LES DEVOIRS A LA MAISON…DES TÂCHES SANS TACHES ? (Laurent DUBOIS / Chargé d’enseignement à l’Université de GENEVE)

 

Laurent Dubois

Chargé d’enseignement à l’Université de Genève


Les devoirs à domicile

Des tâches sans taches ?

LES DEVOIRS A LA MAISON...DES TÂCHES SANS TACHES ? (Laurent DUBOIS / Chargé d'enseignement à l'Université de GENEVE) dans REFLEXIONS PERSONNELLES devoirs

(Laurent Dubois et Grazia Navarro Dubois)

INTRODUCTION

Les devoirs à domicile sont sans aucun doute un sujet à polémiques, à contradictions multiples et à discussions sans fin, si on ne prend pas le temps d’écouter vraiment l’autre, si on reste sur ses positions. Car, tout le monde croit qu’il sait de quoi il parle et, à juste titre, car tout le monde a un vécu, une expérience, une représentation des devoirs à domicile. Toutefois, comme chacun de nous a son image bien précise (ou floue, cela n’a pas d’importance, l’important est que chacun ait son image) de ce que sont les devoirs, cette image ne peut être que différente de son voisin. Il est dès lors difficile de discuter vraiment de ce thème. Car en réalité, même si on semble partager le même avis (être contre ou pour les devoirs), on n’est jamais sûr que ce soit pour les mêmes raisons.

Pour en revenir au choix du titre, les tâches données toutes les semaines aux enfants ne sont pas sans taches , sans contradictions, sans ambiguïtés, sans problèmes,… . Rien n’est clair en matière de devoirs ! Rien n’est clair en matière d’école ! Et si on essayait de mieux comprendre ensemble, pourquoi cela semble si opaque, dès qu’on creuse un peu ce sujet. On tentera dans cet essai théorique d’expliquer et de mettre en lumière sept contradictions qui nous ont semblé manifestes tout au long de nos lectures et de nos discussions avec les différents intéressés. Il est bien entendu qu’il ne s’agit pas d’une liste exhaustive. Notre champ d’observation ne concernera que les devoirs donnés à l’école primaire.

SEPT CONTRADICTIONS MANIFESTES

1. Gestion du temps ?
2. Contre les devoirs, oui, mais ?
3. Développement de l’autonomie ?
4. Dialogue avec la famille ?
5. Directives cantonales, quel sens ?
6. Question de responsabilité ?
7. Lutte contre l’échec scolaire ?

1. La gestion du temps ?

Un bon nombre d’enseignants s’accordent pour dire qu’ils doivent courir dans tous les sens pour réussir à boucler correctement (?) le programme scolaire imposé par la direction. Programme surchargé, programme dense (bien qu’allégé ?) et pratiques pédagogiques nouvelles ne facilitent pas la tâche des enseignants. Comme ils n’ont souvent pas le temps parce que de toute façon on n’a pas le temps de tout faire en classe (Favre, Steffen, 1988, p.187) (ou pas l’envie ?) de faire apprendre en classe des livrets, des poésies, des règles grammaticales, des mots ou des verbes à tous les temps,… et bien, ils se raccrochent aux devoirs à domicile pour ces activités de mémorisation, de drills et de répétitions qui sont jugées ingrates, peu intéressantes, peu efficaces, peu nobles , mais toutefois nécessaires pour avancer dans le parcours (du combattant) de l’écolier. Et oui, si on ne mémorise pas ses verbes, comment fera-t-on pour se débrouiller dans la vie scolaire ? Surtout que, d’année en année, les apprentissages se compliquent. Au fond, on ne demande qu’un petit effort à l’enfant: 20, 30, 40… minutes de temps consacré aux devoirs par jour. Ce n’est pas grand chose et c’est tout de même pour son bien !
Mais en attendant, et malgré la surcharge des programmes, que de temps accordé (ou perdu) pour préparer, donner, expliquer, recopier, corriger et faire réciter les devoirs. Selon certains professionnels, il paraît que cela prend 1/5e du temps par semaine: j’ai estimé le temps passé à la distribution/ correction/récitation des devoirs à environ une demi-heure à trois quarts d’heure par jour (Richard, 1990) et le temps gagné avec la suppression des devoirs (soit temps de préparation et de correction, quasi 1/5e du temps de classe ) sera mieux utilisé par… (Delieutraz, 1990).
Ne pourrait-on pas investir ce temps en classe, sinon mieux, différemment, avec les enfants… ? Et éviter de considérer les devoirs comme une soupape de sécurité (Favre, Steffen, 1988, p.107). Enfin, pour tous ceux (nous en ferons peut-être parties ?) qui ont un besoin vital (cela donne bonne conscience) de courir tous les lièvres (Perrenoud, 1995, p.129), de survoler tout le programme, il faudrait qu’ils s’arrêtent un moment et prennent le temps de remettre en question leurs pratiques pédagogiques. Pour essayer de revenir aux acquis essentiels (Perrenoud, 1995, p.129) et de comprendre comme J.-M. Richard qu’il existe peut-être une réelle différence entre le GRAP traditionnel et le GRAP allégé, pour autant qu’on distingue bien sensibilisation et fondamentum », (1990) deux mots clés dans le discours des autorités ! Pensons aux élèves !

Les résistances au changement prennent leur fondement dans plusieurs leitmotivs et notamment celui de la hantise du programme. Lorsque le souci d’arriver au bout du programme est trop lourd, le risque est alors de distribuer un enseignement qui passera par-dessus les têtes des élèves, sans être intégré ou assimilé, parce que fait pour faire, fait pour qu’il soit dit qu’on a fait. (Goumaz, 1991, p.60).

D’un côté, les enseignants ont besoin des devoirs à domicile pour réussir (?) à boucler le programme. Mais d’un autre côté, ces mêmes devoirs leur prennent une bonne partie de leur temps et du temps en classe pour les préparations, explications et corrections.

2. Contre les devoirs, oui, mais ?

Certains enseignants sont sceptiques quant à l’utilité des devoirs. En effet, comment des tâches répétitives, faciles (pour être réalisées seul) ou de mémorisation pourraient-elles favoriser les apprentissages ? D’un côté, ils se rendent compte que les devoirs traditionnels n’apportent rien aux élèves, mais d’un autre côté, ils ne savent pas par quoi les remplacer. Ils sont en général tous d’accord sur le fait qu’ils devraient donner des devoirs plus intelligents .
Mais au fond, quelle est la bonne définition des devoirs plus intelligents ? Et qui va les créer ? Qui va se poser les questions nécessaires pour en trouver de meilleurs ? Qui va tenter de trouver des devoirs plus intéressants, plus motivants et surtout favorisant un apprentissage chez l’enfant ? Qui ? Avec quelle énergie ? Il semble que pour certains enseignants toutes ces questions sont vouées au silence, ils n’ont en tous cas pas la volonté, le courage, ni le temps (on y revient toujours !) d’y répondre. Alors, faute de mieux, on donne toujours le même type de devoirs. Et même si on est convaincu qu’ils ne servent à rien, on se console en se disant qu’ils ne peuvent pas faire de mal (surtout pour les élèves les plus faibles).
On en donne donc pour se conformer à la règle, à l’habitude, à la tradition. On fait comme tout le monde, par crainte du qu’en diront-ils ? (les autres enseignants et les parents), sans trop se poser de questions, sans se remettre en question. L’important, c’est de faire comme les autres, pour se protéger face à d’éventuelles attaques ou d’éventuels reproches. Il arrive même que l’on donne des devoirs (même si on est contre) pour faire plaisir aux parents inquiets, il paraît que cela les rassure.
« En bref, il est frappant de voir tout ce que les adultes peuvent faire, non pas tellement pour leurs élèves, mais pour d’autres adultes , connus ou inconnus, proches ou lointains, au jugement desquels, à tort ou à raison, une importance considérable est donnée » (Goumaz, 1991, p.63).

D’un côté, les enseignants ne sont pas convaincus de l’utilité des devoirs traditionnels. Mais d’un autre côté, ils ne savent pas par quoi les remplacer. Alors ils préfèrent ne pas trop prendre de risques (face aux autres enseignants, aux parents qui verraient la suppression des devoirs d’un mauvais oeil) et se conformer à la norme, en continuant à en donner.

3. Développement de l’autonomie ?

Certains enseignants trouvent que les devoirs ont une importance fondamentale dans le développement de l’autonomie. En effet, il est bon que les élèves soient confrontés quotidiennement à des tâches qu’ils pourront effectuer seuls. Par exemple, la pratique de la révision autonome des matières apprises en classe ne peut que développer chez l’enfant les premiers éléments d’une discipline personnelle de révision périodique des cours permettant de rester à flot (Steffen, Favre, p.120). Ou encore, les devoirs comportent même un plus , car ils apprennent à l’enfant à se prendre en charge seul, hors du contexte scolaire qui pousse chacun à se conformer plus ou moins à une attitude studieuse (Steffen, Favre, p.132).
Et les parents ? Peut-on réellement croire qu’ils n’aideront pas leurs enfants, s’ils les voient (ou croient) en difficulté, ou s’ils se voient sollicités à l’extrême: Si tu ne fais pas les devoirs avec moi, je ne les fais pas ! Je comprends rien ! C’est trop dur ! J’ai besoin de ton aide !… Difficile de ne pas mettre son nez d’adulte dans les devoirs de son enfant. Et pourtant, selon les enseignants, les enfants sont censés faire leurs devoirs seul, pour développer seul leur autonomie !
Est-ce que développer son autonomie , cela signifie se débrouiller seul à la maison face à une tâche facile, démotivante, répétitive, et dont on ne voit pas toujours l’intérêt, mais qu’il faut faire parce qu’elle est imposée par le maître ? Est-ce que développer son autonomie, c’est faire une tâche sans la présence du maître, mais en répondant de toute manière à ses attentes , en faisant exactement ce qu’il veut qu’on fasse , comme s’il était là ou même mieux que s’il était là ? Si faire son devoir d’élève signifie se conformer au désir du maître (Steffen, Favre, p.186), comment pourrait-il développer une quelconque autonomie chez l’enfant?
Et si l’autonomie s’apprenait aussi en classe et non pas dans la solitude ? Car au fond, l’enseignant n’est-il pas censé apprendre à son petit élève à grandir en se passant de lui, à prendre des risques, à prendre des décisions,… ? Sans aucun doute, mais il ne peut le faire à travers des devoirs totalement imposés et cadrés. Il faut le pousser dans la voie de la liberté, de l’engagement et de l’initiative propre à travers des projets personnels, des projets qui auraient réellement un sens, parce qu’ils seraient choisis, voulus et assumés par l’enfant.

D’un côté, les enseignants donnent des devoirs pour favoriser l’autonomie des élèves. Car, c’est soi-disant en effectuant seul (sans le maître) ses devoirs qu’ils deviennent autonomes. Mais d’un autre côté, ils se retrouvent à la maison sous la tutelle directe des parents et sous la tutelle invisible du spectre de l’enseignant pour faire seul une tâche imposée.

4. Dialogue avec la famille ?

Selon certains enseignants, les devoirs sont un bon moyen de dialoguer avec la famille, de laisser transparaître quelques informations au sujet de l’école et de la classe, d’assurer un lien, une continuité. Les devoirs sont aussi, dans certains cas, un bon passeport. En effet, certains parents jugent de la qualité d’un enseignement, d’après les devoirs qu’ils voient arriver à la maison. C’est donc souvent une attestation du sérieux du travail de l’enseignant. On aurait presque envie de dire que, plus qu’un réel dialogue entre la famille et l’enseignant, les devoirs sont surtout porteurs de messages interprétés au gré du vécu, des représentations, de l’expérience de chacun.
Toutefois, lorsqu’on examine quelles tâches sont données en devoirs, on ne peut que constater qu’elles sont peu représentatives des changements survenus depuis dix à quinze ans dans l’enseignement primaire. Elles correspondent plus au vécu des parents, qu’aux nouvelles pratiques pédagogiques en vigueur.
Dès lors, quels messages donnent les devoirs ? Ils laissent certainement croire que l’école n’a changé ni dans ses objectifs, ni dans ses méthodes… (Richard, 1990). Ils ont même tendance à dégrader l’image de l’école (Baeriswyl, 1990) et des enseignants. On se demande même si le but réel (et contradictoire) des devoirs n’est pas celui de créer une sorte d’écran, de zone tampon entre la famille et l’école (Steffen, Favre, p.113), d’établir une distance entre ce qu’on montre aux parents, la part la plus pauvre des programmes et du travail scolaire (Perrenoud, 1995) et ce qui se fait dans la classe (domaine exclusif des enseignants).
En plus, lorsqu’on voit, que ce type de dialogue avec les parents ne sert qu’à les stresser, les culpabiliser, les transformer en répétiteurs, empoisonner les soirées familiales, mettre beaucoup de parents dans des situations d’incompétences ou de toute puissance (Perrenoud, 1995), on peut se demander, s’il ne serait pas temps de trouver une autre voie pour communiquer.

N’y a-t-il pas de moyens plus efficaces pour dialoguer réellement avec la famille (si réellement c’est un désir et un souci de l’enseignant) ? Quelques témoignages le montrent, il est possible de passer outre les devoirs pour entamer un vrai dialogue. Le moment privilégié de rencontre avec les parents demeure l’entretien (Richard, 1990). Lorsqu’on ne veut plus des devoirs comme lien malhonnête, il faut alors prendre du temps pour expliquer, convaincre, inciter chacun à remettre en question les idées reçues (ou créées par son propre vécu), rétablir la confiance entre les trois partenaires: enseignant-parents-élèves (Steffen, Favre, p.63). Ou encore, comme ce qui se fait à l’UCE (Unité Coopérative d’Enseignement), mettre en place tout un système pour informer les parents: les classes ouvertes, les entretiens , les réunions de parents, une commission famille-école (discussion sur la suppression des notes, transmission d’évaluation sans notes,…), un journal parents-enseignants (deux fois par année),… .
Mais, cela demande du temps et beaucoup d’investissement. Est-ce que la grande majorité des enseignants sont près à cela ?

D’un côté, les enseignants laissent entendre que les devoirs sont un moyen de dialoguer avec les parents, de créer un lien, de les informer sur leurs pratiques. Mais d’un autre côté, ils ne donnent en devoirs que des tâches peu (ou pas) représentatives de ce qu’ils font réellement en classe et créent ainsi une sorte d’écran, une barrière entre leur monde et celui des parents.

5. Directives cantonales, quel sens ?

Lorsqu’on parcourt les différentes directives cantonales (datant de 1990) concernant les devoirs, on est surpris de voir à quel point le but, le sens des devoirs a peu d’importance face à la question de sa durée. Il a semblé plus important aux autorités de réglementer très précisément le temps accordé (à ne pas dépasser ?) aux devoirs à domicile, plutôt que de définir dans quel but on devait en donner. Peut-être est-ce pour que l’école n’empiète pas trop sur la vie de famille de l’écolier (souci tout à fait respectable) ? D’autant plus, que les devoirs semblent être perçus par certaines familles, comme une ingérence vicieuse de l’école »(Agasse, 1990).
Il est intéressant, néanmoins de s’y attarder et de voir, par exemple, que la durée augmente avec l’âge , seul facteur semblant être pris en considération pour fixer la portion quotidienne ou hebdomadaire de devoirs à domicile. En somme, plus on est jeune, moins on a de devoirs. Plus on grandit et on avance dans le parcours scolaire, plus on a de devoirs. La tendance actuelle (dans le canton de Genève notamment) serait même de supprimer complètement les devoirs jusqu’en troisième primaire, pour les réintroduire dès la quatrième (directive genevoise de 1995/1996). Est-ce l’approche du cycle qui rend les devoirs nécessaires dans la vie de l’écolier ? N’oublions pas qu’au cycle, les devoirs prennent une importance considérable: mémorisation de listes de mots (allemand, anglais, latin), mémorisation de règles grammaticales, exercices à faire, révisions pour les épreuves qui sont systématiquement annoncées, compositions,… . Que serait le cycle sans les devoirs ?
Justement à ce propos, nous avons une petite histoire à vous raconter. Au détour d’une conversation entre trois mamans (ce détail a son importance), une enseignante du cycle s’est plainte (et se plaint certainement toujours !) du peu de devoirs donnés aux élèves en primaire. Elle semblait surtout ennuyée par le fait que les listes de mots, à apprendre régulièrement tous les jours, avaient été supprimées par une grande majorité d’enseignants (ah ! Vraiment ?). Etant professeur d’allemand elle-même, elle trouvait cela désolant. En effet, elle avait de plus en plus de peine à faire passer ses listes de vocabulaire auprès de ses élèves, n’étant paraît-il plus habitués à faire ce type d’effort à la maison. Où va donc l’école primaire ?
Enfin, pour en revenir à la durée des devoirs, comment fait-on pour savoir quelle est la durée optimale pour telle tranche d’âge ? Et dans la pratique, comment fait-on pour savoir que les devoirs donnés ne dépasseront pas le temps maximum ? Les enfants face à une tâche réputée facile (facile pour qui ?), mettent-ils tous le même temps ? Existe-t-il des devoirs effectuables dans un temps donné et identique pour tous ? Ne se souvient-on pas d’avoir déjà entendu, pour une même classe, des parents se lamenter de la longueur (et de la difficulté) excessive des devoirs donnés, et d’un autre côté, d’autres parents se réjouir de la facilité des devoirs et du peu de temps finalement consacré à la maison pour les réaliser ?
Fixer une durée aussi précise, n’est-ce pas pousser les enseignants à ne donner que des tâches simples et répétitives, pour qu’elles soient le plus vite expédiées ?

D’un côté, on se donne bonne conscience en édictant des directives claires et précises sur la durée des devoirs à domicile. Mais d’un autre côté, on n’oublie que dans la pratique il est difficile d’être aussi clair et précis. En effet, comment saura-t-on combien de temps mettra tel ou tel élève devant la même tâche. Existe-t-il des tâches standards que tous les enfants peuvent effectuer plus ou moins dans le même laps de temps ? Préciser à ce point la durée maximale, n’est-ce pas se cacher les vrais problèmes (sens et but des devoirs par exemple) ?

6. Question de responsabilité ?

L’enseignant prétend ouvertement que les devoirs, c’est une affaire entre lui et l’enfant. Les apprentissages relèvent aussi de sa compétence et sont sous sa responsabilité de professionnel. En plus, il s’efforce de donner des tâches facilement exécutables par l’élève, qui ne devraient pas lui poser de problèmes. En réalité, il fait de son mieux pour que les parents interviennent le moins possible.

Malgré ce désir manifeste de mettre à l’écart les parents, l’enseignant les sollicite toutefois fortement pour qu’ils s’engagent à prendre le rôle (ingrat) de contrôleur et de surveillant des devoirs. Ils ne doivent pas faire les devoirs à la place de l’enfant, mais ils doivent veiller à ce qu’ils soient correctement effectués. En prenant la peine, si nécessaire, de vérifier s’il sait ses mots, son livret ou conjuguer un verbe à l’imparfait. Bref, si un enfant doit apprendre des mots et qu’il rate la récitation du lendemain, à qui la faute ? Est-ce l’enseignant qui est responsable de l’échec de l’enfant ou est-ce le parent qui a négligé de contrôler le travail de son enfant ? La réponse semble évidente!
Mais, en tant que professionnel, n’est-ce pas une façon trop facile de se déresponsabiliser et de rejeter tous les torts sur l’enfant et la famille ? Les devoirs doivent réellement servir à se blanchir de toute responsabilité face à l’échec d’un de ses élèves ? Si les apprentissages sont l’affaire des professionnels, pourquoi se décharger sur les parents ?

D’un côté, les devoirs et les apprentissages sont l’affaire exclusive de l’enseignant. Mais d’un autre côté, il s’attend à ce que les parents les surveillent et vérifient qu’ils sont bien effectués et appris. Si ce n’est pas le cas, à qui la faute ?

7. Lutte contre l’échec scolaire ?

Il n’y a pas de doute (selon une bonne majorité des enseignants), les devoirs sont utiles aux élèves les plus faibles. En effet, si on se conforme à l’adage de deux exercices valent mieux qu’un (Steffen, Favre, p.28), il semble tout à fait approprié de donner plus d’exercices à l’élève qui est toujours à la traîne. Les devoirs ont alors une fonction de rattrapage, de comblement de tous les manques accumulés par l’enfant, de lutte contre l’échec scolaire. En somme, supprimer les devoirs, ce serait enlever toute chance à l’enfant de se remettre à flot !
C’est pourquoi, il vaut mieux taper sur le clou à coup d’exercices inutiles, pour qu’un jour, peut-être, il s’enfonce. Il vaut mieux faire croire à l’élève qu’une portion d’exercices supplémentaires et une portion de temps supplémentaire à la maison l’aideront à se remettre à niveau. Il vaut mieux lui faire croire que s’il n’y arrive pas, ce n’est pas la faute de l’enseignant, mais c’est parce qu’il n’y consacre pas assez de temps et d’efforts.
Il vaut mieux…, plutôt que de remettre en question sa pratique quotidienne, oublier que l’échec scolaire doit en réalité être attaqué à la racine, par un enseignement différencié en classe, et non par des compensations illusoires (Perrenoud, 1995), dont font partie les devoirs.

D’un côté, on donne des devoirs-exercices supplémentaires aux élèves les plus faibles pour lutter contre les inégalités et l’échec scolaire, mais d’un autre côté les devoirs donnés sont inutiles lorsqu’ils sont faisables, impossibles à accomplir seuls lorsqu’ils favoriseraient vraiment le développement et les apprentissages fondamentaux (Perrenoud, 1995).

CONCLUSION

Comment conclure, lorsque en réalité, il faudrait poursuivre cette discussion à peine commencée ? Comment conclure, lorsque il faudrait remettre tant de pratiques pédagogiques, tant de représentations commodes et tant d’habitudes en question ? Comment changer ?
Peut-être, en commençant à parler ouvertement de ses peurs, de ses craintes, de ses angoisses face à une profession en constante évolution, face à un métier qui bouge, mais qui ne correspond plus à l’image qu’on s’était faite. Il faut arrêter de se cacher derrière des règlements et des traditions dont on ne comprend plus le sens. La classe n’est plus un lieu où l’on s’enferme, elle doit être avant tout un lieu d’échange, un lieu de transparence et d’apprentissages. Les devoirs ne sont au fond qu’un problème parmi tant d’autres. S’ils permettent de voir plus loin, plus vrai, alors allons-y !
Car si on veut une réelle modernisation des devoirs, il faut passer par un changement qualitatif de l’école, par la construction d’une autre école, avec une autre logique (Perrenoud, 1995).

BIBLIOGRAPHIE

puce1 DEVOIRS A LA MAISON dans REFLEXIONS PERSONNELLES AGASSE (L.), (19 90). Parents. Ah ! les vraies soirées familiales ! , In Educateur n 7.
puce1 ECHEC SCOLAIRE BAERISWYL (G.), (19 90). Devoirs à domicile: Tombez le masque ! , In Educateur n 7.
puce1 ECOLE DELIEUTRAZ (Y.), (19 90). De l’utopie à la réalité. Toute une école supprime les devoirs à domicile. , In Educateur n 7.
puce1 EDUCATION FAVRE (B.) et STEFFEN (N.), (1988). Tant qu’il y aura des devoirs… , Service de la recherche pédagogique, cahier n 25.
puce1 EUROPE GILLIERON (P.), (19 90). Devoirs à domicile: Unité et diversité dans les cantons romands , In Educateur n 7.
puce1 FRANCE GOUMAZ (G.), (19 91). Enseignant-Enseigné: Une estime réciproque , Perly-Genève, Edition des Sables.
puce1 SUISSE MEIRIEU (P.), (1992). Les devoirs à la maison , Paris, Syros Alternatives.
puce1 PERRENOUD (P.), (1995), Sens des devoirs, sens du devoir , In Métier d’élève et sens du travail scolaire, Paris, Collection Pédagogies , p. 125 à 133.
puce1 RICHARD (J.-M.), (19 90). Pour l’école à l’école , In Educateur n 7. 

Des parents d’élèves et des enseignants appellent à une « quinzaine sans devoirs » à la maison dans le primaire.

« Nous dénonçons depuis longtemps la persistance des devoirs à la maison, dont personne n’a jamais prouvé l’utilité », rappellent la FCPE – principale fédération de parents d’élèves – et l’Institut Coopératif de l’Ecole Moderne (ICEM, pédagogie Freinet).

Ils considèrent que la persistance de cette pratique, supprimée en 1956 dans le primaire par une circulaire jamais appliquée, est une forme de« sous-traitance pédagogique aux familles ».

Réclamés… et critiqués

Ces deux organisations appellent, à partir d’aujourd’hui, à une« quinzaine sans devoirs » à la maison. Parents et enseignants sont également invités à poster leurs témoignages sur le sitehttp://cesoirpasdedevoirs.blogspot.com.

Le débat n’est pas nouveau ; les devoirs sont à la fois réclamés et critiqués. Si les enseignants continuent d’en donner, c’est, pense Catherine Chabun, de l’ICEM, à cause d’une « pression des parents qui craignent de ne pas être au courant de ce qui se passe en classe ».

Les devoirs sont « efficaces s’ils sont accompagnés, mais, là, nous renvoyons à une forme d’inégalité sociale et d’injustice très lourde », estime Philippe Meirieu, chercheur en pédagogie.

« Dans les familles, on voit des moments de violence, de crispation autoritaire autour des devoirs, avec au final un apport pédagogique assez mince », dit Christophe Paris, délégué général de l’association AFEV, qui fait de l’aide aux devoirs dans les quartiers populaires.

Chez ATD Quart-monde, on pense que « le temps scolaire doit englober les apprentissages scolaires et travaux personnels habituellement faits en dehors de l’école ou du collège, sous la responsabilité d’enseignants ».

« OUEST FRANCE »

Publié dans : REFLEXIONS PERSONNELLES |le 23 octobre, 2012 |Pas de Commentaires »

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