POURQUOI MELENCHON SE DEFILE (François BAZIN / http://tempsreel.nouvelobs.com)

Pourquoi Mélenchon se défile

POURQUOI MELENCHON SE DEFILE (François BAZIN / http://tempsreel.nouvelobs.com) dans REFLEXIONS PERSONNELLES aaaaaaaaa6

(François BAZIN)

Il dit être candidat à Matignon. Mais pour que cette ambition soit un tant soit peu crédible, le leader du Front de Gauche devrait exiger la dissolution de l’Assemblée Nationale.

Jean-Luc Mélenchon, qui est parfois un brin vantard, estime que la manifestation qu’il a suscité, dimanche 5 mai 2013, entre la Bastille et la Nation, a un caractère inédit dans l’histoire de la gauche, au moins sous la Cinquième République. Le leader du Front de Gauche a la mémoire qui flanche. Ce n’est pas la première fois, loin s’en faut, qu’une faction du mouvement progressiste dénonce, dans la rue, ceux qui sont censés le représenter, au gouvernement. Mélenchon n’est pas un perdreau de l’année. On a du mal à imaginer qu’il puisse oublier, par exemple, cette grand marche sur Paris des sidérurgistes en colère qui, au printemps 1984, avait été accompagnée par Georges Marchais et l’ensemble de la direction communiste. A cette époque, il y avait pourtant, pour quelques mois encore, des ministres PC au sein du gouvernement Mauroy. Les manifestants avaient alors défilé aux cris de « Mitterrand trahison ». En matière de provocation, Mélenchon a encore beaucoup de progrès à faire.

Pour mesurer la portée réelle de la manifestation du dimanche 5 mai 2013, il faut donc regarder ailleurs que dans le rétroviseur ô combien imprécis de l’histoire politique la plus récente. Cette marche, à défaut d’être triomphale, en dit long à la fois sur le projet réel de ce qu’on appelle parfois « la gauche de la gauche » et sur les contradictions qui l’animent. Plusieurs points méritent d’être particulièrement soulignés.

Un dimanche à la campagne

Le premier porte sur la date de cette démonstration de force. En choisissant le 5 mai, Mélenchon a voulu fêter à sa manière le premier anniversaire de l’élection de Hollande. Au premier, la rue, et au second, les palais de la République. A l’un la légalité, à l’autre une forme de légitimité. Il y a belle lurette que Mélenchon se présente comme un des artisans de la défaite de Sarkozy et de l’alternance du 6 mai 2012. Il rappelle aujourd’hui ses titres de copropriété. C’est de bonne guerre, mais l’essentiel n’est pas là. Le choix du 5 mai était surtout une manière de prolonger, sur le plan politique, le traditionnel rendez-vous syndical du 1er mai. Durant toute sa campagne présidentielle, Mélenchon a voulu s’appuyer sur les cadres intermédiaires de la CGT. Par formation militante, il continue à penser que le mouvement des masses ne peut trouver son véritable projet sans l’action d’une avant-garde éclairée. Ce faisant, il heurte toute une tradition du mouvement ouvrier, en France. Il renvoie du même coup la centrale de Montreuil a un passé avec lequel elle a rompue – non sans mal ! – durant ces vingt dernières années.

Mélenchon rêve de restauration. C’est son droit et son risque. Les propos grinçants des principaux responsables syndicaux devant cette tentative d’instrumentalisation de leurs combats le soulignent à l’évidence. On notera au passage que pour faire la démonstration qu’il y avait « un moment Mélenchon » entre la célébration du 1er mai et l’anniversaire du 6 mai, le Front de Gauche a été conduit à choisir une date peu propice aux mobilisations d’envergure. Cela s’est vu au nombre des manifestants qu’avec un bel optimisme, les organisateurs ont évalué à près de 200.000. Un dimanche, en plein milieu d’un pont de mai et au cœur des vacances scolaires, les salariés à statut de la fonction publique qui constituent le cœur du mélenchonisme réel sont plus souvent à la campagne qu’en campagne. Ceci explique aussi cela !

Eva Joly, écolo électron libre

Le second enseignement du défilé Mélenchon est de nature plus politique encore.

Le Front de Gauche est un rassemblement. Son projet tient tout entier dans une tentative de dépassement des organisations traditionnelles qui le constituent. Il y a là une tension qui est inhérente à sa courte histoire et qui rythme, de manière récurrente, les relations compliquées entre le PC et le petit parti de Mélenchon. Dimanche 5 mai 2013, ce dernier voulait franchir une nouvelle étape en élargissant le périmètre habituel de ses mobilisations. La présence d’Eva Joly, à la tête du défilé, était un signe qui devait avoir valeur de démonstration. L’ancienne candidate écolo à la présidentielle n’est plus qu’un électron libre chez les Verts. Mais sa présence, médiatisée à souhait, a été utilisée comme la preuve que ce Front-là était vraiment ce qu’il prétendait être. Du coup, on a souvent oublié que l’opération espérée par Mélenchon n’aurait été complète que si des responsables attitrés du PS avaient accepté, eux aussi, de sauter le pas. Tel n’a pas été le cas. Pour que la dynamique annoncée soit au rendez-vous, il aurait fallu qu’au côté d’Eva Joly, on ait pu noter la présence dans la rue, par exemple, de la sénatrice socialiste de Paris, Marie Noêlle Lienemann, vieille complice de Mélenchon du temps de leurs aventures communes dans l’Essonne.

Le parti « solférinien »

Toute la difficulté du projet caressé par le leader du Font de Gauche est ainsi résumée. Il est aujourd’hui en mesure de rallier, ponctuellement, des personnalités, souvent marginales au sein de leurs formations respectives. Mais il reste incapable de mordre au cœur du dispositif de la gauche institutionnelle. Pour disqualifier le PS comme parti de gauche, Mélenchon a pris l’habitude de le qualifier de « solférinien ». Mais au-delà des mots, la réalité demeure et cela d’autant plus que le Front de Gauche ne parvient toujours pas à séduire l’aile gauche du PS. A force d’insulter ses représentants dès qu’il en a l’occasion ou de rejeter le PS en bloc dans les ténèbres extérieures, Mélenchon s’enferme ainsi dans une logique sectaire d’autant plus étonnante qu’elle ne correspond en rien avec son projet initial qui était de casser le parti de Hollande. Dans les faits, il contribue aujourd’hui à le ressouder. Pis, il l’aide à masquer des tensions internes dont on a vérifié la force lors du récent débat sur l’Europe et l’Allemagne. Les absents du 5 mai 2013 disent, à leur façon, l’écart béant qui existe entre une gauche telle que la rêve Mélenchon, c’est-à-dire une gauche rendue à ses fondamentaux, et la majorité qui domine encore, vaille que vaille, les Assemblées parlementaires.

Oublié le « coup de balai »

Tout cela n’intervient pas par hasard. Le discours tenu par Mélenchon, on l’a encore constaté dimanche, est à ce point imprécis qu’il fait tanguer les plus solides de ses partisans. La thématique du « coup de balai », un moment agitée, a été oubliée par les animateurs de la manifestation tant elle attentait à leur bonne vieille culture républicaine. Pourtant, dans la rue, nombreux étaient les manifestants qui étaient venus avec cet ustensile de ménage politique. On peut imaginer qu’en l’occurrence, Mélenchon ait voulu jouer sur les deux tableaux à la fois. Sauf que ce double langage est surtout la marque d’une contradiction mal assumée. D’un côté, Mélenchon joue le peuple en réveillant une tradition « sans culotte » qui plonge très profond dans l’histoire de la gauche française. Dans le même temps, il se dit disponible pour diriger un gouvernement enfin digne d’une véritable ambition progressiste. Entre l’appel au peuple pour qu’il bouscule les cadres vermoulus de la politique et l’appel à la raison lancé au président Hollande, bien malin qui peut trouver une cohérence. D’autant que pour habiller son discours, Mélenchon a réveillé un discours qui était, il y a peu, celui de Montebourg en se faisant notamment le héraut d’une Sixième République.

Une posture plébiscitaire

Cette République nouvelle, telle qu’une partie de la gauche l’a longtemps défendue, est au premier chef une République parlementaire qui sache rompre avec la logique monarchique des institutions, voulue par le général de Gaulle. Or il est assez comique que Mélenchon s’en prévale aujourd’hui alors même que son propre parti ne dispose d’aucune représentation spécifique, tant à l’Assemblée qu’au Sénat.

En bonne logique, c’est ce brave Pierre Laurent, secrétaire national du PC, qui devrait être le candidat auto-proclamée du Front de Gauche pour remplacer Ayrault. Tout cela, à l’évidence, ne tient pas la route. Mélenchon, pour faire bouger les lignes, continue à s’appuyer sur son score de la présidentielle, en oubliant qu’il a été sèchement battu aux législatives à Hénin-Beaumont et que cette défaite le poursuivra jusqu’à la fin du mandat de Hollande. Au sein même du camp progressiste, il adopte une posture plébiscitaire qu’il réfute pour l’ensemble du système politique. On dira qu’il entend aujourd’hui renverser la table pour la remettre demain à l’endroit. Cela n’empêche pas que sa stratégie soit du même coup assez peu lisible, tant elle mélange des logiques contradictoires.

Un discours schizophrène

S’il était logique avec lui-même, Mélenchon devrait en fait défendre une autre voie qui réconcilie, un tant soit peu, ces difficultés. Plutôt que de plaider pour un déplacement de l’axe interne de la majorité dont chacun voit bien qu’il est impossible tant que les élus hollandais domineront le groupe socialiste, il ferait mieux d’en appeler à la constitution d’une majorité nouvelle. Ce qui passe d’abord par une dissolution de l’actuelle Assemblée Nationale. Si le leader du Front de Gauche voit juste, alors immanquablement se dessinera dans les urnes cette force parlementaire capable de le propulser jusqu’à Matignon. Or on peut parier d’avance que jamais Mélenchon ne s’avancera sur ce terrain risqué et qu’il en restera longtemps à ce discours un brin schizophrène – à moins qu’il ne soit tout simplement politicard – qui consiste à faire bouillonner la rue pour faire croire à la possibilité d’un coup de force parlementaire. Rien en effet dans les sondages, rien surtout dans les récentes élections partielles, ne vient montrer une quelconque dynamique du Front de Gauche, capable d’enrayer le mouvement de radicalisation, à droite, de l’opinion française.

Pour faire croire que son Front n’est pas un simple parti protestataire, Mélenchon en est réduit à faire appel à un peuple dont il ne précise jamais les contours, pour éviter les électeurs, dont il devine les véritables aspirations. Il défile. On pourrait aussi dire qu’il se défile.

François BAZIN

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Publié dans : REFLEXIONS PERSONNELLES |le 14 mai, 2013 |Pas de Commentaires »

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