BUDGET DES ARMEES FRANCAISES: COÛTEUX ET DANGEREUX (Jean-Pierre DUBOIS / « Le Petit Blanquiste ») + BONUS: RAPPORT 2012 DU SENAT…IL Y A DE SACREES INFOS…VOIRE DES SCOOP QUI S’IGNORENT !
Budget des armées :
Coûteux et dangereux
A l’intérieur des 252 milliards d’euros [1] de dépenses du budget
général 2013, les crédits du Ministère de la Défense
interviendront pour 30,15 milliards (sans compter les pensions). [2]
Ils occuperont ainsi le deuxième rang parmi les plus élevés, après ceux de l’Education.
La moitié des ressources de ce ministère (16 milliards) sera consacrée à l’achat d’équipements (frégates, sous-marins d’attaque, avions de chasse, avions de transport, hélicoptères, véhicules blindés, etc.).
Quant aux Opérations Extérieures (OPEX), comme en 2012, elles bénéficieront d’une affectation de 630 millions d’euros malgré le retrait annoncé des troupes d’Afghanistan. [3]
Régulièrement en dépassement depuis 2009, le coût des OPEX avoisine les 870 millions.
En 2011, avec l’intervention en Libye, il a même atteint 1.200 milllions d’euros, « un niveau sans précédent pour la France en temps de paix ». [4]
Quant à l’arsenal nucléaire, il serait, selon LE DRIAN, indissociable du « statut international » de la France.
Contrairement à ses engagements internationaux, le gouvernement va continuer à moderniser le dispositif nucléaire avec la mise en service de sous-marins de nouvelle génération, le développement du missile M51 et la réalisation d’essais nucléaires en simulation.
L’entretien de la force nucléaire
coûterait entre 3 et 4 milliards d’euros par an. [5]
En 2010, la France figurait au 3ème rang des pays consacrant le plus de ressources à leurs armées. Après les Etats-Unis et la Chine. A égalité avec la Russie et la Grande-Bretagne.
Ce sont près de 1.000 dollars US/habitant qui sont ainsi dépensés, moins que les Etats-Unis mais beaucoup plus que la Chine et la Russie. [6]
Pour justifier un tel niveau de dépenses, le ministre LE DRIAN parle de « menace » et de « sécurité internationale ».
Mais, qui menace qui ?
En 2011, les bombardements sur la Libye et l’intervention sanglante en Côte d’Ivoire répondaient-ils à une menace provenant de ces pays ?
Quant à la permanence d’une base militaire française à Abu Dhabi, aux frontières de l’Iran, elle est un acte de guerre contre ce pays.
Au même titre que les Etats-Unis, la France de Sarkozy-Hollande est devenue un danger pour la paix mondiale. [7]
La base d’Abu Dhabi : à moins de 200 km des côtes iraniennes
Notes:
[1] Hors la charge de la dette, le reversement aux collectivités locales et la contribution au budget de l’Union Européenne.
[2] Il faut ajouter à ces crédits 1,27 milliards de recettes exceptionnelles soit un total de ressources de 31,42 milliards d’euros.
[3] Les armées françaises comptent plus de 16.000 militaires déployés hors de métropole dont 4.500 dans des coalitions internationales. Près de 12.000 sont en forces d’occupation : 5.600 dans les dernières « colonies » (Réunion, Mayotte, Polynésie, Guyane, Antilles) et plus 6.000 dans les ex-colonies africaines.
[4] Voir le Rapport du Sénat
[5] http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/06/20/01016-…
[6] Rapport du GRIP : http://grip.org/sites/grip.org/files/RAPPORTS/2012/Rappor…
[7] Comme sur beaucoup d’autres sujets, il existe un consensus entre la droite et le Parti Socialiste pour conduire une politique extérieure interventioniste, dangereuse pour la paix mondiale.
Les députés du Front de gauche ont voté contre le budget de la Défense 2013. Intervention de Jean-Jacques Candelier, député du PCF, sur le budget de la Défense 2013, 7/11/2012.
Jean-Pierre DUBOIS
« Le Petit Blanquiste »
Projet de loi de finances pour 2012 : Défense
- Par MM. Yves KRATTINGERet François TRUCY
au nom de la commission des finances - Sommaire
- Dossier législatif
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- LES PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LA MISSION « DÉFENSE »LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE
- I. DES OBJECTIFS DE DÉPENSES DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 2009-2014 RÉVISÉS À LA BAISSE
- A. UNE RÉVISION À LA BAISSE DES DÉPENSES, CONFORME À LA LOI DE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE DES FINANCES PUBLIQUES
- B. DES ÉCARTS IMPORTANTS AVEC LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE : UNE RÉVISION À LA BAISSE DES DÉPENSES DE 2 MILLIARDS D’EUROS SUR LA PÉRIODE 2009-2013
- 1. De moindres recettes et des révisions à la baisse des dépenses par rapport aux prévisions de la LPM
- 2. Les causes de cette dégradation des recettes : la fragilité des ressources exceptionnelles
- a) Des ressources exceptionnelles multiformes
- (1) Les ressources hertziennes (0,9 milliard d’euros selon le Gouvernement)
- (2) Les ressources immobilières (163 millions d’euros selon le Gouvernement)
- (3) Des produits de cessions revenant intégralement au ministère de la défense
- (4) Les adaptations du régime des deux comptes d’affectation spéciale réalisées par la loi de finances initiale pour 2010
- b) Un manque à gagner pour les années 2009 et 2010 qui, selon le Gouvernement, devrait être compensé entre 2011 et 2013
- (1) Des ressources perçues en 2009 et 2010 inférieures aux prévisions
- (2) Un aléa sur les ressources immobilières
- (3) Une perception différée des ressources hertziennes
- (4) Des estimations globales plus réalistes qu’en 2010
- c) Une perception – enfin ! – de ressources hertziennes, mais à des montants qui restent difficiles à évaluer
- C. DES ALÉAS MULTIPLES PESANT SUR LA PROGRAMMATION À MOYEN TERME DES DÉPENSES DE LA MISSION « DÉFENSE »
- 1. La mise en oeuvre des réductions d’emplois par la RGPP et le Livre blanc : des réductions pesant sur le maintien des capacités opérationnelles
- 2. La question du financement des opérations extérieures (OPEX) resurgit à l’occasion d’un premier bilan de l’opération en Libye
- 3. Les principaux programmes d’armement mis au régime sec ?
- 4. Des incertitudes majeures : le risque pour le budget de la défense d’un manque potentiel de recettes de l’ordre de 13 milliards d’euros
- 5. Dépenses militaires : un recul de la place de la France
- II. LES GRANDS ÉQUILIBRES DU PRÉSENT PROJET DE LOI DE FINANCES
- A. UNE ANNUITÉ 2012 INFÉRIEURE À LA PROGRAMMATION POUR ENVIRON 0,35 MILLIARD D’EUROS
- B. DE LOURDES INCERTITUDES SUR LE MAINTIEN DES PLAFONDS D’EMPLOIS PAR RAPPORT À LA LPM
- C. LE NON-RESPECT DE LA LPM FAIT PESER UN RISQUE SUR LE MAINTIEN DES CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES
- D. LA RÉFORME EN COURS DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES
- E. LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE « GESTION ET VALORISATION DES RESSOURCES TIRÉES DE L’UTILISATION DU SPECTRE HERTZIEN »
- III. UN AVENIR INSUFFISAMMENT PRÉPARÉ
- A. QUELLE ARMÉE FRANÇAISE À L’HORIZON 2020 ?
- 1. La poursuite des restrictions budgétaires : des pertes de ressources de 10 à 30 milliards d’euros en 2020
- 2. Des incertitudes grandissantes sur le maintien des programmes d’armement du Livre blanc
- a) Le nécessaire renouvellement de la flotte d’hélicoptères
- b) Les nouveaux blindés
- c) Les aléas pesant sur l’avion ravitailleur et de transport MRTT
- d) La France doit produire des drones
- e) Vers un étalement – souhaitable – du programme Rafale ?
- f) Le A400M : une priorité encore mal assurée financièrement
- g) FREMM et Barracuda : deux programmes nécessaires au maintien des capacités opérationnelles
- B. LA NÉCESSAIRE PRÉPARATION DU RENDEZ-VOUS DE 2012
- 1. Un nouvel équilibre à garantir, partant d’une évaluation des besoins opérationnels financés par des recettes stables
- 2. Le besoin d’une meilleure gestion des externalisations
- 3. Le regroupement des sites parisiens à Balard, un montage financier qui interpelle
- 4. Une réforme du ministère de la défense qui risque d’accroître la fracture sociale et territoriale
- A. QUELLE ARMÉE FRANÇAISE À L’HORIZON 2020 ?
- I. DES OBJECTIFS DE DÉPENSES DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 2009-2014 RÉVISÉS À LA BAISSE
- EXAMEN EN COMMISSION
- ANNEXES
- I. LEXIQUE
- II. EVOLUTION DES SOMMES EN JEU DU LIVRE BLANC À LA PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE TRIENNALE 2011-2013
-
N° 107
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2011
RAPPORT GÉNÉRAL
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2012, ADOPTÉ PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE,
Par Mme Nicole BRICQ,
Sénatrice,
Rapporteure générale.
TOME III
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
(Seconde partie de la loi de finances)
ANNEXE N° 8
DÉFENSE
GESTION ET VALORISATION DES RESSOURCES TIRÉES DE L’UTILISATION
DU SPECTRE HERTZIENRapporteurs spéciaux : MM. Yves KRATTINGER et François TRUCY
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini, président ; M. François Marc, Mmes Michèle André, Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart, vice-présidents ; M. Philippe Dallier, Mme Frédérique Espagnac, MM. Claude Haut, François Trucy, secrétaires ;MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Caffet, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Jean Germain, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (13ème législ.) : 3775, 3805 à 3812 et T.A. 754
Sénat : 106 (2011-2012)
UN TAUX DE RÉPONSE OPTIMAL
Les dispositions de l’article 49 de la LOLF prévoient que le Gouvernement répond aux questionnaires budgétaires des commissions des finances de l’Assemblée Nationale et du Sénat, au plus tard le 10 octobre 2011.
A cette date, les rapporteurs spéciaux avaient reçu 100 % des 26 réponses attendues.
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LA MISSION « DÉFENSE »
En ce qui concerne la LPM 2009-2014
1) Suite à l’adoption de la loi de programmation des finances publiques, la nouvelle programmation des dépenses de la mission « Défense » conduit à un réajustement à la baisse des dépenses par rapport à la LPM, à hauteur de 2 milliards d’euros sur les cinq premières années de la LPM (soit 1,7 % des dépenses prévues par la LPM sur la période 2009-2013), atteignant même 2,6 milliards d’euros pour les années 2010-2013.
2) La révision à la baisse des dépenses porte sur les dépenses d’équipement, en diminution de 4 milliards d’euros entre 2010 et 2013 par rapport aux prévisions de la LPM. Parmi les dépenses d’équipement, ce sont les grands programmes (hors dissuasion nucléaire)dont les crédits sont les plus fortement révisés à la baisse (- 2,7 milliards d’euros), alors que les dotations liées à l’effort de dissuasion sont pratiquement maintenues (- 0,1 milliard d’euros).
Il existe ainsi un risque de « cannibalisation » des dépenses d’équipement par les dépenses de fonctionnement, à hauteur de plusieurs milliards d’euros.
3) Après la perception pour la première fois de recettes issues de la cession de fréquences hertziennes, il est possible que des recettes exceptionnelles complètent les dotations budgétaires de la mission « Défense » pour des montants qui dépasseraient de 1 à 3 milliards d’euros les prévisions de LPM.
Ce surcroît de recettes fragilise les ressources de la mission « Défense » dans un contexte budgétaire dégradé.
4) La réévaluation constante des économies budgétaires liées aux 54 000 suppressions d’emplois prévues par le Livre blanc (soit 6,7 milliards d’euros dans le PLF 2012, au lieu de 2,7 milliards d’euros en 2008) pose la question de la fiabilité de ce chiffrage.
5) En 2011, les OPEX représentent un surcoût record de 1,2 milliard d’euros, financé à hauteur de seulement 52 % dans la LFI 2011.
Pour la période 2007-2011, le coût annuel moyen des OPEX s’élèverait à 894 millions d’euros, en hausse de 75 % par rapport aux années 2000 et 2001.
Cet engagement croissant de la France sur des terrains d’opérations extérieures pose débat, compte tenu du niveau des ressources budgétaires, de plus en plus contraintes, interrogeant notre capacité à mener à bien ces opérations.
6) S’agissant des programmes d’équipement, des interrogations se posent sur :
a) le calendrier de rénovation des Mirage 2000 D ;
b) compte tenu du faible niveau d’exportation, sur l’acquisition de 16 Rafale supplémentaires, pour un coût supérieur à 1 milliard d’euros, réduisant d’autant les crédits des autres programmes d’équipement.
En ce qui concerne l’année 2012
7) Au périmètre LPM (c’est-à-dire en euros 2008), les crédits de paiement de la mission « Défense » dans le PLF 2012 sont inférieurs de 1,28 milliard d’euros à l’annuité du LPM 2012.
Toutefois, en raison d’un surcroît de recettes exceptionnelles par rapport à la LPM, le déficit de ressources dans le PLF 2012 par rapport à l’annuité 2012 de la LPM est ramené à 0,35 milliard d’euros.
8) Le plafond d’emplois du PLF 2012 (soit 293 198 ETPT) est inférieur de 2 200 ETPT au plafond de la LPM pour 2012.
L’exécution 2011 du plafond d’emplois a été inférieure de plus de 4 000 ETPT à la LFI, révélant des carences dans la gestion des effectifs du ministère de la défense
9) La limitation des crédits se traduit par une nouvelle dégradation de la capacité de projection de l’armée de terre.
10) Suite au rapport de la Cour des comptes de 2010, le service de santé des armées a fixé un objectif de réduction de moitié de « l’écart de facturation » entre 2009 et 2015, soit une économie annuelle, à terme, de 150 millions d’euros.
11) Les informations sont lacunaires sur la manière dont a été compensé en 2010, pour le ministère de la défense, le manque de ressources exceptionnelles provenant de la cession de fréquences hertziennes, soit 600 millions d’euros.
En ce qui concerne les perspectives à l’horizon 2020 et la révision de la LPM en 2012
12) Par rapport aux objectifs du Livre blanc, une limitation de la hausse des dotations budgétaires du ministère de la défense, suivant une norme de progression « zéro volume » (correspondant au maintien de la norme actuelle) ou en retenant une norme plus stricte de « zéro valeur », représenterait des pertes de ressources comprises entre 10 et 30 milliards d’euros sur la période 2009-2020.
13) Compte tenu de leur évolution spontanée, une augmentation des dépenses de défense de 1 % par an en volume, au cours des dix prochaines années, permettrait seulement à la France de préserver une armée proche de son format actuel.
14) Les perspectives financières dégradées après 2013, en l’absence de ressources exceptionnelles, menacent plusieurs programmes assurant pourtant le maintien des capacités opérationnelles de la France : hélicoptère NH 90, véhicule blindé multi-rôles (VBMR), avion de transport MRTT, frégate multi-mission (FREEM), sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda, avion A400M.
15) Il serait logique que la France, à l’instar de tous les grands pays industrialisés, produise des drones, alors qu’elle a fait le choix, en juillet 2011, d’acheter des drones israéliens au prix fort.
16) Le rapport annuel 2011 de la Cour des comptes a montré la nécessité d’une gestion plus rigoureuse de ses externalisations par le ministère de la défense.
17) Le montage financier du regroupement des sites parisiens à Balard soulève des interrogations : le promoteur retenu, l’entreprise Bouygues, investira 700 millions d’euros, tandis que l’Etat paiera 4,2 milliards d’euros au titre d’un partenariat public-privé pendant une durée de vingt-sept ans, dont 800 millions d’euros au titre des seuls frais financiers.
I. DES OBJECTIFS DE DÉPENSES DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 2009-2014 RÉVISÉS À LA BAISSE
Au regard des choix budgétaires du Gouvernement, la loi de programmation militaire (LPM) 2009-2014 apparaît ne pas devoir être respectée, ce qui soulève de sérieuses inquiétudes sur les perspectives de maintien des capacités opérationnelles à l’horizon 2020.
A. UNE RÉVISION À LA BAISSE DES DÉPENSES, CONFORME À LA LOI DE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE DES FINANCES PUBLIQUES
1. En quasi-absence de ressources exceptionnelles, des ressources et des dépenses inférieures de 1,1 milliard d’euros à la programmation en 2010
Au début de l’exécution de la LPM 2009-2014, les dépenses de la mission « Défense » ont été supérieures de 0,6 milliard d’euros à la programmation en 2009 (hors reports de crédits), en raison notamment de l’affectation de crédits de la mission « Plan de relance de l’économie » à hauteur de 0,97 milliard d’euros. Mais dès 2010, les recettes et les dépenses en exécution budgétaire ont été inférieures de 1,1 milliard d’euros aux prévisions de la loi de programmation militaire.
Les ressources et les dépenses de la mission « Défense » en 2010 :
prévision et exécution(en milliards d’euros de 2008
et au périmètre de 2008, hors pensions)LPM 2009-2014
Exécution
Ecart*
Ressources
31,6
30,5
- 1,1
Crédits de paiement de la mission « Défense »
29,7
29,7
0,0
Ressources exceptionnelles
1,2
0,1
-1,1
Crédits de paiement de la mission « Plan de relance de l’économie »
0,7
0,7
0,0
Dépenses
31,6
30,5
- 1,1
Equipements
17,2
15,5
- 1,7
dont :
dissuasion
3,5
3,3
- 0,2
entretien programmé des équipements et du personnel
3,0
2,7
- 0,3
infrastructure
1,3
1,1
- 0,2
études de défense hors dissuasion
0,9
0,9
0,0
grands programmes hors dissuasion
8,5
7,5
- 1,0
Fonctionnement et activité
14,4
15,0
0,6
* Calculs des rapporteurs spéciaux
Source : d’après le ministère de la défense
Ce décalage de 1,1 milliard d’euros observé en 2010, entre les ressources constatées en exécution et les prévisions de la LPM, s’explique notamment par le tarissement des ressources exceptionnelles, qui n’ont atteint que 117 millions d’euros en exécution, au lieu de 1,2 milliard d’euros de ressources exceptionnelles prévues dans la LPM.
Les ressources exceptionnelles perçues en 2010 sont détaillées dans le tableau ci-après.
Les ressources exceptionnelles de la mission « Défense » en 2010
(en millions d’euros)
Ressources immobilières
102
dont cession de biens parisiens et franciliens
13
dont cession de biens en province
89
Ressources hertziennes
0
Autres ressources exceptionnelles
15
Total
117
Source : ministère de la défense
Aux ressources exceptionnelles en 2010 décrites ci-dessus s’ajoute, par ailleurs, une autorisation de consommation de reports de crédits à hauteur de 360 millions d’euros.
Le moindre niveau de recettes s’est traduite par une baisse équivalente des dépenses (à hauteur de 1,1 milliard d’euros) : compte tenu de la dynamique des dépenses de fonctionnement et d’activité (15 milliards d’euros en 2010, soit un dépassement de 0,6 milliard d’euros par rapport à la LPM), qui incluent les dépenses de personnel, l’ajustement a porté sur les dépenses d’équipement qui n’ont atteint que 15,5 milliard d’euros, soit 1,7 milliard d’euros de moins que la prévision de la LPM pour 2010.
En 2010, un léger décalage a été observé entre l’inflation constatée (1,5 %) et l’inflation prévue par la LPM (1,75 %).
Or, comme l’avait observé votre commission des finances lors de son examen du projet de LPM, le Gouvernement a fait le choix dans la LPM de déterminer les moyens de la mission « Défense » en fonction de la prévision d’indice des prix à la consommation associée au projet de loi de finances, ce qui rend la mission « Défense » très dépendante de l’inflation : par rapport aux prévisions de la LPM, une inflation plus forte lui est favorable et une inflation plus faible défavorable.
En l’occurrence, pour l’année 2010, une inflation observée inférieure de 0,25 % aux prévisions de la LPM signifie une moindreaugmentation du budget de la défense par rapport à la LPM à hauteur de 90 millions d’euros.
2. Un budget 2012 conforme à la loi de programmation des finances publiques
Dans le PLF 2012, les ressources budgétaires de la mission « Défense », hors charges de pensions, atteignent 30,63 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), en augmentation de 0,48 milliard d’euros par rapport à la LFI 2011.
La loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour la période 2011-2014 avait prévu des dotations budgétaires à hauteur de seulement 30,52 milliards d’euros en 2012. Le dépassement du PLF 2012 (au format LPFP) par rapport à la LPFP, à hauteur de 0,11 milliard d’euros, s’explique en quasi-totalité par un abondement de 100 millions d’euros lié à la hausse des cours des produits pétroliers. Cet abondement provient de l’activation, à la demande du ministère de la défense et des anciens combattants, de la clause de sauvegarde, prévue à l’article 6.2 du rapport annexé à la LPM pour compenser la hausse éventuelle des dépenses du poste des carburants opérationnels.
Les dotations budgétaires sont complétées par des ressources exceptionnelles d’un montant attendu de 1,06 milliard d’euros en 2012 (soit un dépassement de 40 millions d’euros de la prévision figurant dans la LPFP, or ces ressources exceptionnelles n’atteignaient que 1,05 milliard d’euros), qui se répartissent de la manière suivante :
- 900 millions d’euros provenant des cessions de fréquences résultant du réaménagement du spectre électromagnétique,
-160 millions d’euros provenant de la cession d’actifs immobiliers.
Au total, les ressources prévues par le PLF 2012 s’élèvent à 31,72 milliard d’euros, en hausse de 0,55 milliard d’euros (soit + 1,8 %) par rapport à la LFI 2011, en dépassement de 0,15 milliard d’euros par rapport à la LPFP 2012, du fait de l’activation de la clause de sauvegarde (à hauteur de 0,1 milliard d’euros) et de recettes exceptionnelles plus importantes (pour un montant de 0,04 milliard d’euros).
Les seules dépenses budgétaires en 2013 prévues par la LPFP s’élèvent à 31,02 milliards d’euros (toujours hors pensions), soit 0,37 milliard d’euros de plus que dans le PLF 2012. Si la clause de sauvegarde n’était ainsi pas activée en 2013, l’augmentation des dotations budgétaires de la mission « Défense » (soit + 1,3 %) pourrait ainsi être sensiblement inférieure à la prévision d’inflation. En revanche, en cas de nouvelle activation de la clause de sauvegarde en 2013, la hausse des dotations budgétaires s’élèverait à 1,6 % en 2013.
Le tableau ci-après présente l’évolution des ressources budgétaires de la mission « Défense » en 2012 par rapport à la LFI, ainsi que la comparaison avec la LPFP 2012.
Evolution des ressources budgétaires de la mission « Défense »
(en crédits de paiement et milliards d’euros)
Structure courante
PLF 2011
LPFP
Annuité 2012PLF 2012
Ecart PLF/PLFP
Crédits budgétaires (hors pensions)
30,15
30,52
30,63
+ 0,11
dont abondement externe 2012 pour les carburants opérationnels
0,10
+ 0,10
Recettes exceptionnelles
1,02
1,05
1,09
+ 0,04
Total (hors pensions)
31,17
31,57
31,72
+ 0,15
Total (avec pensions)
38,43
39,09
39,37
+ 0,28
Source : ministère de la défense, « Projet de loi de finances 2012 – budget de la défense », 2011
Si la loi de programmation des finances publiques est donc respectée dans le PLF 2012, ce n’est qu’au regard d’objectifs de recettes et de dépenses nettement revus à la baisse par rapport aux ambitions de la LPM.
En effet, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 prévoyait une stabilisation en volume des ressources totales (y compris les ressources exceptionnelles) de la mission « Défense » de 2009 à 2011, puis leur augmentation en volume de 1 % par an jusqu’en 2020. Le texte initial du projet de LPM 2009 a considérablement revu ce montant à la hausse, les ressources exceptionnelles venant désormais en supplément. A ces montants sont venus d’ajouter ceux du plan de relance, inscrits dans la LPM en cours de discussion.
La loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 a prévu quant à elle, et pour la période 2011-2013 uniquement, des plafonds de crédits des différentes missions du budget général de l’Etat afin que le total des ressources soit désormais à peu près indexé sur l’inflation. L’objectif d’augmentation de 1 % par an des ressources de la mission « Défense » à partir de 2012, prévue par le Livre blanc comme par la LPM, a de facto été abandonné, comme on va le voir à présent.
B. DES ÉCARTS IMPORTANTS AVEC LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE : UNE RÉVISION À LA BAISSE DES DÉPENSES DE 2 MILLIARDS D’EUROS SUR LA PÉRIODE 2009-2013
1. De moindres recettes et des révisions à la baisse des dépenses par rapport aux prévisions de la LPM
a) La loi de programmation des finances publiques : un manque de visibilité préjudiciable au budget de la défense
Le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014, censé donner de la visibilité aux gestionnaires, a créé en réalité de fortes incertitudes, particulièrement importantes dans le cas de la mission « Défense ».
Lors de l’examen du PLF 2011, les rapporteurs spéciaux de votre commission des finances avaient déjà souligné les conséquences de la LPFP pour la mission « Défense », sur la base des travaux de notre collègue Philippe Marini, alors rapporteur général, sur le projet de loi de programmation des finances publiques, qui faisait déjà apparaître un consensus sur la fragilisation du budget de la défense, suite à l’adoption de la LPFP, par rapport aux objectifs fixés dans la LPM :
« L’effort discrétionnaire de réduction du déficit public découlant du projet de loi est de toute évidence insuffisant pour ramener le déficit public à 3 points de PIB en 2013, comme cela a été souligné par la commission des finances dans le rapport présenté par son rapporteur général sur ce texte [la LPFP]. En effet, cet effort structurel a été « calibré » en fonction d’une hypothèse de croissance du PIB de 2 % en 2011 et 2,5 % de 2012 à 2014, manifestement optimiste, comme la commission des finances a eu l’occasion de le souligner. Selon les calculs de celle-ci, si la croissance du PIB était de « seulement » 2 % par an sur l’ensemble de la période, sans effort supplémentaire le déficit public serait encore de 3,8 points de PIB en 2013. Aussi, le Sénat a-t-il adopté un amendement présenté en séance publique par le Gouvernement à l’initiative de la commission des finances, précisant que si la croissance était inférieure de 0,5 point aux prévisions, cela impliquerait un effort supplémentaire de 4 à 6 milliards d’euros par an au moins, qui reposerait sur « des mesures d’économies supplémentaires sur les dépenses et les niches fiscales ou sociales ».
« Comme la croissance risque d’être nettement inférieure aux prévisions du Gouvernement pour les années qui viennent, il faut s’attendre à des mesures d’économies supplémentaires par rapport à celles explicitement prévues par la nouvelle programmation triennale ».
Les travaux de votre rapporteure générale sur le PLF 2012 ont confirmé ces prévisions : la préparation du PLF 2012 par le Gouvernement a été basée sur une prévision de croissance de 1,75 %, manifestement optimiste par rapport au consensus des experts, et pourtant déjà nettement inférieure à la prévision de la LPM pour 2012 (2,5 %), tandis que l’objectif affiché de réduction du déficit public ne s’établit plus qu’à 3,5 % du PIB en 2013 (au lieu de 3 % à cette même date dans la LPFP).
b) De la LPM à la programmation révisée : 2 milliards d’euros de dépenses militaires en moins sur la période 2009-2013
D’après les données fournies par le ministère de la défense et des anciens combattants, et détaillées dans le tableau ci-après, pour l’ensemble des exercices 2009 à 2013 inclus, la programmation des dépenses de la mission « Défense » révisées par rapport à la LPM conduit à un réajustement à la baisse des dépenses à hauteur de 2 milliards d’euros sur les cinq premières années de la LPM (soit 1,7 % des dépenses prévues par la LPM sur la période 2009-2013), atteignant même 2,6 milliards d’euros pour les années 2010-2013.
Compte tenu de la dynamique propre aux dépenses de fonctionnement et d’activité (qui dépassent de 1,8 milliards d’euros les prévisions de la LPM entre 2009 et 2013), notamment des dépenses de personnel, la révision à la baisse des dépenses porte sur les dépenses d’équipement, en diminution de 4 milliards d’euros entre 2010 et 2013 par rapport aux prévisions de la LPM. Parmi les dépenses d’équipement, ce sont les grands programmes (hors dissuasion nucléaire) dont les crédits sont les plus fortement révisés à la baisse (- 2,7 milliards d’euros), alors que les dotations liées à l’effort de dissuasion sont pratiquement maintenues (- 0,1 milliard d’euros).
La ventilation des dépenses de la mission « Défense » : de la LPM 2009-2014 à la programmation révisée
(en milliards d’euros de 2008, et à périmètre 2008 hors pensions)
LPM 2009-2014
Programmation révisée du ministère de la défense
Ecart*
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2009-2013
2009
2010
2011
2012
2013
2009-2013
2009
2010
2011
2012
2013
2009-2013
2010-2013
Equipements
17,5
17,2
16,0
16,5
17,1
17,7
84,3
17,7
15,5
15,4
15,8
16,1
80,5
0,2
-1,7
-0,6
-0,7
-1,0
-3,8
-4,0
dont :
dissuasion
3,7
3,5
3,2
3,3
3,2
3,3
16,9
3,8
3,3
3,2
3,3
3,2
16,8
0,1
-0,2
0,0
0,0
0,0
-0,1
-0,2
entretien programmé des équipements et du personnel
2,9
3,0
2,8
2,8
2,8
2,9
14,3
3,0
2,7
2,6
2,8
2,8
13,9
0,1
-0,3
-0,2
0,0
0,0
-0,4
-0,5
infrastructure
1,3
1,3
1,5
1,4
1,4
1,1
6,9
1,2
1,1
1,4
1,4
1,4
6,5
-0,1
-0,2
-0,1
0,0
0,0
-0,4
-0,3
études de défense hors dissuasion
0,9
0,9
0,9
0,9
0,9
0,9
4,5
0,9
0,9
0,9
0,8
0,8
4,3
0,0
0,0
0,0
-0,1
-0,1
-0,2
-0,2
grands programmes hors dissuasion
8,7
8,5
7,6
8,1
8,8
9,5
41,7
8,8
7,5
7,3
7,5
7,9
39,0
0,1
-1,0
-0,3
-0,6
-0,9
-2,7
-2,8
Fonctionnement et activité
14,7
14,4
14,1
13,9
13,6
13,2
70,7
15,1
15,0
14,5
14,2
13,7
72,5
0,4
0,6
0,4
0,3
0,1
1,8
1,4
Total
32,2
31,6
30,1
30,4
30,7
30,9
155,0
32,8
30,5
29,9
30,0
29,8
153,0
0,6
-1,1
-0,2
-0,4
-0,9
-2,0
- 2,6
Sources : ministère de la défense, sauf (*) calculs des rapporteurs spéciaux
Lors de l’examen du PLF 2011, les rapporteurs spéciaux de votre commission des finances s’étaient déjà inquiétés du risque de « cannibalisation » des dépenses d’équipement par les dépenses de fonctionnement à hauteur de plusieurs milliards d’euros.
Ce risque est aujourd’hui pleinement avéré, et ce malgré les mises en garde qu’avaient formulées votre commission des finances. L’exécution 2010, en particulier, a montré que la réalisation des grands programmes d’équipement (hors dissuasion) n’a atteint que 7,5 milliards d’euros (alors que la prévision de la LPM s’élevait à 8,5 milliards d’euros), soit des coupes dans ces dépenses à hauteur de 12 %.
2. Les causes de cette dégradation des recettes : la fragilité des ressources exceptionnelles
Le budget de la mission « Défense » s’avère d’autant plus vulnérable qu’une part importante de ses recettes consiste en des ressources dites « exceptionnelles », et non en des dotations budgétaires : dans un contexte de dégradation des finances publiques, la tentation peut être grande pour le Gouvernement de puiser dans ces ressources exceptionnelles pour résorber le déficit de l’Etat.
La justification par le Gouvernement des ressources exceptionnelles était de financer la « bosse programmatique » de 2009-2011 – découlant selon le ministère de la défense d’erreurs de pilotage des autorisations d’engagement (AE) -, à savoir un besoin de crédits de paiement (CP) supplémentaires pour financer des engagements de crédits antérieurs.
Le graphique ci-après montre ainsi que les ressources exceptionnelles ont vocation à disparaître d’ici la fin de la LPM en 2014, lorsqu’aura cessé le décalage entre les AE et les CP observé au début de la LPM, pour corriger des erreurs de pilotage qui posent par ailleurs la question de la transparence budgétaire des crédits du ministère de la défense.
Par ailleurs, le plan de relance a apporté des ressources complémentaires en 2009 et 2010, à hauteur respectivement de 0,97 milliard d’euros et 0,74 milliard d’euros.
Le financement de la « bosse programmatique » prévu par la LPM 2009-2014
(en milliards d’euros de 2008 et à périmètre 2008 hors pensions)
Sources : projet de LPM 2009-2014
Compte tenu du montant des ressources exceptionnelles, qui constituent la seule variable d’ajustement des recettes si l’on considère que la programmation pluriannuelle des finances publiques a plafonné les recettes budgétaires, vos rapporteurs spéciaux ont jugé utile d’examiner en détail la nature de ces ressources, ainsi que les incertitudes qui pèsent sur leur évolution.
a) Des ressources exceptionnelles multiformes
Les ressources exceptionnelles concernées sont en quasi-totalité de deux types :
- des ressources dites « hertziennes » ;
- des ressources immobilières.
(1) Les ressources hertziennes (0,9 milliard d’euros selon le Gouvernement)
Le ministère de la défense prévoit de céder certaines fréquences hertziennes.
Deux bandes de fréquences sont concernées :
- la bande 790-862 MHz, qui doit être attribuée à titre exclusif aux services de communications mobiles à compter du 1er décembre 2011 ;
- la bande 2 500-2 690 MHz, qui serait progressivement cédée d’ici 2013.
Ces cessions sont la conséquence du passage à la télévision numérique, qui libère des fréquences et rend nécessaire une réorganisation des attributions du spectre.
La bande 830-862 MHz a été utilisée jusqu’à présent par le système FELIN de l’armée de terre. Sa cession doit s’opérer en même temps que celle de la bande 790-830 MHz, qui avait été attribuée aux services audiovisuels dans le cadre de la télévision analogique. Si la bande de fréquences plus élevée vers laquelle l’armée de terre devra « migrer » réduira la portée des communications des fantassins, celle-ci pourra continuer d’utiliser ces fréquences en OPEX.
La cession complète de la bande 2 500-2 690 MHz, utilisée par le système RUBIS de la gendarmerie nationale, se ferait quant à elle à une échéance plus tardive. Ainsi, à la fin de 2008, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) estimait qu’elle serait effective au mieux en 2013, et s’inquiétait de l’absence de convention à ce sujet entre l’ARCEP et le ministère de la défense. En mars 2009, l’ARCEP envisageait la fin du processus de cessions de fréquences à la mi-2014. Cependant, comme l’a précisé un récent rapport d’information de nos collègues députés Louis Giscard d’Estaing et Françoise Olivier-Coupeau, le fait générateur de cette recette est la décision d’attribution des fréquences, et non leur transfert effectif au nouvel opérateur, de sorte que celle-ci pourrait être perçue rapidement.
Le produit de la cession des bandes de fréquence relevant du ministère de la défense est retracé dans le programme 762 du compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ».
(2) Les ressources immobilières (163 millions d’euros selon le Gouvernement)
Les ressources immobilières de l’Etat transitent par la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l’Etat », constituée par le compte d’affectation spéciale (CAS) du même nom, créé par la loi de finances pour 2006, et dont les rapporteurs spéciaux sont nos collèguesAlbéric de Montgolfier et Philippe Dallier. Ce CAS comprend deux programmes :
- le programme n° 721 : « Contribution au désendettement de l’Etat » ;
- le programme n° 722 : « Dépenses immobilières ».
Les recettes immobilières du ministère de la défense doivent financer non le projet de regroupement des implantations parisiennes du ministère de la défense sur le site de Balard, qui relève d’un partenariat public-privé, mais la politique immobilière « ordinaire » du ministère.
(3) Des produits de cessions revenant intégralement au ministère de la défense
Il est prévu que la totalité des ressources hertziennes et immobilières du ministère de la défense revienne à celui-ci.
Il s’agit d’une dérogation au droit commun. En effet, selon la règle de droit commun, non formalisée juridiquement dans le cas des ressources immobilières, les ressources hertziennes et immobilières contribuent, à hauteur de 15 % de leur montant, au désendettement de l’Etat.
(4) Les adaptations du régime des deux comptes d’affectation spéciale réalisées par la loi de finances initiale pour 2010
La loi de finances initiale pour 2010 a élargi le périmètre des deux comptes d’affectation spéciale :
- son article 60 a élargi celui du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » ;
- son article 61 a élargi celui du compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ».
Dans le premier cas, il s’agissait notamment de tirer les conséquences du constat dressé par la Cour des comptes selon lequel l’imputation de diverses ressources immobilières autres que des cessions, comme la soulte de la société nationale immobilière (SNI), n’était pas conforme à l’objet du compte d’affectation spéciale.
Dans le cas du compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien », il s’agissait en particulier de permettre la cession à un partenaire privé de l’usufruit du système de satellites de télécommunication Syracuse, en échange du versement d’une soulte.
b) Un manque à gagner pour les années 2009 et 2010 qui, selon le Gouvernement, devrait être compensé entre 2011 et 2013
Le tableau ci-après retrace les prévisions de ressources exceptionnelles au cours de la LPM (2009-2014).
Les ressources exceptionnelles de la mission « Défense »
(en millions d’euros)
2009
2010
2011(1)°
2012
2013
2014
Ressources perçues (2009 ou prévues (2010 à 2014) [A]
338
117
1 044
1 093
952
84
Ressources immobilières
286
102
179
163
672
84
Soulte SNI (2)
221
Cessions de biens parisiens et franciliens
15
13
109
93
592
Cessions de biens en province (dont MRAI)
50
89
70
70
80
84
Ressources hertziennes
0
0
850
900
250
Autres ressources exceptionnelles
52
15
15
30
30
0
Ressources exceptionnelles prévues par la LPM (3) [B]
1 637
1 261
574
91
0
0
Ecart [A – B)
- 1 299
1 144
470
1 002
952
84
Compensation des ressources manquantes
(4)
(1) Prévisions actualisées de ressources exceptionnelles au 12 juillet 2011.
(2) Cette soulte a été imputée par le ministre de la défense au titre de l’année 2009.
(3) Ressources exceptionnelles prévues par la LPM en millions d’euros courants, en utilisant les hypothèses d’inflation retenues en construction de la LPM : 2 % en 2009, 1,75 % en 2010 et 2011 et 1,60 % en 2012, 2013 et 2014.
(4) En 2009, le ministère de la défense et des anciens combattants a bénéficié d’une autorisation de consommation de reports de 900 millions d’euros dont 400 millions d’euros au titre de la compensation des recettes exceptionnelles manquantes. Pour 2010, l’autorisation de consommation de reports au titre de la compensation de recettes manquantes a atteint 360 millions d’euros.
Source : ministère de la défense
(1) Des ressources perçues en 2009 et 2010 inférieures aux prévisions
En 2009 et 2010, en l’absence de ressources hertziennes, les ressources exceptionnelles ont été constituées essentiellement de ressources immobilières.
Les ressources exceptionnelles ainsi perçues n’ont atteint que 338 millions d’euros en 2009 (alors que la prévision de la LPM s’élevait à 1,637 milliard d’euros, soit un manque à gagner de 1,299 milliard d’euros) et 117 millions d’euros en 2010 (contre une prévision de 1,261 milliard d’euros dans la LPM, soit des ressources manquantes équivalant à 1,144 milliard d’euros).
(2) Un aléa sur les ressources immobilières
Sur le produit total de cessions immobilières au cours de la LPM (soit 1,486 milliard d’euros), 45 % des recettes (soit 672 millions d’euros) seraient perçues en 2013.
La LPM prévoyait initialement la perception de ressources immobilières au début de sa période de mise en oeuvre. Toutefois, la perception attendue de ces ressources a été différée, suite à l’abandon du projet d’une société de portage pour la cession des biens immobiliers parisiens du ministère de la défense, avant l’emménagement dans le nouvel immeuble de Balard, prévu en 2014.
Cet abandon d’une société de portage par le Gouvernement soulève des interrogations quant à ses conséquences financières. En effet, la cession envisagée des immeubles parisiens juste avant l’emménagement à Balard ne placera pas le ministère de la défense dans une position favorable pour négocier avec des acheteurs potentiels, si bien que le produit des cessions immobilières attendu en 2013 risque d’être inférieur aux prévisions, voire différé.
(3) Une perception différée des ressources hertziennes
Si l’on analyse les différences retracées dans le tableau qui précède sur les ressources exceptionnelles perçues ou envisagées avec les données prévisionnelles de la LPM, selon le Gouvernement, le déficit entre les ressources exceptionnelles prévues par la LPM et celles effectivement perçues en 2009-2010, soit 2,443 milliards d’euros, devrait être plus que compensé (à hauteur de 2,508 milliards d’euros) à la fin de la programmation, au cours des années 2011 à 2014.
Cette différence correspond à l’encaissement attendu, en fin d’année 2011, des premières ressources hertziennes, analysée plus en détail ci-après.
(4) Des estimations globales plus réalistes qu’en 2010
Il convient d’observer qu’il ne s’agit que d’estimations de recettes, selon des prévisions actualisées au 12 juillet 2011 par ailleurs sensiblement différentes de celles figurant parmi d’autres données également fournies par le ministère de la défense, manifestement plus anciennes, et qui portaient plus largement sur une comparaison entre la LPM et la programmation budgétaire révisée suite à l’adoption de la loi de programmation pour les finances publiques.
Ces révisions des prévisions de recettes, correspondant à des différences d’encaissement du produit de cessions de fréquences hertziennes, sont moins importantes que celles opérées l’an passé lors de l’examen du PLF 2011, ce qui avait conduit les rapporteurs spéciaux de votre commission des finances à formuler les observations suivantes, qui mettaient en doute la sincérité gouvernementale dans la prévision du montant des ressources exceptionnelles :
« Dans un premier temps, hors « ressources exceptionnelles de poche », le ministère de la défense prévoyait de percevoir 3,5 milliards d’euros de ressources exceptionnelles, dont 2 milliard d’euros de ressources immobilières et 1,5 milliard d’euros de ressources dites « hertziennes », perçues entre 2009 et 2011 (…).
« Le ministère de la défense prévoit toujours de percevoir 3,5 milliards d’euros de ressources exceptionnelles, mais répartis différemment puisque désormais les ressources hertziennes sont évaluées à 2 milliards d’euros, contre 1,5 milliard d’euros pour les ressources immobilières. Si la révision à la baisse des ressources immobilières semble s’imposer, comme le rapporteur spécial François Trucy l’a souligné dans le récent rapport d’information qu’il a consacré avec notre collègue Didier Boulaud à la politique immobilière du ministère de la défense, on peut s’étonner de cette coïncidence qui fait que la révision parallèle du produit attendu des ressources hertziennes permet exactement de compenser cette révision à la baisse. Cela ne signifie pas toutefois nécessairement que cette nouvelle estimation des ressources hertziennes serait excessive. Auditionné par la commission des finances de l’Assemblée nationale le 9 mars 2010, M. Éric Querenet de Bréville, sous-directeur au ministère du budget, a estimé que « l’aléa favorable sur les fréquences est supérieur à l’aléa défavorable sur l’immobilier » ».
Vos rapporteurs spéciaux observent que, en tout état de cause, l’hypothèse alors peu crédible de 3,5 milliards d’euros de ressources exceptionnelles n’a pas été reprise cette année par le Gouvernement, ni dans la préparation du PLF 2012, ni dans les réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.
Cependant, les nouvelles prévisions du Gouvernement soulèvent encore des interrogations.
c) Une perception – enfin ! – de ressources hertziennes, mais à des montants qui restent difficiles à évaluer
La fin d’année 2011 doit être marquée par les premiers produits de cessions de fréquences du spectre hertzien, pour la libération de fréquences issues des systèmes « FELIN » et « RUBIS ».
Les dispositifs de cession prévus visent à renforcer la concurrence entre les acheteurs potentiels :
- dans la bande 2,6 GHz, la procédure d’attribution garantit, sous réserve que les offres des candidats atteignent le prix de réserve, la présence d’au moins quatre opérateurs ;
- dans la bande 800 MHz, un mécanisme de plafond garantit qu’aucun opérateur ne pourra disposer de plus de la moitié des fréquences du dividende numérique ;
- par ailleurs, les candidats peuvent souscrire à un critère en faveur de l’accueil des opérateurs mobiles virtuels.
Conformément aux évaluations réalisées par la Commission des participations et des transferts (CPT), les prix de réserve ont été fixés à 700 millions d’euros pour la bande 2,6 GHz, et à 1,8 milliard d’euros pour la bande 800 MHz.
Les opérateurs avaient jusqu’au 15 septembre 2011 pour déposer leurs dossiers de candidature pour la bande 2,6 GHz, tandis que les délais de candidature pour la bande 800 MHz se poursuivent jusqu’au 15 décembre 2011.
Selon le Gouvernement, Bouygues Telecom, Iliad-Free, Orange et SFR ont chacun obtenu une part des fréquences dans la bande 2,6 GHz, pour un montant total de 936 millions d’euros.
Par ailleurs, en complément des montants qu’ils se sont engagés à verser lors de l’appel à candidatures, les opérateurs devront acquitter :
- des redevances annuelles d’utilisation des fréquences d’un montant égal à 1 % du chiffre d’affaires réalisé grâce à l’attribution de ces fréquences ;
- une contribution au Fonds de réaménagement du spectre (FRS), afin de rembourser les sommes engagées par le ministère de la défense et des anciens combattants pour libérer les bandes du spectre hertzien. Il convient de rappeler que les prévisions de dépenses maximales pour le réaménagement des deux bandes de fréquences ont été évaluées par le ministère de la défense à 30 millions d’euros pour la bande 2,6 GHz, et à 118 millions d’euros pour la bande 800 MHz, soit 148 millions d’euros.
S’agissant en revanche des bandes 7 et 8 GHz utilisées respectivement dans le sens montant et le sens descendant des liaisons par satellite du réseau Syracuse, le ministère de la défense, toujours affectataire et utilisateur de ces fréquences, n’a pas effectué jusqu’à présent de transfert de droits d’utilisation de fréquences.
Il semblerait toutefois que cette cession, engagée depuis fin 2010 et qui s’étendrait sur huit ans, pourrait s’engager rapidement, après une avancée de l’opération en 2011. Dans les réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux sur le PLF 2012, il est en effet indiqué que « les échéanciers de la procédure d’attribution des licences 4G (lancée officiellement le 14 juin 2011) et du projet de cession de l’usufruit du système satellitaire Syracuse III sont aujourd’hui compatibles avec [les] prévisions d’utilisation des ressources ».
Dans le projet de loi de finances pour 2012, deux types d’actions doivent ainsi être financés par les ressources hertziennes, à hauteur globalement de 900 millions d’euros :
- une optimisation des bandes de fréquences existantes, par des investissements portant sur les systèmes de radiocommunications, les réseaux de télécommunications de transit et desserte et les autres systèmes de télécommunications, notamment satellitaires (626,4 millions d’euros en AE et en CP) ; il s’agit, par exemple, de l’utilisation de fibres optiques sur SOCRATE en remplacement de liaisons hertziennes ;
- des dépenses d’investissement dans le domaine de l’interception et du traitement des émissions électromagnétiques (273,6 millions d’euros en AE et en CP).
A la date de rédaction du présent rapport, les résultats de l’appel d’offres pour la bande 2,6 GHz (correspondant à des prix de réserve évalués à 1,6 milliard d’euros) n’étaient pas encore connus : les hypothèses de recettes relatives à la bande 2,6 GHz sont attendues en mars 2012. Pour les seules cessions de fréquences de la bande 2,6 GHz, dont les prix de réserve avaient été fixés à 700 millions d’euros, le montant des engagements présentés par les candidats (soit 936 millions d’euros) dépasse d’ores et déjà les ressources prévues au titre des ressources hertziennes dans la LFI 2011, soit 850 millions d’euros, répartis comme suit :
- la cession de l’usufruit du système satellitaire Syracuse III (évaluée à 400 millions d’euros) ;
- un premier versement au titre de la cession des bandes de fréquences Rubis et Félin (soit 450 millions d’euros).
Le calendrier des versements, qu’effectueront les opérateurs ayant obtenu des fréquences, devrait ainsi conduire à un décalage entre les prévisions de recettes inscrites en LFI et les encaissements effectifs. Il convient donc de raisonner suivant le volume global de ressources attendues, et non par comparaison entre les lois de finances votées et les budgets exécutés.
Plusieurs éléments tendent à indiquer que le montant des ressources hertziennes prévues par le ministère de la défense, dans ses prévisions actualisées de ressources exceptionnelles au 12 juillet 2011, soit 2 milliards d’euros entre 2011 et 2013, pourrait toutefois être dépassé :
- ainsi, suite à l’appel à candidatures pour l’attribution des fréquences de la bande 2,6 GHz, le montant total des ressources attendues pour l’Etat atteignent 936 millions d’euros, soit un niveau supérieur de 34 % à celui des prix de réserve ; si les prix de réserve fixés pour la bande 800 MHz (soit 2,5 milliards d’euros) devaient être dépassés dans les mêmes proportions, les ressources attendues pourraient s’élever à 3,3 milliard d’euros ;
- à ces ressources s’ajoutent les redevances annuelles d’utilisation et la contribution au Fonds de réaménagement du spectre, au titre de remboursement par le ministère de la défense à hauteur de 148 millions d’euros ;
- enfin, la vente de fréquences aujourd’hui utilisées par le système Syracuse avait été évaluée à 450 millions d’euros dans le seul PLF 2011.
Au total, l’ensemble des ressources hertziennes attendues pourrait donc atteindre le montant maximal de 4,83 milliards d’euros, soit 2,83 milliards d’euros de plus que le montant des ressources exceptionnelles envisagées, à ce titre, par le ministère de la défense, dans son évaluation révisée au 12 juillet 2011.
Les ressources hertziennes pourraient dépasser l’ensemble des recettes exceptionnelles prévues dans la LPM, soit 3,7 milliards d’euros de 2008.
Il est évident qu’il convient d’attendre les résultats des appels d’offres pour que ces prévisions de ressources se concrétisent. Cependant, l’hypothèse d’un surcroît de ressources exceptionnelles d’un montant de 1 à 3 milliards d’euros ne peut être exclu.
Ce surplus de recettes exceptionnelles viendrait opportunément combler le manque de dotations budgétaires, par rapport à la LPM, qui a été estimé à 2 milliards d’euros pour la période 2009-2013, ainsi que l’incertitude sur l’encaissement effectif du produit de cessions immobilières attendu en 2013 (soit 0,67 milliard d’euros).
En d’autres termes, des ressources exceptionnelles, d’un montant inconnu, pourraient venir combler des dotations budgétaires, d’un montant certain, tout en étant insuffisantes pour atteindre les prévisions fixées par la LPM.
Estimer si les prévisions de recettes ou de dépenses de la LPM seront respectées est un exercice rendu encore plus périlleux par d’autres facteurs d’incertitude, comme le niveau réel d’inflation, dont nous avons vu plus haut l’impact sur les recettes de la mission « Défense », ou encore les ressources exceptionnelles issues de cessions immobilières.
Dans ce contexte, examiner les dotations de la mission « Défense », au regard des seuls documents budgétaires annexés au PLF 2012, est un exercice largement vidé de sens, s’il n’est pas resitué dans le contexte d’exécution d’une loi de programmation pluriannuelle qui, pourtant, n’a pas juridiquement la valeur et la portée d’une loi de finances.
Dans ce contexte lourd d’incertitudes budgétaires, les menaces auxquelles la défense nationale doit faire face sont, elles, réelles. La mise en oeuvre des grands programmes d’équipements indispensables au maintien de nos capacités opérationnelles est malheureusement soumis à des aléas, portant tant sur le montant que sur les dates de versement de ces ressources « exceptionnelles ».
Lors de l’examen du PLF 2011, les rapporteurs spéciaux de votre commission des finances avaient déjà souligné que le recours à des « ressources de substitution » plaçait la mission « Défense » en situation de « vulnérabilité », les ressources exceptionnelles pouvant être mobilisées pour la réduction des déficits publics. Toujours selon eux, la sincérité budgétaire aurait commandé que « des dépenses d’un montant important et fortement contraintes » soient financées par des crédits budgétaires, plutôt que par le produit de cessions qui aurait dû être reversé au budget général de l’Etat.
Cette « tuyauterie » implique des reversements de recettes provenant de comptes d’affectation spéciale en dehors du budget général de l’Etat, ce qui ne facilite pas l’exécution budgétaire.
Toutefois, à la différence de l’ancienne majorité sénatoriale qui préconisait alors que « le produit des cessions [soit] intégralement affecté au désendettement de l’Etat », votre rapporteur spécial Yves Krattinger juge que la priorité est désormais d’assurer le maintien des capacités opérationnelles de la défense nationale. S’il comprend la logique selon laquelle ces ressources exceptionnelles doivent abonder le budget de l’Etat, il estime dangereux de prévoir une affectation principalement au remboursement de la dette publique, plutôt que d’accorder les dotations budgétaires vitales au maintien de l’effort de défense nationale.
Les questions de sécurité nationale exigent une vision prospective à long terme, dans le cadre d’une programmation pluriannuelle offrant des perspectives claires aux gestionnaires. Les crédits de la défense, et tout particulièrement les grands programmes d’équipement, ne doivent plus être une variable d’ajustement conjoncturelle du retour à l’équilibre des finances publiques.
C. DES ALÉAS MULTIPLES PESANT SUR LA PROGRAMMATION À MOYEN TERME DES DÉPENSES DE LA MISSION « DÉFENSE »
1. La mise en oeuvre des réductions d’emplois par la RGPP et le Livre blanc : des réductions pesant sur le maintien des capacités opérationnelles
Le schéma ci-après présente les grandes masses des réductions d’effectifs prévues au cours de la période 2008-2015, en application de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et du Livre blanc.
Les conditions dans lesquelles ces réductions d’effectifs sont menées soulèvent des interrogations quant à la possibilité de maintenir les capacités opérationnelles de l’armée française.
La répartition des diminutions d’effectifs
selon qu’elles proviennent de la RGPP et du Livre blancSource : ministère de la défense
En « régime de croisière », comme détaillé dans le tableau ci-après, la suppression des effectifs doit permettre d’économiser plus de 1,8 milliard d’euros par an (plus de 1,4 milliard d’euros de titre 2 et plus de 0,4 milliard d’euros de titre 3).
La diminution des effectifs étant linéaire, l’économie annuelle moyenne sur la période est de l’ordre de la moitié de ce montant, soit 0,9 milliard d’euros, et environ 8,2 milliards d’euros sur la période, compte tenu d’effets qui se répercuteront également sur l’année 2016.
Sur les 8,2 milliards d’euros d’économies attendues, la réduction de la masse salariale représente une économie de 6,5 milliards d’euros, et les économies relevant des dépenses de fonctionnement (titre 3) 1,7 milliard d’euros.
Cependant, la réforme a également des coûts à moyen terme :
- un plan d’accompagnement social des restructurations (soit 1,1 milliard d’euros de dépenses de titre 2, hors surcoût lié aux situations de chômage) ;
- des dépenses d’infrastructure (à hauteur de 1,5 milliard d’euros) ;
- l’accompagnement territorial des restructurations (0,2 milliard d’euros).
Les économies nettes ainsi générées doivent être majorées du produit des cessions immobilières, évaluées à 1,3 milliard d’euros, et qui ne figuraient pas jusqu’à présent dans les évaluations des économies liées à la réforme des effectifs, telles qu’elles étaient communiquées à vos rapporteurs spéciaux. Ce gisements d’économies potentielles, soudain découvert, laisse perplexe.
Au total, les économies nettes attendraient donc 6,7 milliards d’euros.
Comme le montre la répartition des économies budgétaires par année, la réforme entrera dans sa phase la plus difficile à partir de 2013.
Ces chiffrages, attribués par le Gouvernement aux vertus supposées de la révision générale des politiques publiques (RGPP), qui a été appliquée avec une extrême rigueur au ministère de la défense, apparaissent en réalité très incertains.
En 2008, le ministre de la défense avait ainsi évalué les économies liées à la suppression des mêmes 54 000 emplois à 4 milliards d’euros en termes de masse salariale, ce qui ne représentait toutefois qu’une économie nette de 2,7 milliards d’euros, compte tenu des mesures d’accompagnement social et des coûts de restructuration. En juillet 2010, le ministère de la défense réévaluait ces économies à 4,9milliards d’euros, avant que le chiffre de 6,7 milliards d’euros ne soit finalement retenu en janvier 2011.
Ces incertitudes, quant à l’impact des réductions d’effectifs en termes notamment d’évolution de la masse salariale, ne sont pas propres au ministère de la défense : dans le PLF 2012, l’économie brute liée à la suppression d’un emploi est évaluée à 31 800 euros, en hausse de près de 18 % par rapport à l’année précédente. Le montant du « retour catégoriel » vers les agents publics, résultant des gains de productivité au titre de mesures catégorielles, donne lieu aux mêmes hésitations sans que, en tout état de cause, le taux de 50 % d’un « retour catégoriel » vers les agents soit atteint.
Or, dans le cas du ministère de la défense, à un retour catégoriel il est préféré un réinvestissement dans les équipements, mais dans des montants inconnus et sans qu’apparaisse clairement le circuit de tels redéploiements budgétaires.
Les principes qui doivent guider l’évolution des effectifs militaires devraient tenir compte, en priorité, du maintien des capacités opérationnelles, suivant une répartition équilibrée des bases militaires sur l’ensemble du territoire national, outre mer et à l’étranger.
Les économies nettes provenant des réductions d’effectifs du ministère de la défense
(en millions d’euros courants 2008 et en ETPT)
Source : ministère de la défense
2. La question du financement des opérations extérieures (OPEX) resurgit à l’occasion d’un premier bilan de l’opération en Libye
a) De nouvelles règles fixées par la LPM n’ayant pas mis fin à la sous-dotation des OPEX en loi de finances initiale
Dans le cas des opérations extérieures (OPEX), la loi de programmation militaire 2009-2014 a prévu :
- d’en évaluer de manière plus réaliste les surcoûts en loi de finances initiale, comme le recommandait la commission des finances ;
- de financer les éventuels dérapages par rapport à ces estimations « par prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle ».
Selon la loi de programmation militaire 2009-2014, « le montant de la provision au titre des surcoûts des opérations extérieures, porté à 510 millions d’euros en 2009, sera augmenté de 60 millions d’euros en 2010 puis de 60 millions d’euros en 2011 », soit 570 millions d’euros en 2010 et 630 millions d’euros en 2011.
Ces montants demeurent toutefois insuffisants pour financer la totalité du surcoût des OPEX, comme le montre le tableau ci-après, qui font apparaître des besoins de financements complémentaires à hauteur de 361 millions d’euros en 2009, 290 millions d’euros en 2010 et 248 millions d’euros en 2011, réévalués entre 550 et 600 millions d’euros si l’on ajoute les coûts de l’opération Harmattan en Libye, évalués entre 300 et 350 millions d’euros au 1er octobre 2011.
Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit un montant inchangé, à 630 millions d’euros, témoignant que le Gouvernement n’a pas voulu s’engager vers une budgétisation du coût total des OPEX en loi de finances initiale, alors même que l’opération Harmattan devrait conduire les dépenses d’opérations extérieures à un niveau sans précédent pour la France en temps de paix, soit 1,2 milliard d’euros en 2011.
b) Un financement des surcoûts qui pose débat : l’exemple de l’opération Harmattan
En 2003-2008, le supplément de surcoût des OPEX par rapport aux montants inscrits en lois de finances initiales était financé sous « enveloppe LPM », essentiellement par annulation de crédits d’équipement. Selon les estimations du ministère de la défense, ce phénomène a réduit d’environ 1 milliard d’euros sur la période les moyens prévus pour l’équipement.
Pour éviter qu’un tel phénomène ne se reproduise, la loi de programmation militaire 2009-2014 prévoit qu’« en gestion, les surcoûts nets non couverts par la provision (surcoûts hors titre 5 nets des remboursements des organisations internationales) seront financés par prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle », prévue par l’article 51 de la LOLF, dans le cadre de décrets d’avance.
La loi de programmation militaire ne précise pas toutefois la part de ces dépenses qui sera financée sur la réserve de précaution des missions autres que la mission « Défense », ce qui peut conduire, de fait, à largement gager les opérations extérieures sur des crédits du ministère de la défense et pose la question de la portée réelle de la réforme opérée par la LPM.
Par ailleurs, il n’est pas évident que les crédits réouverts en loi de finance rectificative de fin d’année puissent effectivement être consommés l’année n, conduisant ainsi à renouer avec la pratique antérieure des reports de crédits sur l’année n + 1 que le ministère de la défense pourrait ne pas être autorisé à consommer durant l’année n + 1.
Face à ces risques, le tableau ci-après montre des situations contrastées :
- en 2008, les ministères civils n’ont contribué qu’à hauteur de 20 % aux annulations de crédits pour financer les opérations extérieures en décret d’avances ;
- en 2009, il avait été indiqué à vos rapporteurs spéciaux, dans les réponses à leur questionnaire budgétaire, que l’enveloppe « LPM » du ministère de la défense n’avait été sollicitée qu’à hauteur de 5 millions d’euros ; en fait, l’exécution finale, dans le tableau transmis cette année et intégrant les phénomènes de report de crédits, montre que l’enveloppe « LPM » a finalement été réduite de 59 millions d’euros ;
- en 2010, les crédits du ministère de la défense ne seraient pas affectés par le financement des « OPEX ».
Les coûts des opérations extérieures, entre 2007 et 2011 (hors opération Harmattan), sont détaillés dans le tableau ci-après.
Les surcoûts des opérations extérieures (2007-2011, hors opérations Harmattan)
(en millions d’euros)
Source : ministère de la défense
En nombre d’hommes, les opérations extérieures ont mobilisé, en 2011, 11 000 soldats projetés, en plus des 4 300 soldats prépositionnés à l’étranger.
Ces données récapitulatives montrent l’impact budgétaire de l’engagement croissant de la France sur des terrains d’opérations extérieures, alors que le niveau des ressources budgétaires, de plus en plus contraintes, interrogent sur la capacité à mener à bien ces opérations.
Sur le long terme, le coût moyen des opérations extérieures s’élevait à 511 millions d’euros par an en 2000-2001. Au cours des années 2002-2006, les dépenses annuelles des OPEX ont atteint 624 millions d’euros en moyenne (soit une hausse de 22 % par rapport à 2000-2001). Pour la période 2007-2011, en retenant l’hypothèse médiane du Gouvernement d’un coût de 325 millions d’euros pour l’opération Harmattan, le coût annuel moyen des OPEX s’élèverait ainsi à 894 millions d’euros, en hausse de 75 % par rapport aux années 2000 et 2001.
Le financement du surcoût des opérations extérieures
(1) Périmètre : le surcoût des OPEX jusqu’en 2008 intègre le surcoût de la gendarmerie (programmes 152 et 178 suivant l’architecture LOLF). A partir de 2009, seul le surcoût relevant du ministère de la défense (Programme 178) est pris en compte.
(2) Le montant prévisionnel des fonds de concours 2011 s’élève à 79 millions d’euros. Au 26 août 2011, 42 millions d’euros avaient déjà été rattachés.
NB : (a) Les données de surcoûts de 2000 à 2010 (ligne « Total ») sont les données exécutées. Elles peuvent, à ce titre, différer des prévisions retenues lors de l’instruction du décret d’avance OPEX. (b) Les surcoûts prévisionnels pour 2011 sont présentés hors opération Harmattan. Les surcoûts de cette opération sont évalués entre 300 et 350 millions d’euros au 1er octobre 2011.
Source : ministère de la défense
Compte tenu de l’explosion des OPEX en 2011, seulement 52 % du coût de ces opérations devrait, cette année, avoir été financé par les dotations de la LFI 2011, soit un niveau inférieur à celui de 2007 (où cette proportion atteignait 55 %), avant l’adoption de la LPM 2009-2014.
Dans les réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux, le Gouvernement a usé d’une élégante litote pour signifier qu’il ne savait pas, à ce stade, combien coûterait l’opération Harmattan, ni comment elle serait financée (par « un abondement externe selon des modalités à définir à ce stade de la gestion »), même si des ressources provenant de remboursement des Nations Unies étaient attendues, pour un montant de 79 millions d’euros, mais sans que soit davantage connue la date de ces versements qui pourraient n’intervenir que dans plusieurs années :
« En 2011, conformément aux souhaits du Parlement et à la LPM, le financement résiduel des surcoûts OPEX ne devrait pas reposer sur les crédits d’équipement de la défense mais devrait bénéficier d’un abondement externe selon des modalités à définir à ce stade de la gestion, et en fonction du montant des surcoûts OPEX arrêtés. Compte tenu du déclenchement de l’opération Harmattan (Libye) au printemps 2011 et des événements récents, l’évaluation des surcoûts prévisionnels est en cours de finalisation. (…) L’opération Harmattan se caractérise par une forte dominante aéromaritime entraînant une utilisation massive de l’arme aérienne, du groupe aéronaval mais également des hélicoptères de combat de l’aviation légère de l’armée de terre ainsi que par la consommation d’un volume très important de munitions par rapport aux autres opérations extérieures des dernières années. Par ailleurs, il reste encore des incertitudes importantes sur son évolution future, et l’opération « Unified protector », dans laquelle elle s’inscrit, vient d’être prolongée de quatre-vingt-dix jours par l’OTAN à compter du 1er octobre 2011. Evalué au 1er octobre 2011, le surcoût de l’opération Harmattan est compris entre 300 et 350 millions d’euros.
« En matière de ressources pour 2011, le financement devrait être partiellement assuré par des remboursements ONU, attendus à hauteur de 20 millions d’euros dans le PAP 2011, puis revus en gestion à la hausse de plus de 59 millions d’euros pour s’établir à 79 millions d’euros. Le rattachement des remboursements ONU est en effet très aléatoire car il est lié au paiement des contributions par les différents pays concernés et peut, par conséquent, intervenir plusieurs années après la fin de l’opération ».
Les économies en gestion signifient-elles que le ministère de la défense sera affecté par l’intervention en Libye ? A ce stade de l’exécution budgétaire 2011, il existe une vraie incertitude sur une éventuelle remise en cause de l’enveloppe « LPM », ainsi que sur une possible aggravation du déficit budgétaire de l’Etat.
Par ailleurs, toujours selon le Gouvernement, l’opération Harmattan se caractérise par des surcoûts de nature différente de ceux des autres opérations extérieures, et qui pourraient donc entraîner des surcoûts encore plus importants que ceux actuellement envisagés (entre 300 et 350 millions d’euros) :
- les postes correspondant au carburant, ainsi qu’à l’entretien des avions et des hélicoptères, devraient s’élever à environ 50 % du coût total de l’opération (contre une moyenne de 20 % dans les autres opérations) ;
- la part des munitions dans les dépenses devrait être comprise entre 25 % et 35 %, alors qu’elle n’atteint en général que 2,5 % dans les OPEX ;
- les dépenses de personnel, relevant du titre 2, devraient n’atteindre que 15 %, alors que pour les autres OPEX elles s’élèvent en général à 35 %.
L’opération Harmattan est ainsi révélatrice des besoins militaires en matériels, notamment en équipements, lesquels sont pourtant la principale variable d’ajustement du plafonnement des dépenses militaires opéré par la loi de programmation des finances publiques.
3. Les principaux programmes d’armement mis au régime sec ?
En conséquence de ces moindres moyens financiers qui seront consacrés à l’équipement en 2009-2014, les cibles de livraison de matériels à l’horizon 2014 ont dû être revues à la baisse, suite à l’adoption de la loi de programmation pour les finances publiques.
L’évolution du nombre d’unités devant être acquises de 2009 à 2014,
avant prise en compte du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014Principaux équipements
LPM 2009-2014
Programmation révisée
Ecart
Système de détection et contrôle aérien
SDCA / Hawkeye*
4
4
0
Combat débarqué
FELIN
22 230
17 884
-4 346
Combat débarqué
VBCI
553
564
11
Appui feu
CAESAR
69
67
-2
Transport logistique terrestre
PPT
500
287
-213
Hélicoptères d’attaque
TIGRE
33
35
2
Hélicoptères de manoeuvre (terre)
NH90-TTH
23
22
-1
Hélicoptères multirôles (marine)
NH90-NFH
Cibles et cadences de livraisons à préciser en 2009-2010
14
-
Frégates
FREMM
2
2
0
Bâtiments amphibies et projection maritime
BPC
1
1
0
Avions de combat
RAFALE
Cibles et cadences de livraisons à préciser en 2009-2010 (50)
66
16
M 2000D multirôles*
5
Cibles et cadences de livraisons à préciser
-5
Avions de transport tactique
A400M
18**
8
-10
Missiles de croisière air + marine
SCALP EG + MDCN
60
60
0
* Les lignes SDCA/HAWKEYE et M 2000D multirôles ne correspondent pas à des livraisons de nouveaux matériels mais à des rénovations ou mise à niveau de matériels.
** Ce chiffre ne figure pas explicitement dans la LPM, mais a été indiqué par le ministère de la défense comme ayant été celui utilisé pour l’élaboration de celle-ci.
Source : d’après le ministère de la défense
En particulier, le nombre d’équipements du fantassin FELIN qu’il est prévu d’acquérir en 2009-2014 serait réduit de 4 346 unités, celui des camions de transport dits « porteurs polyvalents terrestres » (PPT) de 213 unités.
Les cinq rénovations à mi-vie du Mirage 2000 D, jusqu’alors prévues d’ici 2014, seraient quant à elles reportées après cette date pour étaler le financement de l’opération, selon des modalités techniques et un calendrier à définir suite à une étude devant être lancée d’ici la fin de l’année, en vue de résultats connus en milieu d’année 2012. Il sera souhaitable que le Gouvernement puisse indiquer, en séance, où en est le lancement de cette étude.
En raison des retards d’EADS, le nombre d’avions de transport tactique A400M livrés d’ici 2014 serait de seulement 8 unités, et non de 18 comme prévu dans la LPM.
En sens inverse, certaines cibles sont revues à la hausse d’ici 2014 : tel est le cas en particulier des hélicoptères d’attaque Tigre (+ 2 unités) et, surtout, des Rafale (+ 16 unités).
Toutefois, l’anticipation de l’acquisition de ces Rafale n’est pas une bonne nouvelle pour le ministère de la défense, et correspond à la concrétisation de l’un des principaux aléas défavorables pesant sur la LPM 2009-2014, identifié par les rapporteurs de votre commission des finances dans leur avis sur le projet de LPM. En effet, ces avions Rafale supplémentaires devront être acquis au détriment d’autres équipements jugés plus urgents.
La LPM prévoyait d’en acquérir 50 sur la période 2009-2014. Il était toutefois précisé que ce nombre pourrait être revu à la hausse si l’entreprise française qui produit le Rafale ne parvenait pas à exporter cet avion. En effet, selon l’avionneur, une production d’au moins 11 appareils par an est nécessaire pour que le programme soit industriellement viable, ce qui correspondait à environ 65 appareils sur la période 2009-2014. Les perspectives d’exportations étant incertaines, l’Etat doit anticiper l’acquisition d’appareils supplémentaires par rapport à la LPM, en révisant à nouveau à la hausse le nombre de Rafale à acquérir : de 13 l’an dernier, ce nombre a été porté à 16 lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, en ne prévoyant une hausse des exportations qu’en 2016-2017 pour compenser ces acquisitions supplémentaires par la France.
Compte tenu du coût d’acquisition d’un Rafale, les 16 Rafale correspondent à un dépassement de la LPM de plus d’un milliard d’euros, réduisant à due concurrence les moyens des autres programmes.
Dans ce contexte où d’autres révisions à la baisse de commandes de l’Etat semblent probables, d’autres livraisons ont été reportées sur la période 2015-2020, par exemple pour les camions de transport de l’armée de terre porteurs polyvalents terrestres (PPT) : sur 1 800 appareils devant être livrés, 1 513 le seraient au cours de la période 2015-2020.
4. Des incertitudes majeures : le risque pour le budget de la défense d’un manque potentiel de recettes de l’ordre de 13 milliards d’euros
Lors de l’examen du projet de LPM, votre commission des finances avait pointé un certain nombre de facteur d’incertitudes risquant de remettre en cause l’atteinte des objectifs « physique » fixés par la loi de programmation budgétaire, à hauteur de 7 milliards d’euros.
Compte tenu des aléas détaillés ci-dessus, le manque à gagner potentiel pour le budget de la défense doit être réévalué à la hausse.
S’agissant des ressources exceptionnelles, qui doivent compléter des dotations budgétaires insuffisantes en CP pour atteindre les objectifs de la LPM, celles-ci sont évaluées à 3 milliards d’euros entre 2011 et 2013 par le ministère de la défense, mais le risque existe qu’elles soient pour partie affectées au désendettement de l’Etat, surtout si elles devaient être d’un montant plus élevé que prévu. Même en obtenant le reversement de ces ressources exceptionnelles (à hauteur de la prévision de 3 milliards d’euros), le ministère de la défense estime à 2 milliards d’euros (sur la période 2009-2013) le repli du niveau des dépenses (en crédits de paiement) par rapport aux objectifs de la LPM, soit le risque potentiel d’un manque à gagner de 5 milliards d’euros en ressources.
S’agissant des dépenses, les crédits de fonctionnement et d’activité augmentent plus rapidement que prévu, du fait notamment de la dynamique de la masse salariale. Au regard de l’exécution 2010, marquée par un dépassement des crédits de fonctionnement et d’activité de 0,6 milliard d’euros par rapport aux prévisions de la LPM pour un seul exercice, l’hypothèse d’un risque budgétaire de 1 milliard d’euros (retenu par votre commission des finances lors de l’examen du projet de LPM) était une hypothèse relativement prudente : ce risque peut être réévalué à 3 milliards d’euros pour l’ensemble de la LPM. Dans notre réévaluation, cette somme intègre le possible dérapage des coûts du maintien des forces en condition opérationnelle, évalué à 0,5 milliard d’euros lors de l’examen du projet de LPM.
De même, le sous-financement des OPEX n’était estimé qu’à 0,5 milliard d’euros, ce qui correspond à la non-couverture des OPEX par des crédits budgétaires pour la seule année 2011. Ce risque peut être réévalué à au moins 1 milliard d’euros.
Toujours en ce qui concerne les dépenses, l’inflation est plus faible que les niveaux prévus dans la LPM : l’aléa, évalué à 2 milliards d’euros lors de l’examen du projet de LPM, peut être considéré comme identique.
Au total, le risque sur les trois postes de dépenses précités (masse salariale, OPEX, inflation) peut être réhaussé à 6 milliards d’euros.
En revanche, l’hypothèse d’une diminution du prix du baril de pétrole - qui avait entraîné un risque évalué à 1 milliard d’euros par votre commission des finances – n’est plus d’actualité.
S’agissant enfin des programmes d’armement (avec des possibilités de surcoût évaluées à 2,5 milliards d’euros lors de la discussion du projet de LPM), ce risque doit être révisé à la baisse, à hauteur de 2 milliards d’euros, au regard des difficultés rencontrées à l’exportation.
Les aléas de la LPM 2009-2014 : comparaison de l’évaluation initiale par les rapporteurs spéciaux et de la situation actuelle
(en milliards d’euros)
Risques tels qu’évalués par les rapporteurs spéciaux dans leur rapport pour avis sur le projet de LPM 2009-2014
Risques réévalués lors de l’examen du PLF 2012
Ressources
Ressources exceptionnelles
-0,5
-5
Crédits de paiement
-1
Dépenses
Possible dérive de la masse salariale et des dépenses de fonctionnement et d’activité
-1
-6
Opérations extérieures (OPEX)
-0,5
Perte de pouvoir d’achat liée à la faible inflation
-2
Pétrole à 50 dollars au lieu de 75 dollars
1
0
Maintien en condition opérationnelle
-0,5
Intégré ci-dessus, dans le poste « dépenses de fonctionnement et d’activité »
Programmes d’armement
-2,5
-2
Livraison de Rafale supplémentaires
-1,5
Possibles dérapages de coûts (A400M…)
-0,5
Matériels non prévus
-0,5
Total
-7
-13
Un signe – indique une ressource manquante ou un coût supplémentaire.
NB : ce tableau intègre les surcoûts déjà constatés : réintégration de l’OTAN (100 millions d’euros par an en régime de croisière), implantation aux Emirats Arabes Unis (75 millions d’euros par an en régime de croisière), frais de démantèlement des équipements, mises aux normes environnementales, achats en urgence opérationnelle…
Source : commission des finances
Au total, comme le détaille le tableau ci-dessus, les ressources manquantes ou les coûts supplémentaires constatés lors de l’exécution de la LPM 2009-2014 pourraient atteindre 13 milliards d’euros.
5. Dépenses militaires : un recul de la place de la France
Une des conséquences de la limitation des dépenses militaires est le recul de la place de la France, si l’on compare les budgets de la défense des grandes puissances, comme détaillé dans le tableau ci-après.
Ces données, fournies à vos rapporteurs spéciaux par le ministère de la défense et des anciens combattants, intègrent les dépenses de pensions. Il convient d’observer que les données françaises pour les années antérieures à 2009 comprennent la gendarmerie, soit des dépenses annuelles comprises entre 6 et 7 milliards d’euros par an (y compris les charges de pensions) sur la période 2000-2009.
Les dépenses militaires de la France, qui étaient supérieures à celles du Royaume-Uni jusqu’en 2004, de l’ordre de 2 milliards d’euros (mais inférieures de 4 milliards d’euros si l’on retire les dotations de la gendarmerie), lui sont désormais nettement inférieures, à hauteur de 14,4 milliards d’euros en 2011. Le différentiel en défaveur de la France s’élève à 7 milliards d’euros si l’on intègre les dépenses de gendarmerie, alors qu’en 2004 les dépenses militaires et de gendarmerie de la France dépassaient le budget de la défense britannique de 3 milliards d’euros.
Le budget militaire de la France (y compris la gendarmerie) la plaçait à des niveaux comparables à ceux de la Chine et de la Russie dans la deuxième moitié des années 1990. Sous l’effet de la hausse des dépenses militaires de ces deux pays, les dépenses militaires chinoises sont aujourd’hui plus de quatre fois supérieures à celles de la France, et celles de la Russie atteignent le double de celles de notre pays.
Hors gendarmerie, le budget militaire des Etats-Unis était 10 fois supérieur à celui de la France au début des années 2000. En 2010, il a représenté plus de 18 fois celui de la France, et encore plus de 16 fois les dépenses militaires françaises en 2011, dans un contexte de diminution de l’effort américain de défense.
En revanche, les dépenses militaires de l’Allemagne étaient inférieures à celles de la France de l’ordre de 9 à 10 milliards d’euros jusqu’en 2008 ; depuis 2009, la différence n’est plus que 2 milliards d’euros, ce qui correspond à la non-prise en compte des dépenses de la gendarmerie dans les statistiques pour notre pays depuis cette date.
Pour que les dépenses de défense françaises restent stables en points de PIB, celles-ci devraient suivre la croissance annuelle du PIB, soit 2 % par an en volume alors que, comme on le verra ci-après dans le paragraphe III, même l’hypothèse du Livre blanc ne prévoit qu’une croissance de 1 % par an en volume jusqu’en 2020.
Evolution des dépenses militaires des Etats-Unis, de la Chine, de la Russie, du Royaume-Uni, de la France et de l’Allemagne
(en milliards d’euros courants, convertis aux taux de parité de pouvoir d’achat de l’euro en France)
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009*
2010
2011
Etats-Unis
276,7
268,0
269,0
265,2
269,7
283,7
287,2
322,8
389,4
436,5
464,8
502,0
523,4
647,4
664,7
686,7
642,2
Chine
31,4
35,9
36,9
42,5
48,1
52,0
62,3
72,9
82,7
91,4
101,5
118,0
134,6
148,2
175,3
178,9
nc
Russie
41,9
38,0
42,2
29,1
32,8
39,2
45,2
50,4
56,6
56,0
58,4
61,5
65,1
70,9
81,1
77,8
nc
Royaume-Uni
33,3
34,4
33,2
33,7
33,2
34,7
35,9
36,3
38,7
39,8
44,6
46,2
48,0
51,5
51,1
52,1
52,8
France *
36,3
36,2
36,8
36,0
36,5
36,7
37,2
38,7
40,7
42,7
42,5
44,4
45,2
45,4
39,2
39,2
38,4
Allemagne
29,8
29,9
29,0
29,2
30,1
29,7
29,5
29,9
31,7
32,1
32,6
32,7
33,4
35,8
37,2
37,0
36,7
Nc : non communiqué
* Les données pour la France n’incluent plus les gendarmes depuis 2009
Sources :
- Pour les pays de l’OTAN : mémorandum statistique de l’OTAN (juin 2011)
NB : pour les USA, au cours de la période 2008-2010, les montants de cette édition sont sensiblement supérieurs à ceux précédemment publiés par l’OTAN en juin 2010.
- Pour les pays hors OTAN : Stockholm International Peace Research Institute (Sipri) yearbook 2011
II. LES GRANDS ÉQUILIBRES DU PRÉSENT PROJET DE LOI DE FINANCES
En incluant les pensions – contrairement à ce que fait la LPM -, les crédits de paiement de la mission « Défense » s’élèvent à38,3 milliards d’euros en CP et 40,2 milliards d’euros en AE dans le présent projet de loi de finances.
Les crédits de paiement relèvent principalement, à hauteur de 33,3 milliards d’euros, de deux programmes :
- le programme 178 « Préparation et emploi des forces », correspondant à la quasi-totalité des dépenses de personnel et au maintien en condition opérationnelle des matériels (22,3 milliards d’euros, dont 15,5 milliards d’euros de dépenses de personnel) ;
- le programme 146 « Equipement des forces », correspondant à la quasi-totalité des dépenses d’équipement (11 milliards d’euros).
Le responsable des programmes 178 et 146 est le chef d’état-major des armées, ainsi que, dans le cas du programme 146, le délégué général pour l’armement. Cette « co-direction » du programme 146 est parfois critiquée, en raison de la dilution de responsabilités qu’elle peut susciter.
La mission « Défense » (crédits de paiement uniquement*), pensions comprises
(en millions d’euros)
LFI
2009LFI
2010LFI 2011
PLF
2012Programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense »
1 735
1 780
1 792
1 799
Programme 178 « Préparation et emploi des forces »
21 822
21 541
21 891
22 293
Programme 212 « Soutien de la politique de la défense »
1 573
2 480
3 014
3 137
Programme 146 « Equipement des forces »
12 208
11 344
10 712
11 052
Total mission « Défense »
37 338
37 145
37 409
38 281
* A l’exclusion des recettes exceptionnelles et des crédits de paiement de la mission « Plan de relance de l’économie ».
Source : projet de loi de finances pour 2012
La mission « Défense » comprend deux autres programmes, plus modestes en termes de crédits de paiement :
- le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » (1,8 milliard d’euros en CP), dont le responsable est le directeur des affaires stratégiques, et correspondant essentiellement aux services de renseignement (environ 0,65 milliard d’euros) et aux « études amont » (également 0,65 milliard d’euros) ;
- le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » (3,1 milliards d’euros en CP en 2012), dont le responsable est le secrétaire général pour l’administration, et dont les crédits correspondent essentiellement à la politique immobilière et à la politique sociale.
A. UNE ANNUITÉ 2012 INFÉRIEURE À LA PROGRAMMATION POUR ENVIRON 0,35 MILLIARD D’EUROS
Le tableau ci-après compare la prévision actualisée pour 2011 et les prévisions du PLF 2012, d’une part, et les annuités 2011 et 2012 de la LPM, d’autre part, pour l’ensemble des ressources et des dépenses de la mission.
1. Précisions méthodologiques
Une difficulté méthodologique tient au fait que la loi de programmation militaire (LPM) 2009-2014 est construite en euros 2008, ce qui conduit à réactualiser chaque année l’ensemble des moyens par une application de l’indice des prix à la consommation hors tabac. Les taux d’actualisation utilisés ont été les taux d’inflation constatés pour 2009-2010, puis les taux d’inflation retenus lors de la construction du PLF 2012, soit 0,10 % en 2009, 1,50 % en 2010, 1,50 % en 2011 et 1,75 % en 2012 et 2013.
En outre, les annuités de la LPM, en structure 2008, ont été retraitées des transferts effectués lors de la construction des projets de loi de finances annuels, afin de permettre des comparaisons à structure identique. Depuis le début de la LPM en 2009, le principal changement de périmètre a été le transfert de la délégation à l’information et à la communication de la défense, ainsi que du service historique de la défense, du programme 167 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » vers le programme 212 de la mission « Défense », à hauteur de 0,15 milliard d’euros. Les transferts et mesures de périmètre ont un impact marginal dans le PLF 2012, à hauteur de 0,01 milliard d’euros.
Comme les rapporteurs spéciaux de votre commission des finances l’avaient déjà observé les années précédentes, certaines dispositions de la LPM ne sont pas respectées pour la comparaison effectuée ci-après :
- d’une part, le ministère de la défense n’applique pas la disposition de la LPM selon laquelle les crédits qu’elle prévoit, exprimés en euros de 2008 et à périmètre de 2008, sont « actualisé(s) chaque année par application de l’indice des prix à la consommation hors tabac retenu par la loi de finances de l’année pour chacune des années considérées » ; or, de manière récurrente, l’hypothèse d’inflation retenue chaque année par le ministère de la défense a été celle associée au projet de loi de finances (par exemple, pour 2009, l’hypothèse retenue est celle du projet de loi de finances, soit 2 %, et non celle retenue par la loi de finances, suite aux débats budgétaires : 1,5 %) ;
Comparaison entre les prévisions d’exécution de la mission « Défense » en 2011-2012 et la loi de programmation militaire
Source : ministère de la défense- d’autre part, le ministère de la défense considère que la LPM implique de majorer en loi de finances les crédits de paiement de 30 millions d’euros en 2010 et 60 millions d’euros à partir de 2011, prélevés sur la réserve de budgétisation prévue par la loi de programmation des finances publiques, afin de contribuer au financement des opérations extérieures (OPEX). Or, la LPM ne comprend aucune disposition de ce type.
Toutefois, ces deux effets – minoration des crédits de la mission « Défense » du fait de l’indice des prix retenu, et majoration des crédits pour le financement des OPEX – sont en pratique équivalents, et seront donc négligés pour l’analyse des crédits associés au PLF 2012
2. Des dotations du PLF 2012 en repli de 0,35 milliard d’euros par rapport à l’annuité 2012 de la LPM
Si l’on compare le PLF 2012 au périmètre LPM (c’est-à-dire en euros 2008) et l’annuité 2012 prévue par la LPM, les crédits de paiement de la mission « Défense » dans le PLF 2012 (soit 28,91 milliards d’euros) sont inférieurs de 1,28 milliard d’euros à l’annuité du PLM 2012 (soit 30,19 milliards d’euros), comme détaillé dans le tableau ci-avant.
Toutefois, les ressources exceptionnelles s’élèvent à 1,13 milliard d’euros dans le PLF 2012 (au périmètre LPM et en euros 2008), alors que l’annuité 2012 de la LPM ne prévoyait que 0,20 milliard d’euros de ressources exceptionnelles. Ce surcroît de recettes exceptionnelles, à hauteur de 0,93 milliard d’euros, compense à hauteur de plus des deux tiers le manque de crédits de paiement (soit 1,28 milliard d’euros), ramenant ainsi à 0,35 milliard d’euros le déficit de ressources dans le PLF 2012 par rapport à l’annuité 2012 de la LPM.
Les dépenses sont donc minorées à due concurrence de 0,35 milliard d’euros (en euros 2008) : comme il a été analysé plus haut pour l’ensemble de la période 2009-2014 de la loi de programmation militaire, ce sont les grands programmes d’équipement dont les crédits sont le plus fortement révisés à la baisse dans le PLF 2012 : leurs dotations ne s’élèvent qu’à 7,51 milliard d’euros (en valeur 2008), en repli de 0,6 milliard d’euros par rapport à l’annuité 2012 de la LPM (soit 8,11 milliards d’euros).
B. DE LOURDES INCERTITUDES SUR LE MAINTIEN DES PLAFONDS D’EMPLOIS PAR RAPPORT À LA LPM
1. Des plafonds d’emplois fixés par la LPM
L’article 6 de la LPM 2009-2014 définit la politique d’effectifs par deux dispositions dont la compatibilité ne va pas nécessairement de soi en pratique :
- des réductions d’effectifs, définies par rapport à l’année précédente en équivalents temps plein (ETP), notion dont on rappelle qu’elle correspond aux effectifs « physiques » à la mi-année ;
- des plafonds d’emplois, notion budgétaire définie en équivalents temps plein travaillé (EPTP), c’est-à-dire en ETP corrigés en fonction de leur présence effective sur l’année, définis en niveau.
Le tableau ci-après indique les hypothèses retenues pour mettre ces deux notions en cohérence.
La notion de plafond d’emplois doit être retenue en priorité, dans la mesure où elle permet davantage des comparaisons d’une année sur l’autre.
On constate ainsi une prévision de réduction des effectifs à hauteur de 53 310 ETPT sur la période 2008-2016, dont une diminution de 30 697 ETPT pendant la durée de la LPM (2009-2014).
Le plafond d’emplois doit ainsi être abaissé de 314 200 ETPT en 2009 à 276 000 ETPT en 2014, soit une baisse de 38 200 ETPT (ou 12 % des effectifs du plafond d’emplois en 2009).
Les suppressions d’effectifs prévues par la loi de programmation militaire : mises en cohérence des chiffres en ETP et en ETPT figurant à l’article 4 de la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014
(mission « Défense », à périmètre 2008)
Année
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
Total
2009-2014
4 852
7 999
7 926
7 577
7 462
7 462
7 462
2 570
53 310
45 888
+ Effet report n-1
2 426
4 000
3 963
3 789
3 731
3 731
3 731
1 285
- Effet report n+1
- 2 426
- 4 000
- 3 963
- 3 789
- 3 731
- 3 731
- 3 731
-1 285
Suppressions d’ETPT en résultant
2 426
6 426
7 963
7 752
7 520
7 462
7462
5 016
1 285
53 310
30 697
Plafonds d’emplois en ETPT (chiffres figurant dans la LPM)
320 612
314 200
306 200
298 500
291 000
283 500
276 000
Plafonds en LFI (2009, 2010, 2011), PLF 2012 et nouvelle programmation (2013 et 2014)
320 612
314 670
306 564
299 006
293 198
Exécution (1)
316 381
309 848
302 367
294 359
Sous-exécution par rapport à la LFI
4 231
4 822
4 197
4 647
ETP : équivalent temps plein (emploi corrigé pour prendre en compte sa durée hebdomadaire). Défini à un moment précis. ETPT : équivalent temps plein travaillé (ETP corrigé pour prendre en compte la durée de présence de la personne sur l’année). Défini en moyenne annuelle.
Explication : les suppressions d’emplois en ETP sont définies à mi-année. Une suppression de N ETP une année n signifie donc que les ETP diminuent de N entre le 1er juillet de l’année n-1 et le 1er juillet de l’année n. Si on suppose que la diminution est linéaire, cela signifie que l’emploi (défini en ETPT) diminue de N/2 l’année n-1 puis N/2 l’année n.
(1) Pour 2011, il s’agit de l’exécution provisoire correspondant à l’effectif moyen réalisé prévisionnel (EMRP), d’après les données connues au 31 mai 2011 par les services gestionnaires des ressources humaines.
Sources : ministère de la défense et rapport de nos collègues députés Patrick Beaudouin et Yves Fromion sur le projet de loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 (commission de la défense de l’Assemblée nationale, n° 1615, XIIIe législature, 8 avril 2009)
. En exécution, des effectifs inférieurs d’environ 4 000 ETPT à la programmation de 2008 à 2011, révélateurs de lacunes dans la gestion du ministère de la défense
Comme le révèle le tableau précédent, si les plafonds fixés par les lois de finances pour 2009, 2010 et 2011 se conforment globalement à la LPM (malgré des écarts annuels de l’ordre de 400 à 500 ETPT), les exécutions de 2009 et 2010, ainsi que l’exécution prévisionnelle de l’année 2011, montrent des sous-exécutions par rapport à la LFI à hauteur de 4 822 ETPT, 4 197 ETPT et 4 647 ETPT.
Cette sous-exécution vient du fait que la déflation a été plus rapide que prévu en 2008 (4 231 ETPT de moins qu’anticipé), cet écart s’étant ensuite à peu près maintenu. Malheureusement, aucune explication n’est apportée par le ministère de la défense dans le commentaire de ces évolutions, en réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.
Manifestement, cette sous-exécution intervient à périmètre constant, hors transfert (opéré en 2009) de la délégation à l’information et à la communication de la défense, ainsi que du service historique de la défense, de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » vers la mission « Défense ».
Selon les recherches de vos rapporteurs spéciaux, la sous-exécution correspond manifestement à des départs plus nombreux que prévu, dans le contexte notamment de la réforme des retraites. Parallèlement, le non-renouvellement des contrats permet des suppressions annuelles de l’ordre de 4 000 emplois. Enfin, un autre levier utilisé est l’augmentation du nombre de reclassements dans le reste de la fonction publique, lequel atteindrait 2 100 par an en 2011-2012, soit le double des reclassements opérés avant 2010.
Par ailleurs, le plafond d’emplois proposé dans le PLF 2012 s’écarte sensiblement (à hauteur de 2 200 ETPT) de la LPM, sans davantage d’explications.
Comme le détaille le tome I de votre rapporteure générale sur le projet de loi de finances pour 2012, le schéma d’emplois du ministère de la défense, en 2012, prévoit la suppression de 14 000 postes (ETP), soit 7 462 ETPT en année pleine, conformément aux prévisions du Livre blanc détaillées ci-dessus.
Le taux de non-remplacement des départs en retraite au ministère de la défense s’élèverait ainsi à 78,9 %, soit le taux le plus élevé parmi l’ensemble des ministères, mais le Gouvernement a précisé que ces données ne sont pas significatives faute, pour le ministère de la défense, d’avoir rempli le tableau des entrées et des sorties à périmètre constant.
La question est posée de savoir pourquoi le ministère de la défense est le seul ministère à ne pas avoir pu communiquer ces effectifs à périmètre constant.
Au final, la non-exécution du plafond d’emplois, l’écart entre le PLF 2012 et la LPM et l’incapacité à remplir les tableaux d’entrées et de sorties à périmètre constant sont autant d’indices de lacunes dans la gestion de ses effectifs.
Ces déficiences nuisent à la sincérité budgétaire, en ne permettant pas de disposer de données objectives pour l’analyse de l’évolution des emplois.
C. LE NON-RESPECT DE LA LPM FAIT PESER UN RISQUE SUR LE MAINTIEN DES CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES
Le présent projet de loi de finances présente en outre la particularité de prévoir une nouvelle dégradation de la capacité de projection de l’armée de terre, après une première révision à la baisse opérée dans le PAP de la mission « Défense » annexé à la LFI 2011.
1. Un indicateur pertinent…
La capacité de projection de l’armée de terre est l’une des composantes de l’indicateur 178-1.3 « Capacité des armées à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France », retenu comme l’un des quatre « indicateurs principaux » de la mission « Défense ».
Dans leur rapport sur la loi de règlement 2008, les rapporteurs spéciaux de votre commission des finances écrivaient : « S’il fallait retenir un seul indicateur de la mission « Défense », ce serait probablement celui relatif aux capacités de projection de l’armée de terre, dont dépend directement l’impact opérationnel global ».
Cet objectif consiste à pouvoir projeter 30 000 combattants pendant un an sans relève après un préavis de six mois.
2. … dont la dégradation traduit le poids des contraintes budgétaires
Or, la loi de finances pour 2011 avait prévu que cet objectif, auparavant atteint à 100 %, ne le serait plus qu’à 95 % en 2011 et 90 % en 2013. Cette évolution défavorable avait été expliquée dans le PAP de la mission « Défense » par une précision laconique, mais révélatrice des conséquences du non-respect de la LPM :
« Les prévisions tiennent compte des contraintes budgétaires de la période ».
Dans le PLF 2012, la prévision actualisée 2011, la prévision 2012 et la cible 2013 abaissent à nouveau l’atteinte de cet objectif, à seulement 82,5 %, avec une nouvelle explication, inquiétante dans un contexte de développement des opérations extérieures conduites par la France :
« La cible 2013 pour le contrat 30 000 hommes a été ramenée à 82,5 % compte tenu des capacités de production des industriels, actuelles et à court terme, qui ne pourraient pas assurer la maintenance et le ravitaillement sur la durée d’un an prévue au Livre blanc ».
Les capacités de production des industriels dépendent, notamment, des commandes de l’Etat dans le cadre des grands programmes d’équipement, dont il a été observé qu’ils étaient les premiers touchés par les restrictions budgétaires.
Le maintien de la capacité de projection opérationnelle est pourtant l’une des priorités fixées à l’horizon 2020, qui figure au Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008. La dégradation de cet indicateur est la traduction des restrictions budgétaires, qui affectent tant les effectifs que les équipements du ministère de la défense.
D. LA RÉFORME EN COURS DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES
Votre rapporteur spécial François Trucy suit chaque année avec une attention particulière les évolutions du service de santé des armées (SSA), dont il a nouveau rencontré les représentants cette année, le 9 novembre 2011. Cette audition a été notamment l’occasion de faire le point sur les suites données au rapport public thématique de la Cour des comptes consacré au SSA.
1. Les spécificités du service de santé des armées
A titre liminaire, il convient de rappeler que le SSA emploie environ 15 000 personnes, dont 10 000 militaires. Les charges du SSA dont de l’ordre de 1,5 milliard d’euros, dont 800 millions d’euros pour l’activité hospitalière, 500 millions d’euros pour le soutien des forces et 150 millions d’euros pour la formation et la recherche.
Le dimensionnement du SSA découle de ses missions essentielles : assurer le soutien médical des forces en OPEX, et faire fonctionner sur le territoire national des hôpitaux d’instruction des armées (HIA) « armant » environ 3 000 lits.
Les activités du SSA sont financées par des crédits de paiement de la mission « Défense », mais aussi, en contrepartie de son activité hospitalière, par des « attributions de produit » (versements de la sécurité sociale, des mutuelles…), de l’ordre de 500 millions d’euros par an.
En effet, contrairement à ce que l’on croit souvent, les hôpitaux militaires accueillent une majorité de patients civils et n’ayant aucun lien avec la défense (environ 60 %), la part des militaires étant nettement minoritaire (environ 20 %). Le passage en janvier 2009 à la tarification à l’activité (T2A), utilisée par les hôpitaux publics, a par ailleurs contribué à « normaliser » ces recettes, jusqu’alors négociées chaque année. Le passage à la T2A doit être complet en 2012.
L’activité hospitalière du SSA est « déficitaire », chaque année, de l’écart entre ces 500 millions d’euros, et les 800 millions d’euros de charges hospitalières, soit environ 300 millions d’euros. Le SSA considère que, compte tenu des spécificités militaires de son activité, il convient de parler d’ « écart de facturation » plutôt que de « déficit ». Par ailleurs, certaines recettes dont bénéficient les hôpitaux publics manquent au SSA.
2. Les observations de la Cour des comptes, point d’appui à une évolution du SSA
Le rapport public thématique de la Cour des comptes comprend quatorze propositions, la plupart techniques et de bon sens, et n’appelant pas de commentaire particulier.
Le ministre de la défense ne conteste véritablement qu’une proposition de la Cour des comptes, la proposition 11 de « fixer l’objectif de retour à l’équilibre des comptes d’exploitation des hôpitaux d’instruction des armée, déterminer le calendrier pour y parvenir, et en élaborer les modalités avec le dispositif civil de santé ».
Ainsi, il écrit : « Certains développements de la Cour me paraissent cependant devoir justifier un réexamen. Il en est ainsi de ceux relatifs au « déficit d’exploitation » des HIA, qui me semble devoir être considéré comme la première approche d’un coût de possession [d'un dispositif de santé militaire] (…) Il serait (…) aujourd’hui inexact et aventureux de vouloir assimiler ces montants très imparfaits à un « déficit d’exploitation » dénué de sens dans ce contexte ».
Il est vrai que la Cour des comptes est très critique au sujet de ce déficit, par exemple quand elle écrit : « Les hôpitaux militaires constituent le premier déficit hospitalier de France. S’il avait été pris en compte par la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins du ministère de la santé, il aurait conduit, à lui seul, à augmenter de plus de la moitié le déficit des hôpitaux publics en 2008 (506 millions d’euros de déficit net) alors que les hôpitaux d’instruction des armées ne représentent que 2 % des capacités hospitalières publiques ». La Cour des comptes donne ainsi parfois l’impression de recommander un système analogue à celui du Royaume-Uni, qui a fermé ses hôpitaux militaires, et qui apparaît moins efficace sur le terrain que le système français.
Il est certain que l’activité civile des HIA pourrait encore être accrue, ce qui fournirait des recettes supplémentaires à la mission « Défense » et contribuerait à améliorer le savoir-faire des praticiens. Parallèlement, il convient d’encourager un renforcement de la coordination avec les hôpitaux civils.
3. Des spécificités du SSA à apprécier à leur juste valeur
Vos rapporteurs spéciaux estiment que l’objectif de retour à l’équilibre fixé par la Cour des comptes méconnaît certaines spécificités du SSA.
Tout d’abord, une pénibilité maximum et un danger permanent ou quasi permanent, paraissent créer des conditions qui permettent de dire que les militaires français ne sont pas des « fonctionnaires en uniforme ».
Ensuite, la gestion des hôpitaux militaire est par nature différente de celle des hôpitaux civils, notamment en cas de conflit majeur. Pendant la première guerre du Golfe, l’Hôpital des Armées Sainte Anne avait été obligé d’évacuer tous ses lits, afin de les réserver à l’accueil des éventuels arrivants. De même, les hôpitaux militaires sont également sollicités en cas de catastrophe naturelle à l’étranger. Enfin, quand nos forces sont engagées dans les OPEX, aux quatre coins du monde, dans des territoires hostiles, les armées envoient nécessairement des unités sanitaires complètes aptes à parer à toutes les situations chirurgicales, médicales ou dentaires, ce qui contribue hautement au moral et au maintien de la condition opérationnelle de nos troupes, engagées loin de leurs bases.
La qualité des personnels du SSA mérite d’être soulignée, alors que ses responsables ont fait part d’un sentiment de démoralisation à votre rapporteur spécial François Trucy, ce qui risque d’accroître encore les difficultés à pourvoir certaines spécialités, notamment dans les services de réanimation et d’anesthésie, de radiologie et de psychiatrie.
4. Les suites données au rapport de la Cour des comptes
Suite au rapport de la Cour des comptes, le SSA a indiqué à vos rapporteurs spéciaux avoir élaboré un projet de service, validé par le ministre de la défense et des anciens combattants le 15 avril 2011 et présenté en conseil des ministres le 18 mai 2011.
Le projet de service s’articule autour de quatre axes :
- la redéfinition de l’offre de soins au profit de la communauté de défense, par la définition, d’ici juin 2012, d’un parcours de soins des militaires, des civils de la défense et de leurs familles, qui donne la priorité aux militaires blessés, tout en renforçant par ailleurs la coopération internationale ;
- la poursuite de l’effort sur le recrutement et la formation des professionnels de santé, ce qui implique notamment de prolonger la réorganisation de la formation initiale des praticiens des armées, opérée en 2008, par un regroupement accru des centres de formation ;
- la consolidation des différentes composantes du SSA (la médecine d’unité, le secteur hospitalier militaire, le ravitaillement sanitaire, la recherche biomédicale de défense et la formation médicale et paramédicale), l’objectif du SSA étant selon lui « de maintenir cet ensemble cohérent, seul à même de délivrer un soutien médical complet, tant au profit des forces engagées dans des processus opérationnels qu’au profit des populations lors de crises sanitaires », ce qui écarte donc toute évolution analogue à celle, décriée, qu’ont connue les hôpitaux militaires britanniques ;
- l’amélioration de la performance économique de l’ensemble du SSA, autour d’un objectif de réduction de moitié de « l’écart de facturation » entre 2009 et 2015, date à laquelle celui-ci ne serait alors plus constitué que du poids des pensions civiles et militaires des agents de l’Etat imputé aux personnels des hôpitaux.
C’est donc sur la voie d’une réforme ambitieuse que s’engage le SSA, tout en maintenant ses spécificités par le refus, notamment, d’une gouvernance hospitalière centralisée, telle que l’a pourtant recommandée la Cour des comptes.
Vos rapporteurs spéciaux seront attentifs au suivi de cette réforme, dont les enjeux financiers sont importants puisqu’ils prévoient, à terme, une réduction de 150 millions du « déficit » du SSA.
E. LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE « GESTION ET VALORISATION DES RESSOURCES TIRÉES DE L’UTILISATION DU SPECTRE HERTZIEN »
1. Un compte d’affectation spéciale longtemps inopérant
L’article 54 de la loi de finances pour 2009 a créé un compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ».
Les recettes de ce compte sont essentiellement constituées du « produit des redevances acquittées par les opérateurs privés pour l’utilisation des bandes de fréquences libérées par les ministères affectataires, à compter du 1er janvier 2009 ».
« (…) Ce compte retrace : (…)
« a) Les dépenses d’investissement et de fonctionnement liées aux services de télécommunications et visant à améliorer l’utilisation du spectre hertzien, y compris le transfert de services vers des supports non hertziens ;
« b) Les dépenses d’investissement et de fonctionnement liées à l’interception et au traitement des émissions électromagnétiques à des fins de renseignement », c’est-à-dire au renseignement électronique.
L’ouverture du compte d’affectation spéciale a répondu à la volonté d’inscrire la gestion des fréquences hertziennes dans une stratégie patrimoniale de valorisation de biens immatériels par le versement de redevances pour l’utilisation de fréquences libérées par l’Etat.
En effet, grâce au basculement de la télévision analogique vers le numérique, une partie du spectre radioélectrique doit pouvoir être libérée et redistribuée. En France, l’arrêt complet de la télévision analogique est prévu, au plus tard, en novembre 2011.
En pratique, comme l’avait observé notre collègue André Ferrand, rapporteur spécial du CAS « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien » lors de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2011, le CAS est longtemps demeuré inopérant car aucune procédures de mise sur le marché n’a été lancée, ni en 2009, ni en 2010.
Dans ce contexte, faute des ressources initialement prévues en 2010 pour le ministère de la défense (à hauteur de 600 millions d’euros), il a été indiqué dans les réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux que « des mesures de priorisation des opérations et de gestion du report de charges ont été prises ». Le Gouvernement sera interrogé en séance sur l’interprétation qu’il convient de donner à cette formulation sibylline, qui laisse sous-entendre que les opérations prévues ont dû être reportées, en l’absence de ressources, mais que ces reports auraient pu entraîner des charges de gestion, dont le mode de financement n’est pas précisé.
En 2011, la cession de fréquences du ministère de la défense a permis, pour la première fois, la perception de recettes sur le CAS, retracées dans le programme 762 « Optimisation de l’usage du spectre hertzien ». Ces opérations ont été décrites plus haut, parmi les ressources exceptionnelles du ministère de la défense.
Les ressources provenant des autres cessions de fréquences figurent dans l’autre programme (n° 761) de la mission, en vue du désendettement de l’Etat.
L’absence d’objectifs et d’indicateurs de performance associés aux missions du programme n’est pas conforme à la LOLF et devra donc être corrigée lors de la préparation du PLF 2013, d’autant plus que des ressources effectives figureront dès 2011 au programme 762.
. Le programme 761 « désendettement de l’Etat »
Comme les années précédentes, le programme 761 « Désendettement de l’Etat » n’est pas doté dans le projet de loi de finances.
Cette situation amène à s’interroger sur les raisons pour lesquelles aucune procédure de mise sur le marché n’a été engagée, s’agissant des cessions de fréquences des autres ministères que celui de la défense.
Les ressources ainsi obtenues contribuent, à hauteur de 15 % de leur montant, au désendettement de l’Etat, tandis que le ministère affectataire de la fréquence libérée perçoit le solde (85 %).
II. UN AVENIR INSUFFISAMMENT PRÉPARÉ
A. QUELLE ARMÉE FRANÇAISE À L’HORIZON 2020 ?
1. La poursuite des restrictions budgétaires : des pertes de ressources de 10 à 30 milliards d’euros en 2020
Les perspectives financières et physiques de la mission « Défense » à l’horizon 2020, terme fixé par le Livre blanc, apparaissent préoccupantes, au regard des conséquences induites par la révision à la baisse des moyens en 2011-2013, dans le cadre de la programmation budgétaire triennale.
En effet, alors que le Livre blanc prévoit, de 2012 à 2020, une augmentation des moyens du ministère de la défense de 1 % par an en volume, la programmation révisée du ministère de la défense suppose leur quasi-stabilité en 2012 et 2013, suivant le principe d’un « gel » en valeur des crédits de paiement des missions du budget général sur la période 2011-2013. En outre, toujours selon la loi de programmation des finances publiques (LPFP), ces montants pourraient être revus à la baisse en cas d’augmentation plus rapide que prévu des dépenses de pensions ou de la charge d’intérêts, afin de respecter l’objectif de maintien en volume de l’ensemble des dépenses de l’Etat.
Trois simulations ont été effectuées, en euros à la valeur de 2008, suivant la norme de limitation des dépenses budgétaires qui pourrait être retenue après la fin de la LPFP :
- dans une première hypothèse (scénario A1), la mission « Défense » continuerait à se voir appliquer, après 2014, la règle actuelle du « zéro volume » ;
- dans une seconde hypothèse (scénario A2), la norme de dépenses appliquée serait celle du « zéro valeur », comme pour les autres missions du budget général de l’Etat ;
- la troisième hypothèse (scénario A3) est une variante du scénario A1, dans laquelle la norme du « zéro volume » s’appliquerait, toujours à compter de 2014, pour les CP de 2013.
Par rapport à l’hypothèse du Livre blanc, chacun de ces trois scénarios impliquerait, en 2020, des écarts importants :
- dans l’hypothèse du maintien du « zéro volume », un manque à gagner de 3 milliards d’euros pour la seule année 2020, et s’élevant à15 milliards d’euros en cumul sur la période 2009-2020 ;
- dans le cas d’un passage à la norme « zéro valeur », un décalage atteignant 7 milliards d’euros en 2020, et 29 milliards d’euros sur l’ensemble de la période 2009-2020 ;
- dans le scénario intermédiaire A3, un déficit de 4 milliards d’euros en 2020 et s’élevant à 22 milliards d’euros au cours de la période 2009-2020.
Lors de son audition par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat le 12 octobre 2010, le ministre de la défense avait d’ailleurs reconnu que la situation deviendra particulièrement délicate à partir de 2013, alors que le budget de la défense ne devrait plus bénéficier des ressources hertziennes et que les recettes immobilières seront incertaines : « c’est après 2013 que la situation budgétaire deviendra plus difficile, car nous n’aurons plus de recettes exceptionnelles. Sur la période 2013-2020, l’écart avec les prévisions de la LPM pourrait atteindre 20 milliards d’euros environ, ce qui pourrait remettre profondément en cause notre modèle d’armée ».
L’hypothèse, alors formulée par le ministre de la défense, d’un décalage de 20 milliards d’euros par rapport à la LPM correspond donc à un scénario médian, au regard des différentes hypothèses de restrictions budgétaires envisagées par vos rapporteurs spéciaux.
Les perspectives d’évolution des moyens de la mission « Défense »,
en supposant que la programmation révisée (2011-2013) est respectée
(en milliards d’euros de 2008 et à périmètre 2008 hors pensions)
NB : les scénarios A1 à A3 sont des scénarios de la commission des finances.
Sources : textes mentionnés, ministère de la défense, scénarios de la commission des finances
Or, compte tenu de leur évolution spontanée, une augmentation des dépenses de défense de 1 % par an en volume au cours des dix prochaines années permettrait seulement à la France de préserver une armée proche de son format actuel.
En effet, la mission « Défense » comprend deux types de dépenses :
- à hauteur d’environ les deux tiers de ses dotations, des dépenses d’équipement et de maintien en condition opérationnelle des matériels, par nature plus dynamiques que l’inflation. Tel est tout d’abord le cas à niveau technologique constant. En effet, les contrats d’armement sont généralement indexés sur les salaires et, dans une moindre mesure, les prix des matières premières. Il en découle que les prix des équipements militaires tendent à augmenter à la même vitesse que les salaires, dont la masse augmente comme le PIB, soit 2 % par an en volume, pour une augmentation « effective » (corrigée du vieillissement de la population, qui modifie la pyramide des âges) que l’on peut évaluer à environ 1 % par an. Il faut également prendre en compte sur le long terme le fait que le prix des matériels de défense tend à s’accroître alors que leur contenu technologique progresse. On cite souvent à cet égard l’exemple des avions de combat, dont le coût en monnaie courante est à peu près multiplié par dix à chaque génération. Maintenir le format actuel de l’armée française tout en l’équipant des matériels les plus modernes pourrait donc exiger une croissance des dépenses d’équipement proche de celle du PIB. A l’horizon 2020 cependant, le niveau technologique sera à peu près le même qu’aujourd’hui. On peut donc considérer que d’ici là le prix des matériels militaires tendra spontanément à augmenter d’environ 1 point de plus que l’inflation ;
- ensuite, les dépenses de la mission « Défense » correspondent, pour un tiers, au fonctionnement et à l’activité, c’est-à-dire en quasi-totalité à la masse salariale hors pensions. Le glissement vieillesse-technicité (GVT) de la mission « Défense » étant à peu près nul (ce qui est normal, l’armée maintenant par nature sa pyramide des âges à peu près inchangée, contrairement aux autres administrations), à effectifs constants ces dépenses tendent à augmenter à la même vitesse que le point d’indice de la fonction publique. Ces dernières années celui-ci a progressé moins rapidement que les prix à la consommation, et le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 prévoit son gel en 2011 et en 2012. Cependant sur le long terme(qui est celui retenu à l’horizon 2020) la rémunération des militaires, déjà inférieure à celle de pays comparables (comme le Royaume-Uni), devrait augmenter à la même vitesse que les salaires du secteur privé, par des mesures générales d’évolution du point d’indice et/ou des mesures catégorielles, spécifiques aux militaires. Par analogie avec le raisonnement précédent, on peut donc là encore considérer que la tendance spontanée d’évolution des dépenses de personnel sera de l’ordre d’un point de plus que l’inflation.
Au total, il est donc cohérent de penser que, d’ici 2020, une croissance des dépenses de la mission « Défense » de 1 % par an permettrait juste de maintenir le niveau actuel de personnels et d’équipement.
Un tel effort sera donc nécessaire pour ne pas entraîner de déclin non seulement relatif, mais aussi absolu, des capacités opérationnelles de l’armée française.
2. Des incertitudes grandissantes sur le maintien des programmes d’armement du Livre blanc
Comme il a été analysé ci-dessus dans l’étude de la programmation pluriannuelle fixée par la LPM, les restrictions budgétaires ont d’ores et déjà conduit à reporter sur la période 2015-2020 certains programmes d’équipement.
Les perspectives dégradées après 2013 risquent de conduire à des révisions plus brutales.
Au regard des échéanciers de livraison, les programmes les plus menacés pourraient alors concerner, par ordre décroissant :
- les hélicoptères NH 90 ;
- les véhicules blindés multirôles (VBMR),
- les avions de transport MRTT.
Par ailleurs, il serait logique que la France acquière des drones, tandis que d’autres programmes nécessitent également d’être examinés ci-après : le Rafale, le A400M, les frégates multi-missions (FREMM) et le programme de sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda.
a) Le nécessaire renouvellement de la flotte d’hélicoptères
Une révision à la baisse des cibles de NH 90 et de VBMR remettrait en cause l’objectif de capacité de projection de l’armée de terre dans les OPEX. Or, il existe déjà une rupture capacitaire en matière d’hélicoptères de transport, comme l’ont souligné nos collègues députés Alain Marty, Michel Sordi et Jean-Claude Viollet dans un rapport d’information de 2008 sur l’aéromobilité.
Ce rapport a montré la nécessité que les hélicotères NH 90 prennent la relève des hélicoptères de transport PUMA, pour maintenir en 2023 la flotte d’appareil à son niveau numérique de 2008, comme le montre le graphique ci-après.
Alors que le ministère de la défense prévoit la livraison de 133 hélicoptères NH 90, dans leur version d’hélicoptère de transport rapide (Tactical Transport Helicopter, TTH), près de la moitié des appareils (soit 61) ne seraient livrés qu’après 2020, et sur la période 2009-2020 le présent PLF a déjà prévu de reporter, sur la période 2015-2020, la livraison prévue d’un des 23 appareils au cours de la LPM (2009-2014).
Le « trou capacitaire » en matière d’hélicoptères de transport, selon un rapport d’information de l’Assemblée nationale
(1) Cette prévision intègre la commande de 12 appareils en 2007, complétée par celle de 22 hélicoptères en 2008, une commande de 34 appareils étant ensuite programmée.
(2) La rénovation des Cougar a été notifiée en décembre 2007.
(3) La rénovation des Puma n’est pas contractualisée ni budgétée en 2008.
(4) OACI : organisation de l’aviation civile internationale.
Source : Alain Marty, Michel Sordi et Jean-Claude Viollet, rapport d’information n° 666 (XIIIème législature), commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, 30 janvier 2008
Sur les 59 hélicoptères NH 90 destinés aux régiments, les 24 premiers appareils doivent être livrés à Phalsbourg en 2013, les 24 suivants rejoindraient Pau la même année, et les 11 derniers seraient affectés à Etain en 2019.
S’agissant des blindés, le VBMR doit remplacer les véhicules de l’avant blindés (VAB), âgés d’une trentaine d’années en moyenne, et qui constituent aujourd’hui le principal blindé léger de l’armée de terre.
En effet, le blindage de niveau 2 des VAB offre aujourd’hui une protection insuffisante face aux engins explosifs improvisés, et même aux tirs d’AK-47 Kalachnikov à courte portée.
La livraison des VBMR donne lieu à des informations imprécises : l’an dernier, il avait été indiqué aux rapporteurs spéciaux de votre commission des finances que 536 véhicules seraient livrés entre 2015 et 2020, les livraisons prévues durant la LPM ayant été reportées après 2014. Dans les réponses au questionnaire budgétaire de cette année, il ne figure plus d’objectif de livraisons pour la période 2015-2020, et il est sobrement indiqué que, après 2020, les « cibles et les cadences de livraisons » étaient « à préciser ».
c) Les aléas pesant sur l’avion ravitailleur et de transport MRTT
S’agissant du programme MRTT, les réponses au questionnaire budgétaire sur le PLF 2012 ont maintenu la cible à l’horizon 2020, prévoyant la livraison de 7 unités avant cette date, et de 7 autres unités après 2020. L’an dernier, la cible 2020 avait été abaissée de 10 à 7 unités, les premiers appareils ne devant être livrés qu’après 2014.
Si le report dans la livraison de 3 appareils ne devrait avoir qu’un impact modeste en 2020 sur les capacités de transport stratégique, il convient de rappeler que les avions ravitailleurs actuels sont âgés, en moyenne, de plus de 45 ans.
d) La France doit produire des drones
Les limitations budgétaires rendent encore plus incertain l’engagement d’autres programmes dans le cadre actuel de la LPM. A cet égard, la révision de la LPM prévue en 2012 devrait permettre de combler les lacunes pour certains programmes.
En particulier, il serait logique que la France, à l’instar de tous les grands pays industrialisés, produise des drones. Les sommes en jeu, se chiffrant en centaines de millions d’euros, sont relativement modestes, au regard de l’efficacité opérationnelle de ces avions sans pilote.
Un tel choix permettrait d’éviter, dès 2013, une rupture capacitaire, l’acquisition de nouveaux drones devant assurer la jonction avec les drones de la génération suivante, prévus à l’horizon 2020.
Mais la France vient de faire le choix contestable, en juillet 2011, d’acheter des drones étrangers – en l’occurrence israéliens, à un prix semble-t-il supérieur à celui des drones américains.
e) Vers un étalement – souhaitable – du programme Rafale ?
Le programme Rafale étant, avec plus d’un milliard d’euros par an, le plus coûteux des programmes d’armement, serait probablement soumis à un étalement des livraisons, en cas de restrictions budgétaires ou de nécessité d’opérer des choix entre programmes.
A coût équivalent, l’utilité marginale d’un Rafale peut être estimé équivalente, voire inférieure, à celle d’un système de drones, de deux NH 90 ou d’une centaine de VBMR.
Par ailleurs, comme les rapporteurs spéciaux de votre commission des finances l’avaient souligné dans leur avis sur le projet de LPM 2009-2014, il n’est pas évident que les objectifs opérationnels fixés par le Livre blanc et la LPM à l’horizon 2020 exigent de disposer de 300 avions de combat, le calcul paraissant avoir été fait en supposant que le taux de disponibilité des appareils resterait proche de 50 %, même en cas de conflit majeur.
Il est prévu, au total, la commande de 286 avions Rafale (300 si l’on intègre des appareils M 2000 D multirôles), dont 135 doivent être livrés au cours de la période 2009-2014 selon les réponses au questionnaire budgétaire sur le PLF 2012, en légère hausse par rapport à la prévision indiquée l’an dernier par le ministère de la défense (soit 132 appareils).
f) Le A400M : une priorité encore mal assurée financièrement
Après avoir été retardé de plus de trois ans en raison des difficultés d’EADS, le programme A400M semble en meilleure voie, ce qui apparaît comme une nécessité impérieuse au regard de la situation actuelle de quasi « rupture capacitaire » en matière de transport stratégique et tactique.
Dans le contexte actuel de retrait progressif des C 160 Transall, la France n’atteint qu’à hauteur de 20 % l’objectif de projeter en cinq jours, à 8 000 km, un « échelon d’urgence » de 1 500 combattants, correspondant au transport de 40 000 combattants en six mois (compte tenu des durées de rotation).
Après le lancement du programme le 27 mai 2003, la première livraison à la France était prévue fin 2009 mais a été repoussée début 2013, pour s’achever en 2024, au lieu de la date initialement prévue en 2020.
Un accord a été conclu le 5 mars 2010 entre EADS et les représentants des sept Etats participants. Le prix par appareil sera accru d’environ 10 % (soit 0,5 milliard d’euros pour la France), et les Etats devront participer au financement du programme (0,4 milliard d’euros pour la France), en contrepartie d’une rémunération sur les ventes à l’exportation.
Alors que des incertitudes demeurent sur le financement, notamment sur un recours éventuel à l’emprunt, le PLF 2012 a prévu l’inscription de 32,8 millions d’euros en AE et 53,4 millions d’euros en CP.
g) FREMM et Barracuda : deux programmes nécessaires au maintien des capacités opérationnelles
Un nouveau décalage des principaux programmes de la marine remettrait également en cause la capacité de celle-ci à remplir son contrat opérationnel.
B. LA NÉCESSAIRE PRÉPARATION DU RENDEZ-VOUS DE 2012
La LPM 2009-2014 prévoit sa révision au bout de quatre ans, c’est-à-dire en 2012. Une nouvelle loi de programmation, de six ans mais elle aussi révisable au bout de quatre ans, devrait ainsi couvrir la période 2013-2018.
Par ailleurs, il convient de rappeler que, en 2011, le budget de la défense a été ponctionné de 300 millions d’euros, dont 230 millions d’euros suite à la condamnation de Thalès dans le cadre de la vente des frégates de Taïwan, et 70 millions d’euros résultant du plan d’emploi en faveur des jeunes.
Au regard des aléas financiers et opérationnels détaillés ci-dessus, l’échéance de 2012 constitue un rendez-vous essentiel.
Votre rapporteur spécial Yves Krattinger a ainsi souhaité analyser plusieurs autres thèmes qui devront être abordés ou réexaminés, lors de la révision de la LPM l’an prochain.
1. Un nouvel équilibre à garantir, partant d’une évaluation des besoins opérationnels financés par des recettes stables
Le maintien des capacités opérationnelles devra servir de fil directeur à l’évaluation des effectifs nécessaires et des principaux programmes d’équipement, alors que l’application de la RGPP au ministère de la défense n’a permis aucune étude d’impact sérieuse des conséquences militaires, économiques et sociales d’une restructuration d’ampleur.
S’agissant des grands programmes d’équipement qui, hors dissuasion nucléaire, ont été les plus fortement affectés par des recettes d’un niveau moindre que les prévisions de la LPM et du Livre blanc, plusieurs doivent être prioritaires au regard de l’objectif de maintien des capacités opérationnelles : le A400M, FREMM et Barracuda, notamment.
Le coût des OPEX devra être mieux anticipé lors de l’élaboration du PLF, alors que le surcoût attendu en 2011 – au moins égal à 1 milliard d’euros – grève potentiellement un budget déjà très contraint.
Face à des besoins de financement qui seront de plus en plus difficilement satisfaits à partir de 2013 et auront également des conséquences sociales et industrielles, le recours à l’expédient des ressources exceptionnelles n’offre pas la visibilité nécessaire aux gestionnaires : ce sont les dotations budgétaires qui doivent financer l’effort national de défense.
La relance de programmes de coopération internationale pourrait apporter les ressources nécessaires, ou conduire à un partage équitable des coûts, notamment pour dans le cadre de projets européens. En effet, la juxtaposition d’industries nationales d’armement dans les principaux pays européens ne permet souvent pas d’atteindre la taille critique pour rivaliser avec nos concurrents américains, russes et chinois.
Le système d’imagerie satellitaire MUSIS, qui doit se mettre en place en 2015-2016, est toutefois symptomatique des déficiences du dialogue entre les pays européens. En effet, la France a dû augmenter sa quote-part dans MUSIS, faute d’une coopération optimale avec ses partenaires européens, l’Allemagne et l’Italie.
Le cadrage financier, qui devra s’opérer lors de la révision de la LPM en 2012, requerra également une évaluation de la place de l’effort de la défense dans le budget de la nation, alors que la loi de programmation des finances publiques a fait payer un lourd tribut à la mission « Défense », qui a été évalué à 2,6 milliards d’euros sur la période 2010-2013, en termes de manque à gagner par rapport aux objectifs de la LPM actuellement en cours.
« Compte tenu de la composition du parc et de sa disponibilité, notamment pour ce qui concerne les frégates anti-sous-marines et les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), la simultanéité de la tenue des contrats opérationnels pour le GAN, le GA et le GAM n’est plus envisageable à tout moment. Des indisponibilités (arrêt technique du porte-avions) et des remplacements de bâtiments (trou capacitaire entre retrait TCD et livraison BPC3) conduiront à des réductions temporaires des moyens disponibles en 2012 ».
Dans ces conditions, il paraît difficile de décaler à nouveau le programme des frégates multi-missions (FREMM) ou des SNA Barracuda, alors que les SNA français sont déjà âgés de vingt ans en moyenne. Le premier Barracuda devrait être accueilli à Toulon à l’été 2016, et cinq autres sous-marins entre 2019 et 2027.
Le nombre de frégates livrées entre 2009 et 2020 est maintenu à 8, pour un total de 18 frégates.
2. Le besoin d’une meilleure gestion des externalisations
Dans son rapport public annuel 2011, la Cour des comptes a dressé un « premier bilan des externalisations au ministère de la défense ».
Les observations de la Cour des comptes montrent que, mieux gérées, les externalisations au ministère de la défense pourraient constituer une source d’économies plus sûre que les suppressions d’emplois engagées dans le cadre de la RGPP, dont l’impact n’a cessé d’être réévalué à la hausse par le Gouvernement.
Ces externalisations atteignent un montant qualifié d’ « approximatif », mais significatif, ayant progressé « de 592 millions d’euros en 2001 à 963 millions d’euros en 2006, pour atteindre 1 695 millions d’euros en 2008, soit une progression de 186 % en huit ans, avec une nette accélération durant les dernières années. Les dépenses d’externalisation représenteraient aujourd’hui environ 4 % du budget de la défense (hors pensions).
« Ces montants doivent cependant être considérés avec prudence, car le recueil des opérations d’externalisation, recensées par les différents services du ministère, ne garantit pas que la définition de la notion soit bien mise en oeuvre et que les services se la soient bien appropriée (…).
« Considéré à périmètre constant, c’est-à-dire hors externalisations liées au MCO et aux opérations extérieures (OPEX), le « noyau dur » des dépenses d’externalisation peut être évalué à 951 millions d’euros en 2008, soit 2,5 % du budget de la défense. Il était de 831 millions d’euros en 2004, soit une croissance de près de 15 % en cinq ans ».
En 2008, le ministre de la défense a fixé lui-même ses critères pour procéder à des externalisations :
- ne pas affecter la capacité des armées à réaliser leur mission opérationnelle ;
- préserver les intérêts des personnels ;
- être assuré que le marché offre une réponse aux besoins avec un niveau concurrentiel suffisant, en veillant à la place spécifique des PME ;
- être assuré dans la durée de gains économiques et budgétaires significatifs, évalués par une méthode rigoureuse.
Sur cette base, la Cour des comptes observe tout d’abord que, faute de définition claire du « coeur de métier » de la défense, 92 % du transport stratégique (en tonnage), effectué au profit des troupes en OPEX ou pré-positionnées, est assuré dans le cadre de 49 marchés externalisés, ce qui constitue une réponse non satisfaisante pour pallier une insuffisance capacitaire structurelle avérée, encore aggravée par la conduite actuelle des programmes d’équipement.
Plusieurs autres lacunes doivent être déplorées, montrant la nécessité d’une gestion plus rigoureuse et mieux évaluée des externalisations : l’accès des PME aux marchés publics n’est pas mesuré ; les conséquences sociales pour les personnels mutés sont mal prises en compte ; enfin, certaines opérations ont représenté des gains faibles, sinon négatifs, à l’instar du contrat de partenariat public-privé d’achat d’heures de vol d’hélicoptère de la base école de Dax.
Ce premier bilan amène à avoir une vision non dogmatique des externalisations, qui ne doivent pas être considérées comme la panacée pour réaliser, en toutes circonstances, des économies de gestion, mais être évaluées préalablement et ne pas toucher le « coeur de métier » de la défense.
3. Le regroupement des sites parisiens à Balard, un montage financier qui interpelle
Le ministère de la défense a engagé un projet de regroupement des sites parisiens du ministère de la défense à Balard, qui a été qualifié de « Balardgone » compte tenu d’une certaine communauté d’inspiration avec le Pentagone américain, puisqu’il accueillerait notamment sur un même site les fonctions d’état-major du ministère.
La procédure, lancée dans le cadre d’un contrat de partenariat, a conduit à la signature du contrat le 30 mai 2011. Le chantier doit commencer en janvier 2012 par des travaux de terrassement. Après la fin du chantier principal en juin ou juillet 2014, le transfert des personnels s’achèverait en fin d’année 2014, parallèlement à la libération d’une quinzaine d’emprises parisiennes.
Le principe de rationalisation et de mutualisation des dépenses, à la base du projet, est en soi louable. Mais le montage financier retenu soulève des interrogations : le promoteur retenu, l’entreprise Bouygues, investira 700 millions d’euros, tandis que l’Etat paiera 4,2 milliards d’euros au titre d’un partenariat public-privé pendant une durée de vingt-sept ans, dont 800 millions d’euros s’agissant des seuls frais financiers.
Dans la réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux, le Gouvernement a certes indiqué le respect des procédures de mise en concurrence au terme d’une compétition architecturale, tout en soulignant l’impact, réel, évalué à « 2 000 emplois dans les bureaux d’études, cabinets d’architectes et entreprises du BTP ». Toutefois, une évaluation préalable du projet plus approfondie, ainsi qu’un questionnement du choix d’un recours à un partenariat public-privé, auraient peut-être permis une économie d’ensemble plus soucieuse des deniers publics.
4. Une réforme du ministère de la défense qui risque d’accroître la fracture sociale et territoriale
Compte tenu des incertitudes budgétaires, le Gouvernement escomptait retrouver des marges de manoeuvre par une réforme interne, encore accélérée en 2011 :
- d’une part, les « bases de Défense » ont été officiellement lancées le 21 juin 2011, à l’hôtel national des Invalides à Paris ; dans le cadre de la réforme de la carte militaire, ces 51 bases sont destinées à mutualiser les moyens pour le soutien administratif et logistique, sans fermeture de sites militaires supplémentaires ni impact sur les réductions des effectifs, selon les garanties qu’a entendu apporter le ministre de la défense ;
- d’autre part, les réductions d’effectifs, qui doivent se poursuivre notamment grâce à l’externalisation de nouvelles fonctions, représentant 16 000 postes selon l’objectif du ministère de la défense.
Dans les deux cas, la réforme interne souffre de l’absence tant d’un chiffrage préalable des économies attendues, que d’une étude d’impact, économique, sociale et territoriale, qui aurait dû être menée en concertation avec les personnels du ministère de la défense et les élus locaux.
Le nombre de bases de défense a beaucoup fluctué – entre 60 et 90 – avant d’être ramené à un nombre plus modeste, ce qui pose clairement la question du maintien de l’ensemble des unités dans leur format actuel, quelles que soient par ailleurs les assurances du ministre de la défense.
LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE
I. MODIFICATIONS DES CRÉDITS EN PREMIÈRE DÉLIBÉRATION
En première lecture, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement réduisant de 167 millions d’euros les AE et les CP de la mission « Défense », dans le cadre de la mise en oeuvre du programme de réduction de la dépense publique annoncé par le Premier ministre le 24 août.
Ces diminutions de crédits, qui représentent 0,4 % des dotations de la mission « Défense », sont réparties comme suit entre les différents programmes :
- « Environnement et prospective de la politique de défense » (à hauteur de 9,2 millions d’euros) ;
- « Préparation et emploi des forces » (25 millions d’euros) ;
- « Soutien de la politique de défense » (30,5 millions d’euros) ;
- « Equipement des forces » (102,3 millions d’euros).
Compte tenu de la sous-dotation de la mission « Défense » par rapport aux objectifs de la LPM, votre rapporteur spécial Yves Krattinger juge cette nouvelle ponction particulièrement inopportune, suite à une décision prise de surcroît à la veille du dépôt du PLF 2012, qu’elle tend en partie à invalider.
La justification de cette diminution de crédits des ressources exceptionnelles, provenant de la cession de fréquences hertziennes,confirme l’analyse de votre commission des finances, quant au risque que ces ressources extra-budgétaires font peser sur la pérennité du budget de la défense.
Enfin, ce sont une fois encore les dépenses d’équipement qui sont le plus lourdement affecté : le programme 146 « Equipement des forces » voit sa dotation baisser de près de 1 %, concentrant 61,3 % des diminutions de crédits de la mission « Défense », alors qu’il ne représente que 28,9 % des dépenses de la mission.
Compte tenu notamment de cette modification des crédits, votre rapporteur spécial Yves Krattinger s’en est remis à la sagesse de la commission sur les crédits de la mission « Défense » et, pour sa part, s’est abstenu, au regard des trop nombreuses incertitudes budgétaires qui pèsent sur les crédits de la défense nationale. Il convient de saluer l’effort de nos soldats, en donnant à notre sécurité nationale des moyens à la hauteur de nos ambitions.
II. MODIFICATIONS DES CRÉDITS EN SECONDE DÉLIBÉRATION
A. MINORATION ET TRANSFERT DE CRÉDITS À TITRE RECONDUCTIBLE
Une minoration de 112 841 697 euros en AE et en CP des crédits de la mission « Défense » a été adoptée au titre des mesures d’économies supplémentaires annoncées par le Premier ministre le 7 novembre 2011. Elle se répartit comme suit :
1) une minoration de 1 264 856 euros en AE et en CP des crédits du programme « Environnement et prospective de la politique de défense », se répartissant entre :
- une diminution de 665 599 euros des crédits de titre 2 du programme résultant de la suspension du versement aux agents publics de leur rémunération durant le premier jour de leurs congés de maladie ;
- une minoration de 599 257 euros correspondant à des économies sur les dépenses de communication et frais de représentation du programme ;
2) une minoration de 63 081 070 euros en AE et en CP des crédits du programme « Préparation et emploi des forces », se répartissant entre :
- une diminution de 14 856 905 euros des crédits de titre 2 du programme résultant de la suspension du versement aux agents publics de leur rémunération durant le premier jour de leurs congés de maladie ;
- une minoration de 5 224 165 euros correspondant à des économies sur les dépenses de communication et frais de représentation du programme ;
- une réduction de 43 000 000 euros résultant d’économies supplémentaires sur les crédits de fonctionnement (à hauteur de 23 000 000 euros) et l’entretien programmé du matériel (à hauteur de 20 000 000 euros) ;
3) une minoration de 46 945 705 euros en AE et en CP des crédits du programme « Soutien de la politique de la défense », se répartissant entre :
- une diminution de 1 019 367 euros des crédits de titre 2 du programme résultant de la suspension du versement aux agents publics de leur rémunération durant le premier jour de leurs congés de maladie ;
- une minoration de 926 338 euros correspondant à des économies sur les dépenses de communication et frais de représentation du programme ;
- une réduction de 45 000 000 euros résultant d’une baisse de 42 000 000 euros des crédits destinés aux opérations d’infrastructures et d’une diminution de 3 000 000 euros des dépenses de fonctionnement ;
4) une minoration de 1 550 066 euros en AE et en CP des crédits du programme « Equipement des forces » se répartissant entre :
- une diminution de 950 693 euros des crédits de titre 2 du programme résultant de la suspension du versement aux agents publics de leur rémunération durant le premier jour de leurs congés de maladie ;
- une minoration de 599 373 euros correspondant à des économies sur les dépenses de communication et frais de représentation du programme.
Votre rapporteur spécial Yves Krattinger n’est pas favorable à ces mesures, dont l’impact – à hauteur de 0,4 % des dotations de la mission – éloigne encore davantage le budget de la défense de l’atteinte des objectifs de la LPM.
B. MAJORATION DES CRÉDITS À TITRE NON RECONDUCTIBLE
L’Assemblée nationale a majoré, à titre non reconductible et conformément au souhait exprimé par la commission des finances, le plafond de la mission « Défense » de 24 000 euros en AE et en CP.
III. SOLDE DE CES MODIFICATIONS DE CRÉDITS
Au total, ces modifications entraînent une minoration d’environ 280 millions d’euros en AE et en CP des dotations de la mission « Défense » par rapport au projet de loi de finances initiale.
Parmi les missions du budget général de l’Etat, la mission « Défense » a été la plus fortement affectée par la mise en oeuvre des programmes de réduction de la dépense publique annoncés par le Premier ministre le 24 août puis le 7 novembre 2011.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 16 novembre 2011, sous la présidence de Mme Fabienne Keller, vice-présidente, la commission a procédé à l’examen du rapport de MM. Yves Krattinger et François Trucy, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Défense » et le compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ».
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. – Les crédits de la mission « Défense » s’élèvent à 38,3 milliards d’euros en crédits de paiement et 40,2 milliards en autorisations d’engagement, pensions militaires comprises. Année après année, nous nous éloignons des objectifs fixés par la loi de programmation militaire : selon le ministère, 2 milliards d’euros en crédits de paiement devraient manquer entre 2009 et 2013, sous l’effet notamment de la loi de programmation des finances publiques, dans l’attente des choix budgétaires pour 2014. Étant donné le poids inhérent aux crédits de fonctionnement, ce sont les grands équipements, hors dissuasion nucléaire, qui seront le plus durement touchés : – 2,7 milliards par rapport à la loi de programmation militaire sur la période 2009-2013.
Les dotations du budget de la défense seront complétées par des recettes exceptionnelles issues de la cession de fréquences hertziennes. C’est une solution palliative, dénoncée comme telle lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire. Le risque est double : que ces fréquences ne soient pas ou pas totalement cédées, ou pas pour le montant espéré, ou encore qu’une partie des recettes de la cession soit affectée par obligation budgétaire au désendettement de l’Etat, et non aux objectifs de la programmation militaire.
En 2008, le Livre blanc avait fixé des objectifs à l’horizon 2020 sur la base d’une croissance annuelle des dépenses de 1 % en volume. Or les crédits de paiement de la mission « Défense » ont été gelés en volume, malgré le coût de la modernisation des équipements. Selon que l’on adopte la norme zéro volume ou zéro valeur, il manquerait 10 à 30 milliards d’euros pour les dépenses cumulées jusqu’en 2020 par rapport aux objectifs du Livre blanc. La France n’est déjà plus en mesure d’assurer une capacité de projection de troupes terrestres à hauteur de 30 000 hommes pendant un an, sans relève : l’indicateur de performance associé à cet objectif est passé de 100 % en 2009 à 95 % en 2010 et 82,5 % cette année dans le projet de loi de finances pour 2012.
Les opérations extérieures (Opex) vont atteindre un coût record de 1,2 milliard d’euros en 2011, deux fois et demi leur montant en 2000 et 2001. Sommes-nous capables de mener à bien ces opérations ? Devons-nous adapter le format de notre armée à nos ambitions ou nos ambitions diplomatiques à nos capacités militaires ?
Ce sont seize Rafale, et non treize comme prévu l’an dernier, qui devront être achetés par l’Etat pour pallier le faible niveau d’exportation de cet avion, soit une dépense de plus d’un milliard d’euros qui s’impute sur les autres dépenses d’équipement. Pourrons-nous tenir ce niveau de commande si le marché mondial nous reste fermé ?
Certains programmes ne peuvent plus attendre si l’on veut maintenir les capacités opérationnelles de notre pays. Il en est ainsi de l’hélicoptère NH 90, de la Frégate multi#172;mission et du sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda. Ces programmes doivent être menés essentiellement après 2014. Les menaces budgétaires présagent de cruels réexamens…
D’autres choix sont possibles. Les externalisations conduites par le ministère de la défense ont été épinglées par la Cour des comptes : certaines présentent un rapport coûts-bénéfices négatif, d’autres touchent le coeur de métier de notre armée. Que penser du montage financier du regroupement sur un même site des fonctions d’état-major à Balard ? Pour ce projet conçu sur le modèle du Pentagone, le promoteur retenu investira 700 millions, tandis que l’Etat versera 4,2 milliards d’euros dans le cadre d’un partenariat public-privé qui s’étalera sur vingt-sept ans.
Malgré ces critiques, compte tenu de l’engagement de nos armées sur les théâtres extérieurs, je m’en remets à la sagesse de notre commission sur le vote des crédits de la défense, ainsi que du compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ». Pour ma part, je m’abstiendrai.
M. François Trucy, rapporteur spécial. – Ma position sera différente. Cela fait vingt-deux ans que je suis en charge de ce budget…
M. François Marc. – C’est le privilège de l’excellence…
M. François Trucy, rapporteur spécial. – C’est trop, je sais, mais personne n’a jamais voulu reprendre le flambeau ! Cette longue expérience m’a fait découvrir les arcanes d’un budget complexe, et surtout la grande qualité des personnels de la défense.
Vous disposez avec le remarquable rapport écrit d’un travail accompli et complet, auquel vous pouvez vous fier. Il faudra interpeller le ministre sur les engagements de la France hors de nos frontières, sur la grande réforme de nos armées, sur la perspective d’une défense européenne, indispensable à nos vieux pays à court – et non à bout – de souffle. Je partage nombre des critiques émises par Yves Krattinger : sur le nécessaire respect de la loi de programmation militaire, sur les programmes majeurs, sur le renouvellement du matériel, sur les ressources exceptionnelles liées aux cessions de fréquences hertziennes et aux opérations immobilières, ainsi que sur les gels de crédits : 167 millions d’euros ont été annulés en première délibération ! Ces critiques sont récurrentes : je me souviens d’échanges très vifs avec Alain Richard, alors ministre de la Défense, sur le respect de la programmation militaire ! Les sujets de déception sont réels : l’amélioration de la condition militaire est insuffisante, les Opex dépassent nos capacités financières et humaines, des interrogations subsistent sur certains grands choix stratégiques.
La critique est indispensable, mais en s’en remettant à la sagesse du Sénat, la majorité restreint le débat : l’opinion ne retiendra que ce refus de se prononcer ! Pensez-vous que la France puisse se passer d’une défense, d’une armée, des moyens d’assurer sa sécurité extérieure ? Sans budget de la défense, point de présence dans le monde, point d’influence dans le concert des nations, point de voix au conseil de sécurité de l’ONU ! Je suis sûr que la majorité d’entre vous en convient.
S’en remettre à la sagesse n’est pas une politique responsable ! À moins que vous ne rejetiez ces crédits pour marquer votre détestation de la politique du Gouvernement, et parce que vous espérez qu’une telle posture vous servira pour 2012 ? Mais gare : en matière de défense, il n’est pas dit que l’opinion publique vous suive ! En escamotant le budget de la défense, vous évitez aussi d’évoquer le nucléaire militaire, pourtant incontournable, mais qui risque, il est vrai, de contrarier certains de vos partenaires… Ne pas voter ces crédits, c’est envoyer au feu des pompiers sans leur matériel de survie. Vous comprendrez que je donne un avis favorable à l’adoption des crédits du budget de la défense nationale, qui n’est pas un budget comme les autres !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. – Cela fait des années que je siège dans notre commission, et c’est la première fois que j’y entends un ton aussi polémique. Pourquoi ce procès d’intention ? Vous risquez par de tels propos d’entraîner certains de nos collègues à un acte qu’ils ne veulent pas accomplir ! Réservons ces propos à la séance publique ! Tous les gouvernements successifs ont repoussé les échéances de la loi de programmation militaire, et l’on sait que, in fine, les coûts sont plus élevés. Les Opex sont un véritable marronnier de la commission des finances, car on ne peut, par définition, ni les prévoir, ni les budgéter. Jamais leur coût n’avait été si élevé en temps de paix : 1,2 milliard d’euros, selon les données disponibles à la date du 1er octobre, et sans doute davantage quand l’opération Harmattan sera comptabilisée dans sa totalité. Il faudra se pencher sur cette question.
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. – Je n’ai pas été polémique. J’aurais pu porter une critique beaucoup plus sévère sur les éléments fondamentaux de ce budget, ainsi que sur les omissions et les incertitudes qui l’émaillent. Je me suis contenté de souligner quelques points. Le ton du rapporteur spécial François Trucy me surprend.
M. François Trucy, rapporteur spécial. – Si mon ton a été polémique, c’est que je m’inspire de la séance publique, et des autres commissions ! Ne voyez aucune agressivité dans mes propos. J’ai au moins autant de critiques à faire à ce budget que M. Krattinger, peut-être davantage ! Mais la décision de voter, ou non, ces crédits est un choix politique. Sur les autres budgets, les critiques de la majorité ne sont guère tendres…
M. Edmond Hervé. - Un point de doctrine, d’abord. Notre famille politique a toujours courageusement porté la plus grande attention aux questions de défense. La position de Jean Jaurès sur l’armée et la nation fait partie de notre patrimoine. Eminemment courageuse, elle a inspiré de Gaulle. Les conseillers de Jaurès furent d’ailleurs ceux du colonel de Gaulle ! Je veux aussi rappeler le courage puissant de notre ancien collègue Charles Hernu ; dans la configuration politique de la gauche des années soixante et soixante dix, il fut porteur d’une responsabilité courageuse pour porter des choix dans lesquels nous nous reconnaissons.
Les imprécisions du plan pluriannuel en matière d’immobilier et de foncier sont problématiques, nous le voyons dans nos collectivités. Ce n’est pas le signe d’une très bonne gestion. De surcroît, je ne comprends pas que la France ne se soit pas dotée d’un programme de drones, d’autant que nous sommes experts en matière de télécommunications !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. – C’est vrai !
M. Edmond Hervé. – Pour relancer la croissance, il faut investir dans une vraie politique industrielle. Cela suppose de la volonté. Enfin, il faut une politique européenne de la défense : là est notre avenir !
M. Jean-Paul Emorine. – Tout à fait d’accord !
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. – En effet, nous achetons très cher aux Israéliens des drones que nous pourrions produire en France à meilleur prix.
M. François Patriat. – Le moteur, 100 % diesel, est fabriqué à Magny-Cours, en Bourgogne !
Mme Fabienne Keller, présidente. – Je salue la déclaration de M. Hervé, mais il y a tout de même eu des moments de doute : en juillet 1981, quand j’ai défilé sur les Champs-Elysées, le monde entier nous regardait !
M. Edmond Hervé. – Certains s’attendaient à voir arriver les chars soviétiques…
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. – Nous aurons ce débat sur la défense en séance publique. Je réitère mon avis de sagesse, et m’abstiendrai lors du vote.
M. François Trucy, rapporteur spécial. – Je réitère pour ma part mon avis favorable à l’adoption des crédits.
A l’issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l’adoption, sans modification, des crédits de la mission « Défense » ainsi que ceux du compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ».
Vous pouvez laisser une réponse.
Il y a les rapports, les journalistes, les commentaires, etc…
et les vécus sur le terrain !
L’homme étant stupide./
L’homme ne sachant que faire la guerre pour résoudre les-ces-ses conflits divers./
L’homme comme César dit Préparer la guerre pour sauver la Paix…
La menace de confliT & ts est certaine.
Un Pays doit se défendre et protéger ses citoyens.
Les dirigeants devraient bien évaluer et dépenser les efforts budgétaires.
Or…cela n’est pas !
Les cadres font de la politique politicienne.
Les officiers désespèrent avec des matériels insuffisants obsolètes.
Les soldats toutes armes confondus souffrent et sont mal traité(e)s
Pas pour la guerre
7000% pour la Paix
mais réaliste !
Cordialement
Anne