancer par unité d’irradiation) différents auteurs estiment de manière différente la mortalité générale provoquée par les cancers induits par la catastrophe de Tchernobyl.

                                                                                                                                                 

                                                                                                                                            Tableau 8.10

Estimation de la mortalité par cancer causée par le césium-134, césium-137 et iode-131  

                                                                                                                                                                                                                                                                                               

Nombre de morts

Auteur

Observation

4 000

AIEA-OMS, conf. de presse

du « Forum de Tchernobyl » (2005)

90 ans Bélarus, Ukraine,

Russie

8 930

« Forum de Tchernobyl » (2005)

90 ans Bélarus, Ukraine,

Russie

9 335

Mousseau et al. 2005

Le monde, 95 ans (sans le cancer

de la glande thyroïde)

14 000

Nuclear Regulatory Comission, USA

En tout dans le monde entier

17 400

Anspaugh et al. 1988

Le monde, 50 ans

28 000

Ministère de l’énergie USA

(Goldman, 198)

En 50 ans, dans le monde entier

30 000

UNSCEAR (Bennett, 1996)

En tout dans le monde entier

30 000-60 000

Fairley, Sumner (2006)

En tout dans le monde entier

90 000

Imanaka (2002)

En tout dans le monde entier

93 080

Malko (2007)

Le monde entier en 70 ans

180 000

Malko (2007)

Le monde entier en 70 ans.

Toutes les causes

495 000

John Gofman (1994a, 1994b)

En tout

899 310-1 786 657

Rosalie Bertell (2006)

En tout. Tous les radionucléides.

Le monde entier

L’amplitude des évaluations présentées dans ce tableau est supérieure au facteur 100. Même si on considère le fait que les calcules de J. Gofman et de R. Bertell tiennent compte, à la différence des autres, de tout le temps de l’action des radionucléides rejetés, et qu’en plus les calculs de R. Bertell considèrent aussi tous les radionucléides rejetés (différemment des autres, qui ne calculent que le césium et l’iode), l’amplitude des évaluations dépasse largement la marge d’incertitude scientifique habituelle. Ceci constitue une autre confirmation (cf. ch. 3) du fait que les évaluations du dommage à la santé sur la base des coefficients de risque radiologique sont méthodologiquement erronées.

8.6. Calculs de la mortalité générale par comparaison entre les territoires fortement et faiblement contaminés

 8.7. Quel est le nombre des victimes de Tchernobyl ? (voir CONCLUSION p. 51)

En déclarant que le nombre total des victimes et de ceux qui mourront à cause de la contamination radioactive de Tchernobyl au Bélarus, en Ukraine et dans la partie européenne de la Russie sera, au cours de 90 ans à partir du moment de la catastrophe, de 9000 personnes, le « Forum de Tchernobyl » (2005) a de nouveau attiré l’attention sur les calculs du nombre des victimes de Tchernobyl. Différentes prévisions principales du nombre total des morts et de ceux qui périront dans la succession des générations à cause de la contamination radioactive de Tchernobyl sont présentées dans le tableau 8.10. Elles sont toutes basées sur les calculs de la mortalité en utilisant différents coefficients de risque du développement des cancers à partir d’un niveau d’irradiation déterminé. Il est connu par ailleurs que la morbidité cancéreuse n’a jamais occupé la première place du point de vue de l’importance dans la structure de la mortalité générale. C’est la raison pour laquelle les données de Khoudolei et al. (2006), basées sur la prise en compte de toutes les causes de la mortalité générale acquièrent une importance exceptionnelle. Cette approche – la comparaison et l’analyse des coefficients de la mortalité réelle dans les territoires contaminés, – donne la possibilité de mettre fin aux controverses sur les grandeurs des coefficients de risque pour l’évaluation de la mortalité.

En se basant sur les données de Khoudolei et al. (2006) pour le Bélarus, l’Ukraine et la Russie d’Europe, il est possible de calculer de façon beaucoup plus précise qu’avec l’utilisation des coefficients de risque pour un seul groupe de cas mortels (le cancer), l’importance de la mortalité réelle de Tchernobyl pour l’Europe et pour le monde entier, pendant les 15 premières années de la Catastrophe.

1. […]

2. […]

3. […]

4. […]

En faisant la somme des calculs des points 1-4 nous voyons que la mortalité « tchernobylienne » supplémentaire, au cours des 15 premières années après la Catastrophe, représente dans le monde entier :

Bélarus, Ukraine Russie d’Europe                                                          237 000

Le reste de l’Europe ; contaminée >1 Ci/km2                                        170 000

contaminée de 0,1 à 1 Ci/km2                             255 000

Asie, Afrique, Amérique du Nord                                                           323 000

Le monde entier                                                      985 000 personnes.

[…]

8.8. Conclusion

[…]

Les calculs présentés ci-dessus montrent qu’après la Catastrophe des centaines de milliers de morts supplémentaires ont déjà eu lieu parmi les centaines de millions de personnes, qui ont eu le malheur de se trouver dans les territoires contaminés par les retombées radioactives de Tchernobyl. Le nombre des victimes de Tchernobyl croîtra pendant plusieurs générations.

Conclusion de la IIe PARTIE

Traduction de Lisa Mouravieff

            Malgré l’énorme quantité de données sur la dégradation de la santé des populations vivant dans les territoires contaminés par les retombées radioactives de Tchernobyl, le tableau est loin d’être complet et définitif. Pour obtenir le tableau complet des conséquences sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl il faut tout d’abord :

  • Elargir et non réduire (comme c’est le cas ces dernières années en Russie, Biélorussie et Ukraine) la recherche médico-biologique et radiologique ;
  • Reconstituer les doses individuelles en différenciant l’apport des divers radionucléides, de l’irradiation interne et externe ;
  • Analyser le détail des statistiques médicales mensuelles (surtout celle des premières années après la Catastrophe) de toutes les régions administratives ayant reçu des retombées radioactives de Tchernobyl (comparées aux régions voisines).

La propagation et l’intensité de quelques maladies prises séparément (voir ci-dessus ch. 4-8) ne donnent pas un tableau complet des changements qui surviennent dans la santé des gens vivant en territoires contaminés. Nous présentons ci-dessous le tableau généralisé de l’état de santé par années 10 ans après la catastrophe dans la petite région de Louguina en Ukraine, à 110 km au sud-ouest de la centrale de Tchernobyl dans la région administrative de Jitomir. Des régions comme celle-ci se comptent par dizaines en Biélorussie, Ukraine et Russie. Mais peu nombreuses sont celles où les données sur la santé des gens ont été recueillies par les mêmes personnes, avec le même équipement médical et en suivant les mêmes protocoles avant et après la catastrophe (Godlevsky, Nasvit, 1999).

 Changements survenus dans la santé de la population d’une région administrative

dans les 10 ans qui ont suivi la Catastrophe

 Région de Louguina (Ukraine). Nombre d’habitants

en 1986 – 29276 habitants

en  1996 – 22552 (dont 4227 enfants)

La région compte 50 villages dont 22 ont été contaminés en 1986 jusqu’à un niveau de 1-5 Ci/km2  et 26 à moins de 1 Ci/km2.

Espérance de vie à partir du moment où a été diagnostiqué un cancer du poumon ou de l’estomac :

  • 1984 -1985 : 38-62 mois ;
  • 1995 -1996 : 2-7,2 mois ;

Nombre de cas d’une  tuberculose sous forme active diagnostiquée pour la première fois (% du nombre total de cas de tuberculose diagnostiquée pour la première fois, sur 100 000) :

  • 1985-1986 : 17,2 – 28,7 ;
  • 1995 – 1996 : 41,7 – 50,0 ;

Maladies des organes endocriniens (sur 1000 enfants) :

  • 1985-1990 : 10
  • 1994-1995 : 90-97 ;

Cas de goitre (sur 1000 enfants) :

  • Avant 1988 : aucun ;
  • 1994-1995 : 12-13 ;

Mortalité néonatale (au cours des 7 jours qui suivent la naissance, sur 1000) :

  • 1984 -1987 : 25 – 75 ;
  • 1995 -1996 : 330-340 ;

Mortalité générale (sur 1000) :

  • 1985 : 10,9
  • 1991 : 15,5 ;

Espérance de vie :

  • 1984 -1985 : 75 ans ;
  • 1990 – 1996 : 65 ans ;

 [Fig.8.15 Nombre absolu de malformations congénitales chez les nouveaux-nés

pour la période 1983-1996]

  Comme le montrent les données ci-dessus pour la région de Louguina, on observe une détérioration générale de la santé des habitants des territoires, contaminés par les retombées radioactives de Tchernobyl. Le nier, comme le font les auteurs du rapport du « Forum de Tchernobyl » (2005) sous le prétexte que la nature des changements de ce genre n’est pas suffisamment claire, est scientifiquement faux et moralement inadmissible.

On observe dans les territoires contaminés avec une fréquence nettement plus grande qu’ailleurs un grand nombre de maladies et de symptômes dont les statistiques ne tiennent aucun compte. Citons la lenteur anormale de l’augmentation de la masse corporelle chez l’enfant ; les convalescences qui s’éternisent après la maladie ; de fréquentes fièvres et autres. Tchernobyl a « enrichi » le vocabulaire  médical de la planète de nombreux termes nouveaux tels que :

  • Syndrome de « dystonie végétovasculaire » : trouble fonctionnel de la régulation nerveuse du système cardiovasculaire, accompagné de diverses manifestations cliniques surgissant sur fond de stress ;
  • Syndrome des « radionucléides incorporés à vie longue » : altération structurelle et fonctionnelle des systèmes cardio-vasculaire, nerveux, endocrinien, reproducteur et autres, causée par l’accumulation dans l’organisme de radionucléides des césium-137 et strontium-90 à un taux supérieur à 50 Bq par kg de poids du corps (Bandajevsky, 1999) ;
  • Syndrome de « l’affection d’inhalation aiguë des voies respiratoires supérieures » : alliance de rhinite, irritation de la gorge, toux sèche, respiration difficile, dyspnée d’effort, causés par l’effet des radionucléides, y compris des « particules chaudes », inhalés (Tchikina et al., 2001).

Certains syndromes connus ont acquis après Tchernobyl une tonalité nouvelle tchernobylienne et une propension jamais vue jusque là. Citons parmi ceux-ci :

 

  • Syndrome de « fatigue chronique » (Lloyd, 1984) : fatigue manifestée, trouble du sommeil, dépression et abattement périodique, fatigabilité sans raison, défaillance de la mémoire, douleur musculaire diffuse, douleur dans les grosses articulations, frissons, sautes d’humeur fréquentes, hypersensibilité des noeuds lymphatiques jugulaires, perte de poids – effets causés par l’altération des fonctions du système immunitaire alliée aux lésions de la région temporale limbique du cerveau ;
  • Syndrome du « mal radiologique prolongé » (Furitsu et al.1992), alliance de grande fatigue, vertiges, tremblement, douleur du dos et de la ceinture scapulaire, manifestations caractéristiques des victimes de bombardements atomiques.

Mentionnons parmi les syndromes qui attendent d’être médicalement décrits « l’irradiation in utero », « le SIDA tchernobylien », « le coeur tchernobylien » et « les membres tchernobiliens ».

L’apport de Tchernobyl à la mortalité générale s’élève à 3,5-3,75% dans les territoires avec une contamination de 1-5 Cu/km2 (voir ch.8) ; l’apport de Tchernobyl à la morbidité dans ces territoires est bien plus élevé. Les maladies chroniques d’étiologie diverse, mais liées d’une manière ou d’une autre à la contamination radioactive, sont devenues un phénomène de masse non seulement parmi les liquidateurs mais parmi les habitants des régions contaminées.

Les données scientifiques objectives sur les conséquences sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl ne cessent de se multiplier, ce qui ne permet pas d’être optimiste : la morbidité dans les territoires contaminés continuera à croître si des programmes spéciaux ne sont pas mis en oeuvre à grande échelle. En témoigne aussi bien  l’absence de corrélation des doses annuelles moyennes avec les doses cumulées reçues par la population depuis le jour de la Catastrophe, que l’apport croissant des régions à faible densité de contamination à la dose collective, l’augmentation (et non la diminution comme on le supposait précédemment) de la charge radioactive par irradiation interne, et la fin de la période latente de 20 ans pour de nombreuses formes de cancer (de la peau, du sein, du poumon et autres). Le refrènement du système immunitaire conduira immanquablement à la propagation de nombreuses autres maladies. La destruction des structures du système nerveux central va multiplier le nombre de retardés mentaux, ce qui risque de conduire à une véritable débilisation de la société. Les conséquences génétiques se laisseront observer pendant de nombreuses générations encore dans le fonds génétique de l’humanité.

Si on se place sur le plan de la morale universelle, il est absolument inexplicable que l’AIEA, l’OMS et les fonctionnaires spécialistes du nucléaire mettent « des lunettes roses » et assurent la société que la catastrophe de Tchernobyl a des effets dirait-on quasiment bénéfiques. Cette position empêche que puisse se mettre en oeuvre une politique responsable et efficace, capable de réduire au maximum les conséquences de la Catastrophe pour la santé de l’homme.

IIIe PARTIE

CONSÉQUENCES  DE LA CATASTROPHE  POUR L’ENVIRONNEMENT

Traduction de W. Tchertkoff

Le niveau de la contamination radioactive des territoires – atmosphère, eaux, sol, – détermine les niveaux d’irradiation de tout le vivant, directement et à travers les chaînes alimentaires. […] Il y a beaucoup de données sur l’influence de la radioactivité de Tchernobyl sur les écosystèmes et sur les populations animales et végétales et même les microorganismes. Comme pour la santé des habitants, dont les données présentées dans cet ouvrage ne sont pas exhaustives, de même nous n’examinons dans cette partie que les tendances principales de l’influence de la Catastrophe sur la nature – il s’agit d’une mosaïque plus que d’un tableau achevé. La situation radiologique change jusqu’à ces derniers temps de façon imprévisible. C’est ainsi par exemple qu’on n’a pas prévu l’accroissement des formes solubles du strontium, la désintégration des particules du combustible accompagnée d’un deuxième rejet d’une série de radionucléides, l’apparition de l’américium-241 hautement radioactif.

Chapitre 9. CONTAMINATION DE L’ATMOSPHÈRE, DES EAUX ET DES SOLS

[…]

9.1. Contamination de l’atmosphère terrestre

9.2. Contamination des écosystèmes d’eau [1. – 8.]

9.3. Contamination du sol [1. – 6.]

 

***

 Suite à la migration verticale des radionucléides, ceux-ci seront assimilés en quantités  importantes par les végétaux, dont les racines se trouvent dans les couches inférieures du sol. Capturés par les racines, les radionucléides qui se sont enfoncés dans le sol, se retrouvent une deuxième fois en surface (dans les parties superficielles des végétaux), et entrent dans les chaînes alimentaires. C’est l’un des mécanismes observés ces dernières années de l’augmentation de la contamination interne de la population dans les territoires contaminés.

Le nombre des bactéries du terroir diminue et la composition de leurs espèces change dans les territoires contaminés par la radioactivité. Toutes ces altérations de la faune bactérienne conduiront à la diminution de la transformation microbienne des éléments organiques et inorganiques, qui constitue l’un des processus fondamentaux du tourbillon de la matière dans la nature.

Chapitre 10. INFLUENCE SUR LE MONDE VÉGÉTAL

 

10.1. Accumulation des radionucléides par les végétaux et les champignons         [1. – 24.]

10.2. Radiomorphoses et tumeurs [1. – 9.]

10.3. Altérations génétiques [1. – 12.]

10.4. Autres altérations des végétaux et des champignons [1. – 5.]

L’atteinte radioactive a ressuscité des signes ataviques, caractéristiques des formes ancestrales disparues depuis longtemps – la radioactivité a comme réveillé des gènes devenus muets depuis longtemps au cours de l’évolution.

Chapitre 11. INFLUENCE SUR LE MONDE ANIMAL

 La catastrophe de Tchernobyl a produit (et produira encore pendant longtemps) une influence variée sur l’état du monde vivant, à commencer par les modifications du système de la faune, jusqu’à l’altération des particularités de la reproduction animale et l’atteinte à l’appareil génétique.

 11.1. Incorporation des radionucléides [1. – 10.]

11.2. Altérations de la reproduction [1. – 13.]

11.3. Modifications génétiques [1. – 17.]

11.4. Modifications d’autres caractéristiques biologiques [1. – 11.]

Chapitre 12. INFLUENCE SUR LES MICROORGANISMES ET LES VIRUS [1. – 5.]

Conclusion de la IIIe PARTIE     

 Le tableau de la contamination radioactive de Tchernobyl des eaux et du sol se révèle dynamique non seulement à cause des transformations physiques des radionucléides, mais aussi à cause de la migration des radionucléides dans les écosystèmes. Cette migration intense du strontium-90, du césium-137, du plutonium et de l’américium, qui résulte des processus de l’accumulation biologique, nous donnera des surprises encore pendant longtemps.

Même les données fragmentaires présentées dans cette partie montrent que la catastrophe de Tchernobyl a produit et produira une influence multiforme sur le monde végétal et animal.

[ …]

Sûrement, des processus de sélection et de radio adaptation d’exemplaires moins radiosensibles sont en cours dans les territoires contaminés. Ils aboutiront au résultat qu’au bout de nombreuses générations, les populations vivant dans les conditions de contamination chronique deviendront moins radiosensibles. Cette adaptation de la population sera accompagnée de la disparition des génotypes sensibles et de l’appauvrissement du patrimoine génétique.

[…]

Le matériel présenté dans cette partie montre qu’il est dangereux et imprévoyant de considérer la zone de Tchernobyl comme une réserve naturelle dans laquelle les végétaux et les animaux  vivent et se développent en bonne forme. En réalité, il s’agit d’une poche micro évolutive, qui transforme activement les patrimoines génétiques (avec des conséquences imprévisibles), mais d’un autre côté c’est un trou noir qui attire les gros animaux, qui s’y égarent insensibles au danger d’une dégénération génétique.

Pour une plus profonde compréhension des processus en cours dans la zone de Tchernobyl, les recherches biologiques ne doivent pas se réduire et s’interrompre (comme on le voit partout en Biélorussie, en Ukraine et en Russie), mais s’amplifier et s’intensifier, ne serait-ce que pour éviter une évolution imprévue et dangereuse des évènements.

IVe PARTIE. LA RADIOPROTECTION DES HABITANTS DES TERRITOIRES CONTAMINES

Traduction de Lisa Mouravieff

La consommation de produits alimentaires locaux fait que 90% de la dose radioactive accumulée par la population est due au césium-137. Il est très important de souligner que dans une famille dont tous les membres se nourrissent de la même façon, les charges radioactives accumulées par les enfants sont de 3 à 5 fois plus élevées que celles acquises par les adultes. Le césium-137, de même que le strontium 90, est soluble dans l’eau, ce qui lui permet de s’introduire aisément dans la chaîne alimentaire de l’homme. Compte tenu de la longueur de sa demi-vie (près de 30 ans), les territoires contaminés par le césium-137  resteront radiologiquement dangereux pendant encore près de trois siècles.

Pendant tout le temps que le césium-137 se trouve dans la couche végétale du sol, tout ce qui y pousse – les produits agricoles comme les dons de la forêt – sera contaminé. Selon nos évaluations faites 20 ans après la Catastrophe, le césium 137 se trouvera encore pendant les 30-40 années à venir dans la couche végétale et continuera à contaminer activement les produits alimentaires locaux. Plus de 5 millions de personnes en Biélorussie, Ukraine et Russie vivent toujours dans les territoires contaminés et ont besoin d’être protégés de la radioactivité.

Chapitre 13. SUIVI RADIOLOGIQUE DANS LES TERRITOIRES CONTAMINES

Quelles que soient les sommes allouées par l’Etat aux besoins de la radioprotection des populations (par ex. près de 300 millions de dollars ont été alloués en 2006 aux grosses exploitations agricoles de Biélorussie pour y effectuer des mesures de protection agrochimiques permettant de diminuer sensiblement le taux de contamination des produits agricoles), aucun Etat n’est en mesure de garantir l’entière sécurité radiologique des populations vivant sur des sols contaminés et s’alimentant des produits de leurs lopins de terre individuels, de la forêt environnante, des produits de la chasse et de la pêche contaminés par les radionucléides.

Dans cette situation il est impossible de surestimer l’importance du suivi radiologique des produits alimentaires locaux ni du fait d’informer les habitants du taux de contamination par les radionucléides des produits qu’ils consomment : les habitants peuvent ainsi participer activement eux-mêmes à l’organisation et à la mise en oeuvre de leur propre protection radiologique.

Ces questions sont examinées plus en détails ci-dessous sur l’exemple de la Biélorussie.

13.1. Suivi radiologique des produits alimentaires

1. Pour effectuer le suivi radiologique des produits alimentaires du secteur privé, à la fin de 1993 l’Institut de radioprotection « Belrad » (Institut Belrad) avec le soutien de Komtchernobyl (Comité d’Etat de Biélorussie chargé des problèmes dus à Tchernobyl) a créé dans les territoires contaminés 370 centres locaux de contrôle radiologique des produits alimentaires (CLCR).

2. L’Institut Belrad possède à ce jour une base de données de la contamination des produits alimentaires qui comporte plus de 340 000 mesures dont près de 111 000 mesures d’échantillons de lait.

3. Selon les données de l’Institut Belrad jusqu’à 15% du lait des économies auxiliaires privées de trois régions administratives sont contaminés à des taux supérieurs aux normes acceptables et jusqu’à 80% des autres produits alimentaires et des produits de la forêt dénotent des niveaux dangereux de contamination par le césium 137. (Annexe 4, tab.1).

4. En avril 1999 de nouvelles normes républicaines plus sévères ont été établies en Biélorussie pour les niveaux acceptables de teneur en radionucléides des produits alimentaires  et  de l’eau (RDU-99). Le tableau 13.1 présente la dynamique de la part de produits dépassant la norme d’admissibilité radiologique d’une année à l’autre de 1993 à 2006.

Tableau 13.1

]Dynamique de la part (%) des produits alimentaires des régions de Gomel, Moguilev et Brest dont la teneur en césium-137 est supérieure  aux normes admissibles au cours de la période 1993-2006 (données de l’Institut « Belrad »)

 

Région 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

2006

Gomel 12,7 11,5 8,0* 11,1 10,2 13,9 11,5 13,9 16,2 13,3 19,3 20,5 14,1 15,4
Moguilev 6,7 11,7 3,3 4,6 4,1 4,2 6,2 4,4 4,8 4,7 4,2 6,5 15,2

-

Brest 15,0 15,0 17, 16,0 12,8 15,1 16,1 19,4 18,1 17,8 21,0 17,3 11,0 15,0

13.2. Suivi de la concentration de radionucléides dans l’organisme humain

[1. – 5.]

[…]

3. On observe une forte corrélation entre le niveau de contamination des produits alimentaires locaux et la concentration de radionucléides incorporés chez les enfants (Fig.13.1 et fig. 13.2.) Le tracé des lignes brisées sur ces figures reflète le caractère saisonnier (dans les limites d’une année) de la consommation d’aliments contaminés par le césium 137 et, par conséquent, de la concentration de ce radionucléide dans l’organisme des enfants.  En règle générale la consommation de produits fortement contaminés comme les champignons, les baies, le gibier, augmente dans les 3e et 4e trimestre de l’année, ce qui cause une augmentation de l’activité spécifique moyenne du césium 137 dans l’organisme des enfants. L’augmentation de la teneur en césium 137 pendant les mois d’hiver est causée par la consommation de champignons et de baies contaminés conservés pour l’hiver ainsi que de lait contaminé par les fourrages à forte teneur en césium 137 stockés pour l’hiver.

4. Les mesures faites à partir de 1995 à aujourd’hui par l’Institut Belrad du degré de contamination de l’organisme de 300 000 enfants montrent que chez 70 à 90% des enfants vivant dans les territoires fortement contaminés de Biélorussie, les taux d’accumulation du césium 137 sont supérieurs à 15-20 Bq/kg (0,1 mSv/an). Dans de nombreux villages les taux d’accumulation de césium 137 dans le corps des enfants atteignent 200-400 Bq/kg, chez certains enfants des régions de Gomel et de Brest ces taux s’élèvent jusqu’à 1500-2000 Bq/kg.

5. Des niveaux maxima d’accumulation de césium 137 ont été observés chez de nombreux enfants de la région de Narovlia (6700 à 7300 Bq/kg). Dans plusieurs villages de cette région de 10 à 33% des enfants ont des charges de dose supérieures à 1 mSv/an.

Tous ceux qui vivent dans des territoires contaminés par les retombées radioactives, dues à la Catastrophe, sont exposés à une irradiation chronique de faible dose. L’homme ne dispose pas d’organes de sens capables de capter le rayonnement ionisant. Sans appareils spéciaux, il est donc impossible de définir le niveau dangereux de contamination de l’environnement, des produits alimentaires ou de l’eau. Voilà pourquoi il est indispensable d’organiser dans tous les territoires contaminés par la Catastrophe un suivi radiologique permanent des aliments et du taux de radionucléides incorporés par les habitants afin d’assurer aux populations un maximum de sécurité radiologique et un minimum de risques de contamination.

L’analyse des mesures faites au moyen des spectromètres de rayonnement humain (SRH) et du suivi radiologique des aliments de production locale dans certaines localités de Biélorussie permet d’affirmer  qu’il existe une forte corrélation entre la contamination des aliments par césium 137 et le degré d’accumulation de radionucléides dans l’organisme des habitants (en premier lieu – des enfants).

Dans la IIe partie on trouve de nombreux exemples de la corrélation entre la densité de la contamination du territoire par les radionucléides et le niveau d’accumulation de radionucléides dans l’organisme. Les recherches réalisées en Biélorussie et en Ukraine ont montré que pour des niveaux d’accumulation de césium 137 de 50 Bq/kg et plus (ce qui est typique des régions contaminées à 37.555 kBq/m2), la morbidité de tous genres et la mortalité croissent et le nombre d’enfants en bonne santé diminue (Résolution… 2006).

Tout cela permet d’affirmer que si les habitants des territoires contaminés par Tchernobyl sont malades, ce n’est pas à cause de stress ni de radiophobie, comme veulent nous le faire croire les experts de l’AIEA et de l’OMS qui ont rédigé le rapport du « Forum de Tchernobyl » (2005), mais bien à cause de l’action chronique de faibles doses de rayonnement ionisant provenant en premier lieu de la consommation d’aliments contaminés par des radionucléides.

La pratique a démontré que les systèmes de suivi radiologique gouvernementaux actuels ne sont pas suffisants car ils ne fonctionnent que ponctuellement dans les territoires et ne concernent pas tout le monde. On comprend que les organes du pouvoir veuillent dépenser le moins possible mais cela ne contribue pas à donner un tableau exhaustif et objectif de la contamination radioactive des localités, de leurs habitants et des aliments que ceux-ci consomment. Il est indispensable de mettre en place un système de suivi indépendant qui – sans se substituer au système gouvernemental! – assurerait le contrôle radiologique des produits alimentaires partout, jusqu’aux plus petits villages, dans chaque famille, et un suivi de l’accumulation de radionucléides dans l’organisme de chacun des habitants de ces territoires.

 Chapitre 14. EXPÉRIMENTATION DE L’EMPLOI

D’ENTÉROABSORBANTS POUR L’ÉLIMINATION

DES RADIONUCLÉIDES DE L’ORGANISME

Traduction de W. Tchertkoff

Une teneur élevée des principaux aliments de production locale en césium-137 dans les territoires contaminés (cf. ch.13) comporte le danger de l’accumulation d’une quantité dangereuse de radionucléides dans l’organisme humain, principalement chez les enfants. Cette accumulation des radionucléides constitue la cause principale de l’aggravation de la santé des enfants dans les territoires contaminés (dont beaucoup d’exemples sont présentés dans la IIe partie). Ici ce problème est examiné sur la base de l’expérience obtenue au Bélarus. Comme cela a été montré par Y. I. Bandajevsky et al., à partir de 50 Bq/kg d’accumulation du césium-137 dans l’organisme de l’enfant des altérations pathologiques peuvent apparaître dans les systèmes vitaux (cardio-vasculaire, nerveux, endocrinien, immunitaire), dans les reins, foie, yeux et autres organes, la production de l’immunoglobuline est altérée dans l’organisme.

14.1. Emploi des entéroabsorbants à base de pectine. [1. – 12.]

Les études scientifiques effectuée dans le Centre de médecine radiologique d’Ukraine (Porokhniak-Ganovskaya, 1998) et dans l’Institut de médecine et d’endocrinologie du ministère cde la Santé du Bélarus (Gres et al., 1997), sont arrivées à la conclusion, que l’introduction plusieurs fois par an de produits vitaminés à base de pectine dans  la ration alimentaire des habitants des régions de Tchernobyl favorise une élimination efficace des radionucléides incorporés du corps humain.

[…]

12. L’expérience décennale de mesures complexes de protection pour la diminution du risque radiologique individuel chez les enfants dans les territoires contaminés a montré :

- que la prise par plus de 100 000 enfants de produits à base de pectine (dans le cadre du contrôle des niveaux d’accumulation du césium-137 dans l’organisme de plus de 300 000 enfants), a favorisé la diminution des niveaux d’accumulation du césium-137 dans l’organisme des enfants d’un facteur 3-5 dans les villages contaminés par la radioactivité, où la prophylaxie à base de pectine était effectuée 3-4 fois par an ;

- que cela n’a pas provoqué d’inquiétude dans la population ni d’apparition de radiophobie, mais a provoqué la diffusion des connaissances dans le domaine de la radioprotection et a élevé la responsabilité personnelle devant sa propre santé (contribuant en cela à la diminution de la radiophobie).

 14.2. Où l’aide internationale à la population enfantine souffrante des conséquences de la catastrophe serait-elle  particulièrement efficace ?

 L’expérience acquise au cours de nombreuses années de travaux de grande envergure du suivi des produits alimentaires et du suivi de la teneur en radionucléides des organismes humains dans les territoires contaminés suite à la catastrophe de Tchernobyl permet de formuler les propositions suivantes afin d’accroître l’efficacité des programmes d’aide internationaux et nationaux :

1. Organiser des recherches communes pour déterminer la corrélation de la fréquence et de la gravité des différentes maladies  (surtout chez les enfants) avec le niveau des radionucléides incorporés.

2. Embrasser en premier lieu l’ensemble de la population enfantine par un examen radiamétrique systématique (en utilisant les laboratoires mobiles SRH – spectromètres pour rayonnement humain) dans tous les territoires touchés. Au Bélarus il est indispensable d’augmenter pour cela le nombre de laboratoires mobiles (8) jusqu’à 12-15 unités ; créer dans les territoires d’Ukraine et de Russie des systèmes de centres scientifiques pratiques analogues à ceux du Bélarus. A partir des résultats du suivi radiométrique identifier régulièrement les groupes critiques ayant de fortes charges radioactives par radionucléides incorporés

3. Augmenter la production et l’emploi de différents additifs alimentaires et boissons contenant des pectines ( de pommes, cassis, raisin, algues marines etc.) comme l’un des moyens les plus efficaces de radioprotection individuelle ciblée des victimes de la Catastrophe ;

4. Réaliser un grand projet de radioprotection (sur une population de 300-600 villages), en utilisant des produits à base de pectine afin de faire connaître l’expérience acquise d’élimination des radionucléides incorporés de l’organisme des enfants au moyen de produits à base de pectine, et faire connaître parallèlement le suivi individuel de la dynamique des radionucléides incorporés dans l’organisme au moyen des SRH.

5. Élargir le système public de suivi radiologique et de contrôle public des denrées alimentaires de production locale, en utilisant l’expérience de l’organisation des centres locaux de contrôle radiologique (CLCR). Ils ne remplacent pas, mais complètent les systèmes gouvernementaux de contrôle radiologique des produits alimentaires (dans les centres de quartier et dans les entreprises d’Etat) et peuvent être utilisés comme points efficaces  d’éducation et d’instruction radiologique.

6. Introduire dans la ration alimentaire des enfants des territoires contaminés une cure de prophylaxie de trois semaines à base de pectine.

 Chapitre 15. MESURES DE PROTECTION EN AGRICULTURE

ET EN EXPLOITATION FORESTIÈRE DANS LES TERRITOIRES CONTAMINÉS PAR LES RADIONUCLÉIDES

 Suite à la catastrophe de Tchernobyl des millions d’hectares de terres agricoles ont subi la contamination radioactive à des niveaux supérieurs à 37kBq/m2 dans une série de pays, mais plus qu’ailleurs au Bélarus (près de 20% de leur superficie totale), en Ukraine et en Russie. Des millions d’hectare de forêts (au Bélarus plus de 22% de toutes les forêts) ont été dangereusement contaminés. Actuellement, plus de 5 000 000 de personnes vivent dans ces territoires. Nous examinerons la manière de rendre leur vie sûre en considérant l’exemple du Bélarus, dont le territoire est le plus touché par la catastrophe.

15.1. Mesures de protection en agriculture [1. – 5.]

[…]

Malgré toutes les mesures adoptées, l’expérience montre qu’il est difficile et économiquement coûteux d’obtenir une production constante et efficace de denrées alimentaires sûres dans les territoires contaminés. La solution adéquate pour les territoires contaminés serait le passage de la production alimentaire à une production non alimentaire.

 15.2. Expériences des mesures de protection dans l’exploitation forestière

[1. – 4.]

[…]En pénétrant, suite à la migration naturelle, dans les parties du sol où plongent les racines, les radionucléides deviennent actuellement de plus en plus accessibles pour les végétaux, qui les reportent pour la deuxième fois à la surface. Ici, d’une façon ou d’une autre, ils entrent dans la chaîne alimentaire des habitants, en augmentant pendant un temps prévisible la dangerosité radiologique d’habiter dans les territoires contaminés et de consommer des produits alimentaires de production locale.

Depuis 1994-1995, on observe dans les territoires contaminés une augmentation de la charge radiologique dans la population (à cause de l’augmentation de la contamination interne – la plus dangereuse – par les radionucléides incorporés). Cette augmentation a lieu nonobstant la diminution par désintégration naturelle de l’activité des radionucléides rejetés. C’est l’une des causes principales de l’expansion et de l’aggravation (et non de  la diminution) de la morbidité  et de la mortalité tchernobylienne dans les territoires contaminés (cf. IIe prtie).

Conclusion de la PARTIE IV.

 Des dizaines de tonnes de radionucléides de Tchernobyl, éjectés par le réacteur explosé (leur radioactivité surpasse plusieurs centaines de fois les rejets des bombes atomiques qui ont détruit Hiroshima et Nagasaki), sont tombées, au cours du lointain printemps et de l’été 1986, sur les territoires où vivaient des centaines de millions de personnes qui n’avaient rien à voir avec la dangereuse industrie atomique.

La vie normale de dizaines de millions de personnes a été perturbée. Des millions de personnes innocentes ont déjà payé de leur santé les erreurs des nucléaristes. Mais pour plus de six millions de personnes, qui habitent encore aujourd’hui dans les territoires dangereusement contaminés (et qui le seront encore pendant de nombreuses dizaines d’années), se pose quotidiennement le problème : comment continuer à vivre ?

Dans les territoires contaminés par les dépôts de Tchernobyl il est dangereux de s’occuper d’agriculture, il est dangereux de cultiver les forêts, dangereux de pêcher le poisson et de chasser le gibier, il est dangereux de consommer les denrées produites localement sans contrôler leur radioactivité, dangereux de boire le lait et même l’eau. A ceux qui vivent dans ces territoires (ou qui y ont vécu, ou qui se sont trouvés parmi les liquidateurs) la question se pose de comment éviter la tragédie de la naissance d’un fils ou d’une fille  avec de graves affections héréditaires provoquées par l’irradiation ?

Dans le même temps, un ensemble de mesures ont été élaborées pour minimiser substantiellement les risques de séjour dans les territoires contaminés et d’y exploiter les champs et les forêts.

Ces mesures touchent à l’organisation de la protection radiologique individuelle, au soutien de la production agricole non contaminée et aux moyens d’exercer sans danger une activité artisanale et forestière.

Le rôle dirigeant dans la réalisation de ces mesures est assumé par les programmes gouvernementaux d’aide aux territoires et aux populations touchées. Mais le problème ne sera pas résolu par les seuls programmes gouvernementaux, compte tenu surtout de la tendance de l’État à minimiser les dépenses « tchernobyliennes ». Pour faciliter la vie dans les territoires touchés, un travail énorme, tant d’instruction que d’organisation, est nécessaire pour la mise au point du suivi radiologique de la teneur de l’organisme de chaque personne en radionucléides incorporés, pour la mise en place du suivi radiologique de tous les produits alimentaires sans exception, pour l’élaboration de programmes ciblés de la diminution individuelle de la quantité des radionucléides incorporés, pour la détermination des doses accumulées par des méthodes instrumentales objectives et pour la consultation médicale et génétique des victimes (y compris les personnes irradiées souhaitant avoir des enfants).

Vingt ans après la Catastrophe, il se trouve qu’en raison de la migration naturelle des radionucléides, le danger radiologique dans ces territoires ne diminue pas mais augmente, et cette augmentation continuera  pendant de nombreuses années. Cela signifie qu’une forte augmentation des dépenses – tant nationales qu’internationales, gouvernementales et de bienfaisance privée – est nécessaire (ainsi qu’un accroissement de l’efficacité de l’utilisation des fonds alloués !) dans les programmes d’aide aux territoires et aux personnes touchés.

LEÇONS GÉNÉRALES ET CONCLUSION

 Par ses dimensions et ses conséquences l’explosion du 4ème bloc de la centrale d’énergie atomique de Tchernobyl constitue la plus grande catastrophe technologique de l’histoire.

1. Dimension de la contamination par la Catastrophe. [1.1. – 1.4.]

1.3. Les déclarations des spécialistes de l’AIEA, de l’UNSCEAR et d’autres organismes liés à l’industrie atomique du fait que la contamination de Tchernobyl n’ajoute que 2% au fond de la radioactivité naturelle surfacique de la Terre, dissimulent le fait que cette contamination était dangereusement élevée dans les territoires touchés. Même si actuellement la densité de la contamination n’est pas élevée, l’énorme contamination au cours des premières semaines de la Catastrophe, ainsi que la faible contamination chronique qui continue depuis des décennies, a exercé et exercera encore pendant des dizaines d’années une influence considérable sur la santé des habitants et de la nature.

1.4. Il n’y a pas d’explication scientifique à la politique de l’AIEA et de l’OMS (exprimée dans la relation du « Forum de Tchernobyl », 2005), qui ne prend pas en considération les données des conséquences de la contamination des territoires autres que le Bélarus, l’Ukraine et la Russie européenne : Eurasie, Amérique du Nord et Afrique, où une grande partie des radionucléides de Tchernobyl s’est déposée.

2. Difficultés d’analyse des données des conséquences de la Catastrophe

(cf. partie 3.1)

2.1. Parmi les causes qui rendent difficile l’évaluation de l’influence de la catastrophe de Tchernobyl sur la santé de la population il y a :

- le caractère secret et la falsification officielle définitive des données statistiques médicales en URSS pendant les premières années de la Catastrophe ; l’absence en Union Soviétique (Ukraine, Bélarus et Russie) de statistiques médicales détaillées et fiables.

- la difficulté de déterminer la charge radioactive réelle de chaque individu en raison de la nécessité de reconstruire les doses individuelles des premiers jours, semaines et mois de la Catastrophe, de l’influence des « particules chaudes », de l’influence du caractère tacheté des retombées (taches de léopard), de l’influence de tous les radionucléides etc.

- l’insuffisance des connaissances actuelles de la spécificité de l’action même des principaux radionucléides pourvoyeurs de doses dans leur combinaison avec d’autres facteurs de l’environnement ; de la variabilité de la radiosensibilité collective et individuelle ; de l’influence des doses ultra faibles et de la puissance des doses ; de l’influence de l’irradiation interne (incorporée).

Aussi l’exigence avancée par les spécialistes de l’AIEA et de l’OMS de la nécessité d’une « corrélation certaine » entre la charge radioactive d’une personne concrète (et conséquemment d’un groupe d’habitants) jamais déterminable avec précision, et l’atteinte à la santé saisissable avec beaucoup plus de précision (fréquence de telle ou telle maladie), pour qu’il y ait démonstration évidente du lien de la maladie avec l’irradiation de Tchernobyl, est-elle peu fondée scientifiquement.

2.2. Il n’est pas correct de rejeter les données obtenues par des médecins praticiens et par des spécialistes, au cours d’examens de centaines de milliers de victimes des retombées radioactives dans les territoires du Bélarus, d’Ukraine et de Russie, parce que « non correspondantes aux protocoles scientifiques ». Il faut extraire une information scientifique objective de ces données.

2.3. L’information scientifique objective sur l’influence de la catastrophe sur la santé des habitants peut être obtenue par différentes voies, parmi lesquelles :

- la comparaison de la morbidité et de la mortalité dans les territoires identiques du point de vue des conditions physiques, géographiques et socioéconomiques, et ne se distinguant que par le niveau et la composition de la contamination radiologique (de même, comparaison des mêmes groupes dans des périodes différentes après la Catastrophe) ;

- démonstration d’une corrélation entre des altérations pathologiques d’organes concrets ou de parties du corps et des niveaux déterminés de radionucléides concrets incorporés dans ces organes ou parties du corps, au moyen d’instruments de mesure.

2.4. Pour une prise en compte objective des conséquences  de la Catastrophe il est indispensable de considérer aussi l’état de santé d’environ 830 000 liquidateurs, ainsi que de quelques centaines de milliers d’évacués et partis de leur propre chef des territoires contaminés du Bélarus, d’Ukraine et de Russie (et de leurs enfants), qui vivent hors de ces territoires, y compris dans beaucoup d’autres pays du monde.

2.5. Il est nécessaire d’identifier les territoires d’Asie (en particulier en Chine, en Transcaucasie, en Iran et dans les parties asiatiques de Russie et de Turquie), de l’Afrique du Nord et de l’Amérique du Nord, qui ont reçu les radionucléides de Tchernobyl en avril juin 1986, et analyser les statistiques médicales et autres matériaux capables de révéler l’influence des retombées des  radionucléides sur la santé humaine et sur la nature dans ces régions.

3. Conséquences connues de la Catastrophe pour la santé des populations.

(voir ch. 4 à 7)

[3.1. – 3.9.]

3.8. Les spécialistes liés avec l’industrie atomique affirment que l’augmentation de la morbidité dans les territoires de Tchernobyl est causée non par l’irradiation, mais par des facteurs socioéconomiques et psychologiques. Les facteurs socioéconomiques ne peuvent pas constituer la cause principale, car les groupes comparés sont identiques du point de vue de la condition socioéconomique,  des caractéristiques physiques et géographiques de leur lieu de résidence et de l’âge et du sexe, et ne se distinguent que par le niveau de la charge radiologique. La radiophobie non plus ne peut pas être une cause déterminante parce que la morbidité augmente partout, plusieurs années après la catastrophe, alors que la radiophobie diminue avec le temps.

3.9. L’aggravation de la santé de la population (surtout des enfants) partout dans les territoires contaminés par les radionucléides de Tchernobyl, 20 ans après la Catastrophe, permet d’affirmer que les personnes ne sont pas malades à cause du stress psychologique, de la radiophobie, du changement de résidence, mais à cause de l’influence de l’irradiation ionisante supplémentaire, – de la première terrible blessure radiologique (en particulier du « choc d’iode ») en 1986, comme à cause de l’action chronique des faibles doses de radioactivité.

4. Probable nombre total des victimes de la catastrophe [4.1. – 4.6.]

4.1. Les premières prévisions officielles des conséquences de la Catastrophe pour la santé ne parlaient que de quelques cas supplémentaires de cancers, au bout de quelques dizaines d’années.

4.2. Vingt ans après, l’AIEA et l’OMS ont déclaré dans le rapport du « Forum de Tchernobyl » (2005), que le nombre de morts et de ceux qui mourront à cause des maladies provoquées par la Catastrophe constituera environ 9 000, et que le nombre de malades  s’élèvera jusqu’à 200 000 personnes (ce qui statistiquement est peu perceptible sur le fond de la mort de beaucoup de millions et des maladies de centaines de millions).

4.3. L’analyse des indicateurs démographiques montre qu’aussitôt après la Catastrophe l’espérance de vie en URSS a sensiblement baissé et la mortalité néonatale et des âges adultes a commencé à croître.

4.4. La comparaison statistique entre les territoires contaminés de Tchernobyl et les territoires voisins a montré une augmentation de 3,75% de la mortalité totale dans les territoires contaminés par la radioactivité du Bélarus, d’Ukraine et de la Russie européenne, au cours des 15 premières années après la Catastrophe.

4.5. D’après les calculs, basés sur l’analyse détaillée des statistiques démographiques officielles, la mortalité « tchernobylienne » supplémentaire dans les territoires contaminés du Bélarus, d’Ukraine et de la Russie européenne a représenté 237 000, au cours des 15 premières années après la Catastrophe. On peut supposer que la mortalité « tchernobylienne » totale pendant la période 1987-2004 a atteint 417 000 dans le reste de l’Europe, 170 000 en Asie, Afrique et Amérique du Nord, et près de 823 000 personnes dans le monde entier.

4.6. Le nombre des victimes de Tchernobyl augmentera au cours de plusieurs générations.

5. Conséquences de la Catastrophe  pour la nature [5.1. – 5.14.]

6. Problèmes socioéconomiques de la minimisation des conséquences de la catastrophe [6.1. – 6.12.]

6.1. Actuellement, les habitants des régions biélorusses, ukrainiennes et russes de Tchernobyl reçoivent 90% de la charge de dose à travers les aliments de production locale contaminés par la radioactivité. C’est pourquoi des mesures didactiques et prophylactiques sont nécessaires pour prévenir la contamination interne par radionucléides et pour accélérer l’évacuation des radionucléides de l’organisme des habitants de ces régions, qui les consomment avec les produits alimentaires contaminés.

6.2. Les mesures adoptées pour la production massive des denrées alimentaires propres et pour l’amélioration de la santé des habitants (comme l’introduction de fertilisants minéraux supplémentaires, l’adoption de programmes spéciaux pour la nourriture du bétail agricole, l’adoption de nouveaux procédés et techniques agricoles, qui permettent d’abaisser le niveau  d’accumulation des radionucléides de Tchernobyl dans les produits alimentaires, l’organisation de l’alimentation quotidienne dépourvue de radionucléides pour les enfants dans les écoles et dans les jardins d’enfants, les programmes spéciaux pour les cures et la convalescence des enfants avec des départs périodiques des régions contaminées), se révèlent insuffisamment efficaces dans les régions dont les produits des exploitations individuelles, les produits de la nature, les poissons et le gibier locaux tiennent le rôle principal dans l’alimentation.1

6.3. Il est nécessaire d’élaborer et d’améliorer constamment des mesures pour la diminution de l’accumulation du césium-137 dans l’organisme des habitants des territoires contaminés, jusqu’à un niveau relativement sûr. D’après les données existantes relatives à l’action des radionucléides incorporés sur la santé, ce niveau est de l’ordre de 30-50 Bq/kg pour les enfants et de 70-75 Bq/kg pour les adultes.

6.4. Des mesures efficaces de protection pour la diminution de la teneur en radionucléides incorporés doivent commencer à partir du niveau d’accumulation  du césium-137 de 25-28 Bq/kg dans l’organisme (ce qui correspond à la charge de dose de 0,1 mSv/an).

6.5. Compte tenu de la spécificité familiale et locale de la consommation des produits alimentaires, ainsi que de la variabilité écologique de l’accumulation des radionucléides (coefficients de migration), il est indispensable, à part l’abaissement général des niveaux admissibles de contamination des produits alimentaires, d’effectuer un suivi radiologique permanent des denrées alimentaires de production locale, ainsi que de l’accumulation individuelle des radionucléides dans l’organisme des habitants et, avant tout, des enfants.

6.6. Afin d’abaisser jusqu’à 1 mSv/an la charge de dose du groupe critique le plus irradié de chaque village dans les territoires contaminés du Bélarus, d’Ukraine et de Russie par les radionucléides de Tchernobyl, il est opportun, entre autres :

- d’introduire, au moins tous les trois ans, des fertilisants minéraux dans tous les terrains agricoles, y compris les potagers individuels,2 ainsi que dans les pâturages et les terrains de fenaisons ;

- d’introduire du potassium et de la lignine dans les écosystèmes forestiers dans un rayon de 10 km autour des villages, pour diminuer la contamination par le césium-137 des produits de la nature (champignons et baies), qui constituent une importante composante de l’alimentation des habitants ;

- d’assurer la prise individuelle d’entéroabsorbants à base de pectine naturelle (de pommes, de cassis etc.), au cours de cures mensuelles 4 fois par an, ainsi que des boissons contenant de la pectine, dans la ration alimentaire quotidienne des enfants dans les maternelles et dans les écoles pour l’élimination des radionucléides de l’organisme ;

- pour diminuer la pénétration des radionucléides dans l’organisme humain avec la viande, les champignons, les poissons et les légumes il est important d’observer une série de mesures prophylactiques en utilisant ces produits (macérer les produits, écrémer le lait) ;

- pour diminuer le niveau des radionucléides dans les produits de l’élevage, il est rationnel d’utiliser des entéroabsorbants (ferrocyanides - ?- et al.) en élevant le bétail agricole.

6.7. Pour la prophylaxie et une plus grande efficacité des mesures de rétablissement il est opportun, entre autres :

- d’organiser chaque année dans les régions contaminées (pour les enfants, chaque trimestre)  la détermination individuelle générale du niveau réel d’accumulation des radionucléides dans l’organisme (au moyen du SRH – spectromètre pour rayonnements humains) :

- de reconstruire rétrospectivement pour toutes les victimes (y compris les liquidateurs, les personnes évacuées et ceux qui ont quitté de leur propre chef les régions contaminées) le niveau d’irradiation pendant la première période après la Catastrophe (en utilisant la résonance électroparamagnétique de dosimétrie et la détermination du niveau des aberrations chromosomiques) ;

- de garantir la consultation médicale génétique obligatoire pour les résidents en permanence dans les territoires contaminés qui se marient (et volontaire, pour tous les citoyens en âge d’avoir des enfants, qui le voudront) concernant le risque de graves malformations congénitales chez la future descendance ;

- embrasser tous les territoires contaminés du Bélarus, d’Ukraine et de Russie par un diagnostic prénatal des graves malformations congénitales et soutenir les programmes d’avortements médicaux ;

- à la fin de la période de latence de 20 ans de la plupart des cancers, multiplier les programmes de suivi oncologique et de check-up pour les habitants des régions contaminées.

6.8. La catastrophe de Tchernobyl a montré qu’en cas d’une catastrophe à un centrale d’énergie atomique il est impossible de garantir la sécurité de la population par les ressources nationales du pays : le dommage économique direct pour le Bélarus, l’Ukraine et la Russie a dépassé en 20 ans 500 000 000 000 (milliards) de dollars (pour faire front aux conséquences de la catastrophe le Bélarus dépense chaque année 20% du budget national, l’Ukraine 6%, la Russie près de 1%). Le Bélarus a besoin d’une grande aide internationale au cours des prochains 25-30 ans (tant que les radionucléides n’auront pas quitté  les couches du sol où plongent les racines)  pour le soutien de la santé de la population touchée, et, surtout, pour la protection radiologique des enfants.

6.9. Le fait de ne pas avoir effectué la prophylaxie par le iode stable de tous les habitants des territoires touchés en avril 1986, a conduit à une importante augmentation du nombre de victimes de la Catastrophe.  Une réserve permanente d’iodate de potassium doit être créée dans tous les pays du monde et la prophylaxie d’iode doit être garantie en cas  de nouveaux accidents dans les centrales d’énergie atomique.

6.10. Dans tous les pays, les organisations de la société civile doivent considérer l’importance de la création d’un système de contrôles radiologique des produits alimentaires indépendant du système officiel.

6.11. Dans les territoires qui se trouvent dans « la sphère d’influence » des centrales d’énergie atomique un suivi indépendant de l’industrie atomique de l’accumulation des radionucléides dans l’organisme des habitants, surtout des enfants, est indispensable, ainsi que l’organisation d’un système efficace de radioprotection.

6.12. Il est nécessaire de développer un système de consultations médicales et génétiques pour les personnes désireuses d’avoir une descendance et aspirant de diminuer le risque de mettre au monde une descendance avec de graves anomalies génétiques. Cela concerne en premier lieu :

- les personnes qui résident dans des territoires contaminés par la radioactivité ;

- les personnes irradiées pendant leur enfance et qui ont quitté les territoires contaminés ;

- les liquidateurs ;

- les enfants des personnes appartenant à l’un des groupes énumérés ci-dessus.

Sur la base du caractère et du spectre des mutations, observés dans les cellules du sang périphérique ou de la moelle osseuse des futurs parents, il est possible de déterminer le risque de concevoir un enfant avec de graves altérations génétiques, et éviter de ce fait des tragédies supplémentaires.

7. Les organisations liées à l’industrie atomique la défendent en premier lieu, plutôt que l’être humain. [7.1. – 7.4.]

7.1. Ce n’est que 8-9 après que la chose ait été découverte, que la médecine officielle a commencé à reconnaître le fait de l’augmentation de la fréquence de cas la cataracte « tchernobylienne » partout. Même chose en ce qui concerne le cancer de la glande thyroïde, la leucémie et l’affection du système nerveux central. Cette façon de faire traîner la reconnaissance de l’évidence (et, conséquemment, la prise des décisions nécessaires pour minimiser les conséquences) reste sur la conscience de ceux pour qui les intérêts de l’industrie atomique sont plus importants que l’aide aux millions de victimes innocentes.

7.2. La conclusion générale de ce résumé du catalogue des données des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl pour la santé humaine et de l’environnement est que les spécialistes et les organisations liés à l’industrie atomique (en premier lieu l’AIEA et l’UNSCEAR ONU) minimisent et font le silence sur les conséquences de la Catastrophe. L’industrie atomique craint la réaction négative de la société et tend à tirer le rideau sur la Catastrophe, en la déclarant une « étape dépassée » du développement de l’énergie atomique.

7.3. Quand les nucléaristes déclarent, à la 20ème année après la Catastrophe : «aujourd’hui,  la condition principale de la garantie de la sûreté radiologique (notons, garantie de la sûreté radiologique pas dans la branche atomique, mais en général dans le monde – Réd.) n’est plus dans l’abaissement des charges de dose déjà insignifiantes, mais dans la garantie du fonctionnement efficace des entreprises et de la production de l’énergie atomique » (Bol’chov et al., 2006), ils refusent clairement la responsabilité pour le sort de nombreux millions de victimes du développement de l’énergie atomique, et en premier lieu de la catastrophe de Tchernobyl.

7.4. La réponse à la question « comment l’Organisation mondiale de la santé peut-elle faire chorus avec les nucléaristes et garder le silence ? » est dans le fait que l’OMS est liée à l’AIEA par l’accord de ne publier ses travaux qu’après consultation avec les nucléaristes, et qui prévoit la possibilité d’une rétention de l’information !

«… chaque fois que l’une des parties (c. à d. tant l’AIEA que l’OMS – note de A.Y.) se propose d’entreprendre un programme ou une activité dans un domaine qui présente ou peut présenter un intérêt majeur pour l’autre partie, la première consulte la seconde en vue de régler la question d’un commun accord… L’OMS et l’AIEA reconnaissent qu’elles peuvent être appelées à prendre certaines mesures restrictives pour sauvegarder le caractère confidentiel de renseignements qui leur auront été fournis  ».

(ResWHA 12 -40 du 28 mai 1959, p. 1 (3))

7.5. Le désir de dissimuler et de minimiser les conséquences de la Catastrophe coïncide avec la tendance des gouvernements des pays touchés par les retombées radioactives de Tchernobyl de réduire continuellement les dépenses pour  atténuer les conséquences de la Catastrophe.

  8. Vivre après Tchernobyl

8.1 La quantité croissante des données objectives sur les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl ne donne pas de raisons d’être optimistes : en l’absence d’importants programmes spéciaux de niveau national et international la morbidité dans les territoires contaminés continuera à augmenter. Du point de vue de la morale humaine, on ne comprend pas comment des spécialistes liés à l’industrie atomique peuvent lancer l’appel « Il est temps d’oublier Tchernobyl ».

8.2. Le comportement de l’AIEA et d’autres organisations liées à l’industrie atomique ne favorise pas la formation d’une politique responsable et efficace pour la minimisation  des conséquences de la Catastrophe et l’aide à ses victimes. Cette politique internationale et nationale doit être fondée sur le principe

 

« Nous ne pouvons pas oublier Tchernobyl, nous devons minimiser les conséquences de cette terrible catastrophe ».

BIBLIOGRAPHIE      59 pages, 698 titres de publications scientifiques


1 Qui est le professeur Iline et d’où vient-il ? Membre de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR), scientifique, médecin et radiologue, ex vice-président de l’Académie des sciences médicales de l’URSS, ex directeur de l’Institut de biophysique de l’Académie de médecine, le professeur Leonid Iline présidait le comité de protection radiologique de l’URSS au moment de la catastrophe de Tchernobyl. Il est issu du complexe militaro-industriel qui s’occupe de la production des armes atomiques. Lui et ses collègues médecins, tenus au secret-défense autant que les ingénieurs, les physiciens et les chimistes qui travaillent dans ce complexe, étudient les conséquences des explosions nucléaires et les maladies des personnes qui travaillent dans ces entreprises. Le Prof. Iline, nucléariste en blouse blanche, est un brillant représentant de ce complexe militaro-industriel dans le domaine médical. Il a déconseillé aux gouvernements d’Ukraine et du Bélarus et aux Politburos de leurs partis d’évacuer les enfants les premiers jours de mai. Il a réussi à maintenir jusqu’au début de 1990 un black-out quasi total sur l’étendue et l’intensité exceptionnelles des retombées dans la région de Briansk et sur le maintien in situ des populations exposées. C’est lui qui a dirigé les négociations finales de la délégation de l’URSS à Vienne, pour soumettre les prévisions soviétiques des conséquences de Tchernobyl aux chiffres de l’AIEA, en les divisant par dix. L’OMS, directement concernée par les conséquences prévisibles pour la santé des populations, n’a émis aucune objection à cette façon antiscientifique de décider du sort des victimes. Le 26 avril 1988, quatre jours après la communication de Iline à la conférence de Sydney, qui préparait l’abdication des scientifiques de l’URSS, le premier rapporteur soviétique à Vienne, Valéri Légassov, s’est suicidé à Moscou.

Hormis une brève période de démocratisation au temps de la perestroïka de Gorbatchev, la politique de minimisation et de dissimulation des conséquences de la Carastrophe de Tchernobyl par les ministères de la Santé et par les gouvernements des états post soviétique (Bélarus, Ukraine et Fédération de Russie) n’a pas varié depuis l’écroulement de l’URSS. Dans la continuité des dogmes construits sur la base des premières manipulations, omissions, dissimulations et interprétations fallacieuses des données, les institutions internationales, OMS et AIEA, cautionnent encore aujourd’hui, 22 ans après la catastrophe, les violations du droit à l’alimentation et à la santé par les trois états, et sont les premières responsables du délit de non assistance à populations en danger. La caution que l’OMS fournit du haut de son autorité médicale à cette politique inhumaine, constitue un acte de haute trahison de sa propre constitution. [Note de W. Tchertkoff, journaliste de télévision, traducteur , auteur de « Le crime de Tchernobyl » Éd. Actes Sud 2006.]

 

* La moyenne des données de la région de Gomel peut être minimisée car les données de la contamination très élevée des produits alimentaires du district de Leltchitsy n’arrivent plus à l’Institut « Belrad » depuis 1995 (24 CLCR ont été retirés de la gestion de l’Institut et confiés à la gestion de l’Institut de radiologie de Comtchernobyl).

1 Au Bélarus en 2005-2006, la teneur du lait en césium-137 atteint parfois 1000 Bq/litre, celle des champignons secs 70 000 Bq/kg, et celle de l’organisme des enfants jusqu’à 2500 Bq/kilo du poids du corps.

2 L’introduction de 30 kg de calcium, de 2 kg de potassium et de 1kg de phosphore dans un potager de 100 m2 diminue le passage des radionucléides du sol dans les végétaux d’un facteur 10.

Transcription, changement de support et remise en page:

Thierry LAMIREAU

Réalisateur du film « Uranium en Limousin »

Irradié en fin de vie. Devine pourquoi:

http://lesoufflecestmavie.unblog.fr/2015/05/14/exclusivite-uranium-en-limousin-thierry-lamireaulesoufflecestmavie-unblog-fr-2/

Publié dans:REFLEXIONS PERSONNELLES |on 8 mai, 2012 |Pas de commentaires »

IL Y A 50 ANS AU SAHARA: L’ESSAI NUCLEAIRE RATE DU 1er MAI 1962

Il y a 50 ans au Sahara:

l’essai nucléaire raté

du 1er mai 1962

IL Y A 50 ANS AU SAHARA: L'ESSAI NUCLEAIRE RATE DU 1er MAI 1962 dans REFLEXIONS PERSONNELLES bombe-beryl-1mai62-algerie

Le 1er mai 1962, le tir nucléaire Béryl, censé expérimenter la première bombe pour les Mirage IV de la dissuasion nucléaire de la France, faisait éclater la montagne du Hoggar saharien à In Eker sous les yeux effarés de plusieurs centaines de militaires et civils dont les deux ministres français Pierre Messmer et Gaston Palewski.

La panique incroyable qui suivit ce fiasco des experts du CEA (Commissariat à l’Energie Atomique ) chargés de la mise au point des bombes se résume en quelques chiffres : le jour même, 900 militaires et civils durent être décontaminés et, comme ces mesures avaient été inefficaces, il fallut encore en décontaminer 775 dans les 8 jours qui suivirent, sans compter les dizaines de militaires qui furent expédiés à l’hôpital militaire Percy, en région parisienne, pour des mois de soins intensifs, dans le plus grand secret, avec, pour plusieurs, la mort à la clé.

Ces faits ont été rapportés par des témoins depuis plus de 10 ans. Hélas, du côté du ministère de la défense, en 2012, on en est toujours au déni. À lire un rapport du ministre de la défense de janvier 2007 sur les essais au Sahara, on aurait évité le pire : le nuage radioactif qui déboucha du tunnel creusé dans la montagne du Tan Afela se serait dirigé vers l’Est en direction de la Libye, et n’aurait laissé que des retombées radioactives peu significatives sur des zones quasiment inhabitées. Le rapport des armées de 2007 fournit même une carte de la retombée qui a servi de modèle à M. Hervé Morin, alors ministre de la défense, pour délimiter la « zone géographique » de cette région du Sahara dont les habitants pourraient prétendre à l’indemnisation prévue par sa loi du 5 janvier 2010. On l’aura compris, la retombée ayant « par le plus grand des hasards » évité les villages de la zone, les frais d’indemnisation seront limités…

Malencontreusement pour M. Hervé Morin, débusquant les mensonges officiels, deux anciens scientifiques du contingent, MM Louis Bulidon et Raymond Séné, étaient présents à In Eker en mai 1962. Ils avaient la charge des mesures de radioactivité et leurs appareils ont enregistré les retombées radioactives du nuage de l’accident Béryl dans l’axe nord-sud, c’est-à-dire sur la zone la plus habitée de la région allant de la montagne du Tan Afela, au nord, à Tamanrasset et jusqu’au fleuve Niger au sud. Plus de 5 000 personnes, hommes, femmes et enfants, habitant cette région du Hoggar, sans compter les quelque 2 000 militaires et civils employés aux essais sur la base d’In Amguel et le millier de travailleurs « recrutés localement » dans tout le Sahara ont été affectés par le nuage radioactif. Toutes les mesures faites par nos deux scientifiques ont été enregistrées et elles restent, aujourd’hui, cadenassées dans les archives gardées secrètes, au nom de la raison d’État.
Dans leur livre, « Les irradiés de Béryl », Louis Bulidon et Raymond Séné, respectivement ingénieur chimiste et physicien nucléaire, ont lancé un appel à « lever la chape de plomb », resté hélas sans effet, rappelant que « ce 1er mai 1962 et dans les jours qui ont suivi, des centaines, voire peut-être des milliers d’individus, dont des femmes et des enfants algériens, ont reçu des doses radioactives très handicapantes, voire mortelles pour certains d’entre eux. »

C’était, il y a 50 ans. Il est temps que la raison d’État laisse place à la vérité sur les essais nucléaires et que les victimes et leurs familles – algériennes, polynésiennes et françaises – soient enfin reconnues et indemnisées.
 
Rappel : Essais nucléaires français : l’héritage empoisonné

D’autant que Béryl n’est pas le seul tir nucléaire conduisant à des retombées radioactives pour les personnels et les populations. Après avoir longtemps déclaré que ses essais nucléaires étaient « particulièrement propres », la France a reconnu tardivement qu’ils auraient fait des victimes. Hélas, la loi du 5 janvier 2010 laisse au ministre de la défense, premier responsable des essais, toute latitude pour les défendre ou non…

Voir l’ouvrage de Bruno Barrillot, Essais nucléaires français : l’héritage empoisonné, publié en février 2012 par l’Observatoire des armements (voir pièce jointe).

*Moruroa e tatou : courriel : moruroaetatou@mail.pf • site : www.moruroaetatou.com

Publié dans:REFLEXIONS PERSONNELLES |on 30 avril, 2012 |3 Commentaires »

LE LIMOUSIN RADIOACTIF

Le LIMOUSIN radioactif

LE LIMOUSIN RADIOACTIF dans REFLEXIONS PERSONNELLES 20070403-151405.BMP

Lorsque la très faible proportion d’uranium qu’on extrait des mines s’en va vers les centrales, la gangue radioactive reste sur place, la plupart du temps à ciel ouvert. Et puisqu’elle s’y trouve déjà, on a eu moins de scrupules à y ajouter d’autres déchets, quelquefois beaucoup plus dangereux encore, provenant de lieux où ils auraient été trop visibles.

Le sous-sol français est riche en uranium. Les premières mines ont été ouvertes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour fournir la matière première nécessaire à la fabrication de la bombe atomique. Aujourd’hui, plus des deux tiers de l’uranium consommé par les réacteurs français sont importés, mais la France reste néanmoins le premier producteur d’Europe.

L’exploitation actuelle et celle qui a précédé sont responsables d’une quantité gigantesque de déchets: plus de 300 millions de tonnes, dont certains causent de réels problèmes biologiques. Il y a d’abord les « stériles », ces roches extraites qui, contenant trop peu d’uranium, ne sont pas traitées et finissent souvent par former des petites collines rocheuses, sortes de terrils des régions uranifères.

 intro_limou DECHETS dans REFLEXIONS PERSONNELLES  limou_terrils ENVIRONNEMENT
Lacs de boues et terrils Les anciennes mines d’uranium à ciel ouvert, ici celle de Bellezane, servent de décharges aux boues radioactives, résultant du traitement du minerai, tandis que les résidus grossiers, les « stériles », s’empilent aux alentours, laissant échapper des fines particules radioactives et du radon.

Leur volume est colossal, puisqu’ils représentent 40 % du tonnage total extrait pour une souterraine, et 90 % pour une mine à ciel ouvert. C’est-à-dire, dans ce dernier cas, qu’avant de pouvoir traiter 1 tonne de minerai pour en récupérer l’uranium, il faut en manipuler et en stocker 9 tonnes. La quantité cumulée des stériles de mines d’uranium en France se situerait autour de 270 millions de tonnes !

Or, ils ne sont pas totalement « stériles », car ils contiennent toujours de l’uranium ainsi que d’autres corps radioactifs. Bien sûr, le minerai lui-même était aussi radioactif, et il élevait dans les régions alentour la radioactivité à un niveau parfois double de celui de la région parisienne. Mais ce minerai formait un bloc compact sous terre, alors qu’une fois extrait il est plus facilement lessivé par les eaux de pluie. D’autre part, ces stockages en plein air engendrent nécessairement des poussières radioactives, qui s’envolent sur la région. Sans parler du radon, ce gaz radioactif, lui aussi, qui s’échappe beaucoup plus facilement de ce labyrinthe de pierrailles que de la roche mère où il doit, pour remonter à l’air libre, trouver des failles, des fissures ou des roches poreuses. La radioactivité de ces stériles n’empêche d’ailleurs pas que l’on autorise des sociétés de travaux publics à les utiliser pour construire des ponts, des routes… Les préfets de Vendée et de Haute-Vienne ont ainsi accordé plusieurs autorisations. En bénéficient notamment la société Jean Lefebvre, sur la commune de Compreignac, et la SCREG-Ouest, sur la commune de Saint-Sylvestre, en Haute-Vienne. Mais il y en a bien d’autres!

Seule une faible partie du minerai extrait est donc traitée en usine pour récupérer l’uranium. Ce traitement engendre d’autres déchets, bien plus nocifs que les stériles. Avant d’aboutir au yellow-cake, qui contient de 70 % à 90 % d’uranium, le minerai subit toute une série d’opérations visant à séparer le métal de la gangue qui le contient.

Il est d’abord concassé, puis finement broyé en particules de moins d’un millimètre, Ce sable très fin est mélangé à de l’eau pour constituer une pâte. Il existe deux méthodes principales pour extraire le métal de cette pâte : soit des réactifs acides soit, au contraire, alcalins. Dans le premier cas, de l’acide sulfurique chaud, additionné de chlorate de sodium est mélangé à la pulpe, à raison de 40 kg environ d’acide par tonne de minerai. Dans le second cas, la pulpe est envoyée dans un autoclave à 140 °C à une pression de 6 bars, avec du carbonate de sodium, de la chaux, de la sidérose et de l’oxygène.

Il s’agit ensuite de séparer la partie liquide, qui renferme l’uranium solubilisé, et la partie solide qui constitue les fameux « résidus de traitement », une sorte de boue rosâtre riche en radium. Précisons qu’avant de pouvoir être utilisé comme combustible dans un réacteur, le yellow-cake devra subir bien d’autres transformations (raffinage, enrichissement, fabrication des éléments combustibles), mais, sur les sites miniers, la métamorphose s’arrête là. Ce concentré d’uranium naturel contient essentiellement de l’uranium 238 et seulement 0,71 % d’uranium 235, dont la proportion devra être augmentée jusqu’à 3 % pour permettre à la réaction en chaîne de se produire dans le coeur des réacteurs français. Car seul l’isotope 235 est fissile.

Revenons au minerai. Lorsqu’il n’est pas jugé suffisamment riche pour être traité en usine (teneur de 0,03 % à 0,08 % environ), une autre méthode consiste à le concasser et le disposer en grands tas sur le carreau de la mine, à travers lesquels on fait percoler une solution acide qui dissout l’uranium et que l’on récupère à la base. Cette opération de lixiviation doit être répétée plusieurs fois et s’étale sur plusieurs mois, alors que le traitement en usine s’effectue en quelques heures.

 decharge_bec_limou LAMIREAU THIERRY Une décharge à becquerels A quelques dizaines de mètres des maisons, l’ancienne mine à ciel ouvert du Brugeaud, sur la commune de Bessines, a été comblée par 5 800 000 t de résidus radioactifs. Plus de 250 térabecquerels sont enfouis là, c’est-à-dire que plus de 250 000 milliards de désintégrations s’y produisent chaque seconde. Lorsque le niveau d’eau baisse, comme c’est le cas ici, la radioactivité est plus élevée, l’eau jouant un rôle d’écran.

Une décharge à becquerels 

Depuis environ quarante ans, 47,5 millions de tonnes de minerai ont été traitées en France, d’abord par le CEA, puis par sa filiale Cogema qui gère actuellement 85 % des ressources nationales, l’autre exploitant étant le groupe Total. De ces millions de tonnes ont été tirées environ 60 000 t de yellow-cake, produit de base de l’énergie nucléaire. D’où une montagne de déchets. Ainsi, rien que l’ensemble des sites de la Cogema, anciens ou en exploitation, renferment, en plus des stériles qui n’ont subi aucun traitement, 26 millions de tonnes de résidus très fins (les boues qui sortent de l’usine) et 17 millions de tonnes de résidus grossiers (les restes des tas de lixiviation).

Or, tous ces résidus qui n’ont été débarrassés que d’une partie de leur uranium – il en reste 3 000 t sur l’ensemble des sites, dans les résidus très fins, et 1400 t dans les autres – contiennent toujours la quasi-totalité des « descendants » radioactifs de l’uranium. Le radium 226, d’abord, notoirement radiotoxique, qui représente à lui seul le total faramineux de 700 térabecquerels (700 000 milliards de becquerels, le becquerel remplace désormais le curie, un curie est égal à 37 milliards de becquerels.). Pour donner une idée du risque, signalons que la dose maximale admissible de radium dans l’eau potable en France est de 0,37 becquerel par litre. Rappelons aussi qu’à Itteville, dans la région parisienne, on s’est beaucoup affolé parce qu’on soupçonnait la présence d’une trentaine de grammes de radium sur un terrain qui avait servi de décharge au centre de Saclay. Le radium 226 a une période de 1620 ans, c’est-à-dire qu’au bout de ce laps de temps il aura perdu la moitié de sa radioactivité, puis 1620 ans plus tard, la moitié de la moitié… Mais il y a aussi du thorium 230, du plomb 210 et bien d’autres radionucléides dans ce cocktail radioactif pour des milliards années.

 futs_limou LIMOUSIN Des fûts abandonnés A moitié enfouis sur l’ancien site minier de Margnac, en Haute Vienne, ces fûts font-ils partie du lot de 88 082 barils expédiés par l’usine de conversion d’uranium Comurhex, à Malvesi, près de Narbonne, entre 1975 et 1989 ?

Or, que fait-on de ces boues ? Une partie a servi à remblayer des galeries de mines, mais la majorité est restée en surface. Elles ont été déversées soit dans un « bassin » aménagé dans une vallée et fermé par une digue faite de stériles comme à Saint-Priest-la-Prugne, et à Lavaugrasse, soit tout simplement dans une ancienne mine à ciel ouvert. C’est le cas le plus fréquent.

Ainsi, actuellement, la noria de camions-bennes non bâchés qui quittent chaque jour, à la cadence d’un tous les quarts d’heure, l’usine SIMO, filiale de la Cogema, à Bessines-sur-Gartempe, dans le Limousin, ne font que quelques kilomètres pour rejoindre les anciens sites miniers de Montmassacrot et de Bellezane, où ils se délestent de leur cargaison.

Les habitants de Bessines, excédés de voir dégouliner ces boues rosâtres dans les rues de leur ville, ont demandé à la CRIIRAD, un laboratoire indépendant, de mesurer le taux de radioactivité de ces boues et des mousses qui poussaient sur le mur bordant la route empruntée par les camions. Réponse de la CRIIRAD: plus de 100 000 becquerels par kg de matières sèches pour les boues dont plus de 25 000 becquerels imputables au seul radium 226, et plus de 30 000 pour les mousses.

Avant 1987, ces boues étaient envoyées plus près encore de l’usine SIMO, dans l’ancienne mine du Brugeaud et dans le bassin de Lavaugrasse, transformé aujourd’hui en vaste lac de plusieurs hectares où il ne ferait pas bon se baigner, sous peine de profiter des… 141000 milliards de becquerels de radium 226 qu’il renferme, ce que les canards semblent ignorer !

20070403-151331.BMP1 MINES

A une quarantaine de kilomètres de là, à Jouac, une autre usine de traitement est exploitée par Total compagnie minière, une filiale du groupe Total. Le minerai est actuellement extrait d’une mine souterraine, mais celles à ciel ouvert qui ne sont plus exploitées servent de dépôts pour les boues résiduelles. Impossible pour les riverains de soupçonner ce qui se passe derrière les immenses tas de stériles qui ceinturent le site. Que l’on imagine un lac de boues gigantesque s’étendant sur des dizaines d’hectares, où l’on ne voit guère que des arbres morts et des bidons vides (voir photos). Dans l’ancienne mine de Margnac, au sud de Bessines, c’est la Cogema qui se débarrasse de ses détritus !

Mais il y a eu des déchets plus dangereux qui ont été enfouis au cours des années dans nombre de ces sites. C’est une commission chargée d’examiner les dépôts de matières radioactives pour le compte du Conseil supérieur de la sûreté et de l’information nucléaire qui a soulevé une partie du voile en remettant ses conclusions en juillet 1991. La demande émanait des ministères de l’Environnement, de l’Industrie et de la Santé, ce qui explique que la Cogema ait dû ouvrir ses dossiers (ou du moins une partie). Ainsi, le rapport Desgraupes, du nom du président de cette commission, nous apprend que sept sites au moins (voir cartes 1 et 2), dont six dans le Limousin et un en Saône-et-Loire, ont accueilli, parfois à plusieurs reprises, des déchets radioactifs provenant pour la plupart de l’usine de traitement de minerai du Bouchet, dans l’Essonne, qui a produit de l’uranium et du thorium de 1946 à 1971. Il y a eu d’autres livraisons en provenance de l’usine d’enrichissement d’uranium de Pierrelatte, dans la Drôme; de l’usine de raffinage Comurhex à Malvesi, près de Narbonne ; du centre du CEA de Fontenay-aux-Roses, près de Paris; et de l’usine de fabrication de combustible SICN à Veurey, dans l’Isère. Bref, Il en est venu de toute la France. Quelque 300 000 fûts et des dizaines de milliers de tonnes de terre, gravats et ferrailles contaminés.

Ces chargements se sont faits, pour la plupart, dans le plus grand secret, au mépris de l’information du public, et se sont échelonnés de 1958 à 1989 pour les plus récents d’entre eux, du moins officiellement. Ce sont dans l’ensemble des résidus de minerai riche, plus nocifs encore que ceux du sous-sol limousin, c’est du moins la version qui nous a été donnée. Mais comment vérifier qu’il n’y a pas eu pires déversements, maintenant que ces déchets sont sous les stériles ou sous les boues ? Mais les 18 000 fûts verts, jaunes ou noirs, qui viennent de Pierrelatte et dorment sous les verses du Brugeaud, contiennent de l’uranium enrichi en uranium 235, l’isotope fissile dont il suffit de quelques kilos pour fabriquer une bombe. Là, il y en a 1,5 kg.

Quant aux quelques centaines de fûts (la quantité exacte n’est nulle part précisée) envoyés sur le site du Bauzot par le centre de Fontenay-aux-Roses, ils sont hautement suspects. Ils proviennent, en effet, d’une usine pilote qui a fonctionné de 1954 à 1957, puis qui a été démantelée entre 1959 et 1962 et dont l’activité était l’extraction de… plutonium !

Les seuls fûts que l’on puisse aujourd’hui examiner à loisir sont stockés discrètement dans un hangar isolé de la Cogema à Bessines. Il y a là 388 fûts provenant de l’usine du Bouchet et contenant des minerais d’uranium, de thorium et de terres rares, représentant environ 4 000 kg d’uranium métal et… 580 milliards de becquerels. Aujourd’hui les langues se délient. Et, dans la région de Bessines ou de Saint-Priest-la-Prugne, on parle de mystérieuses cargaisons qui étaient livrées de nuit ! Ainsi, les habitants de Pény affirment avoir été réveillés en juillet 91 par l’arrivée de camions qui avaient raté l’embranchement conduisant à une ancienne mine. Ils transportaient des fûts sur lesquels les riverains reconnurent le sigle radioactif. A Saint-Priest, on évoque même l’enfouissement de déchets industriels toxiques. On peut, en effet, se demander pourquoi la société Sedemap qui exploitait au début des années 1980 un centre de traitement de déchets industriels, à Buxières-les-Mines, dans l’Allier, avait racheté à la Cogema, un terrain jouxtant l’ancienne mine de Saint-Priest-la-Prugne ?

Même sans tenir compte de ces apports clandestins, tous ces sites miniers représentent des zones contaminées ; 300 000 milliards de becquerels rien qu’en radium 226, dans le bassin de Lavaugrasse, 150 000 Milliards au Brugeaud, 800 000 milliards pour l’ensemble des sites!

Or, ils ne font l’objet en France d’aucune réglementation spécifique. Alors que certains d’entre eux devraient, tout comme les centrales nucléaires, être soumis à la réglementation des installations nucléaires de base (INB), Ils ne relèvent même pas dans la plupart des cas, à l’instar de n’importe quel autre établissement industriel, de la législation des Installations classées pour la protection de l’environnement.

Le rapport Desgraupes estime notamment que les stockages de Saint-Priest-la-Prugne, de l’Ecarpière, de Bessines, du Bosc, du Cellier et de Jouac (voir cartes 1 et 2) sont des INB. Ce n’est pas l’avis des compagnies minières et de l’administration. La section des travaux publics du Conseil d’Etat a d’ailleurs donné raison à ces dernières dans son avis Ou 11 décembre 1991.

Pourquoi cette divergence ? Les uns considèrent les résidus de traitement comme un mélange de substances radioactives, les autres comme de l’uranium naturel. Or, la réglementation n’est pas la même suivant que l’on adopte l’une ou l’autre thèse. Le site doit être classé INB à partir d’une activité totale de 37 térabecquerels dans le premier cas et de 3 700 térabecquerels dans le second.

D’un point de vue strictement chimique, il semble pourtant évident que les résidus n’ont plus rien à voir avec de l’uranium naturel, leur composition ayant été modifiée, ne serait-ce qu’à cause des produits qui ont été ajoutés au moment du traitement. Et la radioactivité, qu’elle soit légale ou non, est bel et bien là!

Encore une fois, comment comparer un minerai en bloc compact sous la terre et ce même minerai réduit en poudre et répandu à la surface du soi ? On n’obtient pas le même breuvage en faisant infuser des grains de café ou du café moulu ! Le vent emporte et dissémine les fines poussières à des kilomètres à la ronde, et les pluies se chargent de particules.

Quels sont les risques ? De plus en plus de chercheurs semblent penser qu’il n’y a pas de seuil au-dessous duquel le taux de radioactivité n’aurait pas d’effets sur l’organisme. La Commission internationale de protection radiologique (CIPR) a d’ailleurs révisé à la baisse les normes qu’elle avait précédemment édictées: elles sont passées de 5 millisieverts par an (le sievert remplace le rem. 1 sievert = 100 rems) pour la population à seulement 2 millisieverts. Ces chiffres n’ayant valeur que de recommandations, la France a d’ailleurs préféré s’en tenir aux bonnes vieilles normes ! Pour donner un ordre d’idée, la radioactivité naturelle en France (aussi nocive que l’artificielle) inflige en moyenne 1 millisievert par an. La CIPR estime que 10 millisieverts reçus par un million de personnes généreront 500 décès par cancer ; pour l’Académie des sciences américaine, cette dose entraînerait 800 morts par cancer ; pour la Fondation américano-japonaise pour la recherche sur les effets des rayonnements: 1740 ; et pour l’équipe de chercheurs américains dirigée par le Dr Mancuso, de l’université de Pittsburgh : 6 000.

Dans des régions comme le Limousin, où la radioactivité naturelle est déjà élevée (1,5 millisievert en moyenne), le niveau est multiplié par 20, voire par 100, au-dessus ou à côté de ces énormes dépôts de résidus.

 chemine_radon_limou MINES D'URANIUM Des cheminées à radon Dans la campagne limousine, les aérateurs comme celui-ci font partie du paysage. Ils servent de bouche d’évacuation pour le radon, ce gaz radioactif qui est extrait des galeries souterraines en raison de sa nocivité.

Si nous avons tant parlé de radium 226, très radiotoxique et soluble, c’est aussi parce qu’il donne naissance, en se désintégrant, à un gaz radioactif, le radon (1) dont les propriétés cancérigènes sont officiellement reconnues. De nombreuses études épidémiologiques effectuées sur des mineurs d’uranium le prouvent. Il n’y a pas que les dépôts de résidus qui augmentent le niveau de radioactivité. Le simple fait d’exploiter un gisement y contribue.

Une série de mesures pour doser le radon, effectuées du 17 au 19 juillet 1989 par la CRII-RAD sur deux sites uranifères du Limousin, l’un à Saint-Sylvestre en exploitation (mine souterraine) et l’autre à Négremont, encore non exploité, est fort significative. Le protocole était identique : 25 mesures sur une surface de 400 m de côté avec un maillage de 100 m. Résultat: de 100 à 1080 Bq/m3 à Saint-Sylvestre et de 22 à 200 Bq/m3 à Négremont, où le gisement est pourtant plus près de la surface et la teneur en uranium plus élevée.

Sur les autres lieux testés à ce jour par la CRII-RAD, le niveau extérieur moyen est d’environ 15 Bq/m3. Et l’EPA, l’agence américaine de l’environnement, conseille aux habitants d’effectuer des travaux (isolation, ventilation … ) si le niveau mesuré chez eux dépasse 148 Bq/m3.

Nous avons demandé à la CRII-RAD de mesurer le taux de radon à proximité d’une bouche d’aération de la mine désaffectée des Vieilles Sagnes, sur la commune de Saint-Sylvestre. Une précédente mesure effectuée dans cet orifice, en février 92, à un mètre de profondeur, avait révélé des taux de radon dans l’air faramineux : plus d’un million de becquerels par m3 d’air ! A un mètre du sol et à une distance de 10 m de la bouche d’aération, on trouve encore 8 308 Bq/ m3 ; à 15 m : 1420 Bq/m3 et à 30 m : 721 Bq/m3. Voilà ce que respirent les enfants qui viennent jouer dans ces lieux, dont la plupart n’étaient pas même clôturés il y a trois mois de cela.

Mieux vaut tard que jamais. Au bout de quarante ans, sous la pression des associations de défense de l’environnement, une commission locale d’information vient d’être mise en place à Bessines. Ces associations réclament, entre autres, la remise en état des sites miniers abandonnés et notamment le recouvrement des dépôts de résidus. Aux Etats-Unis, où l’on n’hésite pas parfois à prendre des mesures extrêmes, on a carrément déplacé tous les résidus de quatre sites à Salt Lake City (Utah), Durango et Grand Junction (Colorado) et Canonsburg (Pennsylvanie) : ces déchets ont réintégré leur dépôt d’origine à Canonsburg, après que l’on eût réalisé un étanchement de bonne qualité.En France, le CEA songe à transformer la décharge radioactive de Saint-Priest-la-Prugne, dans l’Allier en base nautique

 Les dépôts d’uranium du Limousin…
(carte n°1)
depos1_uranium_limou NUCLEAIRE

Figurent sur cette carte de la Haute-Vienne (département contenant le plus grand nombre de décharges d’uranium) et sur celle de la France (voir carte n° 2 tous les dépôts connus) de résidus de traitement de l’uranium, riches en radium, ainsi que les usines, fermées ou en exploitation, à l’origine de ces déchets. Nous avons également indiqué les sites miniers qui ont reçu des déchets radioactifs en provenance d’autres centres nucléaires.

L’activité totale ne représente que l’activité du radium 226 et du thorium 230; chaque fois que cette activité est supérieure à 37 térabecquerels (TBq), le site devrait être classé installation nucléaire de base (INB) et donc soumis à des contrôles sévères. Mais aucun des sites ne respecte cette réglementation (Voir la revue, fort bien documentée, info Uranium, 7 rue de l’Auvergne.).

1. Lavaugrasse : bassin de 25 ha ayant reçu les résidus de l’usine SIMO de Bessines de 1958 à 1978 : 5 700 000 t, contenant 600 t d’uranium et représentant une activité de plus de 282 000 milliards de becquerels (282 TBq) dont 141 TBq en radium 226. Renferme également 3 500 t de résidus provenant de minerai d’uranium riche (teneur de 5 % à 20 %) contenant 1 TBq de radium 226 en provenance de l’usine du Bouchet dans l’Essonne, démantelée de 1972 à 1979. Devrait être classé INB.

2. Le Brugeaud : ancienne mine d’uranium à ciel ouvert, l’une des plus grandes de France, ayant reçu les résidus de l’usine SIMO de Bessines, de 1978 à 1987 : 5 800 000 t contenant environ 550 t d’uranium et représentant une activité de plus de 258,2 TBq dont 129,1 TBq en radium 226. Contient également des déchets provenant de l’usine du Bouchet : 6 000 t de résidus contenant 1,7 TBq de radium 226; 16 800 t de terres et gravats contenant 0,62 TBq de radioéléments alpha; 1900 t de ferrailles contenant 0,07 TBq de radioéléments alpha. Les terres, gravats et ferrailles n’ont pas été mis dans la fosse, mais ont été enfouis dans les verses de « stériles ».

Il y a aussi 18 048 fût arrivés de Pierrelatte (Drôme) entre 1968 et 1971 et contenant des déchets enrichis en uranium 235.

S’y ajoutent, ainsi que sur le site voisin de la Croix-du-Breuil, des résidus plus grossiers provenant de la lixiviation des minerais pauvres sous la forme de verses, sortes de terrils de l’uranium; il y en a 8 400 000t contenant 465 t d’uranium représentant une activité de 14,4 TBq en radium 226. Devrait être classé INB.

3. Montmassacrot : ancienne mine d’uranium à ciel ouvert ayant reçu les résidus de l’usine SIMO de Bessines de 1986 à 1990 : 737 000 t de résidus contenant 69 t d’uranium et représentant une activité de plus de 38 TBq dont 19 TBq en radium 226. Devrait être classé INB,

4. Bellezane : cette ancienne mine d’uranium à ciel ouvert reçoit les résidus de l’usine SIMO de Bessines, depuis 1988. Début 1991, ces boues représentaient 845 000t contenant 90t d’uranium et une activité de plus de 42 TBq, dont 21 TBq en radium 226.

De plus, 1126 000 t de résidus ont été déposées de 1958 à 1986 dans certains puits et certaines galeries de la partie souterraine de la mine aux fins de remblayage. Devrait être classé INB.

5. Margnac: ancien site minier ayant reçu, de 1975 à 1989, 88 082 fûts provenant du centre de conversion de l’uranium Comurhex, à Malvesi, près de Narbonne. Ces fûts d’une masse de 2 110 t, qui avaient contenu de l’uranate, étaient plus ou moins bien décontaminés et écrasés. Leur activité représente 0, 11 TBq. Ils ont été enfouis dans les verses des stériles

6. Pény : cette ancienne mine, proche de Margnac, a reçu un chargement identique à celui de Margnac, enfoui également dans une verse.

7. Fanay: ancien site minier ayant reçu, en 1971, 400 m3 de fûts écrasés provenant de l’usine du Bouchet, soit environ 0,01 TBq.

8. Bessines-sur-Gartempe : sur le site de la Cogema, un hangar contient 388 fûts provenant du Bouchet et représentant une activité de 0,58 TBq.

9. Jouac : les immenses bassins entourés de digues construites avec des stériles d’une ancienne mine à ciel ouvert, contenaient, début 1991, 900 000 t de résidus provenant de l’usine de Jouac, appartenant au groupe Total. L’activité totale était de plus de 104 TBq dont 52 TBq en radium 226. Devrait être classé INB.

 ET LES AUTRES DÉCHARGES FRANCAISE
(carte n°2)

autre_decharge_limou POLITIQUE
Si la Haute-Vienne à elle seule, renferme la moitié des décharges de résidus de l’uranium, d’autres régions abritent néanmoins des dépôts très importants.

1. La Ribière (Creuse) : ancienne mine d’uranium à ciel ouvert abritant 200 000 t de résidus d’une radioactivité d’environ 2 TBq, dont 1 TBq en radium 226.

2. Saint-Pierre-du-Cantal (Cantal): ancienne mine à ciel ouvert ayant reçu les résidus d’une usine qui a fonctionné sur le site de 1977 à 1985; en tout, 570 000 t représentant une activité de 15,8 TBq dont 7,9 TBq en radium 226.

3. Bertholène (Aveyron): site minier en exploitation, où ont été stockées, début 1991, dans la vallée des Balaures, derrière une digue constituée de stériles et de déblais, 310 000 t de résidus représentant une activité de 5,72 TBq rien qu’en radium 226.

4. Le Cellier (Lozère) : ancien site minier souterrain et à ciel ouvert, renfermant 1 112 000 t de résidus de traitement fins, dont 76 t d’uranium, et 4 532 000 t de résidus grossiers (dont 672 t d’uranium). L’activité totale dépasse 86 TBq, dont 43 TBq en radium 226. Ce site devrait être classé INB.

5. L’Ecarpière (Loire-Atlantique) : sur cet ancien site minier, un bassin artificiel entouré de digues constituées de résidus grossiers de lixiviation, contient 7 500 000 t de boues, soit 510 t d’uranium. Avec les digues qui renferment, elles, 300 t d’uranium, le tonnage total est de 11 500 000 t l’un des plus importants de France. L’activité totale est de plus de 365,6 TBq, dont 182,8 TBq en radium 226. On projette d’y mettre des résidus radioactifs provenant du traitement de terres rares effectué par Rhône-Poulenc à La Rochelle, à raison de 7 800 t par an. Ce site devrait être classé INB.

6. Le Bosc (Hérault) : excavations d’une mine à ciel ouvert renfermant, début 1991, 2 969 000 t de résidus, dont 818 t d’uranium, provenant de l’usine SIMO du Bosc, actuellement en exploitation. L’activité totale est de plus de 236,2 TBq, dont 118,1 TBq pour le radium 226, Ce site devrait être classé INB.

7. Saint-Priest-la-Prugne (Loire): ancien site minier renfermant 1 100 000 t de résidus dans la mine souterraine et 1 300 000 t, dont 286 t d’uranium, dans un vaste bassin de 20 ha où ils s’étagent sur 19 m d’épaisseur. L’activité totale est de plus de 168 TBq, dont 84 TBq en radium 226. Après avoir essayé de reconvertir le site en centre de stockage de déchets radioactifs, le CEA donne la préférence, pour sa réhabilitation, à la transformation du bassin en… base nautique ! Ce site devrait être classé INB.

8. Gueugnon (Saône-et-Loire): sur le terrain d’une ancienne usine de traitement, grand bassin de 6 ha renfermant 185 000 t de résidus contenant 42 t d’uranium. L’activité totale dépasse 20,8 TBq, dont 10,4 TBq en radium 226.

9. Le Bauzot (Saône-et-Loire): ancien site minier renfermant des fûts de déchets radioactifs livrés entre 1958 et 1969. Il s’agit de 32 600 fûts provenant du centre du Bouchet et contenant 5 600 t de déchets pour une activité de 2,8 TBq de radium 226. Il y a aussi 48 000 fûts venus de l’usine SICN/CERCA, à Veurey-en-Isère, qui fabrique les éléments combustibles des réacteurs ! Ils contiennent 10 400 t de graphite, de quartz et de boue de sablage; leur activité est de 0,1 TBq. S’y ajoutent quelques centaines de fûts contenant des terres et des gravats provenant de l’usine pilote d’extraction de plutonium qui a fonctionné à Fontenay-aux-Roses de 1954 à 1957. Actuellement, tous ces fûts sont enfouis dans une sorte de tumulus de 6 m de hauteur sur une surface de 8 000 m2.

10. Rophin (Puy-de-Dôme) ancien site minier renfermant 30 000 t de résidus contenant une tonne d’uranium, l’activité du radium 226 représentant plus de 0,3 TBq

11. Saint-Hippolyte (Haut-Rhin) : à deux pas d’un ravissant village de la route du vin, ancien site minier de Schaentzel et du Teufelsloch (le trou du diable) renfermant toujours 2 000 t de résidus de lixiviation. En fait, le minerai lixivié est resté dans les cuves et l’exploitation a cessé après une campagne d’essai en 1969. L’activité en radium 226 serait de 0,1 TBq. Il y a encore sur ce site, qui est le plus petit dépôt de résidus de traitement d’uranium en France, 2 000 t de minerai non traité.

NOTA: PHOTOS de Thierry LAMIREAU

Réalisateur du film « URANIUM EN LIMOUSIN »

Jacqueline Denis-Lempereur,
Science & Vie n° 899, août 1992

Publié dans:REFLEXIONS PERSONNELLES |on 28 avril, 2012 |Pas de commentaires »
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