QUE SE PASSE-T-IL AU VENEZUELA ? LES NOTES DE VOYAGE DE « RADIO MOCHILA » (ARGENTINE / Thierry DERONNE)
Que se passe-t-il au Venezuela ? Les notes de voyage de « Radio Mochila » (Argentine) (video)
Après un séjour sur les terres de Bolívar, que nous estimions à deux mois et qui finalement en a pris cinq, nous nous permettons respectueusement, et sincèrement, de livrer quelques notes parmi tout ce que cette belle expérience nous a donné à penser.
Depuis quelques années dans l’inconscient collectif, dans les conversations de café et, surtout, dans les médias, le mot « Venezuela » circule comme un paradigme nouveau. Beaucoup parlent du Venezuela, pour le meilleur comme pour le pire, surtout pour le pire dans les médias internationaux. Tous racontent, tous savent. Ou disent savoir. Nous posons la question : combien d’entre eux connaissent-ils, ne serait-ce qu’un peu, le Venezuela ?
Ça fait mal d’entendre qu’au Venezuela il n’y a pas de liberté d’expression ou qu’il y a censure. Non seulement pour ce que nous avons dit des radios communautaires…cela fait mal d’entendre ce type de discours dans un pays comme le Venezuela où une députée est capable de se lever en plein Congrès pour crier au président de la nation : « voleur ». Et ce n’est pas qu’elle l’accuse d’être corrompu ou d’avoir empoché un pourboire, non. Elle lui dit « voleur » parce que, pour elle, réquisitionner des logements vides, « c’est voler ». Existe-t-il dans l’Histoire de l’Amérique Latine le cas de quelqu’un qui ait crié « voleur » à un dictateur et qui soit resté en vie ou ne soit pas allé en prison ? Hé bien, cette députée vénézuélienne jouit pleinement de sa liberté, continue à dire ce qui lui plaît, prépare sa candidate comme future Présidente du Venezuela. Étrange dictature… comme dirait le maître Galeano.

On dit qu’au Venezuela il existe une polarisation totale, et c’est bien le moins. De tous les pays du cône Sud c’est le seul où sont réellement abordées des questions de fond, où nous avons senti que sont vraiment touchés les intérêts du capital national et transnational. Si elle ne générait pas de polarisation, cette avancée ne serait sans doute pas très authentique. Par ailleurs, lorsqu’on vivait la situation inverse, quand on parlait des ressources de l’État et des vénézuéliens ordinaires qui étaient affectés, dans quels médias entendait-on dire que l’on attentait à l’État de Droit ?
La plupart des médias mènent une campagne systématique et continue. Chávez est le grand coupable de tout, même de la pluie. Comme si dans les 200 années antérieures, la pauvreté, l’exclusion, la corruption et tout ce dont on accuse aujourd’hui le gouvernement, n’avaient jamais existé. Bien sûr qu’il faut continuer à exiger les solutions aux nombreux problèmes qui subsistent, mais sans mensonges.
Et puis, quel est le problème, si la « polarisation » apporte la discussion de modèles, le débat d’idées ? La pluralité des regards, la confrontation de projets ne sont-elles pas au coeur de la démocratie ? De quoi a-t-on peur ? De la confrontation ? Et quand ce fut l’inverse ? Quand tout était « calme », « tranquille » parce qu’il ne restait à beaucoup de vénézuéliens que le droit de se résigner en silence ?
Solidarité
Il semble que le Venezuela soit un des seuls pays qui s’intéresse vraiment à l’intégrité et à l’intégration du continent latino-américain. On peut le mesurer dans la création de la chaîne Telesur mais aussi dans de très nombreux projets que ce pays non seulement défend mais finance.
Nous ne disons pas que les peuples ne portent pas ces liens de fraternité et de solidarité – nous avons pu vérifier que si, ils existent vraiment – mais on peut observer aujourd’hui la même attitude de la part de plusieurs gouvernements. Le Venezuela ne représente pas seulement une autre manière de comprendre le monde d’aujourd’hui : il a aussi la force et l’envie nécessaires pour assumer ce que cela signifie. C’est vrai que c’est le pays le plus riche de la région. Et dans cette phase du capitalisme, la logique voudrait qu’il se ferme et cherche son avantage à tout prix, comme le fait l’Allemagne dans l’Union Européenne, écrasant au maximum les autres pays pour éviter de plonger dans la crise qui frappe l’Europe. Mais c’est en partant d’une vision sociale que le Venezuela fait primer la solidarité avec les pays frères. Cela va plus loin qu’un gouvernement. Ce sentiment solidaire envers les autres pays nous l’avons ressenti de la part de nombreux citoyens vénézuéliens.
Les yeux du monde
Ne nous étonnons pas si, pour toutes ces raisons et parce que ce pays abrite la plus grande réserve de pétrole du monde jadis sous contrôle états-unien, le monde tourne les yeux ce dimanche vers le Venezuela. Le pays où dans les dix dernières années du gouvernement de Chávez on a voté plus que dans les vingt années antérieures. Où tout est supendu à un fil pour que le continent continue d’avancer sans autre miroir que le plus proche, libéré du besoin de traverser l’océan pour chercher des remèdes à nos problèmes.
Peut-être qu’on parle autant du Venezuela parce que, comme nous l’a dit un jour un ami vénézuélien, ses citoyens ont appris « qu’ils avaient beaucoup de droits mais qu’ils n’avaient jamais été respectés », et parce que quoi qu’il arrive “la majorité des vénézuéliens ne seront plus jamais idiots”.
Notes :
(1) Sur cette campagne de désinformation à propos de RCTV (entre autres), voir le dossier très complet d’ACRIMED : http://www.acrimed.org/rubrique179.html

Vous pouvez laisser une réponse.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.