« QUEL AVENIR ET QUELS DEFIS POUR L’UNESCO ? » TABLE RONDE DU GROUPE 77 ET DE LA CHINE (Jean BRICMONT)

« Quel avenir et quels défis

pour l’Unesco ? » -

 Table ronde du Groupe

des 77 et de la Chine

arton16988-98083 EUROPE dans REFLEXIONS PERSONNELLES

Jean BRICMONT
L’acte constitutif de l’Unesco parle de deux concepts, « le maintien de la paix et de la sécurité… en resserrant la collaboration entre nations » et le « respect universel des droits de l’homme », concepts que certains opposent depuis quelque dizaines d’années en Occident en invoquant le « droit d’ingérence humanitaire », unilatéral et militaire, ou la « responsabilité de protéger ». Ils s’opposent, au nom des droits de l’homme, au maintien de la paix et à la collaboration entre nations.

Leur cible principale est la notion d’égale souveraineté entre les États, sur laquelle est fondé le droit international contemporain. Les partisans de l’ingérence humanitaire, dont l’un des plus célèbres prétend être à la fois cinéaste, guerrier en chambre et philosophe, stigmatisent ce droit en l’accusant d’autoriser les dictateurs « à tuer leur propre peuple » comme bon leur semble.

Une des principales justifications du principe d’égale souveraineté est qu’il fournit une certaine protection aux faibles contre les forts. On ne peut pas contraindre les États-Unis à modifier leur politique énergétique ou leur politique monétaire quelles qu’en soient les conséquences sur des pays tiers. Dans la notion d’égale souveraineté, le mot « égale » est aussi important que « souveraineté ». Un monde où la souveraineté est bafouée est nécessairement un monde dont l’inégalité est à la mesure des rapports de forces entre les États.

Or, le but fondateur des Nations Unies était de préserver l’humanité du « fléau de la guerre ». Cela passait par un strict respect de la souveraineté nationale, de façon à éviter que des grandes puissances n’interviennent militairement dans les affaires intérieures des pays plus faibles, sous un prétexte ou un autre, comme l’avait fait l’Allemagne, en invoquant la défense des « minorités opprimées » en Tchécoslovaquie et en Pologne, entraînant le reste du monde dans la guerre.

La décolonisation vint renforcer l’importance de ce concept d’égale souveraineté. La dernière chose que souhaitaient les pays qui s’étaient affranchis du joug colonial après la Deuxième Guerre Mondiale était de subir à nouveau l’ingérence des anciens maîtres dans leurs affaires intérieures. Cette crainte explique le rejet universel du « droit » d’intervention humanitaire par les pays du Sud.

Réuni à Kuala Lumpur, en Malaisie, en février 2003, le mouvement des non-alignés déclarait, peu de temps avant l’attaque américaine contre l’Irak : « Les chefs d’États ou de gouvernements réaffirment l’engagement du mouvement des non-alignés pour renforcer la coopération internationale afin de résoudre les problèmes internationaux ayant un caractère humanitaire en respectant pleinement la Charte des Nations Unies, et, à cet égard, ils réitèrent le rejet par le mouvement des non alignés du soi-disant droit d’intervention humanitaire qui n’a aucune base dans la Charte des Nations Unies ou dans le droit international » [1].

Le principal échec des Nations Unies n’est pas de ne pas avoir pu empêcher « les dictateurs de tuer leur propre peuple », mais bien de n’avoir pas pu préserver l’humanité du « fléau de la guerre », en empêchant la violation répétée par des États puissants du droit international : les États-Unis en Indochine et en Irak, l’Afrique du Sud en Angola et au Mozambique, Israël chez ses voisins du Proche-Orient et dans les territoires occupés, sans parler de tous les coups d’État organisés par l’étranger, des menaces, des embargos, des sanctions unilatérales, des élections achetées, etc. Des millions de gens sont morts, victimes de ces violations répétées du droit international et du principe de la souveraineté nationale.

Nous ne devrions jamais oublier ces morts, mais les partisans de l’ingérence les oublient toujours.

Les ingérences états-uniennes dans les affaires intérieures d’autres États prennent des formes multiples, mais elle sont constantes et ont souvent des conséquences désastreuses : pensons simplement à l’espoir tué dans l’œuf pour les peuples qui auraient pu bénéficier des politiques sociales progressistes initiées par des dirigeants tels que Jacobo Arbenz Guzmán au Guatemala, João Goulart au Brésil, Salvador Allende au Chili, Patrice Lumumba au Congo, Mohammad Mossadegh en Iran, les Sandinistes au Nicaragua, etc., qui, tous ont été victimes de coups d’État ou d’assassinats soutenus par les États-Unis [2].

Mais les effets désastreux de la politique d’ingérence ne se limitent pas à cela : chaque action agressive des États-Unis provoque une réaction. Le déploiement d’un bouclier antimissile produit plus de missiles, pas moins. Le bombardement de civils, délibéré ou dû à des « dommages collatéraux » produit plus de résistance armée, pas moins. Les tentatives de renversement ou de subversion de gouvernements étrangers produisent plus de répression, pas moins. Encercler un pays par des bases militaires entraîne plus de dépenses militaires de la part de ce pays, pas moins. Et la possession d’un armement nucléaire par Israël encourage les autres pays du Moyen-Orient à se doter de telles armes.

Les partisans de l’ingérence humanitaire n’expliquent d’ailleurs jamais par quoi ils souhaitent remplacer le droit international classique : on peut ériger l’égale souveraineté en principe, mais comment formuler un principe d’ingérence humanitaire ?

Quand l’OTAN a exercé son droit d’ingérence autoproclamé pour intervenir au Kosovo, les médias occidentaux ont applaudi. Mais quand la Russie a exercé ce qu’elle considérait être son droit de protéger les populations en Ossétie du Sud, les mêmes médias occidentaux l’ont universellement condamnée.

On se trouve face à un dilemme : soit tout pays qui en a les moyens se voit reconnaître le droit d’intervenir partout où un argument humanitaire peut être invoqué pour justifier cette intervention, et c’est la guerre de tous contre tous ; soit une telle action est réservée à certains États qui en ont la capacité et s’en arrogent le droit, et on en arrive à une dictature de fait dans les affaires internationales.

A cela, les partisans de l’ingérence répondent en général que de telles interventions militaires ne doivent pas être le fait d’un seul État, mais de la « communauté internationale ». Malheureusement, il n’existe pas véritablement de « communauté internationale ». Ce concept sert aux États-Unis pour désigner toute coalition momentanée dont ils prennent la tête. L’abus unilatéral par l’OTAN des résolutions de l’ONU concernant la Libye a rendu impossible la construction d’une véritable communauté internationale qui pourrait, en principe, mettre en œuvre une responsabilité de protéger impartiale et valable pour tous, y compris, par exemple, pour les Palestiniens.

L’aventure libyenne récente a également illustré une réalité que les défenseurs de l’ingérence passent sous silence : vu que des guerres coûteuses en vie humaines sont politiquement difficiles à faire accepter par les populations occidentales, toute intervention « à zéro mort » (de leur côté) ne peut se réaliser que grâce à des bombardements massifs qui nécessitent un appareil militaire sophistiqué. Ceux qui défendent de telles interventions soutiennent aussi nécessairement, même si c’est souvent inconsciemment, les colossaux budgets militaires américains.

Il est donc paradoxal que ce soient souvent les sociaux-démocrates et les Verts européens qui réclament le plus des « interventions humanitaires », alors qu’ils seraient les premiers à protester si l’on imposait en Europe les réductions drastiques des dépenses sociales qui seraient nécessaires pour mettre en place un appareil militaire comparable à celui des États-Unis.

Il est vrai que le XXIe siècle a besoin d’une nouvelle forme d’Organisation des Nations Unies. Mais non pas d’une ONU qui légitimerait l’interventionnisme par des arguments nouveaux, comme la « responsabilité de protéger », mais d’une Organisation qui apporterait un soutien au moins moral à ceux qui cherchent à bâtir un monde non dominé par une unique puissance militaire.

Une alternative aux politiques d’ingérence devrait mobiliser l’opinion publique pour imposer un strict respect du droit international de la part des puissances occidentales, la mise en œuvre des résolutions de l’ONU concernant Israël, le démantèlement de l’empire des bases états-uniennes, la fin de l’OTAN et la fin de tous les usages ou menaces d’usages unilatéraux de la force, ainsi que des opérations de promotion de la démocratie, des révolutions colorées et de l’exploitation politique du problème des minorités.

Puisque les guerres « naissent dans l’esprit des hommes », l’UNESCO devrait considérer comme une de ses tâches prioritaires « d’éducation populaire » l’éducation à la paix. Celle-ci requiert avant tout le développement d’un esprit critique face à la propagande de guerre : Timisoara, les couveuses au Koweit lors de la première guerre du Golfe, les armes de destructions massives lors de la seconde, le massacre de Racak et les « négociations » de Rambouillet menant à la guerre du Kosovo [3], et quantités d’autres événements sont présentés par les médias occidentaux de façon unilatérale, afin de conditionner la population à accepter la guerre comme inévitable contre le « mal absolu » ou le « nouvel Hitler ». Il est sans doute trop tôt pour se prononcer avec certitude sur les événements récents et tragiques en Syrie, mais on peut remarquer que, pour la presse occidentale, il n’est jamais trop tôt pour condamner un camp et un seul. Tous ceux qui, en Occident, tentent d’apporter des nuances ou d’émettre des doutes sur la version officielle sont immédiatement taxés de négationnistes, de conspirationnistes ou d’antisémites. Un monde de paix a besoin de sources d’informations moins biaisées que celles fournies par les médias occidentaux, d’un nouvel ordre mondial de l’information à la création duquel l’UNESCO devrait travailler, en s’appuyant sur le Groupe des 77 et la Chine.

On objectera qu’une politique de respect de la souveraineté nationale permettrait à des dictateurs de « tuer leur propre peuple », ce qui est vrai. Mais une politique réellement alternative à la politique d’ingérence, une politique de paix, aurait aussi d’autres effets. Si on arrêtait la politique d’ingérence, les diverses oppositions dans les pays visés par cette politique cesseraient d’être perçues et réprimées comme autant de cinquièmes colonnes de l’étranger. Un climat de confiance et de coopération internationale pourrait s’instaurer, climat indispensable à la gestion des problèmes globaux, écologiques entre autres. Et un désarmement progressif permettrait de libérer d’immenses ressources financières, mais aussi scientifiques, pour le développement.

L’idéologie de l’ingérence humanitaire fait partie de la longue histoire des prédations occidentales à l’égard du reste du monde. Lorsque les colonialistes sont arrivés sur les rives des Amériques, de l’Afrique et de l’Asie, ils furent choqués par ce que nous appellerions aujourd’hui des « violations des droits de l’homme » et qu’ils nommaient à l’époque des « mœurs barbares » : les sacrifices humains, le cannibalisme, les pieds bandés des femmes… De façon répétée, l’indignation face a ces pratiques, sincère ou feinte, a été utilisée pour justifier les crimes occidentaux : le commerce des esclaves, l’extermination des peuples indigènes et le vol systématique des terres et des ressources. Cette indignation vertueuse se perpétue jusqu’à ce jour. Elle est à la racine du droit d’intervention humanitaire et de la responsabilité de protéger, eux-mêmes accompagnés d’une grande complaisance envers les régimes oppressifs considérés comme amis, de la militarisation indéfinie et de l’exploitation massive du travail et des ressources du reste du monde. Après plusieurs siècles d’hypocrisie, il faudrait peut-être que les Occidentaux pensent à remplacer l’ingérence par la coopération.

Loin d’être utopique, une politique de non-ingérence s’inscrit en fait dans le sens de l’histoire : au début du siècle passé, la majeure partie du monde était sous contrôle européen. La plus grande transformation sociale et politique du XXe siècle fut la décolonisation et cette transformation se poursuit aujourd’hui à travers la montée en puissance des pays émergents. Le problème qui se pose à l’Occident n’est pas d’essayer de contrôler à nouveau le monde à travers l’ingérence humanitaire, mais de s’adapter à son propre déclin inévitable, adaptation qui risque fort de n’être ni facile ni agréable.

Ceux qui promeuvent le droit d’ingérence le présentent comme le début d’une nouvelle ère, alors qu’il s’agit en réalité de la fin d’une histoire ancienne. D’un point de vue interventionniste, cette doctrine opère un retrait par rapport aux droits invoqués par le colonialisme classique. De plus, des millions de gens, y compris aux États-Unis, rejettent de plus en plus la guerre comme moyen de résoudre les problèmes internationaux et adhèrent, de fait, à la position des pays non alignés, visant à « renforcer la coopération internationale afin de résoudre les problèmes internationaux ayant un caractère humanitaire, en respectant pleinement la Charte des Nations Unies ». Ils sont souvent dénoncés dans leurs propres médias comme « anti-occidentaux ». Mais ce sont eux qui, en s’ouvrant aux aspirations de la majeure partie du genre humain, perpétuent ce qu’il y a de valable dans la tradition humaniste occidentale. Ils visent à créer un monde réellement démocratique, un monde où le soleil se sera définitivement couché sur l’empire américain, comme il l’a fait sur les vieux empires européens.

Jean Bricmont

14 juin 2012. Unesco-Paris

[1] Final document of the Thirteenth Conference of Heads of State and of Governments of the Movement of Non-aligned Countries, Kuala Lumpur, February 24-25, 2003, Article 354. (disponible sur http://www.bernama.com/events/newnam2003/indexspeech.shtml?d…).

[2] Voir William Blum, Les guerres scélérates, Parangon, Lyon, 2004, pour une histoire détaillée des ingérences états-uniennes.

[3] L’annexe B des accords proposés aux Serbes comme à prendre ou à laisser prévoyait entre autres : article 8. Les personnels de l’OTAN bénéficieront, tout comme leurs véhicules, navires, avions et équipement d’un passage libre et sans restriction et d’un accès sans ambages dans toute la RFY (=République fédérale Yougoslave, c’est-à-dire la Serbie et le Monténégro à l’époque), y compris l’espace aérien et les eaux territoriales associées. Ceci comprendra, sans y être limité, le droit de bivouaquer, manoeuvrer, de cantonner et d’utiliser toute zone ou installation, telles que l’exigent le soutien, l’entraînement et les opérations. Article 9. L’OTAN sera exemptée des droits, taxes et autres frais et inspections et règlements douaniers, y compris la fourniture d’inventaires ou de documents douaniers routiniers, pour les personnels, véhicules, navires, avions, équipements, fournitures et livraisons qui entrent, sortent ou transitent par le territoire de la RFY en soutien à l’Opération. Voir http://www.csotan.org/textes/doc.php?type=documents&art_id=61 pour le texte complet.

Publié dans:REFLEXIONS PERSONNELLES |on 18 juin, 2012 |Pas de commentaires »

COMMENTAIRES SUR « LA FAIM DU MONDE » DE HUGUES STOECKEL (René HAMM) + LES FAMINES OBJET GEOGRAPHIQUE ? (Thibault RENARD)

Commentaires sur « La faim du monde » de

 Hugues Stoeckel.

COMMENTAIRES SUR

René HAMM

La lecture indispensable du premier ouvrage de Hugues Stoeckel (1), d’une exceptionnelle densité informative (479 renvois de bas de page invitant à enrichir notre savoir), nécessite une concentration maximale et la mobilisation de l’ensemble des dendrites qui garnissent nos neurones. On en sort d’autant moins indemne que le professeur de mathématiques retraité réfute résolument le « devoir d’optimisme », cette « forme d’aveuglement » que beaucoup « d’écologistes » ( ?!?) instillent, par commodité, inconscience ou négation des réalités, dans leurs écrits.

Son propos se rapproche indéniablement davantage des thèses de Bertrand Méheust (2), de Jean-Christophe Mathias (3) ou de Jean Gadrey (4) que des « Apartés » de Cécile Duflot (5). Le Cassandre éclairé jette à bas « la certitude qu’une conduite collective vertueuse suffirait à nous assurer un bel avenir ». Pour lui, les fariboles de la « croissance verte » et du « développement durable » (6), des « solutions dérisoires » uniquement destinées à « proroger la survie du système », « ne ralentissent même pas d’un iota la course vers l’abîme ».

Briser le quasi-tabou de la surpopulation

Du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005, le monde a utilisé un volume d’énergie (80% par les pays industrialisés, « riches », qui ne représentent que 20% de la population !) supérieur à celui des cinq premières décennies du siècle précédent. Alors que les réserves en brent (35% de la consommation globale), gaz, charbon, uranium… s’épuisent, les économistes orthodoxes, « nouveaux chiens de garde » (7) omniprésents sur les plateaux des télévisions et des stations radiophoniques, professent invariablement la fuite en avant, considérant que la disponibilité en capitaux, la « loi du marché », fixe les bornes du faisable. Or, selon l’auteur, les « grands » projets ne devraient plus être évalués en euros, dollars, yuans, mais quantifiés en millions de tonnes équivalent pétrole ou en « empreinte carbone ».

Contrairement aux leaders de son parti, qui n’affichent qu’une hostilité de façade au nucléaire (8), le membre, si atypique des Verts, dépeint « l’impasse » de cette filière aussi onéreuse que dangereuse, en particulier « le pari fou sur la stabilité de notre société » qui sous-tend la gestion des déchets hautement radioactifs « imposée à nos descendants sur des centaines de générations ». Il fustige en outre « l’aberration » du chauffage électrique, que nos gouvernants et EDF ont surtout favorisé à partir de juin 1981, afin d’écouler les surplus de courant et de légitimer le recours massif à la fission, au moment où un contexte moins plombé qu’aujourd’hui eût facilité l’engagement vers la si cruciale transition énergétique. Je rappelle qu’à l’époque, celui-ci figurait en toutes lettres dans les fameuses « 110 propositions pour la France » et que la part de l’électricité d’origine atomique n’était que de 38% ! Comme moi, Hugues Stoeckel s’insurge des sommes colossales englouties dans la construction des réacteurs. Si elles avaient été dévolues à celle des éoliennes et aux économies d’énergie, nos approvisionnements reposeraient largement sur des ressources régénératives et le casse-tête quant à l’enfouissement des résidus hyper-contaminés ne se poserait pas. Pourtant, il égratigne les thuriféraires du tout-solaire. Selon ses calculs, il faudrait plus de 300 000 kilomètres carrés de capteurs exposés de façon continue, sans nuages, et perpendiculairement aux rayons dardés par l’astre du jour pour couvrir la totalité des besoins mondiaux actuels, dans l’hypothèse la plus sombre où les mieux lotis, donc nous y compris, ne réfréneraient pas leurs irresponsables habitudes de gaspillages. Le coût pour « fabriquer » et transporter les quinze mille gigawatts de puissance, malaisément stockables en l’état, à répartir surtout dans les zones désertiques : quelque 600 000 milliards d’euros. Le délire absolu ! Pour le conseiller municipal de La Petite Pierre (9), les vecteurs renouvelables ne combleraient jamais la déplétion pas si lointaine des éléments fossiles pour satisfaire les exigences surdimensionnées de neuf milliards de terrien(-ne)s à l’horizon 2050. De quoi susciter débats et controverses ! Le sexagénaire pourfend l’idée, que j’ai moi-même reprise telle quelle de Jean Ziegler (10), que l’abondance des denrées vivrières permettrait de nourrir douze milliards d’individus. Et quand bien même, ne conviendrait-il pas de juguler l’explosion démographique et de bannir toute « discrimination positive » envers les familles nombreuses, lesquelles jouissent en France de privilèges fiscaux pour le moins discutables ? En sus des facteurs généralement listés par les « lanceurs d’alerte » anti-productivistes pour expliquer l’accroissement de la famine dans le Tiers-Monde, l’érudit à contre-courant n’hésite pas à briser un quasi-tabou en y ajoutant la surpopulation. Car, sans les matières du sous-sol, en instance de raréfaction, seul un milliard d’êtres humains se sustenteraient à satiété. À méditer ! Rien qu’en songeant à cet aspect des dégâts provoqués par le bien mal nommé Homo sapiens, l’urgence d’amorcer une reconversion mue par une logique radicalement différente vouant les schèmes de l’ultra-libéralisme aux poubelles de l’Histoire, s’impose à tout bipède sensé, non ? « L’effet rebond d’une dénatalité » évacuerait non seulement le spectre d’une pénurie, mais offrirait également à l’humanité un gain substantiel en espace ainsi qu’un surcroît d’agrément. L’Alsacien juge sidérant que l’unique espèce dotée d’un néocortex très développé s’avère incapable de discerner une limite à sa propre prolifération.

« Gabegies faramineuses »

À l’instar du sociologue helvétique précité, il s’indigne des onze mille milliards de dollars que les États occidentaux ont réuni sur trois ans pour sauver du naufrage les parasites financiers après la faillite, le 15 septembre 2008, de la banque Lehman Brothers, officiellement liée à la « crise des subprimes » (11), alors qu’ils mégotent ignominieusement pour débloquer les trente milliards qui suffiraient pour éradiquer la faim, du moins à court terme. Il s’agit donc bien d’un « assassinat » (12) qui frappe trente-six millions de personnes par an (toutes les cinq secondes, un enfant de moins de dix ans). Que l’accès à la nourriture constitue une prérogative inaliénable, gravée dans le marbre de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, adoptée le 10 décembre 1948 à Paris par l’Assemblée Générale des Nations Unies, les spéculateurs et spoliateurs, ivres de cupidité, ainsi que les dirigeants politiques qui cautionnent leurs criminelles exactions s’en fichent comme d’une guigne ! La moitié des victuailles produites ne rassasie qu’un milliard et demi d’individus, soit 22% de la population. 40% des céréales cultivées et 75% des surfaces arables sont dédiées aux animaux d’élevage qui finiront en tranches ou boulettes dans les assiettes des carnivores de l’hémisphère nord.

Par ailleurs, qui avait noté que l’O.N.U avait déclaré 2011 « Année internationale de la forêt » et que cette dernière est « célébrée » chaque 21 mars (13) depuis 1972, sous l’égide de l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture, domiciliée à Rome ? Tous les ans, environ treize millions d’hectares disparaissent : coupes illégales par des trafiquants, saccages imputables à l’extraction de l’or et du cuivre, à la « libération » de pâturages pour le bétail, à la construction de routes, de barrages, d’oléoducs, ainsi qu’à la plantation de soja (Argentine Brésil, Paraguay…) ou de palmiers pour l’huile (Indonésie, Malaisie, Thaïlande…). La déforestation, qui pèse pour environ 17% dans les émissions de gaz à effet de serre, impacte très négativement le ruissellement des eaux, accentue l’érosion des sols, affecte la fertilité de ceux-ci et porte une atteinte gravissime à la biodiversité. Parmi les solutions susceptibles d’enrayer les dommages mentionnés en ces lignes et ces « gabegies faramineuses », le retour à la polyculture avec, à la clé, le recyclage des déchets organiques, et « la requalification de la production agricole en service prioritaire excluant toute accumulation de profits », en boostant l’essor du bio. La réorientation d’un secteur si déterminant pour notre survie gripperait le business et les stratégies expansionnistes des grands trusts, lesquels ont inondé le marché de 85 000 substances chimiques de synthèse. Autre signe de coupable égarement : les agrocarburants. Ainsi, pour un 4 x 4 roulant à l’éthanol, un plein de 80 litres engloutit 220 kilos de maïs, l’équivalent de la ration pour un campesino mexicain durant douze mois.

Il conviendrait de diviser immédiatement par quatre notre « empreinte écologique » (14) en nous recentrant vers les biens et services vraiment vitaux. Constatant que la délégation des pouvoirs à des élu(-e)s et gouvernants qui arrêtent des décisions échappant, pour l’essentiel, au contrôle des citoyen(-ne)s confine à un « régime oligarchique » (15), Hugues Stoeckel estime que « tout choix de production devra être validé en tant que réponse à un besoin prioritaire par l’échelon approprié ». Il n’oublie pas de critiquer le budget militaire (16) dont l’objet consiste à « détruire des vies à grande échelle » de même que le commerce des armes (17), des objections complètement étrangères aux pontes d’Europe Écologie/Les Verts (18). Préconisant le rétablissement de frontières étanches aux capitaux et marchandises afin d’assécher les paradis fiscaux, il proclame sa foi en « un mondialisme, nullement antinomique avec le localisme, ni avec la diversité linguistique et culturelle ». Les dilemmes qu’il énonce ne souffrent aucune ambiguïté : « la récession sans fin ou l’organisation démocratique d’une décroissance solidaire, la pénurie belligène ou la sobriété équitable ». Combien de nos contemporain(-e)s se déclareraient disposés à accepter un partage authentique, défini comme « la proscription de la liberté de s’enrichir au détriment d’autrui », et la frugalité comme « sort commun », à « changer leurs modes de vie à l’aune des périls » ?…
René HAMM

Bischoffsheim (Bas-Rhin)

Le 12 juin 2012

(1) Éditions Max Milo, janvier 2012, 319 pages, 16 €.

(2) « La politique de l’oxymore », La Découverte, avril 2009, 167 pages, 12 €.

(3) « Politique de Cassandre. Manifeste républicain pour une écologie radicale », Éditions Sang de la Terre, 1er trimestre 2009, 256 pages, 18,90 euros.

(4) « Adieu à la croissance – Bien vivre dans un monde solidaire », Les Petits Matins, décembre 2011, 214 pages, 15,20 euros.

(5) Avec Guy Sitbon, Les Petits Matins, Février 2010, 216 pages, 15,20 euros.

(6) Cf. par exemple l’excellent article « Le développement durable : une pollution mentale au service de l’industrie » de Benoît Eugène, dans le numéro 34 de la revue marseillaise « Agone », « Domestiquer les masses », 4ème trimestre 2005, 264 pages, 20 €, « Pistes pour un anticapitalisme vert », opuscule coordonné par Vincent Gay, Éditions Syllepse, Les Cahiers de l’émancipation, mars 2010, 132 pages, 7 euros, ainsi que les deux livres indiqués sous (2) et (3).

(7) Cf. le documentaire de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat, qui, en-dehors des circuits de distribution mainstream, a attiré 202 099 spectateur(-trice)s en seize semaines.

(8) Sinon, auraient-ils (elles) avalisé « l’accord » du 15 novembre 2011 avec le Parti socialiste et se seraient-ils (elles) précipités pour obtenir deux fauteuils dans le cabinet Ayrault I ?…

(9) Bourgade bas-rhinoise de 624 habitants située dans le Parc naturel régional des Vosges du Nord.

(10) Cf. « Destruction massive. Géopolitique de la faim », Le Seuil, octobre 2011, 352 pages, 20 €.

(11) Krach, dévoilé à partir de février 2007, des prêts hypothécaires à risque outre-Atlantique, que les emprunteurs, très souvent de condition modeste, ne parvenaient plus à rembourser.

(12) Jean Ziegler dans le bouquin mentionné sous (10).

(13) Gageons que cette « journée internationale » est aussi passée inaperçue que celle du lendemain, dédiée à l’eau, comme toutes les autres décrétées par l’O.N.U., sans que la thématique visée connaisse des retombées positives conséquentes !

(14) Concept forgé en 1994 par l’ingénieur en mécanique bâlois Mathis Wackernagel et l’économiste canadien de l’environnement William Rees, directeur du groupe de reflexion « Redefining progress », respectivement directeur de l’École de planification communautaire et régionale à l’Université de Colombie britannique à Vancouver. Ils explicitent leur outil d’évaluation et leur méthodologie dans « Notre empreinte écologique », livre sorti en septembre 1999 et republié aux Éditions Écosociété à Montréal en octobre 2009, 242 pages, 21,10 €.

(15) Je vous recommande l’essai de Hervé Kempf « L’oligarchie, ça suffit, vive la démocratie », Le Seuil, janvier 2011, 192 pages, 14 euros.

(16) 41,23 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2012.

(17) Chiffre d’affaires en contrats d’armements des cent principales firmes impliquées : 418,8 milliards de dollars en 2010 (plus 4,31% par rapport à l’exercice précédent), selon le compendium 2012 du Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité, sis à Bruxelles.

(18) Sur « le changement de paradigme » qui devrait animer tout mouvement et parti écologistes dignes de ce nom, ne loupez pas le numéro 6 des « Nouveaux Cahiers du socialisme », intitulés « Écosocialisme ou barbarie ! », chez Écosociété à Montréal, automne 2001, 328 pages, 22 euros.

Les famines, objet géographique ?

somali10 FAMINE dans REFLEXIONS PERSONNELLES

Populations somaliennes dans la région éthiopienne de l’Ogaden

PLAN

I. Les famines : une question de disponibilité des denrées alimentaires :

A. Un monde scindé en deux ? Famine et représentations de la famine

B. L’influence du climat tropical et de la répartition de la population

C. Les nombreux apports de l’aide internationale

II. Les famines : une question de capacité d’accès aux denrées alimentaires :

A. La capacité à produire la nourriture : structures agraires en Afrique

B. La capacité à acheter la nourriture : des interférences nombreuses

C. Vers une aggravation de la situation ?

III. Brunel Sylvie, Famines et politique, 2002 : Une typologie des « famines modernes » :

A. Les famines niées

B. Les famines exposées

C. Les famines créées

Introduction

Courant août 2010, une forte sécheresse – accompagnée par des feux de forêt – s’est éternisée sur le territoire russe. Les récoltes ont rarement été aussi désastreuses, les pertes sont innombrables. L’embargo décrété sur les exportations de céréales par les autorités russes jusqu’au 1er janvier 2011 à été prolongé – d’après un discours de M. Poutin du 9 septembre 2010 – jusqu’aux prochaines récoltes. Cela pose de nombreux problèmes car la Russie est le troisième exportateur mondial de blé. Cela a donc occasionné une raréfaction de l’offre et ainsi une augmentation des prix du blé et dans son sillon celui des autres céréales. La situation géopolitique n’est pas la même qu’en 2007 – 2008 mais des émeutes de la faim sévissent à nouveau, à Maputo au Mozambique à la fin de l’année 2010 entre autres.

Qu’est-ce qu’avoir faim ? Nous reconnaissons cette sensation dans notre ventre et nous n’avons aucun problème pour satisfaire ce manque. Le problème tient au fait que 850 millions d’êtres humains sur terre sont dans l’incapacité de l’assouvir. Or, de la faim à la famine, il n’y a qu’un pas. Vous pouvez perdre jusqu’à 50% de votre poids. Votre peau devient toute fine, raide, pâle, froide. Vos cheveux deviennent secs et commencent à tomber. Après 8 à 12 semaines, vous mourrez de faim. Les famines – à la différence des disettes qui sont des périodes temporaires de pénurie – apparaissent quand la situation alimentaire, déjà précaire, devient critique et entraîne une surmortalité ou forte hausse de la mortalité. C’est donc un phénomène qui touche des groupes humains entiers, les habitants d’une même région. La famine fait appel à la satisfaction de « besoins quantitatifs » ou « food security » en anglais, sinon on parle de malnutrition. À savoir, le seuil de sous-alimentation est de 2500 kcal par jour et par personne pour un individu « moyen » vivant dans des conditions « moyennes ».

Où peut-on mourir de famine ? On parle souvent d’un « mal africain » mais les émeutes de la faim nous rappellent que la plupart des PED peuvent la connaître. La différence c’est qu’en Afrique la peur a laissé place à la tragédie.

Pourtant ne peut-on pas espérer la voir disparaître ? En effet, il y a un siècle et demi la famine était partout : Bihar, Irlande, Ukraine, Chine etc etc. Les « territoires de la famine » tendent à se restreindre, leurs dynamiques changent. Nous n’aborderons ici que les famines modernes, formule presque irrévérencieuse. En effet, il est nul question de faire un historique des famines. La géographie se traite dans le présent, au travers des faits directement ou indirectement observables.

Pourquoi traiter de la notion de « famine » en Géographie ? La famine fait appel à de nombreuses branches de la géographie ainsi qu’aux concepts et outils qu’elles emploient : on peut par exemple la cartographier, et elle fait appel :

- au système-terre (nature du sol et milieu tropical),

- à la Géographie sociale et culturelle (les comportements démographiques, les représentations et perceptions qu’on se fait des famines),

- à la Géographie du mouvement (flux d’argent et migrations, fuir la famine),

- à la Géographie rurale et même urbaine ( structures agraires, aménagements périurbains et famines),

- à la Géographie appliquée (gestion des risques, prévention) et impliquée (relation des géographes et de l’humanitaire, engagement politique)

- à la géopolitique (tensions, minorités, la relation du pouvoir à l’espace)

Ainsi la problématique qui ressort est la suivante :

Les mécanismes qui aboutissent aux « famines modernes » – essentiellement africaines – sont-ils liés à une mauvaise organisation et à une mauvaise gestion de l’espace ? Peut-on faire un lien entre régimes non démocratiques et famine ?

Comprendre la famine, c’est avant tout comprendre pourquoi il n’y a pas assez de nourriture pour ses victimes mais c’est surtout comprendre qui ne peut pas – 10000 ans après la révolution néolithique – avoir accès à cette nourriture. Enfin, il serait intéressant de proposer une typologie des « famines modernes ».

Développement

I) Les famines : une question de disponibilité des denrées alimentaires

A) Un monde scindé en deux : famine et représentations de la famine

famine10 GUERRE

La sous-alimentation dans le monde

(On peut dessiner la ligne Nord-Sud pendant l’exposé)

 

Non Willy Brandt ne s’était pas trompé quand en 1980 il a mis au point la ligne Nord-Sud dans son rapport éponyme, sous titré : Un programme de survie. Ici, la ligne s’adapte à la cartographie de la sous alimentation mondiale qui comprend de manière majoritaire des PED et des PMA. Aujourd’hui la famine scinde donc le monde en deux parties : d’une part ceux qui la vivent et qui en meurent encore et d’autre part ceux chez qui elle a laissé des traces indélébiles – notamment à travers la culture.

Dans les pays du nord, deux choses influencent nos représentations des famines :

C’est tout d’abord la littérature. Zola dans La Terre parlait de ces : « épouvantables misères, pendant lesquelles les gens broutaient l’herbe des fossés ». La littérature française regorge de ces malheureux souvenirs, de descriptions allégoriques qui familiarisent encore les lecteurs européens avec ces maux disparus de leur continent. Comme le rappelle Roger Brunet, dans son dictionnaire intitulé Les mots de la Géographie, on la retrouve même dans les « contes pour enfant » (ceux que l’on perdait dans la forêt faute de pouvoir les nourrir) ou dans les fables que l’on doit encore apprendre par coeur à l’école élémentaire ( je veux parler de cette cigale imprévoyante allant « crier famine »).

C’est également le rôle des médias. On a tous en tête les photographies des enfants squelettiques du Biafra apparues au grand public dès 1968. Cela a indéniablement transformé notre représentation de la famine : c’est en effet la première famine médiatisée. Ces enfants souffraient effectivement de la famine – ils n’avaient strictement rien à manger – mais quelqu’un de maigre, qu’il soit africain ou pas d’ailleurs, peut souffrir d’autres maux comme le Sida ou la malnutrition par exemple. Et puis comme le faisait comprendre Victor Hugo dans Les Misérables : on ne s’aperçoit pas que Fantine est touchée par la famine par sa maigreur mais plutôt par l’odeur quelle dégage.

Aujourd’hui les famines touchent quasi exclusivement des pays africains et c’est pour cette raison que notre étude est exclusivement continentale. Sur ce continent, on recense 17 grandes famines depuis celle du Biafra de 1968-1970. Outre les famines qui causent la perte de milliers de vies humaines on voit l’apparition d’espaces dits de pénuries alimentaires graves et qui concernent plutôt le concept de « faim chronique » plutôt que de « famine ». Pourtant les pénuries alimentaires graves sont un préalable au déclenchement des famines. On remarque que ces États sont répartis en Afrique de l’Est (Soudan, Ethiopie), en Afrique Centrale (Rép. Centrafricaine, Rép. Démocratique du Congo, Congo Brazzaville) et en Afrique australe (Angola et Zimbabwe). La situation au Sahel et dans le Golfe de Guinée est également très préoccupante.

image 2 "Les Famines"

Ainsi l’Afrique concentre à la fois l’essentiel du phénomène qu’il nous est donné d’étudier mais c’est également ce continent qui a peu à peu transformé nos représentations de ce phénomène – au même niveau que nos classiques.

B) L’influence du climat tropical et de la répartition de la population :

Si ce phénomène touche aujourd’hui essentiellement l’Afrique le problème vient-il du milieu dans lequel vivent ces populations, faut-il être déterministe ? Pourtant comme on l’a vu auparavant, les famines étaient auparavant développées en climat tempéré, en Europe ou en Asie. Pourtant, il existe toujours un discours qui vise à dire que le monde tropical, parce qu’il est pauvre, est particulièrement exposé aux catastrophes. Sylvie Brunel affirme d’ailleurs le contraire en appuyant sur le fait qu’il existe des tropiques développés comme la Floride ou une partie du Japon (Kyushu- Shikoku) seulement ils ne subissent pas les mêmes risques naturels.

On peut tout de même retenir des risques naturels bien connus (grossièrement) :

- Dans le sud-ouest du Sahara il existe une mousson africaine qui au contraire de celle de l’Asie est totalement inconstante et conduit à des périodes très longues de sécheresses. Cela dure par exemple depuis trente ans dans le Sahel.

- La répercussion du phénomène El Nino en particulier en Afrique Australe entraîne la désertification des terres.

- Risques d’inondation en Asie du sud et du Sud-est

Pourtant la Corée du Nord a connu la famine au milieu des années 1990 alors qu’elle a un climat continental froid.

Sur les 850 millions de personnes qui sont actuellement touchés par la sous-alimentation les ¾ sont des paysans (pas de chiffre pour les famines). Le problème serait-il que la densité de population de certaines régions rurales amène à une faible production par exploitation ? Serait-on trop nombreux pour éviter les famines ?

Malthus, dans son Essai sur le Principe de la Population publié en 1798, affirme que les famines sont inévitables… sauf si les hommes acceptent de limiter leur nombre. Actuellement, le milieu scientifique dément globalement cette thèse. Pourtant, certains géographes sont toujours malthusiens et n’ont pas forcément entièrement tort :

- Observation de la poursuite de la croissance démographique en Chine ou en Afrique alors que la situation est précaire pour les populations préexistantes.

- Ce phénomène amène à un déboisement, à une déforestation, à une pollution et une désertification des sols

Jusqu’à présent, la production alimentaire a suivi la croissance de la population et globalement les disponibilités alimentaires mondiales sont suffisantes, en principe, pour nourrir la totalité de la population mondiale. Chaque être humain dispose en principe de 20% de nourriture en plus entre 1970 et 2010 (or dans ce même laps de temps, la population est passée de 3,5 milliards à 7 milliards).

Même dans les pays pauvres, il n’y a pas forcément de lien direct entre densité de population et faim.

Exemple : En Afrique, les famines se sont répandues dans certains pays «vides» tels le Congo et le Soudan (densité rurale inférieure à 10hab/km2) alors que dans certains pays plus peuplés comme le Sénégal (40hab/km2) il n’y en a pas eu. En revanche, en 1974, quand le Bangladesh connaît les pires inondations de sa récente histoire la densité de population est en cause indirectement.

Trop de population à nourrir dans un espace trop réduit amène à une limitation des stocks de denrées alimentaires. Si une catastrophe naturelle se déclare, les populations ont peu de chance d’échapper à la famine.

On peut donc dire que le climat et la densité de population ne sont pas les causes des famines mais que ce sont des facteurs aggravants en ce qui concerne la disponibilité des denrées.

C) Les nombreux apports de l’aide internationale :

Il existe des systèmes d’aide internationale compétents qui surveillent l’évolution de la situation alimentaire dans le monde.

Les signes précurseurs de la famine sont bien connus et suivent toujours les mêmes logiques :

1 – Disparition des réserves alimentaires : période de soudure ( de mai à août au Sahel)

2 – Recours à la cueillette ou à la chasse

3 – Départ des hommes, signe de malnutrition aiguë chez les enfants, sous alimentation chronique.

Les grandes agences d’aide peuvent coordonner des programmes de lutte contre la faim à l’échelle régionale. Le 1er donateur d’aide ds le monde est l’UE : cf la Convention de Lomé qui unit depuis 1975 les pays européens aux pays de l’ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) :

- Un volet commercial : possibilité pour les ACP d’exporter sans droits de douane, leurs produits vers l’UE.

- Un volet de coopération : financement de programmes de développement ds les ACP.

De nombreuses agences des Nation Unies travaillent à lutter contre la faim. Leurs moyens d’action leur permettent d’intervenir à l’échelle d’une région entière :

- la FAO (Organisation des NU pour l’alimentation et l’agriculture) gère les systèmes d’alerte précoce et prévient le monde lorsque la pénurie alimentaire menace certaines régions. Elle coordonne aussi les grands centres agronomiques et travaille à l’augmentation de la production agricole des zones déficitaires.

- le PAM (Programme Alimentaire Mondial) gère l’aide alimentaire, distribuée aux populations dans les situations d’urgence par les organismes humanitaires. L’action de terrain n’est cependant pas suffisante pour éviter durablement la faim.En 2008, le PAM a nourri 102 millions de personnes dans 78 pays et a ainsi livré 3,9 millions de tonnes d’aliments. L’Ethiopie concentre 45% des aides du PAM.

- le HCR (Haut-Commissariat pour les Réfugiés) prend en charge les premières victimes de la faim qui sont les personnes réfugiées. Assistance dans les camps.

- le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) lutte essentiellement en amont des problèmes observés, contre la pauvreté.

Il existe aussi des milliers d’ONG qui opèrent directement sur place ou qui reversent leurs fonds aux organismes des Nations Unies. On peut citer Action contre la faim dont le siège est à Paris. Les rapports d’activités 2009 de cette ONG sont les suivants : 964 395 personnes ont bénéficié de leurs programmes de « sécurité alimentaire et moyens d’existence », 8118 tonnes de nourriture ont été distribuées en 2009 et près de 2 millions de kilos de sécurité alimentaire (nourriture, argent, coupons, animaux, semences outils…) ont été distribués.

Ainsi on voit bien que la question des famines est évidemment liée à la disponibilité des denrées. Seulement afin d’enrayer ce phénomène il convient de comprendre ses mécanismes et ainsi de s’attacher à voir les problèmes de capacité d’accès aux denrées alimentaires.

II) Les famines : une question de capacité d’accès aux denrées alimentaires

A) La capacité à produire la nourriture : des structures agraires dépassées, l’exemple de l’Afrique

Les structures agraires regroupent les conditions sociales et foncières, ainsi que les conditions de marchés. Ainsi elles prennent en considération l’aménagement des espaces agricoles : de la distribution parcellaire à la mise en place d’une logistique de transport des productions. Si l’on a montré que le climat et la densité de population n’empêchaient pas les sols de la zone tropicale de nourrir leurs habitants il convient de revenir en amont et de comprendre pourquoi ces sols restent soit incultes soit peu performants – particulièrement en Afrique. La question est en fait de comprendre pourquoi des populations ne peuvent pas avoir accès aux infrastructures qui amélioraient leur situation économique. Pour reprendre sur Malthus, il n’avait pas pris en compte une donnée simple : la pression démographique incite les agriculteurs à adopter d’autres techniques agricoles. La productivité s’accroît ainsi mais l’Afrique est restée globalement en arrière de cette évolution.

La production agricole ds le monde se répartit en fonction des sommes et de l’intérêt que les différents Etats accordent à l’agriculture :

-  En Occident, les agriculteurs sont peu nombreux mais leurs activités – ou autres – sont subventionnées.

-  Dans les pays pauvres, les agriculteurs sont très nombreux mais peu aidés. Ils doivent affronter la concurrence des pays riches alors que leur productivité reste faible.

Pierre Gourou analysait le niveau de développement d’une société par la capacité dont elle fait preuve pour maîtriser et aménager son milieu naturel. La maîtrise de son espace par une société dépend de la qualité et du volontarisme de ce qu’il appelle les « structures d’encadrement ». En effet, partout où l’agriculture n’évolue pas, la faim s’installe.

Mais alors, pourquoi l’Afrique est un cas particulier ?

Pendant longtemps, les densités de population étaient tellement faibles que les paysans pouvaient se nourrir grâce à l’agriculture itinérante sur brûlis, mais ils connaissaient de fréquentes disettes quand les pluies manquaient. Au début du XXè siècle, les Européens viennent de coloniser l’Afrique, développent des cultures de rente (café, cacao…) dont les récoltes sont exportées vers l’Europe. En 1960, au moment où les États deviennent indépendants, l’Afrique connaît une période de bonne pluviosité, qui entraîne des récoltes abondantes. Les nouveaux États, dont le rôle est essentiel, définit les secteurs prioritaires et croient qu’ils vont pouvoir prélever des richesses de l’agriculture pour financer les villes et l’industrie. Pourtant 90% des actifs sont des ruraux. Les paysans doivent payer toutes sortes de taxes et d’impôts. Comme le dit Sylvie Brunel, ce choix des dirigeants était conseillé par des experts étrangers très actifs dans les capitales africaines. Mal rémunérés pour leur travail, ils ne sont pas encouragés à produire plus. L’irrigation reste très peu développée, les récoltes dépendent des caprices de le pluie. La situation se dégrade très vite et au début des années 1970 la sécheresse revient (famine au Sahel). Les populations sont devenues trop nombreuses dans les campagnes par rapport à ce que donne la terre et l’agriculture n’évolue pas : elle est considérée comme un travail ingrat et mal payé. Aujourd’hui, les rendements agricoles restent très faibles. La situation pourrait donc être différente si les États décidaient de mieux rémunérer les agriculteurs pour leur travail.

À la différence de beaucoup d’États d’Asie et d’Amérique Latine qui ont opéré une révolution verte pour augmenter le rendement à l’hectare, l’Afrique noire n’a ni créé un système d’irrigation performant, ni dressé une politique de distribution cohérente des terres, ni subventionné ses agriculteurs, ni créé des infrastructures d’importations et d’exportations dans les campagnes.

À cela, Amartya Sen, qui a reçu le prix nobel d’économie en 1998, ajoute que cette réflexion ne suffit pas à expliquer la persistance des famines, car presque toutes les grandes famines des cinquante dernières années sont survenues dans un contexte où la production de nourriture n’avait globalement pas baissé. C’est la survenue de la famine, parce qu’elle affecte les capacités de production d’une partie de la population, désormais trop affaiblie pour travailler, qui entraîne, les années suivantes, une chute de la production alimentaire. Ainsi la famine ne serait qu’un maillon d’un cercle vicieux.

B) La capacité à acheter la nourriture : des interférences nombreuses

1er problème : Il faut de l’argent pour acheter de la nourriture quand on en manque.

En 1981, Sen publia Poverty and Famines: An Essay on Entitlement and Deprivation, un livre dans lequel il démontre que les famines ne sont pas seulement dues au manque de nourriture mais aussi aux inégalités provoquées par les mécanismes de distribution de la nourriture. L’intérêt que porte Sen pour la famine lui vient de son expérience personnelle. À 9 ans, il fut témoin de la famine au Bengale de 1943 pendant laquelle moururent trois millions de personnes. Sen a conclu plus tard que ce désastre n’avait pas eu lieu d’être. Il pense qu’il y a eu, à cette époque en Inde, un approvisionnement suffisant : la production était même plus élevée que pendant les années précédentes où il n’y avait pas eu de famines. Mais la cause de la famine de 1943 est le fait que la distribution de nourriture a été gênée parce que certaines catégories de la société (ici les travailleurs ruraux) avaient perdu leur emploi et donc leur capacité à acheter de la nourriture.

2è problème : Ce sont toujours les mêmes personnes qui manquent d’argent et donc de nourriture.

Toujours selon Amartya Sen il n’y a pas de lien direct entre le niveau des disponibilités alimentaires et la survenue des famines. Dans tous les cas, seuls certains groupes sociaux bien particuliers sont touchés, parce que leur statut, considéré comme inférieur, ne leur donne pas accès à l’alimentation. Aussi, toutes les famines qui se sont produites dans la période contemporaine auraient pu être évitées si les autorités politiques des territoires concernés avaient agi pour restaurer l’accès à la nourriture des groupes les plus vulnérables.

Exemple : la pénurie alimentaire de l’Ogaden en Éthiopie (77 et 2000) était pourtant annoncée depuis 2 ans par les organisations humanitaires sans que le gouvernement éthiopien leur permette de mettre en place une politique d’assistance. Cette pénurie frappe des minorités d’origine somalienne. Elle survient à point nommé pour permettre à l’État éthiopien, engagé dans la guerre avec l’Érythrée, de recevoir une aide alimentaire.

Aussi on remarque sur la carte de l’Afrique qu’à chaque fois qu’une famine éclate un conflit armé existe. La nourriture est une arme de guerre, pour cela il suffit de faire un embargo sur les importations de céréales dans certaines régions sécessionnistes ou ennemies par exemple (Biafra en 1968) jusqu’à ce qu’elles se meurent.

Ainsi la définition de famine évolue : Sylvie Brunel dans son ouvrage intitulé Famine et politique « La famine désigne les peuples qui, à un moment donné de leur histoire, voient nier leur statut social et politique, leurs droits fondamentaux en tant qu’êtres humains. »

C) Vers une aggravation de la situation ?

1er problème : La déréglementation des marchés céréaliers et le dumping

Le dumping désigne la vente à perte, c’est-à-dire le fait de vendre un produit à un prix inférieur au prix de revient pour éliminer la concurrence ou pour écouler des surplus.

Depuis les années 1980, les marchés céréaliers ont été déréglementés. À cet égard, les prêts de la Banque mondiale – dont ont besoin en général les pays touchés par la famine – exigent la levée des barrières commerciales sur les importations de produits agricoles de base. Ces mesures, ainsi que d’autres, ont mené les producteurs agricoles locaux à la faillite
(JADOUL, Xavier – Chargé de projets Amérique latine à ENTRAIDE ET FRATERNITÉ – ANTIPODES, revue de geographie anglo-saxonne radicale et marxiste, n°182, 2008/09, P. 14-20). Selon Xavier Jadoul, les ONG qui soutiennent la relance d’une production locale semblent bien impuissantes face au dumping des multinationales et aux distributions du PAM, qui modifient les habitudes alimentaires. Ainsi on peut se demander si enrayer les famines de cette manière – c’est à dire par la donation ou la vente à bas prix de denrées alimentaires – est réellement la bonne solution. Si elle donne accès à la nourriture ce n’est pas une solution durable.

Exemples : Le Malawi et le Zimbabwe étaient auparavant des pays prospères en excédent céréalier (il faut tout de même mettre en parralèle ce phénomène avec l’expropriation des fermiers blancs à la fin de la politique d’apartheid…), le Rwanda était pratiquement autosuffisant en matière alimentaire jusqu’en 1990, date à laquelle le FMI a accepté le dumping des excédents céréaliers de l’Union européenne et des États-Unis sur le marché intérieur, précipitant ainsi les petits agriculteurs en faillite. En 1991-1992, la famine a frappé le Kenya, un pays qui connaissait un succès pour ses surplus céréaliers.

Ainsi il semble que le mécanisme des famines est complexe et fait appel aux effets pervers de la mondialisation. En 2007-2008 le problème s’est inversé. La dépendance envers les marchés mondiaux et la disparition progressive des exploitations dans certains pays d’afrique a débouché sur une crise grave. En 2007-2008, les prix des céréales ont explosé, les États africains ont eux-aussi dû augmenter leurs prix de revente. Cela a abouti à des émeutes urbaines, lieu du pouvoir et de la contestation. Cela semble être parti pour recommencer actuellement avec l’augmentation de 30% du blé entre août 2009 et août 2010.

2e problème : Malgré leur poids et leurs moyens, les agences des NU et les ONG peuvent difficilement s’opposer aux Etats.

Si le désastre initial est bien causé par la nature, la famine, elle, est le résultat de l’action des hommes. Elle n’a rien de naturel puisque si l’aide était bien parvenue aux victimes, celles-ci ne seraient jamais mortes de faim.

Exemple : quand la sécheresse a frappé les peuples nomades du nord du Sahel, au début des années 1970 puis au début des années 1980, les tonnes d’aide envoyées ne sont pas parvenues à ces peuples considérées comme des citoyens de seconde zone : l’aide s’est accumulée dans les villes.

Le Rapport critique d’Action contre la faim 2009 est criant :

« Les conditions de nos interventions ont malheureusement continué de se dégrader au cours de l’année 2009. La réduction de l’espace humanitaire s’est encore accélérée et l’accès aux victimes devient de plus en plus problématique pour nous partout dans le monde. Le président soudanais qui nous a expulsés du Darfour en mars 2009, refuse de facto l’aide humanitaire aux 450 000 personnes que nous soutenions• »

Ainsi on peut se demander si le philosophe Jean-François Revel n’avait pas raison dès le début en créant le concept de droit d’ingérence humanitaire en 1979 qui permet la remise en cause de la souveraineté des États en cas de troubles graves.

Car c’est bien un problème d’accès aux denrées plus qu’un manque de disponibilité des denrées qui cause les famines dans le monde, aujourd’hui. La famine est donc une question éminemment politique.

III) Brunel Sylvie, Famines et politique, 2002 : Une typologie des « famines modernes »

Cette typologie thématique est extraite de cet ouvrage. Les catégories ne sont pas nettement tranchées, les famines peuvent changer de nature au fur et à mesure de l’évolution du contexte (une famine niée peut devenir exposée). Pour mieux combattre les famines il ne suffit pas de les comprendre, il faut les hiérarchiser, les décortiquer afin de dresser des types de famines. C’est important pour mieux planifier l’aide.

Trois types sont retenus : famines niées, famines exposées, famines créées.

Trois critères sont retenus : accès à l’aide alimentaire, instabilité politique, surmortalité.

A) Les famines niées

Les famines niées sont symptomatiques de certaines pratiques étatiques actuelles. Nier l’existence de famines permet d’empêcher que se mobilise l’aide.

Elles visent à la soumission , la reddition ou la suppression d’un peuple. Elles sont devenues des famines niées pour pouvoir persister en dépit des moyens d’information, de sanction et d’assistance internationales.

Il va de soi que ces famines niées se produisent dans des régimes totalitaires et dictatoriaux.

On peut s’appuyer ici sur un fait relativement peu connu. On parle souvent du génocide des Tutsis par les Hutus qui s’est déroulé en 1994 au Rwanda. Les films sont nombreux sur ce sujet. Mais on parle moins de la suite des événements qui s’apparente d’ailleurs également à un génocide. Au Kivu, en 1996, les forces de Laurent-Désiré Kabila, lancées à la conquête du Zaïre, nient qu’une famine est en train de décimer les populations hutues en fuite danss la forêt après l’offensive de l’armée rwandaise soutenue par l’Ouganda. Considérés comme responsables du génocide, ces Hutus doivent mourir. Kabila interdit l’accès aux ONG. Des milliers de Hutus meurent de famine alors que certains d’entre eux n’étaient que des civils pas forcément impliqués dans le génocide des Tutsis. (Je vous encourage à lire l’article d’août-sept. 2000 de la revue Esprit de Rony Brauman, Stephen Smith et Claudine Vidal – « Politique de terreur et privilège d’impunité au Rwanda » qui fait état de 50 000 à 200 000 morts de soif et de faim à la frontière du Zaïre).

Si les famines peuvent être niées dans un but politique elles peuvent également être exposées dans un objectif inverse : recevoir de l’aide.

B) Les famines exposées

Les famines exposées ont pour origine des difficultés pré-existantes (économiques, naturelles). Les autorités montent en épingle ces difficultés de manière à servir d’appât pour une assistance internationale (la famine devient un piège à aide). Ce qui les démarque des famines classiques, c’est que ce ne sont pas des populations « ennemies » qui sont visées mais les propres peuples des mouvements politiques mis en cause. Les populations affamées sont prises en otage dans un triple but :

  • asseoir une légitimité politique interne par le contrôle de l’accès à l’alimentation
  • obtenir une légitimité politique externe en captant l’aide, la visibilité et la reconnaissance internationale.
  • Permettre la reconversion du mouvement de guerre (généralement des rebelles qui ont pris le pouvoir) en parti politique grâce à la clientèle acquise par les distributions de nourriture.

Ces nouvelles famines exploitent trois caractéristiques induites par les conséquences de la mondialisation :

  • la rapidité de la circulation de l’information (à l’inverse évidemment des famines niées)
  • les poids des Organisation Paysannes (« effet compassion »)
  • l’humanitarisation croissante de l’aide publique (conséquence de la fin de la guerre froide)

Quatre pays illustrent parfaitement le principe de la famine « exposée » :

- L’Irak où le maintien de l’embargo et le contrôle des distributions de nourriture assoient le pouvoir de S. Hussein. Ce n’est plus le cas depuis l’intervention américaine.

- La Corée du Nord où sévit depuis 1995 une famine virtuelle (ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est pas réelle) utilisée pour pratiquer une véritable « diplomatie d’extorsion ».

- Les gouvernements éthiopiens depuis la famine de 1973 : les dispositifs de lutte contre les pénuries alimentaires ne sont actionnées que sélectivement au profit des peuples proches du régime.

- Le Soudan pendant la guerre civile depuis 1983. On a par exemple vu une manipulation du gouvernement de Khartoum pour recevoir une aide internationale.

C) Les famines créées

Les famines créées sont du même type que la précédente sauf qu’elles sont qualifiées de « créées » car rien n’aurait dû faire basculer un peuple dans la famine si sa privation de nourriture n’avait été méthodiquement orchestrée dans un but de propagande.

Les famines « crées » désigne finalement la mise en scène de famines créées de toute pièce pour pouvoir être ensuite « exposées » à la compassion internationale. Sylvie Brunel parle de nourriture comme d’une « arme de guerre ».

Exemple : Liberia (1990-1996), Sierra Leone (depuis 1996), Sud-Soudan (1983-2003) : dans ces pays, rien ne prédispose les populations à connaître la faim (abondance des précipitations, faibles densités de pop, terres riches et fertiles…).

Au Liberia, depuis 15 ans, des populations entières ont été victimes de la faim. Nulle fatalité à ce sort tragique : à chaque fois, les combattants avaient supprimé toute source de nourriture, l’emportant pour leur propre usage. Les bourreaux des civils avaient convoqué les médias et les ONG. Cependant, ils ont ensuite organisé le pillage de l’aide internationale (des sacs d’aide alimentaire maculés de sang se retrouvaient sur les marchés de Freetown encore en 1997).

Image 3 "Les Famines"

CONCLUSION

Ainsi les mécanismes de la famine sont complexes, multiples et touchent directement à la politique. C’est un sujet très sensible qui amène à une confrontation des différents facteurs. La plupart des pays touchés par la famine sont ou ont été peu de temps auparavant en guerre. Le lien entre famine et régime non démocratique est donc à faire car :

1) La priorité des États touchés par la famine n’est généralement pas la politique agricole.

2) L’accès à la nourriture sert à assoir son pouvoir.

Cependant ce n’est pas toujours la teneur du régime qui doit être mise en cause : la famine du Bangladesh pendant les années 1970 nous rappelant que les facteurs naturels et de densité de population ne sont pas à écarter. En effet ce sont des facteurs aggravants voire déclencheurs de famine.

L’aide humanitaire est actuellement confrontée à la prédominance de l’État sur certains territoires. Le droit d’ingérence qui autorise, avec l’aval de l’ONU, un état tiers ou des ONG à intervenir dans les affaires d’un État ne s’applique que lors des crises graves. Or, nous l’avons vu, certaines famines sont niées par les pouvoirs en place. La déréglementation des marchés céréaliers et les apports de nourriture dans ce « Tiers-Monde » comme l’appellerait encore Alfred Sauvy, provoquent une dépendance alimentaire qui ne résout pas le principal problème : le manque de cohérence dans l’aménagement et la planification des exploitations et de leurs structures encadrantes.

On peut donc se poser la question suivante :

Régler les famines dans le monde passe-t-il par l’établissement d’une justice alimentaire de nature supranationale ? Régler les famines dans le monde passe-t-il par la mise en place de systèmes de punitions économiques envers les pays ne respectant pas les droits de l’homme ? Comment condamner et punir un régime sans que sa population en ressente les conséquences ?

Réalisé par Thibault Renard.

 

BIBLIOGRAPHIE


Ouvrages sur la famine :

- Brunel Sylvie, Famines et politique, Presses de sciences po., 2002

- Amartya Sen, Poverty and Famines: An Essay on Entitlement and Deprivation, 1982

Ouvrages sur l’Afrique :

- Brunel Sylvie, l’Afrique, éditions Bréal, 2004

- Dumont René, Pour l’Afrique j’accuse, éditions Plon, collection Terre Humaine, 1993

- Smith Stephen, Atlas de l’Afrique, un continent jeune, révolté, marginalisé, éditions Autrement, 2005

Étude de cas :

- Rony Brauman, Stephen Smith et Claudine Vidal, « Politique de terreur et privilège d’impunité au Rwanda », revue Esprit, article d’août-sept. 2000.

Ouvrages complémentaires :

- Renard Jean, Les Mutations des Campagnes : Paysages et structures agraires dans le monde, éditions Armand Colin, colelction U, 2005

- Demangeot Jean, Les Milieux « naturels » du Globe, éditions Armand Colin, Collection U, 10e édition, 2000

- Périgord M., Arlaud S., Dynamiques des Agricultures et des Campagnes dans le Monde, éditions Géophrys, 1997

Ouvrage de méthodologie :

- Cheize Robert, Chédemail Sylvie, La Dissertation en Géographie aux Concours, Armand Colin, collection Prépas Géo., 1999

 

Publié dans:REFLEXIONS PERSONNELLES |on 16 juin, 2012 |1 Commentaire »

LE MESSAGE PREMONITOIRE DES INDIENS D’AMERIQUE…

Le message prémonitoire

 des Indiens d’Amérique

LE MESSAGE PREMONITOIRE DES INDIENS D'AMERIQUE... dans REFLEXIONS PERSONNELLES INDIENS

Le destin des Indiens d’Amérique annonçait celui de l’ensemble des habitants de la planète qui assistent impuissants à la destruction de leur environnement, après la confiscation de leur espace et de leurs ressources.

Le message des Indiens est aussi une source de sagesse, fondée sur le respect de la nature et la compréhension de “l’Esprit qui est en toute chose”…

Prenons-en de la graine… loin de chez Monsanto !…

newsnet_9880_rton10870120x184 ECOLOGIE dans REFLEXIONS PERSONNELLESNous avons toujours eu beaucoup ; nos enfants n’ont jamais pleuré de faim, notre peuple n’a jamais manqué de rien… Les rapides de Rock River nous fournissaient un excellent poisson, et la terre très fertile a toujours porté de bonnes récoltes de maïs, de haricots, ce citrouilles, de courges… Ici était notre village depuis plus de 100 ans pendant lesquels nous avons tenu la vallée sans qu’elle nous fût jamais disputée. Si un prophète était venu à notre village en ce temps-là nous prédire ce qui allait advenir, et ce qui est advenu, personne dans le village ne l’aurait cru.  

Black Hawk, chef indien

Nous aimons la tranquillité ; nous laissons la souris jouer en paix ; quand les bois frémissent sous le vent, nous n’avons pas peur.

Chef indien au gouverneur de Pennsylvanie en 1796

Nous le savons : la terre n’appartient pas à l’homme, c’est l’homme qui appartient à la terre. Nous le savons : toutes choses sont liées. Tout ce qui arrive à la terre arrive aux fils de la terre. L’homme n’a pas tissé la toile de la vie, il n’est qu’un fil de tissu. Tout ce qu’il fait à la toile, il le fait à lui-même.

INDIENS2 ENVIRONNEMENT

Seattle, chef indien Suquamish

Le Lakota était empli de compassion et d’amour pour la nature, et son attachement grandissait avec l’âge. (…) C’est pourquoi les vieux Indiens se tenaient à même le sol plutôt que de rester séparés des forces de vie. S’asseoir ou s’allonger ainsi leur permettait de penser plus profondément, de sentir plus vivement. Ils contemplaient alors avec une plus grande clarté les mystères de la vie et se sentaient plus proches de toutes les forces vivantes qui les entouraient.

Le vieux Lakota était un sage. Il savait que le coeur de l’homme éloigné de la nature devient dur. Il savait que l’oubli du respect dû à tout ce qui pousse et à ce qui vit amène également à ne plus respecter l’homme. Aussi maintenait-il les jeunes sous la douce influence de la nature.

Standing Bear, chef Lakota (Sioux)

Nous voyons la main du Grand Esprit dans presque tout : le soleil, la lune, les arbres, le vent et les montagnes ; parfois nous l’approchons par leur intermédiaire. (…) Nous croyons en l’Etre Suprême, d’une foi bien plus forte que celle de bien des Blancs qui nous ont traité de païens… Les Indiens vivant près de la nature et du Maître de la nature ne vivent pas d’ans l’obscurité.

Saviez-vous que les arbres parlent ? Ils le font pourtant ! Ils se parlent entre eux et vous parleront si vous écoutez. L’ennui avec les Blancs, c’est qu’ils n’écoutent pas ! Ils n’ont jamais écouté les Indiens, aussi je suppose qu’ils n’écouteront pas non plus les autres voix de la nature. Pourtant, les arbres m’ont beaucoup appris : tantôt sur le temps, tantôt sur les animaux, tantôt sur le Grand Esprit.

INDIENS3 GUERRE

Tatanga Mani (ou Walking Buffalo), indien Stoney (Canada)

Les Blancs se moquent de la terre, du daim ou de l’ours. Lorsque nous, Indiens, cherchons les racines, nous faisons de petits trous. Lorsque nous édifions nos tipis, nous faisons de petits trous. Nous n’utilisons que le bois mort.

L’homme blanc, lui, retourne le sol, abat les arbres, détruit tout. L’arbre dit « Arrête, je suis blessé, ne me fais pas mal ». Mais il l’abat et le débite. L’esprit de la terre le hait. Il arrache les arbres et les ébranle jusqu’à leurs racines. Il scie les arbres. Cela leur fait mal. Les Indiens ne font jamais de mal, alors que l’homme blanc démolit tout. Il fait exploser les rochers et les laisse épars sur le sol. La roche dit « Arrête, tu me fais mal ». Mais l’homme blanc n’y fait pas attention. Quand les Indiens utilisent les pierres, ils les prennent petites et rondes pour y faire leur feu… Comment l’esprit de la terre pourrait-il aimer l’homme blanc ?… Partout où il la touche, il y laisse une plaie.

Vieille sage Wintu (Indiens de Californie)

Je peux me rappeler l’époque où les bisons étaient si nombreux qu’on ne pouvait les compter, mais les Wasichus (hommes blancs) les ont tués tant et tant qu’il ne reste que des carcasses là où ils venaient paître auparavant. Les Wasichus ne les tuaient pas pour manger ; ils les tuaient pour le métal qui les rend fous et ils ne gardaient que la peau pour la vendre. Parfois ils ne les dépeçaient même pas. Ils ne prenaient que les langues et j’ai entendu parler de bateaux-de-feu descendant le Missouri chargés de langues de bison séchées. Parfois ils ne prenaient même pas les langues ; ils les tuaient simplement pour le plaisir de tuer. Ceux qui ont fait cela étaient des fous. Quand nous chassions le bison, nous ne le faisions que selon nos besoins.

INDIENS4 MONDE

Hehaka Sapa, grand chef Sioux

Vous avez remarqué que toute chose faite par un indien est dans un cercle. Nos tipis étaient ronds comme des nids d’oiseaux et toujours disposés en cercle. Il en est ainsi parce que le pouvoir de l’Univers agit selon des cercles et que toute chose tend à être ronde. Dans l’ancien temps, lorsque nous étions un peuple fort et heureux, tout notre pouvoir venait du cercle sacré de la nation, et tant qu’il ne fut pas brisé.

Tout ce que fait le pouvoir de l’Univers se fait dans un cercle. Le ciel est rond et j’ai entendu dire que la terre est ronde comme une balle et que toutes les étoiles le sont aussi. Les oiseaux font leur nid en cercle parce qu’ils ont la même religion que nous. Le soleil s’élève et redescend dans un cercle, la lune fait de même, et tous deux sont rond.

Même les saisons forment un grand cercle dans leur changements et reviennent toujours là où elles étaient. La vie de l’homme est dans un cercle de l’enfance jusqu’à l’enfance, et ainsi en est-il pour chaque chose où l’énergie se meut.

Hehaka Sapa, ou Black Elk, indien Oglala, branche des Dakotas (Sioux)

La vie dans un tipi est bien meilleure. Il est toujours propre, chaud en hiver, frais en été, et facile à déplacer. L’homme blanc construit une grande maison, qui coûte beaucoup d’argent, ressemble à une grande cage, ne laisse pas entrer le soleil, et ne peut être déplacée ; elle est toujours malsaine. Les Indiens et les animaux savent mieux vivre que l’homme blanc. Personne ne peut être en bonne santé sans avoir en permanence de l’air frais, du soleil, de la bonne eau. Si le Grand Esprit avait voulu que les hommes restassent à un endroit, il aurait fait le monde immobile ; mais il a fait qu’il change toujours, afin que les oiseaux et les animaux puissent se déplacer et trouver toujours de l’herbe verte et des baies mures.

L’homme blanc n’obéit pas au Grand Esprit. C’est pourquoi nous ne pouvons être d’accord avec lui.

INDIENS5 PHILOSOPHIE

Flying Hawk, chef Sioux du clan des Oglalas

Les vastes plaines ouvertes, les belles collines et les eaux qui serpentent en méandres compliqués n’étaient pas « sauvages » à nos yeux. Seul l’homme blanc trouvait la nature sauvage, et pour lui seul la terre était « infestée » d’animaux « sauvages » et de peuplades « sauvages ». A nous, la terre paraissait douce, et nous vivions comblés des bienfaits du Grand Mystère. Elle ne nous devint hostile qu’à l’arrivée de l’homme barbu de l’Est qui nous accable d’injustices insensées et brutales.

Standing Bear, chef Lakota (Sioux)

Notre terre vaut mieux que de l’argent. Elle sera toujours là. Elle ne périra pas, même dans les flammes d’un feu. Aussi longtemps que le soleil brillera et que l’eau coulera, cette terre sera ici pour donner vie aux hommes et aux animaux. Nous ne pouvons vendre la vie des hommes et des animaux. C’est pourquoi nous ne pouvons vendre cette terre. Elle fut placée ici par le Grand Esprit et nous ne pouvons la vendre parce qu’elle ne nous appartient pas.

Chef indien Blackfeet (Pieds-Noirs)

Mes jeunes gens ne travailleront jamais.
Les hommes qui travaillent ne peuvent rêver. Et la sagesse nous vient des rêves.

Smohalla, chef indien Sokulls

Le Grand Esprit nous a donné une vaste terre pour y vivre, et des bisons, des daims, des antilopes et autres gibier. Mais vous êtes venus et vous m’avez volé ma terre. Vous tuez mon gibier. Il devient dur alors pour nous de vivre.
Maintenant vous nous dites que pour vivre, il faut travailler. Or le Grand Esprit ne nous a pas fait pour travailler, mais pour vivre de la chasse.

Vous autres, hommes blancs, vous pouvez travailler si vous le voulez. Nous ne vous gênons nullement. Mais à nouveau vous nous dites « pourquoi ne devenez-vous pas civilisés ? » Nous ne voulons pas de votre civilisation ! Nous voulons vivre comme le faisaient nos pères et leurs pères avant eux.

INDIENS6 PLANETE

Crazy Horse, grand chef Sioux du clan Oglalas

Vous êtes déjà si misérables que vous ne pouvez le devenir plus. Quels genre d’homme doivent être les Européens ? Quelle espèce de créature choisissent-ils d’être, forcés de faire le bien et n’ayant pour éviter le mal d’autre inspiration que la peur de la punition ? (…) L’homme n’est pas seulement celui qui marche debout sur ses jambes, qui sait la lecture et l’écriture et montrer mille exemples de son industrie…

En vérité mon cher frère, je te plains du plus profond de mon âme. Suis mon conseil et devient Huron. Je vois clairement la profonde différence entre ma condition et la tienne. Je suis le maître de ma condition. Je suis le maître de mon corps, j’ai l’entière disposition de moi-même, je fais ce qui me plaît, je suis le premier et le dernier de ma nation, je ne crains absolument aucun homme, je dépends seulement du Grand Esprit.

Il n’en est pas de même pour toi. Ton corps aussi bien que ton âme sont condamnés à dépendre de ton grand capitaine, ton vice-roi dispose de toi. Tu n’as pas la liberté de faire ce que tu as dans l’esprit. Tu as peur des voleurs, des assassins, des faux-témoins, etc. Et tu dépends d’une infinité de personne dont la place est située au-dessus de la tienne. N’est-ce pas vrai ?

Kondiarionk, chef Huron, s’adressant au baron de Lahontan, lieutenant français en Terre-Neuve

Les hommes blancs annonçaient bien haut que leurs lois étaient faites pour tout le monde, mais il devint tout de suite clair que, tout en espérant nous les faire adopter, ils ne se gênaient pas pour les briser eux-mêmes.

Leurs sages nous conseillaient d’adopter leur religion mais nous découvrîmes vite qu’il en existant un grand nombre. Nous ne pouvions les comprendre, et deux hommes blancs étaient rarement d’accord sur celle qu’il fallait prendre. Cela nous gêna beaucoup jusqu’au jour où nous comprîmes que l’homme blanc ne prenait pas plus sa religion au sérieux que ses lois. Ils les gardait à portée de la main, comme des instruments, pour les employer à sa guise dans ses rapports avec les étrangers.

Pachgantschilhilas, chef des Delawares

Chaque année notre envahisseur blanc devient plus avide, exigeant, oppressif et autoritaire… La misère et l’oppression, tel est le lot qui nous échoit… Ne sommes-nous pas dépouillés jour après jour du peu de liberté qui nous reste ?

A moins que les tribus ne se liguent unanimement pour modérer les ambitions et l’avidité des Blancs, ils nous auront bientôt tous conquis et désunis, nous serons chassés de notre pays natal et éparpillés comme les feuilles d’automne par le vent.

Tecumseh, chef Shawnee, en 1812

Nous ne voulons pas des chariots de feu qui font du bruit (trains à vapeur) sur les terrains de chasse au bisons. Si les Visages Pâles s’avancent encore sur nos terres, les scalps de vos frères seront dans les wigwams des Cheyennes. J’ai dit !

Roman Nose, chef-guerrier des Cheyennes, s’adressant au général Palmer en 1866 dans le Kansas

Regardez mes frères, le printemps est venu, la terre a reçu les baisers du soleil et nous verrons bientôt les fruits de cet amour. Chaque graine est éveillée, et de même, tout animal est en vie. C’est à ce pouvoir mystérieux que nous devons nous aussi notre existence. C’est pourquoi nous concédons à nos voisins, même nos voisins animaux, autant de droit qu’à nous d’habiter cette terre.

Cependant écoutez-moi mes frères, nous devons maintenant compter avec une autre race, petite et faible quand nos pères l’ont rencontrée pour la première fois, mais aujourd’hui, elle est devenue tyrannique. Fort étrangement, ils ont dans l’esprit la volonté de cultiver le sol, et l’amour de posséder est chez eux une maladie. Ce peuple a fait des lois que les riches peuvent briser mais non les pauvres. Ils prélèvent des taxes sur les pauvres et les faibles pour entretenir les riches qui gouvernent. Ils revendiquent notre mère à tous, la terre, pour eux seuls et ils se barricadent contre leurs voisins. Ils défigurent la terre avec leurs constructions et leurs rebuts. Cette nation est comme le torrent de neige fondue qui sort de son lit et détruit tout sur son passage.

INDIENS7

Tatanka Yotanka, ou Sitting Bull, grand chef Sioux

Frère, notre territoire était grand et le vôtre était petit. Vous êtes maintenant devenus un grand peuple, et il nous reste à peine l’espace pour étendre nos couvertures. Vous avez notre pays, mais cela ne vous suffit pas. Vous voulez nous forcer à épouser votre religion.

Frère, continue à écouter. Tu te dis envoyé ici pour nous apprendre à rendre le culte au Grand Esprit d’une manière qui lui soit agréable. Et tu prétends que si nous n’adoptons pas la religion que vous les Blancs vous prêchez, nous seront malheureux ici-bas. Tu dis être dans le vrai et que nous sommes perdus. Comment pourrions-nous vérifier la vérité de tes paroles ? (…)

Frère, tu dis qu’il n’y a qu’une seule façon d’adorer et de servir le Grand Esprit. Si il n’y a qu’une religion, pourquoi le peuple blanc est-il si partagé à ce sujet ? Nous savons que votre religion est écrite dans un livre. Pourquoi n’êtes-vous pas tous d’accord, si vous pouvez tous lire le livre ?

Frère, nous ne comprenons pas ces choses. On nous dit que ta religion a été donnée à tes ancêtres, et s’est transmise de père en fils. Nous aussi nous avons une religion que nos ancêtres ont reçue et nous ont transmise, à nous, leurs enfants. Nous rendons le culte de cette manière. Il nous apprend à être reconnaissants pour toutes les faveurs que nous recevons, à nous aimer les uns les autres et à être unis. Nous ne nous querellons jamais à propos de religion parce que c’est un sujet qui concerne chaque homme devant le Grand Esprit.

Sa-go-ye-wat-ha, ou Red Jacket, chef Seneca (Iroquois) et grand orateur des Six Nations

J’assiste avec tristesse au déclin de notre noble race. Nos pères étaient forts et leur pouvoir s’étendait sur tout le continent américain. Mais nous avons été réduits et brisés par la ruse et la rapacité de la race à peau blanche. Nous sommes maintenant obligés de solliciter, comme une aumône, le droit de vivre sur notre propre terre, de cultiver nos propres terres, de boire nos propres sources.

Il y a de nombreux hivers, nos sages ancêtres ont prédit qu’un grand monstre aux yeux blancs viendrait de l’Est, et qu’eu fur et à mesure qu’il avancerait il dévorerait la terre. Ce monstre, c’est la race blanche, et la prédiction est proche de son accomplissement.

O-no’-sa, chef indien

Le changement du costume tribal pour celui de l’homme blanc fut brutal. Les effets sur la santé et le confort des enfants furent considérables. Notre premier grief fut d’avoir les cheveux coupés. Les hommes Lakotas ont toujours porté les cheveux longs. Plusieurs jours après avoir été tondus, nous nous sommes sentis bizarres et mal à l’aise. Si l’argument avancé était vrai, à savoir l’élimination des poux, pourquoi les filles n’avaient-elles pas subi le même traitement que les garçons ?

La vérité, c’est qu’ils voulaient nous transformer. Les cheveux courts étant la marque distinctive de l’homme blanc, on nous l’imposa, alors que lui-même conservait sa propre coutume de se laisser pousser les poils du visage.

Standing Bear, chef indien Lakota

Les Wasichus nous ont mis dans ces boites carrées (maisons), notre pouvoir s’en est allé et nous allons mourir parce que le pouvoir n’est plus en nous.

Nous sommes des prisonniers de guerre tant que nous attendons ici. Mais il y a un autre monde.

Hehaka, ou Black Elk (Wapiti Noir), indien Sioux

Enfant, je savais donner. J’ai perdu cette grâce en devenant civilisé. Je menais une existence naturelle, alors qu’aujourd’hui je vis de l’artificiel. Le moindre joli caillou avait de la valeur à mes yeux. Chaque arbre était un objet de respect. Aujourd’hui, j’admire avec l’homme blanc un paysage peint dont la valeur est exprimée en dollars !

Chiyesa, écrivain indien contemporain

Je suis allé à l’école des hommes blancs. J’y ai appris à lire leurs livres de classe, les journaux et la bible. Mais j’ai découvert à temps que cela n’était pas suffisant. Les peuples civilisés dépendent beaucoup trop de la page imprimée. Je me tournai vers le livre du Grand Esprit qui est l’ensemble de sa création. Vous pouvez lire une grande partie de ce livre en étudiant la nature.

Si vous preniez tous vos livres et les étendez sous le soleil, en laissant pendant quelque temps la pluie, la neige et les insectes accomplir leur oeuvre, il n’en restera plus rien. Mais le Grand Esprit nous a fourni la possibilité, à vous et à moi, d’étudier à l’université de la nature les forêts, les rivières, les montagnes, et les animaux dont nous faisons partie.

Tatanga Mani (ou Walking Buffalo), indien Stoney (Canada)

L’homme blanc, dans son indifférence pour la signification de la nature, a profané la face de notre Mère la Terre. L’avance technologique de l’homme blanc s’est révélée comme une conséquence de son manque d’intérêt pour la voie spirituelle, et pour la signification de tout ce qui vit. L’appétit de l’homme blanc pour la possession matérielle et le pouvoir l’a aveuglé sur le mal qu’il a causé à notre Mère la Terre, dans sa recherche de ce qu’il appelle les ressources naturelles. Et la voie du Grand Esprit est devenue difficile à voir pour presque tous les hommes, et même pour beaucoup d’Indiens qui ont choisi de suivre la voie de l’homme blanc.

Aujourd’hui, les terres sacrées où vivent les Hopis sont profanées par des hommes qui cherchent du charbon et de l’eau dans notre sol, afin de créer plus d’énergie pour les villes de l’homme blanc. On ne doit pas permettre que cela continue. Sans quoi notre Mère la Nature réagirait de telle manière que presque tous les hommes auraient à subir la fin qui a déjà commencé. Le Grand Esprit a dit qu’on ne devait pas laisser cela arriver, même si la prédiction en a été faite à nos ancêtres. Le Grand Esprit a dit de ne pas prendre à la terre, de ne pas détruire les choses vivantes.

Aujourd’hui, presque toutes les prophéties se sont réalisées. Des routes grandes comme des rivières traversent le paysage ; l’homme parle à travers un réseau de téléphone et il voyage dans le ciel avec ses avions. Deux grandes guerres ont été faites par ceux qui arborent le swastika ou le soleil levant.

Le Grand Esprit a dit que si une gourde de cendres était renversée sur la terre, beaucoup d’hommes mourraient, et que la fin de cette manière de vivre était proche. Nous interprétons cela comme les bombes atomiques lancées sur Hiroshima et Nagasaki. Nous ne voulons pas que cela se reproduise dans aucun autre pays pour aucun autre peuple ; cette énergie devrait servir à des fins pacifiques, non pour la guerre.

Nous, les chefs religieux et porte-parole légitimes du peuple indépendant des Hopis, avons été chargés par le Grand Esprit d’envoyer au président des Etats-Unis et à tous les chefs spirituels une invitation à nous rencontrer pour discuter du salut de l’humanité, afin que la Paix, l’Unité et la Fraternité règnent partout où il y a des hommes.

Lettre des Indiens Hopis au président Nixon en 1970

Ces textes sont extraits du livre de T.C.Mac Luhan, “Pieds nus sur la terre sacrée“, une anthologie de la philosophie, du mode de vie et de la destinée des Indiens d’Amérique du Nord.

La trilogie “Koyaanisqatsi” est un ensemble de 3 films réalisés par Geofrey Redgio
et inspirés par les prophéties des Indiens Hopis.

Tournés avec des images réelles (grandioses), sans acteurs, sans dialogues et sans commentaires, ces films nous montrent notre planète et notre civilisation comme nous ne l’avons jamais vue… Images des éléments naturels, images des mégapoles, des foules humaines, et du monde créé par la technologie, le tout sur une musique superbe et envoutante de Philip Glass.

Le titre des films vient du langage Hopi. La racine “qatsi” veut dire “vie“.

film 1 :

“Koyaanisqatsi“. Signification en langage hopi : “vie déséquilibrée, vie folle, vie tumultueuse, vie allant en se désagrégeant, un état d’existence appelant un autre mode de vie“.

film 2 :

“Powaqatsi” : “une entité, un mode de vie, qui consume l’énergie vitale d’autres êtres dans le but d’assurer sa propre existence“.

Ou comment la civilisation technologique s’est généralisée à l’ensemble du monde, bouleversant les modes de vie, les cultures, et les équilibres.

film 3 :

“Naqoyqatsi” : “vie guerrière, guerre totale, guerre en tant qu’agression contre l’énergie de la vie, la guerre comme mode de vie“.

 

Publié dans:REFLEXIONS PERSONNELLES |on 13 juin, 2012 |7 Commentaires »

LA SYRIE: CENTRE DE LA GUERRE DU GAZ AU PROCHE-ORIENT (Imad FAWZI SHUEIBI)

La Syrie:

 centre de la guerre du gaz au Proche-Orient

LA SYRIE: CENTRE DE LA GUERRE DU GAZ AU PROCHE-ORIENT (Imad FAWZI SHUEIBI) dans REFLEXIONS PERSONNELLES morts_us

par Imad Fawzi Shueibi

L’attaque médiatique et militaire à l’encontre de la Syrie est directement liée à la compétition mondiale pour l’énergie, ainsi que l’explique le professeur Imad Shuebi dans l’article magistral que nous publions. À un moment où la zone euro menace de s’effondrer, où une crise économique aiguë a conduit les États-Unis à s’endetter à hauteur de 14 940 milliards de dollars, et où leur influence s’amenuise face aux puissances émergentes du BRICS, il devient clair que la clé de la réussite économique et de la domination politique réside principalement dans le contrôle de l’énergie du XXIe siècle : le gaz. C’est parce qu’elle se trouve au cœur de la plus colossale réserve de gaz de la planète que la Syrie est prise pour cible.

 ENERGIE dans REFLEXIONS PERSONNELLES

Avec la chute de l’Union Soviétique, les Russes ont réalisé que la course à l’armement les avait épuisés, surtout en l’absence des approvisionnements d’énergie nécessaires à tout pays industrialisé. Au contraire, les USA avaient pu se développer et décider de la politique internationale sans trop de difficultés grâce à leur présence dans les zones pétrolières depuis des décennies. C’est la raison pour laquelle les Russes décidèrent à leur tour de se positionner sur les sources d’énergie, aussi bien pétrole que gaz. Considérant que le secteur pétrolier, vu sa répartition internationale, n’offrait pas de perspectives, Moscou misa sur le gaz, sa production, son transport et sa commercialisation à grande échelle.

Le coup d’envoi fut donné en 1995, lorsque Vladimir Poutine mis en place la stratégie de Gazprom : partir des zones gazières de la Russie vers l’Azerbaïdjan, le Turkménistan, l’Iran (pour la commercialisation), jusqu’au Proche-Orient. Il est certain que les projets Nord Stream et South Stream témoigneront devant l’Histoire du mérite et des efforts de Vladimir Poutine pour ramener la Russie dans l’arène internationale et peser sur l’économie européenne puisqu’elle dépendra, durant des décennies à venir, du gaz comme alternative ou complément du pétrole, avec cependant une nette priorité pour le gaz. À partir de là, il devenait urgent pour Washington de créer le projet concurrent Nabucco, pour rivaliser avec les projets russes et espérer jouer un rôle dans ce qui va déterminer la stratégie et la politique pour les cents prochaines années.

Le fait est que le gaz sera la principale source d’énergie du 21ème siècle, à la fois comme alternative à la baisse des réserves mondiales de pétrole, et comme source d’énergie propre. Par conséquent, le contrôle des zones gazières du monde par les anciennes et les nouvelles puissance est à la base d’un conflit international dont les manifestations sont régionales.

De toute évidence, la Russie a bien lu les cartes et a bien retenu la leçon du passé, car c’est le manque de contrôle au niveau des ressources énergétiques globales, indispensables à l’injection de capital et d’énergie dans la structure industrielle, qui fut à l’origine de l’effondrement de l’Union Soviétique. De même la Russie a assimilé que le gaz serait la ressource énergétique du siècle à venir.

Historique du grand jeu gazier

Une première lecture de la carte du gaz révèle que celui-ci est localisé dans les régions suivantes, en termes de gisements et d’accès aux zones de consommation :

  1. Russie : Vyborg et Beregvya
  2. Annexé à la Russie : Turkménistan
  3. Environs plus ou moins immédiats de la Russie : Azerbaïdjan et Iran
  4. Pris à la Russie : Géorgie
  5. Méditerranée orientale : Syrie et Liban
  6. Qatar et Égypte.

 GAZ

Moscou s’est hâté de travailler sur deux axes stratégiques : le premier est la mise en place d’un projet sino-russe à long terme s’appuyant sur la croissance économique du Bloc de Shanghai ; le deuxième visant à contrôler les ressources de gaz. C’est ainsi que furent jetées les bases des projets South Stream et Nord Stream, faisant face au projet étasunien Nabucco, soutenu par l’Union Européenne, qui visait le gaz de la mer Noire et de l’Azerbaïdjan. S’ensuivit entre ces deux initiatives une course stratégique pour le contrôle de l’Europe et des ressources en gaz.

Pour la Russie :

Le projet Nord Stream relie directement la Russie à l’Allemagne en passant à travers la mer Baltique jusqu’à Weinberg et Sassnitz, sans passer par la Biélorussie.

Le projet South Stream commence en Russie, passe à travers la la mer Noire jusqu’à la Bulgarie et se divise entre la Grèce et le sud de l’Italie d’une part, et la Hongrie et l’Autriche d’autre part.

Pour les États-Unis :

Le projet Nabucco part d’Asie centrale et des environs de la Mer Noire, passe par la Turquie où se situent les infrastructures de stockage, puis parcours la Bulgarie, traverse la Roumanie, la Hongrie, arrive en Autriche et de là se dirige vers la République Tchèque, la Croatie, la Slovénie et l’Italie. Il devait à l’origine passer en Grèce, mais cette idée avait été abandonnée sous la pression turque.

Nabucco était censé concurrencer les projets russes. Initialement prévu pour 2014, il a dû être repoussé à 2017 en raison de difficultés techniques. À partir de là, la bataille du gaz a tourné en faveur du projet russe, mais chacun cherche toujours à étendre son projet à de nouvelles zones.

Cela concerne d’une part le gaz iranien, que les États-Unis voulaient voir venir renforcer le projet Nabucco en rejoignant le point de groupage de Erzurum, en Turquie ; et de l’autre le gaz de la Méditerranée orientale : Syrie, Liban, Israël.

Or en juillet 2011, l’Iran a signé divers accords concernant le transport de son gaz via l’Irak et la Syrie. Par conséquent, c’est désormais la Syrie qui devient le principal centre de stockage et de production, en liaison avec les réserves du Liban. C’est alors un tout nouvel espace géographique, stratégique et énergétique qui s’ouvre, comprenant l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban. Les entraves que ce projet subit depuis plus d’un an donnent un aperçu du niveau d’intensité de la lutte qui se joue pour le contrôle de la Syrie et du Liban. Elles éclairent du même coup le rôle joué par la France, qui considère la Méditerranée orientale comme sa zone d’influence historique, devant éternellement servir ses intérêts, et où il lui faut rattraper son absence depuis la Seconde Guerre Mondiale. En d’autres termes, la France veut jouer un rôle dans le monde du gaz où elle a acquis en quelque sorte une « assurance maladie » en Libye et veut désormais une « assurance-vie » à travers la Syrie et le Liban.

Quant à la Turquie, elle sent qu’elle sera exclue de cette guerre du gaz puisque le projet Nabucco est retardé et qu’elle ne fait partie d’aucun des deux projets South Stream et Nord Stream ; le gaz de la Méditerranée orientale semble lui échapper inexorablement à mesure qu’il s’éloigne de Nabucco.

L’axe Moscou-Berlin

Pour ses deux projets, Moscou a créé la société Gazprom dans les années 1990. L’Allemagne, qui voulait se libérer une fois pour toutes des répercussions de la Seconde Guerre Mondiale, se prépara à en être partie prenante ; que ce soit en matière d’installations, de révision du pipeline Nord, ou de lieux de stockage pour la ligne South Stream au sein de sa zone d’influence, particulièrement en Autriche.

 GUERRELa société Gazprom a été fondée avec la collaboration de Hans-Joachim Gornig, un allemand proche de Moscou, ancien vice-président de la compagnie allemande de pétrole et de gaz industriels qui a supervisé la construction du réseau de gazoducs de la RDA. Elle a été dirigée jusqu’en octobre 2011 par Vladimir Kotenev, ancien ambassadeur de Russie en Allemagne.

Gazprom a signé nombre de transactions avec des entreprises allemandes, au premier rang desquelles celles coopérant avec Nord Stream, tels les géants E.ON pour l’énergie et BASF pour les produits chimiques ; avec pour E.ON des clauses garantissant des tarifs préférentiels en cas de hausse des prix, ce qui revient en quelque sorte à une subvention « politique » des entreprises du secteur énergétique allemand par la Russie.

Moscou a profité de la libéralisation des marchés européens du gaz pour les contraindre à déconnecter les réseaux de distribution des installations de production. La page des affrontements entre la Russie et Berlin étant tournée, débuta alors une phase de coopération économique basée sur l’allégement du poids de l’énorme dette pesant sur les épaules de l’Allemagne, celle d’une Europe surendettée par le joug étasunien. Une Allemagne qui considère que l’espace germanique (Allemagne, Autriche, République Tchèque, Suisse) est destiné à devenir le cœur de l’Europe, mais n’a pas à supporter les conséquences du vieillissement de tout un continent, ni celle de la chute d’une autre superpuissance.

Les initiatives allemandes de Gazprom comprennent le joint-venture de Wingas avec Wintershall, une filiale de BASF, qui est le plus grand producteur de pétrole et de gaz d’Allemagne et contrôle 18 % du marché du gaz. Gazprom a donné à ses principaux partenaires allemands des participations inégalées dans ses actifs russes. Ainsi BASF et E.ON contrôlent chacune près d’un quart des champs de gaz Loujno-Rousskoïé qui alimenteront en grande partie Nord Stream ; et ce n’est donc pas une simple coïncidence si l’homologue allemand de Gazprom, appelé  « le Gazprom germanique », ira jusqu’à posséder 40 % de la compagnie autrichienne Austrian Centrex Co, spécialisée dans le stockage du gaz et destinée à s’étendre vers Chypre.

Une expansion qui ne plait certainement pas à la Turquie qui a cruellement besoin de sa participation au projet Nabucco. Elle consisterait à stocker, commercialiser, puis transférer 31 puis 40 milliards de m³ de gaz par an ; un projet qui fait qu’Ankara est de plus en plus inféodé aux décisions de Washington et de l’OTAN, d’autant plus que son adhésion à l’Union Européenne a été rejetée à plusieurs reprises.

Les liens stratégiques liés au gaz déterminent d’autant plus la politique que Moscou exerce un lobbying sur le Parti Social-Démocrate allemand en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, base industrielle majeure et centre du conglomérat allemand RWE, fournisseur d’électricité et filiale d’E.ON.

Cette influence a été reconnue par Hans-Joseph Fell, responsable des politiques énergétiques chez les Verts. Selon lui quatre sociétés allemandes liées à la Russie jouent un rôle majeur dans la définition de la politique énergétique allemande. Elles s’appuient sur le Comité des Relations Economiques de l’Europe de l’Est —c’est-à-dire sur des entreprises en contact économique étroit avec la Russie et les pays de l’ex Bloc soviétique—, qui dispose d’un réseau très complexe d’influence sur les ministres et l’opinion publique. Mais en Allemagne, la discrétion reste de mise quant à l’influence grandissante de la Russie, partant du principe qu’il est hautement nécessaire d’améliorer la « sécurité énergétique » de l’Europe.

Il est intéressant de souligner que l’Allemagne considère que la politique de l’Union Européenne pour résoudre la crise de l’euro pourrait à terme gêner les investissements germano-russes. Cette raison, parmi d’autres, explique pourquoi elle traine pour sauver l’euro plombé par les dettes européennes, alors même que le bloc germanique pourraient, à lui seul, supporter ces dettes. De plus, à chaque fois que les Européens s’opposent à sa politique vis-à-vis de la Russie, elle affirme que les plans utopiques de l’Europe ne sont pas réalisables et pourraient pousser la Russie à vendre son gaz en Asie, mettant en péril la sécurité énergétique européenne.

 IRAKCe mariage des intérêts germano-russes s’est appuyé sur l’héritage de la Guerre Froide, qui fait que trois millions de russophones vivent en Allemagne, formant la deuxième plus importante communauté après les Turcs. Poutine était également adepte de l’utilisation du réseau des anciens responsables de la RDA, qui avaient pris soin des intérêts des compagnies russes en Allemagne, sans parler du recrutement d’ex-agents de la Stasi. Par exemple, les directeurs du personnel et des finances de Gazprom Germania, ou encore le directeur des finances du Consortium Nord Stream, Warnig Matthias qui, selon le Wall Street Journal, aurait aidé Poutine à recruter des espions à Dresde lorsqu’il était jeune agent du KGB. Mais il faut le reconnaitre, l’utilisation par la Russie de ses anciennes relations n’a pas été préjudiciable à l’Allemagne, car les intérêts des deux parties ont été servis sans que l’une ne domine l’autre.

Le projet Nord Stream, le lien principal entre la Russie et l’Allemagne, a été inauguré récemment par un pipeline qui a coûté 4,7 milliards d’euros. Bien que ce pipeline relie la Russie et l’Allemagne, la reconnaissance par les Européens qu’un tel projet garantissait leur sécurité énergétique a fait que la France et la Hollande se sont hâtées de déclarer qu’il s’agissait bien là d’un projet « européen ». À cet égard, il est bon de mentionner que M. Lindner, directeur exécutif du Comité Allemand pour les Relations Economiques avec les pays de l’Europe de l’Est a déclaré, sans rire, que c’était bien « un projet européen et non pas allemand, et qu’il n’enfermerait pas l’Allemagne dans une plus grande dépendance vis-à-vis de la Russie ». Une telle déclaration souligne l’inquiétude que suscite l’accroissement de l’influence Russe en l’Allemagne ; il n’en demeure pas moins que le projet Nord Stream est structurellement un plan moscovite et non pas européen.

Les Russes peuvent paralyser la distribution de l’énergie en Pologne dans plusieurs pays comme bon leur semblent, et seront en mesure de vendre le gaz au plus offrant. Toutefois, l’importance de l’Allemagne pour la Russie réside dans le fait qu’elle constitue la plate-forme à partir de laquelle elle va pouvoir développer sa stratégie continentale ; Gazprom Germania détenant des participations dans 25 projets croisés en Grande-Bretagne, Italie, Turquie, Hongrie et d’autres pays. Cela nous amène à dire que Gazprom – après un certain temps – est destinée à devenir l’une des plus importantes entreprises au monde, sinon la plus importante.

Dessiner une nouvelle carte de l’Europe, puis du monde

Les dirigeants de Gazprom ont non seulement développé leur projet, mais ils ont aussi fait en sorte de contrer Nabucco. Ainsi, Gazprom détient 30 % du projet consistant à construire un deuxième pipeline vers l’Europe suivant à peu près le même trajet que Nabucco ce qui est, de l’aveu même de ses partisans, un projet  « politique » destiné à montrer sa force en freinant, voire en bloquant le projet Nabucco. D’ailleurs Moscou s’est empressé d’acheter du gaz en Asie centrale et en mer Caspienne dans le but de l’étouffer, et de ridiculiser Washington politiquement, économiquement et stratégiquement par la même occasion.

Gazprom exploite des installations gazières en Autriche, c’est-à-dire dans les environs stratégiques de l’Allemagne, et loue aussi des installations en Grande-Bretagne et en France. Toutefois, ce sont les importantes installations de stockage en Autriche qui serviront à redessiner la carte énergétique de l’Europe, puisqu’elles alimenteront la Slovénie, la Slovaquie, la Croatie, la Hongrie, l’Italie et l’Allemagne. À ces installations, il faut ajouter le centre de stokage de Katrina, que Gazprom construit en coopération avec l’Allemagne, afin de pouvoir exporter le gaz vers les grands centres de consommation de l’Europe de l’ouest.

Gazprom a mis en place une installation commune de stockage avec la Serbie afin de fournir du gaz à la Bosnie-Herzégovine et à la Serbie elle-même. Des études de faisabilité ont été menées sur des modes de stockage similaires en République Tchèque, Roumanie, Belgique, Grande-Bretagne, Slovaquie, Turquie, Grèce et même en France. Gazprom renforce ainsi la position de Moscou, fournisseur de 41 % des approvisionnements gaziers européens. Ceci signifie un changement substantiel dans les relations entre l’Orient et l’Occident à court, moyen et long terme. Cela annonce également un déclin de l’influence états-unienne, par boucliers antimissiles interposés, voyant l’établissement d’une nouvelle organisation internationale, dont le gaz sera le pilier principal. Enfin cela explique l’intensification du combat pour le gaz de la côte Est de la Méditerranée au Proche-Orient.

Nabucco et la Turquie en difficulté

Nabucco devait acheminer du gaz sur 3 900 kilomètres de la Turquie vers l’Autriche et était conçu pour fournir 31 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an depuis le Proche-Orient et le bassin caspien vers les marchés européens. L’empressement de la coalition OTAN-États-unis-France à mettre fin aux obstacles qui s’élevaient contre ses intérêts gaziers au Proche-Orient, en particulier en Syrie et au Liban, réside dans le fait qu’il est nécessaire de s’assurer la stabilité et la bienveillance de l’environnement lorsqu’il est question d’infrastructures et d’investissement gaziers. La réponse syrienne fût de signer un contrat pour transférer vers son territoire le gaz iranien en passant par l’Irak. Ainsi, c’est bien sur le gaz syrien et libanais que se focalise la bataille, alimentera t-il Nabucco ou South Stream ?

Le consortium Nabucco est constitué de plusieurs sociétés : allemande (REW), autrichienne (OML), turque (Botas), bulgare (Energy Company Holding), et roumaine (Transgaz). Il y a cinq ans, les coûts initiaux du projet étaient estimées à 11,2 milliards de dollars, mais ils pourraient atteindre 21,4 milliards de dollars d’ici 2017. Ceci soulève de nombreuses questions quant à sa viabilité économique étant donné que Gazprom a pu conclure des contrats avec différentes pays qui devaient alimenter Nabucco, lequel ne pourrait plus compter que sur les excédents du Turkménistan, surtout depuis les tentatives infructueuses de mainmise sur le gaz iranien. C’est l’un des secrets méconnus de la bataille pour l’Iran, qui a franchi la ligne rouge dans son défi aux USA et à l’Europe, en choisissant l’Irak et la Syrie comme trajets de transport d’une partie de son gaz.

Ainsi, le meilleur espoir de Nabucco demeure dans l’approvisionnement en gaz d’Azerbaïdjan et le gisement Shah Deniz, devenu presque la seule source d’approvisionnement d’un projet qui semble avoir échoué avant même d’avoir débuté. C’est ce que révèle l’accélération des signatures de contrats passés par Moscou pour le rachat de sources initialement destinées à Nabucco, d’une part, et les difficultés rencontrées pour imposer des changements géopolitiques en Iran, en Syrie et au Liban d’autre part. Ceci au moment où la Turquie s’empresse de réclamer sa part du projet Nabucco, soit par la signature d’un contrat avec l’Azerbaïdjan pour l’achat de 6 milliards de mètres cubes de gaz en 2017, soit par l’annexion de la Syrie et du Liban avec l’espoir de faire obstacle au transit du pétrole iranien ou de recevoir une part de la richesse gazière libano-syrienne. Apparemment une place dans le nouvel ordre mondial, celui du gaz ou d’autre chose, passe par rendre un certain nombre de service, allant de l’appui militaire jusqu’à l’hébergement du dispositif stratégique de bouclier antimissiles.

Ce qui constitue peut-être la principale menace pour Nabucco, c’est la tentative russe de le faire échouer en négociant des contrats plus avantageux que les siens en faveur de Gazprom pour North Stream et South Stream ; ce qui invaliderait les efforts des États-Unis et de l’Europe, diminuerait leur influence, et bousculerait leur politique énergétique en Iran et/ou en Méditerranée. En outre, Gazprom pourrait devenir l’un des investisseurs ou exploitants majeurs des nouveaux gisements de gaz en Syrie ou au Liban. Ce n’est pas par hasard que le 16 août 2011, le ministère syrien du Pétrole à annoncé la découverte d’un puits de gaz à Qara, près de Homs. Sa capacité de production serait de 400 000 mètres cubes par jour (146 millions de mètres cubes par an), sans même parler du gaz présent dans la Méditerranée.

Les projets Nord Stream et South Stream ont donc réduit l’influence politique étasunienne, qui semble désormais à la traîne. Les signes d’hostilité entre les États d’Europe Centrale et la Russie se sont atténués ; mais la Pologne et les États-Unis ne semblent pas disposés à renoncer. En effet, fin octobre 2011, ils ont annoncé le changement de leur politique énergétique suite à la découverte de gisements de charbon européens qui devraient diminuer la dépendance vis-à-vis de la Russie et du Proche-Orient. Cela semble être un objectif ambitieux mais à long terme, en raison des nombreuses procédures nécessaires avant commercialisation ; ce charbon correspondant à des roches sédimentaires trouvées à des milliers de mètres sous terre et nécessitant des techniques de fracturation hydraulique sous haute pression pour libérer le gaz, sans compter les risques environnementaux.

Participation de la Chine

La coopération sino-russe dans le domaine énergétique est le moteur du partenariat stratégique entre les deux géants. Il s’agit, selon les experts, de la « base » de leur double véto réitéré en faveur de la Syrie.

Cette coopération ne concerne pas seulement l’approvisionnement de la Chine à des conditions préférentielles. La Chine est amenée à s’impliquer directement dans la distribution du gaz via l’acquisition d’actifs et d’installations, en plus d’un projet de contrôle conjoint des réseaux de distribution. Parallèlement, Moscou affiche sa souplesse concernant le prix du gaz, sous réserve d’être autorisé à accéder au très profitable marché intérieur chinois. Il a été convenu, par conséquent, que les experts russes et chinois travailleraient ensemble dans les domaines suivants : « La coordination des stratégies énergétiques, la prévision et la prospection, le développement des marchés, l’efficacité énergétique, et les sources d’énergie alternative ».

D’autres intérêts stratégiques communs concernent les risques encourus face au projet du « bouclier antimissiles » US. Non seulement Washington a impliqué le Japon et la Corée du Sud mais, début septembre 2011, l’Inde a aussi été invitée à en devenir partenaire. En conséquence, les préoccupations des deux pays se croisent au moment où Washington relance sa stratégie en Asie centrale, c’est-à-dire, sur la Route de la soie. Cette stratégie est la même que celle lancée par George Bush (projet de Grande Asie centrale) pour y faire reculer l’influence de la Russie et de la Chine en collaboration avec la Turquie, résoudre la situation en Afghanistan d’ici 2014, et imposer la force militaire de l’OTAN dans toute la région. L’Ouzbékistan a déjà laissé entendre qu’il pourrait accueillir l’OTAN, et Vladimir Poutine a estimé que ce qui pourrait déjouer l’intrusion occidentale et empêcher les USA de porter atteinte à la Russie serait l’expansion de l’espace Russie-Kazakhtan-Biélorussie en coopération avec Pékin.

Cet aperçu des mécanismes de la lutte internationale actuelle permet de se faire une idée du processus de formation du nouvel ordre international, fondé sur la lutte pour la suprématie militaire et dont la clé de voute est l’énergie, et en premier lieu le gaz.

Le gaz de la Syrie

Quand Israël a entrepris l’extraction de pétrole et de gaz à partir de 2009, il était clair que le bassin Méditerranéen était entré dans le jeu et que, soit la Syrie serait attaquée, soit toute la région pourrait bénéficier de la paix, puisque le 21ème siècle est supposé être celui de l’énergie propre.

Selon le Washington Institute for Near East Policy (WINEP, le think tank de l’AIPAC), le bassin méditerranéen renferme les plus grandes réserves de gaz et c’est en Syrie qu’il y aurait les plus importantes. Ce même institut a aussi émis l’hypothèse que la bataille entre la Turquie et Chypre allait s’intensifier du fait de l’incapacité Turque à assumer la perte du projet Nabucco (malgré le contrat signé avec Moscou en décembre 2011 pour le transport d’une partie du gaz de South Stream via la Turquie).

La révélation du secret du gaz syrien fait prendre conscience de l’énormité de l’enjeu à son sujet. Qui contrôle la Syrie pourrait contrôler le Proche-Orient. Et à partir de la Syrie, porte de l’Asie, il détiendra « la clé de la Maison Russie », comme l’affirmait la Tsarine Catherine II, ainsi que celle de la Chine, via la Route de la soie. Ainsi, il serait en capacité de dominer le monde, car ce siècle est le Siècle du Gaz.

C’est pour cette raison que les signataires de l’accord de Damas, permettant au gaz iranien de passer à travers l’Irak et d’accéder à la Méditerranée, ouvrant un nouvel espace géopolitique et coupant la ligne de vie de Nabucco, avaient déclaré « La Syrie est la clé de la nouvelle ère ».

Imad Fawzi Shueibi

Publié dans:REFLEXIONS PERSONNELLES |on 13 juin, 2012 |Pas de commentaires »

UNE OTAN « RENOVEE »…POUR QUELS OBJECTIFS ? (Jacques Le DAUPHIN)

« Une OTAN « rénovée » pour quels objectifs ? »

 (Jacques Le Dauphin)

UNE OTAN

Directeur de l’Institut de Documentation et de Recherche sur la Paix, Collaborateur de la revue Recherches Internationales

lundi 4 juin 2012 par Le Dauphin Jacques , Recherches internationales

 

Que penser du sommet de l’OTAN qui s’est tenu à Chicago les 20 et 21 mai 2012 ? Le choix du lieu décidé par le président Obama lui-même, la participation des chefs d’état et de gouvernement, non seulement des 28 pays membres, mais aussi ceux de 30 autres pays donnent à ce rendez-vous un relief particulier. C’est, avoué ou non, la volonté de promouvoir une nouvelle alliance transatlantique, qui, outre le sigle, n’aurait que de très lointains rapports avec celle qui existait depuis des décennies. Il s’agit de faire de l’OTAN un acteur clé de la vie internationale.

Le bourbier afghan

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Dans cet esprit, le Sommet avait porté à son ordre du jour la situation en Afghanistan, après dix ans d’intervention militaire de l’OTAN ou plus précisément des modalités d’un retrait qui s’avère urgent. L’intervention s’est abîmée dans les montagnes afghanes et s’est transformée en immense bourbier.
Le retrait en lui-même ne posait pas problème, car tout le monde veut voir l’OTAN quitter l’Afghanistan au plus vite, mais une question taraudait les responsables de l’opération : comment éviter que le retrait soit considéré comme une débandade, un échec portant atteinte à la crédibilité de nouvelles opérations que l’OTAN serait susceptible de mener à l’avenir. C’est pourquoi, la nature et le rythme de ce retrait ont posé et posent encore aujourd’hui questions.
Transférer purement et simplement les moyens à l’armée et la police afghane n’est pas sans susciter inquiétudes pour l’avenir du pays et la stabilité de la région. à Chicago, de manière générale le retrait des forces combattantes fut fixé à 2014, sans incidences notables de la décision française de retirer ses propres troupes fin 2012. Pour ce qui concerne l’évolution ultérieure des forces d’assistances sur le terrain, elles se maintiendront, durant des délais qui restent à fixer. Le coût de cette assistance est évalué à 4,1 milliards de dollars (pour la France l’évaluation est fixée à 150 millions d’euros). Outre les mesures d‘assistance, d’autres mesures sont envisagées pour garder le pays sous influence. Ainsi les présidents Obama et Karzaï ont signé un traité qui autorise pour plusieurs années, l’usage du territoire afghan par les troupes américaines.
Le secrétaire général, Anders Fogh Rasmussen, n’a-t-il pas affirmé à maintes reprises que l’avenir de l’OTAN se jouait en Afghanistan.

Un basculement vers la région Asie-Pacifique et le Grand Moyen-Orient

Réparation-avion-682x1024 EUROPE

L’expérience afghane n’est pas sans susciter réflexions chez les membres de l’Organisation et les « partenaires » qui ont signé des accords de coopérations. Une réflexion d’autant plus vive lorsque l’on sait que cette guerre a été initiée par les Etats-Unis, lesquels pilotent l’évolution de l’Alliance vers une nouvelle configuration.
La politique militaire américaine actuelle s’inspire de la « Quadrianal Defense Review » 2010, actualisée et présentée dans ses grandes lignes en janvier 2012 par le président Obama, sous l’intitulé « New strategic guidance ». Cette politique traduit au plan stratégique un déploiement dans la région Asie-Pacifique et au Grand Moyen-Orient. C’est dans ces deux directions que les états-Unis souhaitent voir s’orienter l’activité de l’OTAN. à ce sujet Ben Rhodes, conseiller au Pentagone, a souligné qu’en organisant ce Sommet sur le sol américain, le président Obama « voulait montrer à quel point les Etats-Unis intègrent l’OTAN dans les projets d’avenir de la politique américaine ».
De son côté, le président Obama a déclaré que « la mission historique de l’OTAN en Europe était désormais accomplie et qu’elle se devait de trouver d’autres missions ». D’autres déclarations n’hésitent pas à présenter l’OTAN comme un « multiplicateur de puissance pour les états-Unis ; un tel positionnement suscite pour le moins réserves, sinon hostilités, chez les partenaires, bien que les divergences soient le plus souvent occultées dans les déclarations officielles.
Pour autant les contradictions sont réelles. Du côté des pays membres, si le leadership américain ne semble pas poser de problèmes majeurs, au sein de l’Organisation, l’accord entre les deux rives de l’Atlantique est de moins en moins automatique, du fait de la disparition de la menace majeure qui avait soudée certains d’entre eux. Ils s’interrogent aujourd’hui s’il ne convient pas de faire rentrer le génie dans la lampe, pour se replier sur les missions strictes de défense des alliés à l’origine de l’Alliance, dans l’esprit de la Charte transatlantique.
L’accord est moins automatique du fait aussi de la multiplication des membres. Celle-ci dilue leurs liens avec les états-Unis. Il reste que des tendances, centrifuges, centripètes se manifestent, souvent simultanément, rendant plus difficile la perception.
Par ailleurs, depuis la fin de la guerre froide, l’Otan a noué des coopérations avec plusieurs pays de différents continents (partenariat pour la paix ;dialogue méditerranéen initiative de coopération d’Istanbul).

Ces coopérations n’ont guère dépassé le stade du principe et sont peu fiables. Pourtant un chapitre entier du concept stratégique y est consacré ; à Chicago des mesures ont été envisagées dans une démarche qui rejoint sur le fond la vision américaine « global partnership », en tendant, tout en rassemblant un maximum de pays à moduler leur intervention directe au fil des événements. Même conçu à la carte, ce type de coopérations ne semble pas avoir le vent en poupe.

Une Organisation surannée

Il semble important de discerner les contradictions spécifiques de l’OTAN, en lien avec les rapports internationaux, car elles conditionnent l’approche de nombreux problèmes, en particulier ceux qui sont abordés lors du sommet de Chicago. C’est le cas en particulier du bouclier antimissile, voulu et dirigé par les états-Unis. Le principe de ce bouclier a été adopté lors du sommet de Lisbonne, mais visiblement la réalisation s’avère ardue. C’est pourquoi le secrétaire général a lancé l’idée d’ « une capacité opérationnelle intermédiaire ».
De nouveau, plusieurs pays européens ont exprimé leurs réticences vis-à-vis d’un projet fortement déstabilisateur, coûteux à l’utilité douteuse, d’autant que certains d’entre eux, comme la Belgique, l’Allemagne, le Danemark, accueillent sur leur sol des bombardiers américains. La Russie a manifesté son hostilité à un projet qu’elle considère comme une menace pour sa sécurité, d’autant que l’OTAN s’est déclarée déterminée à rester une alliance nucléaire. La relation entre l’OTAN et la Russie s’en trouve affectée. L’absence du président Poutine à Chicago l’a reflété.
L’OTAN a peiné à gérer la fin de la guerre froide où elle fondait son existence. A-t-elle pour autant trouvé une place crédible dans la nouvelle donne internationale. Quelle place peut-elle occuper au plan international ? Une question revient, tenace : à quel rôle peut prétendre une telle organisation ? Son comportement agressif, unilatéral dans les questions internationales brûlantes a, y compris dans l’application des résolutions du Conseil de Sécurité, tendu bien évidemment à la discréditer et à la rendre dangereuse aux yeux du monde. Sa prétention à se substituer à l’ONU, qui elle détient une vraie légitimité, par les normes fixées par la Charte des Nations unies est vigoureusement condamnée. C’est pourquoi de larges secteurs de l’opinion publique internationale, non seulement conteste son action, mais demande de plus en plus sa dissolution. Les manifestations qui se sont déroulées dans le monde, y compris à Chicago, que l’on aurait grand tort de sous-estimer, en sont l’illustration.

Cette chronique est réalisée en partenariat rédactionnel avec la revue Recherches Internationales à laquelle collaborent de nombreux universitaires ou chercheurs et qui a pour champ d’analyse les grandes questions qui bouleversent le monde aujourd’hui, les enjeux de la mondialisation, les luttes de solidarité qui se nouent et apparaissent de plus en plus indissociables de ce qui se passe dans chaque pays.
6, av. Mathurin Moreau ; 75167 Paris Cedex 19
Site : http://www.recherches-international…

Publié dans:REFLEXIONS PERSONNELLES |on 9 juin, 2012 |Pas de commentaires »

EN FINIR AVEC LES INTELLECTUELS ORGANIQUES: LES DEGÂTS CONTRE LE VIVRE-ENSEMBLE

Pour en finir avec les intellectuels organiques :

 les dégâts contre le vivre-ensemble

EN FINIR AVEC LES INTELLECTUELS ORGANIQUES: LES DEGÂTS CONTRE LE VIVRE-ENSEMBLE dans REFLEXIONS PERSONNELLES COLUCHE

(Chems Eddine CHITOUR)
« De tous ceux qui n’ont rien à dire, les plus agréables sont ceux qui se taisent. » – Coluche

Cette citation de Coluche s’applique à merveille aux intellectuels qui, en France, dictent la norme au nom d’une légitimité dont il faudra bien un jour s’intéresser à son « fond rocheux ». Chacun sait, en effet, que le microcosme intellectuel en France est squatté par certains intellectuels que l’on pourrait qualifier d’organiques au sens d’Antonio Gramsci, qui pensent que leurs élucubrations est parole d’Evangile et qu’à ce titre, elles doivent formater l’imaginaire des Français de toutes conditions que cela soit l’auditeur distrait qui écoute une station de radio ou celui qui prend son temps de regarder les émissions audiovisuelles.

C’est un fait que, pratiquement sur toutes les chaînes, on ne voit qu’eux, à croire que la richesse culturelle se résume à ces « certitudes » martelées en boucle. Est-ce à dire que la pensée intellectuelle française est tellement stérile qu’elle n’a que çà à mettre en avant ou est-ce un maillage intelligent plus nocif que cent divisions puisqu’il formate l’imaginaire des Français et insidieusement leur dicte d’une façon inconsciente le rapport à l’Autre quand il s’agit de l’allogène, qu’il soit mélanoderme ou encore plus grave, appartenant à cette religion de l’antéchrist : l’Islam ?

Ce n’est d’autant pas vrai qu’en cherchant bien cette pensée objective, généreuse, on la trouve cantonnée à l’écrit quand il a l’imprimatur de maisons d’édition qui, elles aussi, pour être dans l’air du temps, s’autocensurent souvent laissant, on l’aura compris, le champ libre à la pensée unique pour ne pas dire certaines fois, inique.

Beaucoup d’intellectuels d’autorité – il faut regretter leur manque de visibilité et pour cause dans les médias, par nature – ne s’associent à ces messes basses où on dit à l’auditeur ou au téléspectateur ce qu’il faut penser, façonnant à terme sa façon de réagir en face d’événements que les médias aux ordres présentent et vendent- justement pas ces « autorités » qui papillonnent de plateau en plateau. Nous l’avons vu même avec les intellectuels maghrébins installés confortablement en Occident et qui se bousculent pour faire allégeance et nous parler de « l’Islam des Lumières », du retard structurel des Arabes, à l’exception de leur personne…

On l’aura compris aussi, ceux qui ne vibrent pas à la fréquence de cette loi non écrite qui veut que certains sujets sont tabous. Ils sont soit rappelés à l’ordre au nom de loi condamnant telle ou telle action, soit d’une façon invisible se voient fermer toutes les portes et leur rare apparition sur les plateaux est plus due à un manque de vigilance qu’à une invitation normale eu égard au sujet traité. En son temps, Pascal Boniface avait dénoncé d’une façon plus générale les intellectuels faussaires. (1)

Le commentaire suivant nous parait tout à fait approprié : « (…) N’écoutant que la probité qui l’anime, et se laissant guider par sa plume avide de transparence dans un microcosme politico-médiatique nébuleux, Pascal Boniface, signe là une quête de vérité captivante, qui éclaire nos lanternes de manière lumineuse. Pas téméraires pour un sou, 14 éditeurs ont déclaré forfait à la lecture du manuscrit qui brûle les doigts, les motifs du refus variant : « (..) Mais il y eut également le cas fréquent d’éditeurs me disant qu’ils avaient apprécié le livre, qu’ils en ont partagé les analyses et démonstrations mais qu’ils ne pouvaient pas prendre le risque de le publier car ils ne voulaient pas se fâcher avec des gens puissants dans le milieu de l’édition et des médias », explique Pascal Boniface »(2)

« Qui sont donc ces maîtres incontestés de la manipulation des esprits, ces illusionnistes de la science infuse, dont le prisme déontologique sélectionne soigneusement les causes à défendre en fonction des intérêts supérieurs qu’elles servent, et du profit personnel qu’il y a à en tirer ? (…) En tête de liste, il y a l’influent Bernard Henry-Lévy, alias BHL le « seigneur et maître des faussaires », dont le « moralisme se mue en maccarthysme », redoutable dans l’art d’exercer le « terrorisme intellectuel », alors même que ses fiascos retentissants disqualifieraient sur-le-champ bien moins omnipotent que lui. Alain Finkielkraut le talonne de près, lui « qui a contribué à alimenter la peur d’une grande partie de la communauté juive en grossissant de façon démesurée l’antisémitisme en France ». (2)

L’auteur du commentaire de l’ouvrage de Pascal Boniface cite d’autres auteurs de la même veine : « Puis vient Alexandre Adler « un défenseur acharné et inconditionnel d’Israël, et le pourfendeur intransigeant de tous ceux qui osent émettre des doutes sur la politique d’Ariel Sharon », suivi de Caroline Fourest, qui a emprunté la voie royale pour se faire une place au soleil : jouer la « pasionaria de la lutte contre l’islamisme » avec, dans sa ligne de mire, la proie de choix qui booste les carrières, Tariq Ramadan. (…) Le carriérisme de Mohammed Sifaoui n’est pas épargné non plus, démasqué dans son rôle du « pourfendeur utile de l’islamisme » écumant tous les plateaux de télévision, qui a parfaitement compris que s’afficher en tant que « musulman et pro-israélien » était le plus sûr chemin vers la gloire« La malhonnêteté intellectuelle a ses stars, qui lorgnent toutes sur la consécration médiatique en s’engageant utile et dans le sens du vent, sur le dos d’un ennemi commun, monté de toutes pièces, et très tendance « l’islamofascisme », et de peurs irrationnelles à faire frémir dans les chaumières « l’islamophobie ». ». (2)

L’auteur conclut en se référant aux intellectuels qui ont fait le rayonnement de la pensée française « (..) Et c’est une vraie nostalgie qui nous étreint, de celle qui élève l’âme en proie au « spleen » et non qui libère la fureur « Zemmourienne », quand Pascal Boniface nous fait remonter le temps, jusqu’à cet âge d’or des intellectuels prompts à s’engager pour des causes universelles, de manière désintéressée, quitte à se mettre en danger : « Leur prestige est à la hauteur de leur dévouement et des risques encourus, car leurs combats se font alors contre les pouvoirs en place » souligne Pascal Boniface en forme du plus bel hommage. » (2)

BHL : Le tintin des démocrates qui veut « s’occuper » de la Syrie

Pour notre part, nous allons revenir sur les tableaux de chasse de trois d’entre eux : L’inévitable BHL, Alain Finkielkraut et un nouveau venu Eric Zemmour qui se fait les dents sur le même râtelier cette fois aussi des Noirs, des Maghrébins.. Pour rappel dans une contribution précédente, nous avons souligné le rôle sombre de BHL et sa responsabilité en définitive dans le lynchage de Kadhafi. Nico Ramirez écrit à son propos : « L’homme qui exploitait la forêt africaine mais qui ne voulait pas que cela se sache (…) Et tandis que la sueur africaine irriguait généreusement son compte en banque, à quelques milliers de kilomètres de là, Bernard-Henri distribuait les leçons de morale sur la dignité humaine. (…) La lamentable escroquerie intellectuelle trouve toujours une belle caisse de résonance. Profitant d’un solide réseau au sein des médias et de l’édition, le clown de Tobrouk parvient toujours à s’en sortir, en empêchant la publication de tel ou tel article qui le dérange. Une imposture qui se poursuit également avec des ambitions très clairement énoncées à ceux qui feraient semblant de ne pas comprendre : « J’ai porté en étendard ma fidélité à mon nom et ma fidélité au sionisme et à Israël », déclarait-il sans rire à propos de son implication dans la guerre en Libye. (3)

Mieux encore, BHL persiste et il signe : il reconnaît l’implication d’Israël dans l’aventure libyenne et il supplie le locataire de l’Elysée de refaire la même expédition cette fois-ci en Syrie. Il martèle dans son appel au président Hollande, qu’il est aussi important de sauver le peuple syrien que de sauver l’euro. »

Tout ceci en attendant un retour sur dividende de l’expédition libyenne qu’il a « vendue » au Festival de Cannes. Pascal Boniface nous en parle : « A peine rentré de Libye, Bernard-Henri Lévy foulait le tapis rouge du Festival de Cannes pour y présenter son nouveau film, « Le serment de Tobrouk », un récit de son action aux côtés des insurgés libyens en guerre contre Mouammar Kadhafi. Projeté à Cannes lors du festival, en salle la semaine prochaine, le nouveau film de Bernard-Henri Lévy Le serment de Tobrouk déclenche d’ores et déjà les commentaires habituels par rapport à ses productions. Commentaires élogieux des directeurs de rédaction et éditorialistes, goguenards ou hostiles. » (4)

« (…) Sur le site de « The Weinstein Company » qui va distribuer le film aux États-Unis, on peut lire « il montre comment les idées et les convictions peuvent changer le cours de l’histoire à travers une intervention humanitaire et politique qui aurait sinon paru impossible ». (…) Par ailleurs, Bernard-Henri Lévy, qui s’est fait accompagner de deux Syriens à Cannes, oublie le message que lui ont envoyé les responsables de l’opposition syrienne il y a quelques mois. Alors qu’il voulait faire une OPA sur elle, ils lui ont dit : « M. Bernard Henri Lévy épargnez-nous votre soutien », et ils viennent de renouveler ce message. La force militaire continue d’être l’atout majeur de la conquête de l’exercice du pouvoir. On peut également parier que le documentaire ne contient pas l’aveu pour le moins étonnant fait par Bernard-Henri Lévy à la Convention Nationale du Crif l’hiver dernier, disant qu’il avait agi dans cette affaire en pensant à Israël : « J’ai porté en étendard ma fidélité à mon nom et ma fidélité au sionisme et à Israël [...] C’est en tant que juif que j’ai participé à cette aventure politique, que j’ai contribué à définir des fronts militants, que j’ai contribué à élaborer pour mon pays et pour un autre pays une stratégie et des tactiques. » (…) » (4)

Finkielkraut et le racisme anti-blanc

On connaît les positions d’Alain Finkielkraut concernant les noirs, les Arabes, les Antillais lui aussi émigré de la 3e génération, venu défendre la race blanche en danger existentiel de par les attaques de ces scories de l’histoire coloniale que sont les beurs et les Noirs. Pour lui le racisme anti-blanc est une réalité et il ne cesse d’entretenir le brasier de la partition.

Tout commence avec un article du Monde sous forme d’appel le 25 mars 2005, signé par Alain Finkielkraut, Bernard Kouchner, Jacques Julliard et même curieusement Ghaleb Bencheikh, appel soutenu et relayé par le mouvement sioniste de gauche Hachomer Hatzaïr et la radio communautaire juive Radio Shalom.

L’appel formulait le problème en ces termes : « Aujourd’hui les manifestations lycéennes sont devenues, pour certains, le prétexte à ce que l’on peut appeler des « ratonnades anti-blancs. » L’appel et la parution de l’article dans le Monde ont créé un tollé parmi de nombreux intellectuels, notamment les sociologues comme Esther Benbassa, Michel Kokoreff ou Laurent Mucchielli. Esther Benbassa dénonce la logique communautariste qui, selon elle, sous-tend cette pétition : « De même d’autres auteurs dénoncent dans le journal Libération ce qu’ils appellent la « lepénisation des esprits ». 

Alain Finkielkraut ne s’arrête pas là, il dénonce tous les Arabes, profiteurs. Même les Antillais sont traités comme des assistés de la République. Un article percutant du philosophe antillais Raphaël Confiant a permis de remettre les pendules à l’heure. Nous lisons : « (…) Mais venons-en maintenant à la question de l’anti-sémitisme des Antillais. Et là, que l’on me permette d’énoncer une vérité d’évidence : la Shoah est un crime occidental ! Comme l’a été le génocide des Amérindiens, comme l’a été l’esclavage des Noirs, comme l’a été la déportation des Hindous, comme l’a été l’extermination des Aborigènes australiens etc. Le terme de « crime contre l’humanité » est une hypocrisie. Un faux-semblant. Une imposture. » (5)

Désignant nommément l’Occident comme responsable des malheurs des Juifs, le philosophe absoud les Arabes, les Nègres de la Shoah. « (…) Non, monsieur Fienkielkraut, si la Shoah est bien une abomination, elle n’a été mise en oeuvre, ni par les Nègres, ni par les Amérindiens, ni par les Chinois, ni par les Hindous, ni par les Arabes. Elle a été mise en oeuvre par l’Occident. Ce même Occident qui n’a cessé de pourrir la vie des Juifs depuis 2.000 ans. Citons : – Destruction du Temple de Jérusalem par les Romains en l’an 70 et dispersion du peuple Juif. – Inquisition au Moyen-âge par les Espagnols. – Pogroms au XIXè siècle par les Russes et les Polonais. – Chambres à gaz par les Allemands au XXè siècle. – Rafle du Vel d’Hiv’ par les Français au même siècle etc. Ce ne sont pas les Juifs vivant dans les pays arabes, les Séfarades, qui ont dû fuir comme des dératés pour s’en aller construire un état où ils seraient enfin libres mais bien les Juifs d’Europe, les Ashkénazes, parce qu’ils avaient compris qu’ils ne pouvaient plus vivre sur ce continent. Quand la France arrive, par exemple, en Algérie, en 1830, elle découvre trois populations vivant en relative harmonie, les Arabes, les Berbères et les Juifs. Certes, en terre musulmane, le Juif avait un statut inférieur, dit « de protégé » car peuple du Livre, mais on n’a jamais entendu parler, ni au Maroc, ni en Tunisie, ni au Yémen d’entreprise scientifiquement élaborée d’extermination du peuple juif. Ma question à Alain Fienkielkraut est donc simple, naïve même » (5)

« Pourquoi, poursuit-il, après avoir subi tant d’avanies de la part de l’Occident vous considérez-vous quand même comme des Occidentaux ? Pourquoi un ministre des affaires étrangères d’Israël s’est-il permis de déclarer récemment : « Nous autres, Occidentaux, nous ne nous entendrons jamais avec les Arabes car ce sont des barbares ». Toute la presse bien-pensante d’Europe s’est émue du mot « barbares ». Moi, ce qui m’a choqué par contre, c’est le terme « Occidentaux ». Comment, monsieur Finkielkraut, peut-on se réclamer de l’Occident après avoir subi l’Inquisition, les pogroms, les chambres à gaz et la rafle du Vel d’Hiv’ ? Oui, comment ? Quand vous aurez répondu à cette question, le vrai débat pourra commencer. Ceci dit, il ne s’agit pas pour moi de diaboliser l’Occident(…). L’Occident est capable du meilleur et du pire. Il est inégalable dans le meilleur et dans le pire  ».(5)

Le philosophe conclut en parlant de la race blanche israélienne : « Un ultime point tout de même : quand vous déclarez, sur Radio Communauté Juive, que nous détesterions Israël « parce que ce n’est pas un pays métissé », je préfère croire que vous voulez rire. Quel pays est plus multiculturel et plus multilingue qu’Israël avec ses blonds aux yeux bleus russophones, ses Noirs d’Ethiopie (Falashas) parlant l’amharique, ses Séfarades au type sémite et souvent arabophones et même ses Juifs indiens et chinois, sans même parler du million d’Arabes israéliens ? » (5)

Pascal Bruckner, un autre intellectuel qui, dit-on, a conforté en son temps le président Nicolas Sarkozy dans le déni des crimes de la colonisation, s’est senti un devoir de venir au secours d’Alain Finkielkraut défendant les blancs. Il écrit : « (…) Relisant ses propos dans Haaretz, je remarque un manque de nuances, voire des affirmations péremptoires que je n’aurais pas contresignées et qui pourraient desservir la cause qu’il entend défendre. Nier ou minimiser la réalité de la discrimination au faciès ou à l’adresse n’est tout simplement pas raisonnable.(…) Je sens dans ses paroles un homme désespéré qui ne reconnaît plus la France qu’il a aimée et se détourne d’une patrie défigurée. (…) Il y a vingt-trois ans, je publiais « le Sanglot de l’homme blanc », où je dénonçais déjà la culpabilisation de l’Occident, accusé de tous les maux de la terre parce que lui et lui seul pratique l’autocritique et le repentir. J’y évoquais déjà, à l’époque, le racisme anti-Blancs dont je demandais qu’il soit dénoncé au même titre que les autres. (…) Alain Finkielkraut joue, dans le monde intellectuel, le même rôle que Sarkozy dans le monde politique : il est le détonateur, celui qui donne un coup de pied dans la fourmilière des endormis. » (6)

Zemmour et ses escroqueries intellectuelles

Eric Zemmour est aussi d’une certaine façon un émigré de la deuxième génération, rapatrié en 1961 d’Algérie, ancien indigène avant 1873 et le décret Crémieux qui a fait de lui- le juif berbère comme il le dit- un citoyen du premier collège. Eric Zemmour s’est fait un nom en tirant sur tout ce qui bouge du côté des faibles – je veux parler des immigrés, combien ils seraient de la dixième génération. Il est habitué à perdre ou gagner des procès selon l’humeur des juges qui ont à décider des suites récurrentes à ses provocations. Eric Zemmour a fait de la polémique plus que son fonds de commerce, il en en a fait son humus .

Eric Zemmour va de polémique en polémique, de provocation en provocation, Dans une nouvelle polémique, il s’en prend à Mme Christiane Taubira, la nouvelle ministre de la Justice qui serait selon lui « douce et compatissante, compréhensive ; une maman pour ses enfants, ses pauvres enfants qui volent, trafiquent, torturent, menacent, rackettent, violentent, tuent aussi parfois ». Enfonçant le clou et désignant les beurs, il martèle en déclarant, là encore comme un clin d’oeil au racisme anti-blanc « En quelques jours, Taubira a choisi ses victimes, ses bourreaux. Les femmes, les jeunes des banlieues, sont dans le bon camp à protéger, les hommes blancs dans le mauvais ».

Pour lui dans les banlieues « Hollande a réalisé des scores de dictateur africain ». Sans surprise, il reçoit le soutien de Marine Le Pen. « Aussi, lorsqu’il s’en prend à notre désormais ministre de la Justice, il fait d’une pierre 3 coups : elle est femme, elle est noire, elle cherche à restaurer une justice équitable en faveur des minorités, ces autres différents, à faire cesser un harcèlement. » (7)

Qu’en conclure ? Peut-on réduire l’intellectuel français uniquement à ces pyromanes communautaristes ? Non ! Il existe heureusement d’autres intellectuels ouverts, tolérants, pondérés à l’instar de Stephane Hessel, Edgard Morin, Rony Brauman, d’Esther Benbessa, Sophie Bessis, Henry Laurens et tant d’autres scientifiquement honnêtes. Il est à espérer seulement qu’ils puissent avoir une meilleure visibilité dans les médias, notamment lourds, ce qui permettra à chacun de se faire sa religion sur la base d’informations objectives, non partisanes et articulées. C’est peut-être une utopie, nous y croyons car c’est la seule façon d’aller vers un désir de vivre-ensemble comme l’écrit si bien Renan.

Professeur Chems Eddine Chitour

1. Pascal Boniface : Les intellectuels faussaires Paris mai 2011

2. Commentaire sur le livre de Pascal Boniface site Oumma.com Le 6 juin 2007

3. Nico Ramirez : Samedi 2 Juin 2012 http://diktacratie.com/lhomme-qui-exploitait-la-foret-africaine-mais-qui-ne-voulait-pas-que-cela-se-sache/

4. http://leplus.nouvelobs.com/contribution/562416-le-serment-de-tobrouk-de-bhl-une-manipulation-de-l-information.html

5.Raphael Confiant : Un écrivain antillais répond à Alain Finkielkraut : http://multitudes.samizdat.net/Un-ecrivain-antillais-repond-a 28 avril 2006

6. Pascal Bruckner Finkielkraut, le Sarkozy des intellos Nouvel Obs. n° 2143, 1 12 2005 http://www.debriefing.org/15182.html

7. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/zemmour-l-idiot-utile-du-f-haine-117531

Publié dans:REFLEXIONS PERSONNELLES |on 6 juin, 2012 |Pas de commentaires »

ISRAEL DEPLOIE DES ARMES NUCLEAIRES SUR DES SOUS-MARINS CONSTRUITS EN ALLEMAGNE

Israël déploie des armes nucléaires sur des

 sous-marins construits en Allemagne

ISRAEL DEPLOIE DES ARMES NUCLEAIRES SUR DES SOUS-MARINS CONSTRUITS EN ALLEMAGNE dans REFLEXIONS PERSONNELLES 507730-israel-serait-train-equiper-sous

-Der Spiegel-

Trois sous-marins ont été construits dans un chantier naval allemand pour Israël, qui seront suivis de trois autres à venir. Selon des informations dont Der Spiegel a eu connaissance Tel-Aviv équipe en carène ces sous-marins de missiles de croisière à tête nucléaire. Le gouvernement fédéral allemand avait connaissance depuis des décennies du programme nucléaire d’Israël en dépit de ses dénégations officielles.

L’Allemagne aide Israël à développer ses capacités nucléaires militaires, a appris Der Spiegel. Selon des recherches approfondies menées par le magazine, Israël est en train d’équiper les sous-marins, qui ont été construits dans le nord de l’Allemagne à Kiel et ont été en grande partie payés par le gouvernement allemand, de missiles de croisière équipés d’ogives nucléaires. Les missiles peuvent être lancés à l’aide d’un système d’éjection hydraulique précédemment secret. Le Ministre israélien de la Défense, Ehud Barak, a déclaré à Der Spiegel que les Allemands devraient être « fiers » d’avoir sécurisé l’existence de l’Etat d’Israël « pendant de nombreuses années. »

Dans le passé, le gouvernement allemand a toujours soutenu la position qu’il n’était pas au courant d’armes nucléaires en cours de déploiement sur les navires. Maintenant, cependant, d’anciens hauts fonctionnaires du Ministère de la Défense allemand, dont l’ancien Secrétaire d’État Lothar Rühl et l’ancien Chef du personnel de la planification Hans Rühle, ont indiqué à Der Spiegel qu’ils avaient toujours assumé qu’Israël déploierait des armes nucléaires sur les sous-marins. Lothar Rühl avait même discuté de la question avec des militaires à Tel-Aviv.

Israël suit une politique consistant à ne pas commenter officiellement sur son programme d’armes nucléaires. Les documents des archives du ministère allemand des Affaires étrangères montrent qu’il est clair, cependant, que le gouvernement allemand a connu le programme depuis 1961. La dernière discussion pour laquelle il existe des preuves a eu lieu en 1977, quand le chancelier d’alors Helmut Schmidt, a parlé à l’époque avec le ministre israélien des Affaires étrangères Moshe Dayan de la question.

Les sous-marins sont construits par le chantier naval allemand HDW à Kiel. Trois sous-marins ont déjà été livrés à Israël, et trois autres seront livrés d’ici 2017. En outre, Israël envisage de commander ses septième, huitième et neuvième sous-marins à l’Allemagne.

image-3586228fb5-adc40 ALLEMAGNE dans REFLEXIONS PERSONNELLES

Le gouvernement allemand a récemment signé le contrat pour la livraison du sixième navire. Selon les informations obtenues par Der Spiegel, la Chancelière Angela Merkel a fait des concessions substantielles aux Israéliens. Non seulement le financement de Berlin représente un tiers du coût du sous-marin, environ 135 millions d’euros, mais elle a également permis à Israël de reporter le paiement jusqu’en 2015.

Angela Merkel avait assorti la livraison du sixième sous-marin d’un certain nombre de conditions, y compris une demande qu’Israël arrête sa politique expansionniste de colonisation et permette l’achèvement d’une usine de traitement des eaux usées dans la bande de Gaza, qui est partiellement financée par l’argent allemand. Jusqu’à présent, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu n’a respecté aucun des termes du contrat.

Der Spiegel, le 03 juin 2012.

Source : Israel deploys nuclear weapons on German-buid submarines

Voir aussi : Ce qui doit être dit (Süddeutsche Zeitung) http://www.legrandsoir.info/ce-qui-doit-etre-dit-suddeutsche…

Les secrets de l’arsenal nucléaire d’Israël – Un technicien atomiste, Mordechai Vanunu, révèle la production secrète d’armes nucléaires http://www.legrandsoir.info/les-secrets-de-l-arsenal-nucleai…

Operation Samson (Enquête de Der Spiegel de 18 pages en anglais) http://www.spiegel.de/international/world/israel-deploys-nuc…

Publié dans:REFLEXIONS PERSONNELLES |on 5 juin, 2012 |Pas de commentaires »

OTAN: TROU ABYSSAL OU PESTE NOIRE ? (George STANECHY)

OTAN : Trou Abyssal ou Peste Noire ?…

OTAN: TROU ABYSSAL OU PESTE NOIRE ? (George STANECHY) dans REFLEXIONS PERSONNELLES crimes-otan

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Georges STANECHY
« Nous sommes prêts, archi-prêts. Si la guerre devait durer un an, nous n’aurions pas un bouton de guêtre à acheter. » Maréchal Edmond Le Boeuf – Ministre de la Guerre – 1870 (1)

Une réunion mondaine à 55 millions de dollars

Sommet de l’OTAN à Chicago. Deux jours : dimanche 20 et lundi 21 mai 2012. Coût estimé de l’organisation de cette réunion mondaine, au minimum : US $ 55 millions.(2)

Illustration de l’arrogance, l’inconscience, l’irresponsabilité, de la caste dirigeante des pays occidentaux incarnant les intérêts du colossal « complexe militaro-­industriel » dominant le monde.

Symbole de l’argent de la collectivité jeté par la fenêtre dans des budgets militaires pharaoniques, par des politiciens affirmant à leurs électeurs, la main sur le cœur, que la « crise » oblige de diminuer, sabrer, salaires, retraites, services publics, accès aux soins et à l’éducation…

« Endettement », « Crise », « Trou », prétextes systématiquement invoqués avec lamentations et fureurs, sauf pour ce qui est des dépenses en armements et en expéditions militaires. Qui, Ô miracle, n’ont jamais à justifier de « recettes » pour équilibrer leurs « dépenses ». Au contraire. Y toucher serait mettre en péril la « sécurité nationale ». D’ailleurs, le sujet n’est jamais abordé, spécialement en France, ni dans les médias « dominants », ni au cours des campagnes électorales : tabou !

Le peuple américain excédé s’est mobilisé, avant et pendant ce sommet, au cours d’impressionnantes manifestations (3), malgré les violences policières dans une ville en état de siège. Le Congrès ne cessant de voter des lois pour diminuer services publics et programmes sociaux d’une importance vitale pour les « sinistrés du chômage », alors que le budget militaire du pays atteint la somme faramineuse de 1000 milliards de dollars. (4)

Non compris le budget annuel de US $ 100 milliards pour les guerres d’Irak et d’Afghanistan. Non compris le budget annuel de l’armement nucléaire de US $ 530 milliards, habilement camouflés dans le budget du Ministère de l’Energie (Department of Energy – DEO). Auxquels s’ajoutent annuellement US $ 18 milliards, sous le même camouflage comptable, pour mise au point et maintenance des armes nucléaires. (5)

Non compris les milliards de dollars « d’aide militaire », sous forme de dons, de subventions, et diverses cabrioles ou déguisements budgétaires, dans une multitude de pays. Par dizaines. Pour certains, par centaines de milliards de dollars. Non compris tous les financements relevant de la sécurité intérieure, opérations spéciales et barbouzeries en tous genres, etc.

En comparaison, le budget fédéral annuel pour l’éducation est de : US $ 64 milliards…

Expression d’un « ras le bol » en écho de celui formulé en Allemagne, qui a duré quatre jours à Francfort, notamment devant le siège de la Deutsche Bank, contre le système bancaire et les mesures d’austérité, dans une implacable répression policière.

Symptomatique : à Francfort, sont apparues des affiches sur le thème « Non à l’Etat Policier » (« Polizei Staat – Nein Danke« ) (6). A Chicago, sur un thème similaire : « Ce gouvernement ne nous représente pas, ou ne représente pas les Etats-Unis » (« This government does not represent US »), jouant sur le mot « nous » (« us« , en anglais) et Etats-Unis (« U.S.« , United States).

Bien sûr, nos médias occultent méticuleusement toutes références, informations, photos, vidéos, documentaires, réactions en continu des « réseaux sociaux », traitant de ces incessantes et massives manifestations. Censure… Nous ne sommes pas en Russie, Chine, ou habituels déversoirs des diabolisations médiatiques.

Aveuglement, aussi, car par-delà les frontières et les langues se forge une plate-forme commune de la révolte en Occident : les populations s’insurgeant progressivement contre des gouvernements qui, une fois au pouvoir, forts de leurs appareils répressifs aux budgets sans limites, ne pratiquent que l’injustice sociale et économique au seul bénéfice d’une minorité de privilégiés. Transformant nos sociétés en Etats policiers. Pire : rejetant, horrifiés, toute allusion à un « Etat Providence » diabolisé pour prétendre redistribuer la richesse nationale, préférant glorifier sereinement le culte d’un « Etat Belliciste ».

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Normal, sachant que parmi ces privilégiés figurent, en tête de liste, les bénéficiaires des dépenses militaires. Moins les porteurs d’uniformes souvent considérés, hors les signataires des contrats et bons de commande, comme de la vulgaire piétaille mal payée par leurs propres fournisseurs ou employeurs, que les actionnaires des multiples sociétés du secteur, industriels, financiers, intermédiaires et porteurs de valises dans les paradis fiscaux. S’engraissant des délires guerriers activés par leurs propagandes, tambourinées dans les médias dont ils sont propriétaires, pour anesthésier les populations.

Longue tradition de ce vampirisme des finances publiques qu’on appelait, en France, sous l’Ancien Régime, le Directoire ou l’Empire : les « fournisseurs aux armées ». Bâtissant d’immenses fortunes privées, sur fond de corruption, de surfacturation, d’escroquerie sur qualité et quantité livrées, dans les ventes d’armes et d’équipements aux armées nationales. L’histoire n’a pas oublié les ravages, dans l’impunité étant aussi « banquiers », de certains d’entre eux : Ouvrard, Hinguerlot, Lanchère, Bodin, Seguin, etc.

De nos jours, la meilleure vitrine de ce parasitisme, sous couvert de « la protection de La Liberté et de l’Etat de Droit » : l’OTAN. Sauf que les citoyens concernés, dans leur majorité, n’y reconnaissent aucun des besoins, priorités et valeurs du « vivre solidairement ensemble », préférant y jeter les pavés de leur mépris et colère.

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Manifestations contre le sommet de l’OTAN à Chicago

Pôle d’incompétence et de stupidité

Dès son titre, le rapport de l’OTAN rendu public la veille de ce sommet (rédigé par un groupe d’experts présidé par Madeleine Albright…), le 17 mai 2012, renouvelle sa campagne de communication ou, plutôt, de désinformation (7) : « OTAN 2020 : Une sécurité assurée ; Un engagement dynamique – Analyse et Recommandations du groupe d’experts pour un nouveau concept stratégique de l’OTAN« .

Parmi ses déclarations « angéliques », certaines sont sidérantes de culot : « L’OTAN prospère comme une source d’espoir parce que, depuis le tout début, ses États membres ont défini leur programme commun en termes positifs : renforcer la sécurité internationale, sauvegarder la liberté et promouvoir l’état de droit.

Ces objectifs ne sont ni limités par un quelconque calendrier, ni diminués par quelque progrès technologique que ce soit. Ils ne dépendent d’aucun adversaire particulier.

Ils répondent à des besoins immuables, et ils perdureront aussi longtemps que l’OTAN – par l’unité de ses membres, le courage de leurs citoyens et la libre expression de sa volonté collective – aura à cœur de les défendre. » (8)

D’autres, d’une insondable stupidité : « Il est difficile de prévoir précisément ce que seront les dix prochaines années. » (9)

Il est vrai qu’en termes de prétention, de mégalomanie, d’imbécilité, de fanatisme, l’OTAN ne varie pas d’un iota : « immuable ». De rapport en rapport, perpétuation de la « géopolitique de la paranoïa ». Rappelant un des plus significatifs, celui préparatoire au sommet de Bucarest du 2 au 4 avril 2008, intitulé : « Towards a Grand Strategy for an Uncertain World- Renewing Transatlantic Partnership« .

Un modèle du genre, que j’avais feuilleté dans deux billets :

i) « Je fanatise », donc : « J’atomise » 

ii) De l’Idéologie coloniale à la Paranoïa guerrière : la fin de l’utopie démocratique

Depuis la fin de la « Guerre Froide », l’évolution de cette organisation sans contrôle démocratique est une calamité pour l’humanité.

On ne compte plus les désastres humanitaires provoqués par ses divagations martiales. Prétendant substituer la guerre à la diplomatie, la « sanction » précédant la « frappe », spécialisée dans le démembrement d’Etats souverains, la propagation du chaos des guerres civiles, la création de conflits ethniques et religieux, ce sont des millions de morts, de blessés, de traumatisés, et des milliards de destructions, dont elle s’est rendue, et se rend, responsable.

crimes-otan-2 BUREAUCRATIE

La liste est longue. Nous en connaissons les plus notables : de la dévastation de la Yougoslavie à celle de la Libye en passant par la pulvérisation de l’Irak, jusqu’au désastre Afghan. Car en Afghanistan, il s’agit bien d’un « désastre » pour ce pays et sa population, mais aussi au détriment de nos priorités nationales par la masse de milliards engloutis dans une des expéditions coloniales les plus « déjantées » que l’Histoire ait connues.

Evidemment, comme dans toute guerre coloniale, beaucoup y trouvent leur compte. Jusqu’au marché international de la drogue, à partir d’un pays où l’OTAN scrute, nuit et jour, chaque mètre carré de terrain, chaque mètre de route, de chemin et de piste, chaque cargaison de véhicule en circulation : « La production de pavot à opium a été multipliée par plus de 40 en Afghanistan depuis que l’Otan y est présente, a annoncé jeudi à Moscou Viktor Ivanov, directeur du Service fédéral russe de contrôle des stupéfiants (FSKN). » (10)

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Violences policières au sommet de l’OTAN à Chicago

Vecteur d’obscurantisme

Irresponsabilité ? Hypocrisie ? Vénalité ? Cynisme ?…

Entre toutes ces tares, on ne sait que choisir à la lecture du chapitre 1 du rapport, traitant de « L’environnement de sécurité », autrement dit des « risques internationaux », dans ses deux volets « contexte » et « analyse ». Tant on reste médusé par la perpétuation de l’obscurantisme idéologique d’une organisation dont la vocation première est de réaliser un travail de réflexion prospective sur les dangers minant la paix dans le monde. (11)

Sciemment, sont occultés principaux risques et déflagrations potentielles majeures.

Quatre exemples :

1) La volonté délibérée des pays occidentaux de laisser perdurer le plus explosif foyer de tensions que représente la Palestine occupée, démembrée, « nettoyée ethniquement », depuis plus de 60 ans, dans l’hyperviolence et le carnage, dans la non application à ce jour d’une quarantaine de résolutions de l’ONU s’imposant aux forces coloniales d’occupation.

Complices d’un blocus aussi sauvage qu’illégal, enfermant depuis plusieurs années une population de plus de 1,5 millions de personnes dans ce qui restera dans l’Histoire comme le plus grand camp de concentration de civils : Gaza.

Le tout évacué, édulcoré, en 8 mots : « … les tensions qui couvent entre Arabes et Israéliens. » (12)

2) La diabolisation permanente de l’Iran, entretenant un climat de suspicions et de tensions au potentiel foudroyant pour la région et le monde (13). Imposant à ce pays des sanctions unilatérales par les principaux membres de l’OTAN (USA & UE), contraires au droit international, au Traité de Non Prolifération Nucléaire autorisant le nucléaire civil à ses signataires, à la Charte et aux propres résolutions de l’ONU.

Avec le dessein à peine dissimulé de provoquer une « guerre préventive » d’anéantissement et de conquête similaire à celle d’Irak, d’Afghanistan et de Libye qui, dans ce cas, serait le prélude à une troisième guerre mondiale. Sous des prétextes aussi irrationnels que ridicules, tels que : « … l’opacité des intentions de Téhéran. » (14)

3) Le soutien, générateur de violentes révoltes à venir, aux pires dictatures sur tous les continents, dès lors que les dirigeants souscrivent à la prédation des ressources de leurs pays par les entreprises occidentales.

Notamment dans la péninsule arabique, les autocraties ultracorrompues, créations artificielles des occidentaux à la suite de la répartition des dépouilles de l’Empire Ottoman le lendemain de la première guerre mondiale : Arabie saoudite, pétromonarchies du Golfe. Comme on le constate, depuis plusieurs mois, dans le silence complice dissimulant l’impitoyable répression des révoltes populaires au Bahreïn. Sans oublier le régime férocement policier de la monarchie d’opérette, non pétrolière : la Jordanie.

4) La propagation de l’injustice sociale et économique, y compris dans les pays occidentaux, provoquant l’augmentation exponentielle du chômage et de la paupérisation.

Faim et misère dans des pays riches de leurs ressources pillées par les entreprises occidentales, comme en Afrique, agricoles (café, coton, cacao, thé, fruits et légumes primeurs), halieutiques (poissons du Golfe de Guinée ou des côtes de Mauritanie), minières (pétrole, uranium et métaux rares) ?

Impossibilité d’accès à l’eau potable, à l’éducation, à la santé, pour des centaines de millions de personnes ?…

Pour l’OTAN : aucune importance. Tout est pour le mieux, dans le meilleur des mondes…

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Violences policières au sommet de l’OTAN à Chicago

Bureaucratie de la gabegie 

En fait, le sommet de Chicago n’avait pas pour but de réévaluer principes et politiques de l’OTAN jusqu’en 2020, de réfléchir sur la fin de l’occupation de l’Afghanistan (15), sur l’évolution du présent siècle ou du monde de demain. Mais, de valider les hallucinations et les actions guerrières du bras armé d’un dogme colonial, mégalomaniaque et impérial, d’un autre siècle.

 Manlio Dinucci l’énonce avec clarté : « Ainsi l’Alliance se renouvelle-t-elle, en s’abreuvant à la source de sa jeunesse : la guerre. » (16)

Au-delà de la doctrine ou du catéchisme qu’elle véhicule, que dire de cette bureaucratie de la gabegie ? A part nos « responsables politiques », nos élus (tous partis confondus), et les médias de la propagande, tout le monde le sait, le reconnaît. A commencer par son pathétique secrétaire général, l’ancien responsable du gouvernement danois Anders Fogh Rasmussen : « … il faut couper la graisse et garder le muscle. Ainsi l’OTAN qui compte environ 13.000 hommes à son quartier-général dans les 11 postes de commandement, en comptera 9.000 à terme.  » (17)

Tour de Babel, aux empilements de ramifications et de strates, dans une bousculade de sous-traitants, « prestataires de sécurité », et officines annexes : « L’OTAN compte, en réalité, aujourd’hui près de 20.000 personnes. Car un certain nombre d’agences, plus ou moins indépendantes, ont été créées, et comptabilisent au compteur plus de 6.000 personnes. Soit la moitié de l’effectif cité par le secrétaire général. Ce qui est loin d’être négligeable ! » (18)

Millefeuille, aux débordements immaîtrisables : « Comme le « Budget civil de l’Otan » pour l’entretien du quartier général à Bruxelles et du staff civil : environ un demi milliard de dollars annuels, dont 80% sont payés par les alliés européens. Comme le « Budget militaire de l’Otan » pour l’entretien des quartiers généraux subordonnés et du personnel militaire international : presque 2 milliards annuels, payés à 75% par les Européens.  » (19)

Panier percé, aux tuyauteries alambiquées pour mieux servir les petits copains : «  Quant au budget global de fonctionnement de l’OTAN, il atteint la modique somme de 2 milliards de Dollars US. […] Les marchés que passent la NAMSA (NATO Maintenance & Supply Agency) assure un diplomate, « vont souvent pour une bonne partie […] à des firmes américaines ou canadiennes qui utilisent des entreprises sous nom belge, en couverture ». » (20)

Quant aux généreuses contributions de la France à cette dispendieuse usine de courants d’air, par centaines de millions d’euros annuels, nos pointilleux économistes médiatiques et journalistes d’investigation sont incapables, à ce jour, d’en définir, trouver, retranscrire, tracer, les montants précis. Encore moins, notre Cour des Comptes. Il est vrai que ces deniers publics n’ont pas pour destination la santé publique, les retraites ou l’éducation nationale…

D’autant que le propre budget militaire, de la défense, de la France, dans son élaboration, sa justification et sa gestion, se révèle encore plus « abracadabrantesque ».

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Malgré les violences policières la mobilisation populaire se poursuit

France : son budget militaire représente la moitié de celui de la

 Chine

En France, comme dans les autres pays membres de l’OTAN, impossible d’aborder une quelconque réflexion, analyse, mise en perspective, sur le budget de la défense nationale, sans déclencher fureurs et anathèmes.

L’OTAN considère, en effet, comme une catastrophe pour « la protection de la civilisation » l’insuffisance des dépenses d’armement des pays occidentaux. Fustigeant les 28 Etats membres, à la veille d’être considérés en « Etats voyous », pour leur négligence ou leur manque de courage. L’idéal étant de « faire aussi bien » que les Etats-Unis (21) : « Le principal obstacle à la transformation militaire est l’insuffisance des dépenses et des investissements de défense en Europe. Aujourd’hui, il n’y a que six Alliés européens sur vingt‑six qui consacrent 2% ou plus de leur PIB à la défense…  ».

« Un fossé particulièrement large s’est creusé entre les capacités des États-Unis et celles des autres pays de l’OTAN, et ce déséquilibre, s’il n’est pas corrigé, pourrait nuire à la cohésion de l’Alliance. »

La bureaucratie de l’Union Européenne, prenant le relais de cet alarmisme par la voix de Claude-France Arnould, directrice de l’Agence Européenne de la Défense, sur l’insuffisance des dépenses militaires dans l’Union Européenne, particulièrement en matière de recherche et technologie (R&T), lors du conseil des ministres de la Défense du jeudi 22 mars 2012 (22) : « Il est urgent de trouver des réponses et de limiter les conséquences des baisses de budget ». 

Dans le cas particulier de la France, même des publications se voulant « sérieuses », citons celles du « Laboratoire de Recherche sur la défense » de l’IFRI, sonnent frénétiquement le tocsin (23) : «  … chaque diminution de l’effort de défense en part du PIB ou en pourcentage du budget de l’Etat fragilise le modèle de défense français  ».

La France « fragilisée » ?… Ciel ! La peur me tenaille le ventre… Je n’en dors plus.

Je me suis donc rendu à Stockholm, pour sonner à la porte du très sérieux et incontesté « Stockholm International Peace Research Institute » (SIPRI) qui compile et analyse tous les budgets militaires de la planète. Pour mieux les comparer, il les convertit en US $ dans une base de données consultables sur internet.

D’après les derniers chiffres disponibles, le budget de la défense de la France atteint, pour 2011 : 58, 244 milliards de dollars (non compris celui de la gendarmerie). Ce qui représente environ la moitié de celui de la Chine !… Autre particularité : la Chine n’a pas encore de porte-avions, alors que nous en possédons un qui fait notre fierté : le Charles de Gaulle. Pas mal pour un pays comme la France qui, en termes de population et de territoire, représente l’équivalent d’une petite sous-préfecture chinoise.

J’ai retrouvé le sommeil.

D’autant que notre budget militaire est comparable, et même supérieur, à celui de nos principaux partenaires européens, Grande-Bretagne (≥ + 0,64 %) et Allemagne (≥ + 34 %) notamment, comme il ressort de la base de données SIPRI (24) :

Budgets de la défense 2011- en milliards de dollars

Allemagne 43, 478
Grande-Bretagne 57, 875
France 58, 244
Russie 64, 123
Chine 129, 272
France + GB + RFA 159, 597

Parmi nos voisins, et néanmoins amis, seul le budget militaire de la Russie dépasse celui de la France (≥ + 10,09 %). Quoi de plus compréhensible, toutefois, pour un pays aux immenses ressources naturelles convoitées, dont le territoire est 37 fois plus grand que le nôtre ?

L’examen de ces budgets est encore plus impressionnant, ou relaxant suivant les points de vue, en constatant que le cumul de ceux des trois premiers pays européens (France + GB + RFA), avec 160 milliards de dollars annuels, est supérieur de 23,45 % au budget militaire de la Chine. L’épouvantail permanent, dont on invoque le « surarmement », pour faire peur dans les chaumières, alors qu’il s’agit d’un pays de 1,5 milliards d’habitants, répartis sur une superficie de 9,6 millions de km².

En fait, le budget militaire annuel de la Chine ne dépasse pas 5 % du total des budgets militaires des 28 Etats membres de l’OTAN et de ses alliés de l’hémisphère sud. N’oublions pas, en effet, ceux des autres Etats, dits « occidentaux », aux budgets militaires fortement musclés, relativement à leur population et superficie : Australie (22, 955), Corée du sud (28, 280), Japon (54, 529), Nouvelle-Zélande (1, 566), Taïwan (8, 888), etc.

Les lobbies bellicistes ne lâchent pas prise, pour autant, exerçant toutes les pressions sur les gouvernements, campagnes de propagande forcenées dans les médias en renfort : il est nécessaire, prioritaire, de s’armer sans fin. Objectif : l’instauration progressive d’une « règle d’or ». Sous forme, d’un budget annuel de la défense, exprimé en un pourcentage du PIB garanti, similaire au minimum à celui des Etats-Unis.

Un dogme à inscrire, pourquoi pas, dans la Constitution de chaque Etat membre de l’OTAN. Je force à peine le trait, tellement les réactions politiciennes deviennent hystériques dès qu’on souhaite exercer un minimum d’esprit critique à l’égard de ces budgets mirifiques.

Immédiatement est dégainée la logique « avec nous ou contre nous », avec la question classique telle qu’elle est énoncée caricaturalement dans un rapport de la commission des finances du Sénat (Rapport général n°107, p 77) pour faire taire toutes remises en cause : « Pensez-vous que la France puisse se passer d’une défense, d’une armée, des moyens d’assurer sa sécurité extérieure ? »…

Evidemment : non. Il ne s’agit pas de verser dans l’utopie d’un désarmement unilatéral et immédiat.

En ce cas, est-on contraint de dire « amen », aux dérives et dérapages des budgets concernés ? Est-il interdit de réfléchir à la charge écrasante qu’ils représentent au détriment des besoins de la population, sans proposer priorités et arbitrages fondés sur le bon sens et l’intérêt collectif ? Quand on sait qu’en France, en 2010, le budget de la défense a représenté en France : « 69 % (9,5 milliards d’euros) de l’ensemble des dépenses d’investissement de l’Etat  »… (25) 

Ou, alors, faut-il considérer les budgets de la défense comme une « poule aux œufs d’or » (sous couvert d’une « règle d’or ») pour une poignée d’actionnaires privés, détenteurs des grands médias, ’faiseurs’ de politiciens, gouvernements et présidents de nos « démocraties » ?…

Est-on sommé, condamné, à faire l’impasse sur le contrôle des facteurs de coûts de revient des prestations et matériels facturés à l’Etat, à notre collectivité, et donc sur la formation, l’affectation ou la destination, des marges bénéficiaires plantureuses dégagées par ces industriels de l’armement ?… Qui sont tous, bizarrement, parmi les grands milliardaires de nos sociétés, même s’ils se font le plus discrets possibles.

Est-on interdit de se demander si une des premières mesures de diminution des coûts de l’armement, et de blocage des mécanismes de corruption, ne passe pas par l’urgente « nationalisation » de cette industrie ?… Les marges dégagées revenant à l’Etat actionnaire qui en déciderait de leur emploi, au lieu d’en alimenter les paradis fiscaux.

Tout le monde sait qu’une nationalisation des principaux industriels « privés », accompagnée d’un contrôle rigoureux de la maîtrise des coûts (par une Cour des Comptes spécialisée, réellement compétente et indépendante du pouvoir politique …), entraînerait dans un premier temps au minimum une économie de 33% sur les marges.

D’ailleurs, les marges fabuleuses des industriels privés trouvent déjà leur butoir… Avec des taux d’inflation exponentiel de 20 à 40 % par an, en particulier à partir du 4° trimestre 2011, comme il ressort d’une étude sur « l’inflation des prix industriels de la défense » à partir d’une base 100 en 2005 (26). Jusqu’où comptent-ils aller ?…

En prospective de simulation budgétaire militaire, existe une loi statistique dite « Loi Augustine » (formulée par Norman Augustine, ancien responsable du géant de l’armement Lockheed Martin) s’appliquant aux forces aériennes. Mais, valable pour tout système d’armement dit « technologiquement sophistiqué ». Sachant que le prix d’un avion tactique augmente 4 fois tous les dix ans, l’extrapolation livre la conclusion ubuesque qu’en 2054 : « … le budget de la défense entier [des USA] ne permettra d’acheter qu’un seul avion tactique ». (27) 

C’est aller droit dans le mur.

Faut-il considérer l’OTAN, l’idéologie du surarmement et du bellicisme que cette organisation représente, les masses de capitaux gaspillés, comme un « Trou Abyssal », éminemment toxique pour l’avenir, la sécurité, et le bien-être de nos sociétés ?…

Pour ma part, je serai plus nuancé…

Devant l’incapacité de nos élus, complices et irresponsables, à museler, maîtriser une organisation bureaucratique composée de technocrates, agissant comme une superpuissance, supérieure à l’ONU en tant qu’arbitre des relations internationales, au vu des ravages humains et destructions massives qu’elle accomplit, gère et prépare, je considère que nous sommes face au plus grand danger de l’humanité du XXI° siècle.

L’OTAN est une organisation moyenâgeuse, imposant des dogmes, mettant en œuvre une Inquisition, prononçant des « diabolisations » ou ’excommunications’ pour blasphèmes ou hérésies, dans des procès en sorcellerie fondés sur le « délit d’intention », dotée d’un système de propagande dont le niveau de délire et de désinformation se révèle, à présent, impossible à réguler par nos instances démocratiques de plus en plus réduites par la limitation incessante des libertés publiques.

Au-delà de la régression intellectuelle de cette « nouvelle religion », idéologie militariste fondée sur le fanatisme colonial, par les désolations et carnages humains qu’elle provoque, et planifie de provoquer, en chiffres cumulés, nous retrouvons l’équivalent des millions de morts et immenses dévastations que l’Humanité a connus au 14° siècle dans de multiples pays, en Europe, au Moyen-Orient et en Asie, sous l’effet de la Peste Noire.

Oui. L’OTAN représente la « Peste Noire » du XXI° siècle.

Georges STANECHY

(1) Célèbres paroles du responsable de l’armée française, la veille de sa déroute face à la Prusse, en 1870… Il se rendit aux Prussiens à Metz, et fut emmené comme prisonnier de guerre en Prusse.

(2) Ludo De Brabander, NATO in Crisis, 18 mai 2012, http://truth-out.org/news/item/9228-nato-in-crisis

(3) Over 1,000 join 2nd day of anti-NATO protests in Chicago (photos, video), 20 mai 2012, http://rt.com/usa/news/chicago-protests-nato-summit-689/

(4) La veille du sommet, le 18 mai 2012, une imposante manifestation a été organisée par le Syndicat National du Personnel de Santé (National Nurses United), pour protester contre la diminution de leurs retraites, réclamant une taxe « Robin des Bois » (Robin Hood) sur les transactions financières et dénonçant les gaspillages de l’argent public dans les guerres organisées par l’OTAN, http://rt.com/usa/news/chicago-nato-summit-nurses-655/

(5) Chris Hellman & Mattea Kramer, “Spend, spend, spend”, Asia Times, 24 mai 2012, http://www.atimes.com/atimes/Global_Economy/NE24Dj04.html 

(6) Exemple dans la photo n° 2 (Reuters / Alex Domanski) de l’article : Blockupy Frankfurt : Thousands wrap up four-day protests (video, photos), 19 mai 2012, http://www.rt.com/news/occupy-frankfurt-rally-675/

(7) Rapport : “OTAN 2020 : Une sécurité assurée ; Un engagement dynamique – Analyse et Recommandations du groupe d’experts pour un nouveau concept stratégique de l’OTAN”, 17 mai 2012, http://ancien.operationspaix.net/IMG/pdf/OTAN_-_Une_securite_assuree_un_engagement_dynamique_-_Analyse_et_recommandations_du_groupe_d_experts_pour_un_nouveau_concept_strategique_de_l_OTAN_mai_2010_.pdf

(8) Rapport “OTAN 2020”, Op. Cit., p. 49.

(9) Rapport “OTAN 2020”, Op. Cit., p. 15.

(10) “Afghanistan-drogue : la production multipliée par 40 depuis l’arrivée de l’OTAN”, RIA Novosti, 28 janvier 2012, http://fr.rian.ru/world/20100128/185952806.html

(11) Rapport “OTAN 2020”, Op. Cit., p. 15 – 19.

(12) Rapport “OTAN 2020”, Op. Cit., p. 18.

(13) Rions un peu : en France, un des plus exaltés dans ces postures inquisitoriales (à part les membres de nos gouvernements successifs) est l’ancien premier conseiller à l’ambassade de France à Tel-Aviv (2000-2004), Michel Miraillet. Il est, depuis le 24 août 2007 : « Directeur chargé des affaires stratégiques », au Ministère de la Défense !…

(14) Rapport “OTAN 2020”, Op. Cit., p. 18.

(15) Gareth Porter, “Afghanistan War – Excuse for NATO to maintain existence”, entretien du 27 mai 2012, Press TV, http://www.presstv.ir/detail/2012/05/27/243293/afghan-war-excuse-for-nato-to-exist/

(16) Manlio Dinucci, “L’éternelle jeunesse de l’Otan - L’art de la guerre”, (Il Manifesto), 24 mai 2012, http://www.legrandsoir.info/l-eternelle-jeunesse-de-l-otan-il-manifesto.html

(17) Nicolas Gros-Verheyde, “OTAN- Objectif : Dégraisser le mammouth…”, 14 octobre 2010, http://www.bruxelles2.eu/defense-ue/defense-ue-droit-doctrine-politique/otan-on-va-degraisser-le-mammouth.html

(18) Nicolas Gros-Verheyde, Op. Cit.

(19) Tommaso Di Francesco, Manlio Dinucci, “Combien nous coûte l’Otan de la « défense intelligente » - Sommet de Chicago”, (Il Manifesto), 22 mai 2012, http://www.legrandsoir.info/combien-nous-coute-l-otan-de-la-defense-intelligente-il-manifesto.html#reactions

(20) Nicolas Gros-Verheyde, Op. Cit.

(21) Rapport “OTAN 2020”, Op. Cit., p. 40.

(22) Nicolas Gros-Verheyde, “Budget militaire R&T : la cote d’alerte est atteinte”, 22 mars 2012, http://www.bruxelles2.eu/defense-ue/capacites-milit-%E2%80%93-exercices-ue/budget-militaire-rt-la-cote-dalerte-est-atteinte.html

(23) Martial Foucault, “Les budgets de défense en France entre déni et déclin”, Focus stratégique n° 36, IFRI – Laboratoire de Recherche sur la Défense, Avril 2012, p. 14.

(24) Stockholm International Peace Research Institute, SIPRI, Military Expenditure 2011, http://milexdata.sipri.org/result.php4

(25) Martial Foucault, IFRI, Op. Cit., p. 20.

(26) Martial Foucault, IFRI, Op. Cit., Fig. 4 – Inflation des prix industriels de défense – base 100 – année 2005, p. 17.

(27) Martial Foucault, IFRI, Op. Cit., p. 19.

Publié dans:REFLEXIONS PERSONNELLES |on 4 juin, 2012 |Pas de commentaires »

POURQUOI ENCORE L’OTAN…21 ANS APRES LA FIN DU « PERIL ROUGE » ?

21 ans après la fin du « péril rouge »

 pourquoi encore l’Otan ?

(Roland Marounek)

POURQUOI ENCORE L'OTAN...21 ANS APRES LA FIN DU

 Beaucoup estiment que l’Otan aurait logiquement dû disparaître lors de la dissolution du Pacte de Varsovie. Le fait qu’il n’en a rien été, et qu’au contraire un rôle plus ouvertement agressif lui a été confié (agression de la Yougoslavie, déploiement hors zone, soutien direct à la ‘guerre à la Terreur’), devrait plutôt amener à se questionner sur la validité même des justifications de son existence avant 1991. De fait ces 40 premières années sont rarement mises en question, la menace que représentait le Pacte de Varsovie étant en quelque sorte passivement admise comme fait acquis.

OTAN_en_AFgh49aa-f5066 GUERRE dans REFLEXIONS PERSONNELLES

Article paru en 2009

La création de l’Alliance Atlantique,

 en contradiction avec la Charte

des Nations Unies

Beaucoup estiment que l’Otan aurait logiquement dû disparaître lors de la dissolution du Pacte de Varsovie. Le fait qu’il n’en a rien été, et qu’au contraire un rôle plus ouvertement agressif lui a été confié (agression de la Yougoslavie, déploiement hors zone, soutien direct à la ‘guerre à la Terreur’), devrait plutôt amener à se questionner sur la validité même des justifications de son existence avant 1991. De fait ces 40 premières années sont rarement mises en question, la menace que représentait le Pacte de Varsovie étant en quelque sorte passivement admise comme fait acquis.

Ainsi dans son récent document consacré à l’Otan1, la CNAPD pose la question de la légitimité, aujourd’hui, de l’Alliance Atlantique en ces termes : « L’existence même d’une alliance comme l’Otan aujourd’hui ne sape-t-elle pas la tentative d’un ordre mondial réellement multilatéral sous égide de l’ONU ? ». En fait c’est dès sa création en 1949 que l’existence de l’Otan sapait cet ordre multilatéral onusien.

Un premier élément qui est généralement oublié, est que le dit Pacte de Varsovie a été créé plus de cinq ans après l’Otan, le 14 mai 1955 ; ce seul fait donne un éclairage singulier à l’argument usuel, selon lequel l’Otan était une réaction face à la menace du Pacte de Varsovie. De façon factuelle, la situation est juste inverse : le Pacte de Varsovie est une réaction à l’intégration dans l’Otan de l’Allemagne de l’Ouest ; la perspective du réarmement de ce pays à l’origine de la seconde guerre mondiale, au sein d’une alliance qui reprenait exactement le discours fasciste sur le péril communiste, était, de fait, une menace réelle.

La Charte des Nations-Unies, ratifiée en novembre 1945, énonce de façon précise les obligations qui incombent aux Nations membres pour écarter la guerre, et explicite en particulier l’obligation qu’ils ont d’unir les forces pour maintenir la paix et de prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix. Le Nations-Unies ont pour but de « .…réaliser, par des moyens pacifiques (…) le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ; développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes…  »

Quel pouvait bien être le sens d’une alliance militaire isolant 12 pays si l’ensemble des pays sont sincèrement résolus à unir leurs forces pour maintenir la paix ?

Moins de trois ans après la signature de la Charte des Nations-Unies, les principaux empires coloniaux (France, Grande-Bretagne, Pays-Bas) plus la Belgique et le Luxembourg concluaient le Pacte de Bruxelles, qui allait être le noyau de l’Otan un an plus tard. La création d’un pacte militaire entre quelques superpuissances vidait de leur sens les principes et obligations exprimés dans la Charte. La prétendue nécessité de se protéger (et avec les armes offensives que l’on sait) dans un club de pays surarmés, revenait à affirmer que ces principes étaient pour eux lettre morte.

1948 : Qui devait avoir peur de qui ?

« Savez-vous quelle est la base de notre politique ? C’est la peur. La peur de vous, la peur de votre Gouvernement, la peur de votre politique. »

En septembre 1948, Paul-Henri Spaak lance à la tribune des Nations Unies son fameux discours « nous avons peur », considéré en quelque sorte comme l’acte de foi justifiant la création de l’Otan un an plus tard. Le chef de la diplomatie belge défendait en fait le Pacte de Bruxelles conclu quelques mois plus tôt.

Dans son discours, Spaak fait inévitablement référence aux idéaux du Monde libre, aux valeurs de la civilisation occidentale et démocratique face au totalitarisme. Il est frappant de constater que, en substituant ‘terrorisme’ à ‘totalitarisme’, ce discours n’a pas trop vieilli …

En 1948, les USA étaient encore les seuls détenteurs de l’arme atomique ; ils venaient de commettre les crimes de Hiroshima et Nagasaki, et ceux de Dresde notamment, non pas pour soumettre des nations déjà sur la voie de la capitulation, mais en réalité à l’adresse directe de l’Union Soviétique : littéralement, des actes de terreur. En Corée, ils avaient remplacé l’occupant japonais ; ils allaient bientôt y mener la guerre atroce que l’on sait. L’Empire Hollandais perpétuait ses massacres en Indonésie dans sa tentative désespérée de repousser l’indépendance. La France menait depuis 1946 sa guerre contre les nationalistes en Indochine, qui devait durer jusqu’en 1954. La « pacification » à Madagascar avait fait 89 000 morts en 1947… On pourrait continuer ainsi longuement. En ce qui concerne la Belgique, les Congolais devaient également avoir une vision assez particulière des idéaux du monde libre. Dans le même ordre d’idée, il est intéressant de rappeler que le Portugal de Salazar faisait partie des membres fondateurs de cette ‘union du Monde Libre’, qui avaient tellement peur.

« Ce régime [la démocratie libérale occidentale] a d’immenses avantages : (…) Il répudie l’emploi de la force et l’emploi de la violence. Il fait confiance au bon sens et à la sagesse de l’homme » (extrait du discours de Spaak). Il n’est pas certain que le reste du monde ait la mémoire aussi courte.
Défense de la liberté ? Démocratie ? Quelle tartufferie évidente, avec le recul, pour ces Empires coloniaux occupés à tenter de préserver leurs intérêts dans le sang. Et aujourd’hui ces mêmes puissances justifient souvent leur alliance militaire par la nécessité de faire respecter les droits de l’homme dans les pays qui avaient déjà si bien bénéficié de leur sollicitude dans le passé.

La Colonie avait été un élément indispensable à la prospérité de l’Europe occidentale. Et, quoi que l’on pense du ‘régime communiste’, l’Union Soviétique a été indéniablement (et dès sa création) non seulement un des plus actifs défenseurs de l’émancipation des peuples, et un acteur essentiel de la lutte anti-coloniale, mais aussi pour des millions de personnes à travers tout le Tiers Monde, un exemple concret d’un pays sortant du sous-développement en quelques décennies, et par ses propres moyens.
De ce point de vue, il y avait effectivement de quoi être effrayé.

Nos valeurs, – et nos ressources.

«  Nous avons à peu près 60 % de la richesse du monde mais seulement 6,3 % de sa population. Dans cette situation, nous ne pouvons éviter d’être un objet d’envie et de ressentiment. Notre véritable tâche dans la période qui vient est d’imaginer un système de relations qui nous assure de maintenir cette disparité. »
George Kennan, ex-responsable de la planification politique du département d’Etat US, février 1948

« Il est indispensable que l’OTAN définisse ce qu’elle peut apporter de plus au niveau de la protection des infrastructures essentielles ou de la sécurisation des goulets d’étranglement par lesquels passent les flux d’approvisionnement. Je pense d’ailleurs que l’OTAN a d’ores et déjà des moyens qui peuvent apporter une contribution majeure dans ce domaine.  »
Jaap de Hoop Scheffer, mars 2009

La désintégration du camp soviétique en 1991 a permis une politique de reconquête du monde de nature coloniale. La première guerre du Golfe a marqué le coup d’envoi. Les multinationales occidentales ont bien digéré l’Europe de l’Est, et les récalcitrants tels la Yougoslavie, ont été mis au pas comme il fallait.
La présence de l’Otan en Asie Centrale, et son ambition de plus en plus affichée de se projeter au besoin partout dans le monde pour sécuriser les sources d’approvisionnement, sont la continuation d’une même vieille politique.

La perte d’un épouvantail a nécessité la confection d’un autre ; le ‘terrorisme’ semble être un excellent choix, qui n’a pas à craindre de disparition prématurée.

L’Otan n’a pas disparu en 1991 : sa raison d’être aujourd’hui, est la même qu’en 1949.

 

 

Source : Comité de Surveillance Otan (2009)

 

1. « L’Otan, du bouclier à l’épée », Coordination Nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie (CNAPD), www.cnapd.be/uploads/pdf/200901/brochure%20plaidoyer%20OTAN.pdf

 

Publié dans:REFLEXIONS PERSONNELLES |on 29 mai, 2012 |Pas de commentaires »

VIETNAM: IN MEMORIAM…

In memoriam

VIETNAM: IN MEMORIAM... dans REFLEXIONS PERSONNELLES VIETNAM

Jean BRICMONT
Cette année nous ne commémorerons pas le 50ème anniversaire d’un événement qui n’existe pas, du moins dans la conscience collective de l’Occident, ce que Noam Chomsky appelle l’invasion américaine du Sud Vietnam [1]. Pourtant c’est bien en 1962 que les États-Unis ont commencé à bombarder le Sud Vietnam pour tenter de sauver un gouvernement sud-vietnamien installé par eux après la défaite de Diên Biên Phù et les accords de Genève de 1954, qui avaient mis fin à la partie française de la guerre. Le président américain Eisenhower avait refusé à cette époque que soient organisées les élections prévues dans ces accords, élections qui devaient mener à la réunification du Sud et du Nord du pays, pensant que Ho Chi Minh les gagnerait. En 1962, ce gouvernement sud-vietnamien était devenu totalement impopulaire et risquait de s’effondrer face à une insurrection interne.

Ce qu’on appelle dans l’histoire officielle « la guerre du Vietnam » n’a commencé qu’en 1964-1965, avec l’incident du Golfe du Tonkin et le début des bombardements sur le Nord Vietnam. Mais faire commencer la guerre à cette date permet d’entretenir le mythe américain d’une « défense » du Sud Vietnam par rapport au Nord, et de faire l’impasse sur le refus des élections après 1954, et l’envoi de l’US Air Force bombarder le sud à partir de 1962.

L’expression « invasion américaine du Sud Vietnam » est calquée sur celle d’invasion de l’Afghanistan par l’Union soviétique en 1979, celle-ci étant, de façon analogue, intervenue pour sauver un gouvernement afghan qu’elle avait contribué à mettre en place. La comparaison est injuste pour l’URSS (pays limitrophe de l’Afghanistan et non pas éloigné de milliers de kilomètres, comme l’était le Vietnam pour les États-Unis), mais, même ainsi, l’expression « invasion américaine du Sud Vietnam » est impensable, inaudible dans notre société, y compris, la plupart du temps, dans les mouvements pacifistes.

images-9813f CAPITALISME dans REFLEXIONS PERSONNELLES

Pourtant cette intervention en 1962 est bien à l’origine d’une des plus grandes tragédies du 20ème siècle et la pire d’après 1945, trois pays dévastés pour des décennies (Vietnam, Cambodge, Laos) et des millions de morts- même si personne ne sait au juste combien. Les Américains appliquaient, en matière de body count, la mere gook rule (la règle des simples bougnoules) : si c’est mort et si c’est jaune, c’est un Vietcong, c’est-à-dire un guérillero communiste. Cette façon de compter avait l’avantage de minimiser le nombre de morts civils.

À l’égard des Vietnamiens, il n’y a aucun devoir de mémoire. Aucune loi n’interdit le révisionnisme massif qui règne dans notre culture par rapport à ce non-événement. On ne construit pas de musées et on n’élève pas de statues pour les morts et les blessés de ce conflit. On ne crée de chaires universitaires pour étudier cette tragédie. Des gens qui ont participé à ces massacres ou qui en font régulièrement l’apologie sont reçus dans toutes les chancelleries du monde sans qu’aucune accusation de « complicité » ou de « complaisance » ne soit lancée.

Aucune « leçon de l’histoire » n’est tirée de la guerre du Vietnam. Les leçons de l’histoire vont toujours dans le même sens : Munich, Munich, Munich. La faiblesse des démocraties face au totalitarisme et allons-y, la fleur au fusil, ou plutôt, envoyons bombardiers et drones contre les pays dirigés par les « nouveaux Hitler » arrêter un « nouvel holocauste », la Yougoslavie, l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, la Syrie ou l’Iran demain. Même d’un point de vue historique, le récit sur Munich est faux, mais laissons cela de côté. L’astuce de « Munich », c’est de permettre à la gauche et à l’extrême-gauche de se rallier à la bannière étoilée au nom de l’anti-fascisme.

Pire, les tragédies qui ont accompagné la fin de cette guerre de trente ans (1945-1975), les boat people et les Khmers rouges, ont immédiatement été utilisées en Occident, surtout par des « intellectuels de gauche », pour donner naissance et justifier la politique d’ingérence, alors que c’est précisément l’ingérence constante des États-Unis dans les affaires intérieures du Vietnam qui était la source de ces tragédies.

saigon_helicopter-c5394 COMMUNISME

Si des « leçons de l’histoire » devaient être tirées de la guerre du Vietnam, elles iraient toutes dans le « mauvais » sens, celui de la paix, du désarmement, d’un effort de modestie en Occident par rapport à la Russie, la Chine, Cuba, l’Iran, la Syrie ou le Venezuela. L’exact opposé des « leçons » tirées de Munich et de l’holocauste.

Les Vietnamiens n’étaient pas victimes de « domination symbolique » ou de « haine », mais de bombardements massifs. Il ne se voyaient d’ailleurs pas comme des victimes, mais comme les acteurs de leur propre destin. Ils étaient dirigés par l’un des plus grands génies politiques de tous les temps, Ho Chi Minh, accompagné d’un génie militaire, Giap. Ils ne se battaient pas pour la démocratie, mais pour l’indépendance nationale, notion périmée dans notre monde « globalisé ». Et ce combat, ils l’ont mené contre des démocraties, la France et les États-Unis.

Pourtant, les Vietnamiens ne haïssaient pas nos « valeurs » (mot à vrai dire inusité à l’époque), ni l’Occident, ni la science, ni la rationalité, ni la modernité ; ils voulaient simplement en partager les fruits. Ils n’étaient pas particulièrement religieux et ne raisonnaient pas en terme d’identité, mais de classe. Ils faisaient sans arrêt la distinction entre le peuple américain et ses dirigeants. Cette distinction était peut-être simpliste, mais elle a permis de séparer en Amérique même les dirigeants d’une partie de leur population.

Les Vietnamiens n’ont reçu aucune réparation pour les souffrances qui leur ont été infligées. Aucune excuse ne leur a jamais été faite. Ils n’en ont d’ailleurs jamais demandé : leur victoire leur suffisait. Ils n’ont pas exigé qu’une cour pénale internationale juge leurs agresseurs. Ils ont tout juste demandé que les « blessures de la guerres soient soignées », ce qui, bien sûr, leur a été refusé avec mépris. Comme disait le président américain Carter, futur prix Nobel de la paix, « les destructions furent mutuelles ». En effet : environs 50.000 morts d’un côté, plusieurs millions de l’autre.

Ils sont passés d’une forme de socialisme à une forme de capitalisme, causant ainsi des révisions déchirantes chez certains de leurs supporters occidentaux ; mais en Asie, capitalisme et communisme sont des pseudonymes. Les véritables noms sont : indépendance nationale, développement, rattrapage (et bientôt dépassement) de l’Occident.

On leur a reproché de vouloir rééduquer leurs ennemis capturés, ces aviateurs venus de loin bombarder une population dont ils pensaient qu’elle était sans défense. C’était peut-être naïf, mais était-ce pire que de les assassiner sans jugement ou de les enfermer à Guantanamo ?

Ils faisaient face à une barbarie sans nom mais, quels que soient les problèmes, ils demandaient toujours qu’on y trouve une solution politique et négociée, mots que nos défenseurs actuels des droits de l’homme ne peuvent pas entendre.

Leur combat a été important dans le principal mouvement d’émancipation du 20ème siècle, la décolonisation. Il a aussi été une sorte de mission civilisatrice à l’envers, en faisant prendre conscience à une partie de la jeunesse occidentale de l’extraordinaire violence de nos démocraties dans leurs rapports avec le reste du monde. En se battant pour leur indépendance nationale, les Vietnamiens ont combattu pour l’humanité entière.

Après 1968, cette prise de conscience a peu à peu disparu, dissoute dans l’idéologie des droits de l’homme, dans le subjectivisme et le postmodernisme, et dans l’incessant conflit des identités.

A l’heure où notre politique d’ingérence se trouve dans l’impasse, et où on bat le tambour contre l’Iran et la Syrie, il serait peut-être utile de se souvenir de cette décision fatidique de 1962, mélange d’arrogance impériale et de croyance en la toute-puissance de la technologie, et qui devait plonger le Sud-Est de l’Asie dans l’horreur. Peut-on aussi dire, face aux guerres non défensives, « plus jamais cela » ?

Jean Bricmont

Publié dans:REFLEXIONS PERSONNELLES |on 28 mai, 2012 |Pas de commentaires »
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