DES ECOLES DE L’INEGALITE (Le Canard Enchaîné du mercredi 10 avril 2013)
Des écoles de l’inégalité
(Le Canard Enchaîné du mercredi 10 avril 2013)
L’ascenseur social fonctionne encore:
Les enfants des classes populaires montent.
Bonne nouvelle ?
Pas tant que cela, puisque ceux des classes favorisées grimpent aussi, et plus vite encore.
C’est-un peu simplifiée- la thèse du sociologue Camille PEUGNY, enseignant à l’Université Paris-VIII, dans « Le destin au berceau » (Edition du Seuil).
Ainsi, la part des enfants d’ouvriers devenant eux-mêmes ouvriers ou employés à certes baissé au cours de ces années, mais celle des rejetons de cadres supérieurs imitant papa-maman a augmenté dans des proportions identiques.
Le monde scolaire offre un tableau plutôt noir. Entre 1984 et 2009, la part des enfants d’ouvriers diplômés de l’enseignement supérieur a augmenté de 18 points, de 6 à 24%.
Mais, chez les fils et filles de cadres sup, le bond est de 24 points, et, dans les professions intermédiaires, de 32 points !
Surtout, les classes favorisées investissent des branches (droit, médecine, classes préparatoires) plus payantes que les filières courtes (de type IUT), occupées en majorité par les étudiants de milieu modeste.
Cet écart est d’autant plus lourd de conséquences que le poids des diplômes n’a jamais été aussi important dans la société française. Les jeunes possédant au plus le brevet des collèges sont frappés à 44% par le chômage dans les années qui suivent leur sortie de l’école. Un taux limité à 11% pour les diplômés du supérieur.
Ce fossé pourrait être en partie comblé, à l’issue des études, par un système de formation continue. Mais, contrairement à ce qui se passe dans des pays comme l’Allemagne ou le Danemark, les cadres tricolores sont deux fois plus nombreux à accéder à ce rattrapage que les ouvriers et les employés !
La conclusion est tirée par l’OCDE, l’organisation des Etats les plus riches; la France est devenue le pays où l’origine sociale pèse le plus dans les résultats scolaires et, donc, dans les « destins » individuels.
Pourquoi cette évolution ?
La crise aidant, le modèle français-ultra-élitiste-des grandes écoles et des cursus d’excellence est, de plus en plus, un refuge pour ceux qui ont les moyens et connaissent les stratégies pour y placer leurs enfants.
L’Hexagone, souligne le sociologue, se préoccupe davantage des 70 000 inscrits en classes préparatoires que des 700 000 élèves des lycées professionnels, auxquels il consacre beaucoup moins de moyens.
Tandis que ses dépenses pour l’éducation, rapportées au PIB, ont baissé depuis vingt ans, nous faisant passer du 2è au 11è rang des pays de l’OCDE.
Une brillante politique qui aggrave les inégalités plus qu’elle ne les réduit.

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