NAUFRAGE DE L’ERIKA: TOUTES LES CONDAMNATIONS SONT CONFIRMEES. LES REACTIONS.
Naufrage de l’Erika: toutes les condamnations sont confirmées
PARIS – Toutes les condamnations pénales prononcées dans l’affaire du naufrage de l’Erika il y a presque 13 ans ont été confirmées mardi par la Cour de Cassation, y compris celle de TOTAL à l’amende maximale de 375.000 euros.
La Cour de Cassation a condamné TOTAL, qui avait été exonéré de responsabilité civile par la Cour d’Appel de Paris, à réparer les conséquences du dommage solidairement avec ses coprévenus d’ores et déjà condamnés à des dommages et intérêts, selon l’arrêt.
Cette décision était très attendue par les victimes de cette catastrophe écologique, qui redoutaient une annulation définitive de toute la procédure.
Le naufrage le 12 décembre 1999 de l’Erika, navire vieux de 25 ans, battant pavillon maltais, affrété par le groupe français TOTAL et appartenant à un armateur italien, avait souillé 400 kilomètres de côtes de la pointe du Finistère à la Charente-Maritime, et mazouté quelque 150.000 oiseaux.
Le 30 mars 2010, la cour d’Appel de Paris avait confirmé les condamnations pénales pour pollution du groupe TOTAL, de la société de classification Rina, de l’armateur Giuseppe Savarese et du gestionnaire Antonio Pollara.
Les parties civiles (Etat, collectivités locales, associations de protection de l’environnement) avaient obtenu 200,6 millions d’euros de dommages et intérêts, dont environ 13 millions au titre de leur préjudice écologique.
Les quatre condamnés s’étaient pourvus en cassation.
Au printemps, l’avocat général à la Cour de Cassation, Didier Boccon-Gibod, avait provoqué un tollé en recommandant une cassation sans renvoi de l’arrêt attaqué, c’est-à-dire une annulation définitive de la procédure, au motif que la justice française n’était pas compétente.
préjudice écologique
Le navire a en effet sombré en dehors des eaux territoriales françaises, en Zone Economique Exclusive (ZEE). Même si l’Etat du pavillon, Malte, ne s’est pas manifesté, la loi française de 1983, sur laquelle sont basées les poursuites, ne pouvait selon lui pas s’appliquer car elle n’était pas conforme aux conventions internationales.
L’avocat général avait par ailleurs remis en cause l’indemnisation du préjudice écologique, accordé en première instance et en appel à plusieurs collectivités et associations (comme la Ligue de Protection des Oiseaux), indépendamment de tout dommage économique.
L’enjeu de la décision de la Cour de Cassation n’était pas financier, puisque TOTAL s’est déjà acquitté des sommes qu’il devait (171 millions, Rina ayant versé les 30 millions restants), précisant que ces versements étaient définitifs.
Les parties civiles craignaient plutôt d’éventuelles répercussions juridiques, si de nouvelles catastrophes de ce type se produisaient. Aux yeux des collectivités, une cassation totale aurait signifié l’impunité pour les pollueurs.
L’hiver va arriver. Il va y avoir des tempêtes. On peut avoir de nouveau un bateau-poubelle parce qu’il y en a encore beaucoup, sur les eaux internationales, avait prévenu la maire UMP de Batz-sur-Mer (Loire-Atlantique), Danielle Rival.
TOTAL, dont une sous-filiale a été condamnée lundi à Toulouse pour la catastrophe AZF, avait essayé de replacer le débat sur le strict plan du droit.
Les navires étrangers qui remontent de la pointe de l’Afrique jusqu’à Rotterdam ne peuvent avoir un régime juridique différent à chaque fois qu’ils croisent un pays qui a un droit sur la Zone Economique Exclusive, avait maintenu son avocat, Me Daniel Soulez Larivière.
(©AFP / 25 septembre 2012 14h38)
Erika/Condamnations confirmées en cassation : réactions politiques
PARIS – Voici des réactions dans la classe politique à la confirmation, mardi 25 septembre 2012 par la Cour de Cassation, de toutes les condamnations pénales prononcées dans l’affaire du naufrage de l’Erika en 1999, y compris celle de TOTAL à l’amende maximale de 375.000 euros.
- Eva Joly (EELV), eurodéputée, ex candidate à l’Elysée: La décision AZF d’hier (lundi) tout comme celle d’aujourd’hui (mardi) montre la prise en compte croissante de l’aspect environnemental par les juridictions de notre pays, alors même que les entreprises et lobbies tels que TOTAL multiplient les efforts financiers et juridiques pour limiter leur responsabilité. Nous ne pouvons nous arrêter là: encore faudra-t-il travailler à instaurer une responsabilité sociale et environnementale contraignante pour les entreprises agissant sur notre territoire comme pour les entreprises françaises exerçant à l’étranger (communiqué)
- Ségolène Royal (PS), président de la région Poitou-Charentes, est satisfaite de la confirmation de la reconnaissance du préjudice écologique subi par les régions du littoral lors de la marée noire. Les indemnités reçues sont notamment utilisées pour aider les pêcheurs et les ostréiculteurs et pour refaire les digues (communiqué)
- Véronique Besse (MPF), députée de Vendée: Si les poursuites avaient été annulées, c’est la France qui aurait été condamnée. Condamnée à se faire +mazouter+ en regardant passer les épaves flottantes. Cela aurait constitué un véritable permis de polluer pour tous les voyous de la mer. Désormais, il n’y a plus d’impunité pour les bateaux poubelles (communiqué)
- Yannick Moreau (DVD), député-maire d’Olonne-sur-Mer (Vendée): Pour protéger durablement notre environnement, il faut inscrire définitivement le principe de +pollueur-payeur+ pour les armateurs de bateaux poubelles qui longent nos côtes. Pour cela, il faut que la France soit le fer de lance d’une renégociation des accords maritimes internationaux (communiqué)
- Denis Baupin (EELV), vice-président de l’Assemblée Nationale: C’est une excellente nouvelle (…), cela veut dire que TOTAL ne peut pas s’exonérer de la protection de la mer, même si l’accident était intervenu dans les eaux internationales (dans les couloirs de l’Assemblée).
- Frédéric Nihous, président de CPNT: La catastrophe de l’Erika était aussi un naufrage politique!, dit-il en jugeant que Dominique Voynet, ministre de l’Environnement à l’époque, avait scandaleusement minimisée la catastrophe. Je demande à l’actuelle Ministre de l’Ecologie de réagir vigoureusement et de d’informer correctement tous les Français en rappelant ces responsabilités publiques diverses, ces dysfonctionnements au plus haut niveau du gouvernement et de les condamner! (communiqué)
- Les élus de Bretagne Ecologie au Conseil Régional de Bretagne (6 élus sur un total de 83) : Il faut maintenant profiter de cette décision favorable pour relancer le débat et mettre en oeuvre de nouvelles mesures législatives notamment sur les navires à passagers et sur les porte-containers de plus en plus imposants, écrivent ces élus, en souhaitant que la Bretagne et les Régions maritimes, directement concernées par la sécurité, soient considérées comme des partenaires à part entière par les institutions et autorités nationales, européennes et internationales dans le domaine de la prévention et de la réaction aux accidents maritimes.
(©AFP / 25 septembre 2012 17h28)
Erika: les avocats saluent la reconnaissance du préjudice écologique
PARIS – Les avocats de plusieurs collectivités, dont la Bretagne, les Pays-de-la-Loire et Poitou-Charentes, ont salué mardi la décision novatrice de la Cour de Cassation dans l’affaire Erika, notamment sur la reconnaissance du préjudice écologique.
Il y avait deux enjeux considérables : prévenir la réparation des naufrages polluants et permettre la réparation du préjudice écologique, ont souligné dans un communiqué Mes Jean-Pierre Mignard, Emmanuel Tordjman et Sébastien Mabile.
Dans les deux cas, il s’agissait d’adresser un avertissement à toutes les compagnies pétrolières du monde, ont-ils ajouté.
Le littoral français sera dorénavant particulièrement protégé et aucune immunité d’ordre pénal ne pourra être invoquée par l’opposition artificielle des conventions internationales et de la loi nationale, ont-ils souligné.
C’est aux compagnies pétrolières de favoriser la modernisation de la flotte si elles veulent s’assurer de la sécurité (…) Cela coûtera certainement moins cher qu’un naufrage et la pollution, ont-ils estimé.
La deuxième grande avancée de l’arrêt de la Cour de Cassation est la confirmation de la réparation du préjudice écologique, en mettant à la charge des responsables des pollutions la souillure des côtes, la mort des oiseaux et l’empoisonnement du milieu marin, ont-ils ajouté.
Il s’agit d’un grand arrêt protecteur du littoral. Il sera une référence pour les autres juridictions européennes et plus largement du monde, pour que le plus grand nombre d’États côtiers puissent bénéficier d’un haut niveau de sécurité juridique, ont conclu les avocats de la Bretagne, des Pays de Loire, Poitou-Charentes, du Finistère, des communes de Saint-Nazaire et Ploemeur et de la Communauté d’Agglomération Cap Lorient.
(©AFP / 25 septembre 2012 18h01)
Erika: collectivités et élus locaux saluent la décision de la Cour
RENNES – Les collectivités locales victimes de la marée noire de l’Erika en 1999 ont salué mardi la décision de la Cour de Cassation de confirmer les condamnations prononcées dans le dossier y compris celle de Total.
Vigipol, le syndicat mixte de protection du littoral breton représentant le Conseil Régional de Bretagne et plusieurs dizaines de communes touchées par la marée noire, s’est réjoui mardi dans un communiqué de la décision de la cour.
L’association bretonne, partie civile dans le dossier, a ajouté que même lorsque les premières décisions de justice semblent favorables, rien n’est jamais acquis en matière de pollution maritime.
En vertu de la supériorité des textes internationaux sur le droit national, il est indispensable d’agir aussi au niveau européen et international pour faire reconnaître la légitimité de l’Etat côtier de juger les responsables d’une pollution de son littoral, poursuit l’association, en ajoutant que la Cour de Cassation a apporté des arguments majeurs en ce sens.
La mer n’est plus une zone de non-droit, a pour sa part réagi le président socialiste du Conseil Régional de Bretagne Pierrick Massiot, dans un communiqué.
La justice française vient de montrer la voie, mais d’autres combats nous attendent, a-t-il ajouté. La Région Bretagne, qui préside actuellement la Conférence des Régions Périphériques Maritimes d’Europe (CRPM), continuera à défendre les droits des territoires maritimes et de leurs habitants contre les catastrophes environnementales. La prochaine étape se jouera en Espagne au procès du Prestige (pétrolier naufragé au large de l’Espagne en 2002, ndlr), a-t-il poursuivi.
C’est la fin de l’impunité, le début d’une nouvelle ère pour le droit des mers, a estimé de son côté Jean-Yves Le Drian, Ministre de la Défense, ancien président de la Région Bretagne et rapporteur de la Commission d’Enquête Parlementaire sur l’Erika.
Les juges reconnaissent la compétence des juridictions de l’Etat français à juger les pollueurs des mers lorsqu’ils souillent leur littoral et l’existence du préjudice écologique, en d’autres termes le droit des collectivités à défendre leur patrimoine, s’est-il réjoui.
La décision de la Cour de Cassation consacre véritablement le principe du pollueur-payeur, s’est félicité Norbert Métairie, le président de Lorient Agglomération.
(©AFP / 25 septembre 2012 18h11)
Erika: un grand jour pour le droit de l’environnement selon Delphine Batho
PARIS – La Ministre de l’Ecologie et de l’Energie, Delphine Batho, a salué un grand jour pour le droit de l’environnement, après la confirmation par la Cour de Cassation des condamnations, dont celle de TOTAL, dans la catastrophe de l’Erika en 1999.
Aujourd’hui est un grand jour pour le droit de l’environnement, c’est l’aboutissement de onze ans de mobilisation des collectivités territoriales et des associations pour le préjudice lié à la marée noire de l’Erika, a déclaré la Ministre à l’Assemblée Nationale.
La cour de Cassation a reconnu l’application du principe du pollueur-payeur pour qu’il n’y ait pas d’impunité pour le préjudice écologique, a poursuivi Delphine Batho.
La ministre a aussi affirmé la volonté du gouvernement de tirer tous les enseignements (de cette décision) et d’inscrire cette jurisprudence dans le code civil par la reconnaissance du préjudice écologique.
La Cour de Cassation a confirmé mardi les condamnations pénales pour pollution du groupe TOTAL, de la société de classification Rina, de l’armateur Giuseppe Savarese et du gestionnaire Antonio Pollara.
Elle a aussi confirmé la responsabilité civile de TOTAL, qui avait été condamné à verser avec la société Rina 200,6 millions d’euros de dommages et intérêts – dont environ 13 millions au titre du préjudice écologique – aux parties civiles (Etat, collectivités locales, associations de protection de l’environnement).
Le naufrage le 12 décembre 1999 de l’Erika, navire vieux de 25 ans battant pavillon maltais, affrété par le groupe français TOTAL et appartenant à un armateur italien, avait provoqué une marée noire sur 400 kilomètres de côtes françaises.
(©AFP / 25 septembre 2012 18h35)
Erika: Pour une fois les puissants n’ont pas gagné, clame-t-on à Batz-sur-Mer
BATZ-SUR-MER (France) – A Batz-sur-Mer, la joie et le soulagement se lisaient sur les visages des habitants qui, pour beaucoup, craignaient que la Cour de Cassation ne donnât raison à ceux qui avaient souillé leur côte en 1999 avec la cargaison d’hydrocarbures de l’Erika.
On a gagné contre TOTAL! : Danielle Rival, maire UMP de Batz-sur-Mer, ne cache pas sa joie devant les journalistes, alors que son collègue Jean-Pierre Bernard, maire de Mesquer, une autre commune très touchée du département, vient de lui envoyer de Paris le SMS annonçant que la Cour de Cassation a validé les condamnations.
Je suis fière de la justice française au nom de tous les Batziens, au nom de tous les Français, ajoute-t-elle, euphorique.
Sur son bureau, sur une feuille dactylographiée, elle avait pourtant préparé, en premier lieu, un discours de révolte pour le cas où la Cour de Cassation aurait cassé la procédure Erika. Et son premier mot était: La désolation totale.
Je n’y croyais pas, reconnaît-elle un peu plus tard. J’ai très mal dormi, j’avais mal au ventre depuis ce matin… Quand j’ai lu le SMS de Jean-Pierre, j’ai crié… C’est un des plus beaux jours de ma vie!.
Au café de la plage, qui domine la plage Saint-Michel, l’un des endroits de la côte de Loire-Atlantique les plus balayés par les tempêtes, c’est le soulagement qui se lit sur le visage de Marie Picaud, qui tient l’établissement depuis vingt-cinq ans avec son mari. C’est super, c’est le bon sens, pour une fois ce n’est pas forcément ceux qui ont les moyens qui gagnent, s’exclame-t-elle après avoir été, un temps, incrédule.
En décembre 1999, puis en janvier et jusqu’en février 2000, de leur établissement qui jouit habituellement d’une vue panoramique sur les vagues et les roches, on ne voyait plus que du noir, et l’odeur, selon les vents, pouvait être très forte. Alors, elle et son époux ont revêtu les combinaisons blanches jetables pour aller nettoyer les plages à la pelle.
C’était triste, mais il y a eu beaucoup de solidarité, se souvient-elle. Cette décision, ça nous réconforte.
Au centre du village, dans une agence immobilière en face de l’église de Batz-sur-Mer, Brigitte Fauvel, qui vivait déjà dans la commune, près de la côte, se dit ravie quand on lui apprend la nouvelle. C’était la désolation totale, ça donnait envie de pleurer, se souvient-elle. Mon fils aîné, qui avait 9 ans, a participé au nettoyage avec son école, je pense qu’il sera content aussi.
A La Salina, une pizzeria de la commune, le patron, Pascal Lebrec, se souvient que sur toute la côte, à partir de Saint-Nazaire, c’était horrible. Chez TOTAL, ils doivent moins rigoler maintenant, se félicite-t-il.
Non loin de là, dans les salines de Guérande, pour qui 2000 fut une année noire où l’impossibilité de remplir les étiers avec de l’eau de mer propre empêcha toute exploitation, c’est le soulagement. C’est vraiment bon que le principe pollueur-payeur soit retenu, souffle Marie-Thérèse Haumont, à la tête de la coopérative des salines de Guérande.
(©AFP / 25 septembre 2012 17h00)
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