COMPTEURS ELECTRIQUES, ONDES: DES CHERCHEURS EN APPELLENT AU PRINCIPE DE PRECAUTION (Sophie CHAPELLE)

Compteurs électriques

Ondes :

Des chercheurs en appellent au principe de précaution

COMPTEURS ELECTRIQUES, ONDES: DES CHERCHEURS EN APPELLENT AU PRINCIPE DE PRECAUTION (Sophie CHAPELLE) dans REFLEXIONS PERSONNELLES EDF

Par Sophie Chapelle (20 juillet 2012)

Au Québec, les nouveaux compteurs électriques « intelligents » font débat. Alors que la société d’État Hydro-Québec prévoit d’en installer 3,8 millions d’ici à 2017, une quarantaine de scientifiques et de professionnels de la santé dénoncent une « désinformation flagrante ». Dans une lettre publiée le 9 juillet dans La maison du 21e siècle, ils contestent l’idée que les compteurs intelligents sans fil ne présentent aucun risque pour la santé [1] : « Les compteurs intelligents sans fil émettent des micro-ondes pulsées atypiques, de très courte durée mais relativement nocives, dont les effets biologiques n’ont jamais été pleinement testés », écrivent-ils.

Les auteurs de la lettre pointent l’intensité et l’effet cumulatif de ces ondes affectant l’ensemble du corps. Le fournisseur Pacific Gaz & Electric a reconnu devant la Commission de Services Publics de Californie que ces salves, qui durent des millisecondes, peuvent être émises en moyenne 9 600 fois par jour. Et jusqu’à 190 000 fois par jour. Le niveau d’émission en période de pointe est deux fois et demie plus intense que le signal de sécurité. Jusqu’à présent, peu d’études indépendantes ont été réalisées sur les effets sanitaires d’expositions continues à des micro-ondes de faible intensité. « Des études sur les effets sanitaires des substances chimiques dangereuses réalisées pendant des décennies nous ont appris qu’une exposition chronique à de faibles concentrations de micro-ondes peut causer autant sinon plus de tort qu’une exposition aiguë à de fortes concentrations », écrivent les auteurs de cette lettre ouverte.

Depuis 1993, plus d’une quarantaine de gouvernements et d’organismes ont adressé des mises en garde sur les technologies sans fil ou interdit leur usage [2]. Les signataires de la lettre recommandent l’application du principe de précaution et l’adoption de mesures immédiates, comme l’usage de compteurs avec fil. En France, 35 millions de compteurs électriques « intelligents » seront installés dans tous les logements à partir de 2013. Un recours a été déposé fin 2011 devant le Conseil d’État par l’association Robin des Toits.

À lire : Ces compteurs électriques « intelligents » qui risquent de vous pourrir la vie

Notes:

[1] Le 24 mai 2012, un groupe d’ingénieurs, de physiciens et de chimistes québécois affirment dans le journal Le Devoir que « les milliers d’études réalisées, tant épidémiologiques qu’expérimentales chez l’humain, ne montrent pas de hausse des cas de cancer à la suite d’une exposition aux radiofréquences de faible intensité… ».

[2] Voir la liste

 

Ces compteurs électriques « intelligents » qui risquent de vous pourrir la vie

 Par Sophie Chapelle (1er mars 2012)

L’installation des compteurs électriques dits « intelligents », comme le Linky en France,  est loin de faire l’unanimité. Intrusion dans la vie privée et risque de piratage des données, multiplication des ondes électromagnétiques avec des effets néfastes sur la santé, « racket » des abonnés, suppression d’emplois chez les distributeurs d’électricité… De Paris à la Californie, en passant par le Québec, la contestation grandit. Tour d’horizon des résistances.

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La Ville de Paris ne veut pas du nouveau compteur électrique « intelligent » Linky. Bien qu’elle soit la première ville française à prendre une position aussi tranchée contre ce nouveau compteur, son vœu, adopté mi-octobre 2011, est passé assez inaperçu. Ce vœu fait suite à l’annonce  le 28 septembre dernier, d’installer 35 millions de compteurs électriques « intelligents » dans tous les logements à partir de 2013 [1], considérée par les élus verts parisiens comme une « décision ministérielle unilatérale ». Les élus du groupe Europe Écologie-Les Verts (EELV) regrettent « l’absence totale de concertation avec les collectivités locales propriétaires des réseaux ». « En tant que propriétaire du réseau électrique et des compteurs, la Ville de Paris doit avoir voix au chapitre », souligne le cabinet de Denis Baupin, maire-adjoint de Paris.

Les nouveaux compteurs électriques piratés

Autre point de friction entre la capitale et l’État, « les impératifs de préservation de la vie privée et de la liberté des citoyens ». Cette crainte est-elle justifiée vis-à-vis de compteurs jugés intrusifs ? Début janvier, en Allemagne, deux hackers ont démontré qu’il était possible d’intercepter les données transitant entre un compteur de nouvelle génération et la compagnie d’électricité [2]. Selon The Hacker News, les deux hackers étaient en mesure, après avoir analysé les données, de connaître le nombre d’ordinateurs ou de téléviseurs dans la maison, le programme de télévision regardé, et si le film DVD en cours de lecture était protégé ou non par un copyright !

Certes, ce piratage ne porte pas sur un compteur Linky, mais sur un compteur électrique intelligent d’origine allemande, rappelle le service de presse ERDF, qui gère le réseau électrique. Le protocole de communication utilisé par le Linky serait différent du modèle hacké par les pirates allemands. La Mairie de Paris souhaite néanmoins que le gouvernement réexamine le cahier des charges adopté. Et elle n’est pas la seule.

EDF et les collectivités locales

Autres oubliées de la concertation, les collectivités locales. Propriétaires des réseaux de distribution d’électricité (hors lignes à haute tension) et des compteurs électriques, elles en ont délégué l’exploitation à ERDF sur 95 % du territoire sous forme de concessions [3]. Dès novembre 2010, le Syndicat Intercommunal de la Périphérie de Paris pour l’Electricité et les Réseaux de Communication (Sipperec), qui réunit 100 collectivités franciliennes, engage un recours gracieux [4] auprès du Premier Ministre. Le Sipperec n’accepte pas la généralisation du compteur « sans que le diagnostic ne soit partagé par tous les acteurs ». Le recours est aujourd’hui dans l’attente d’un jugement du Conseil d’État.

Les propos d’Henri Proglio, le 8 novembre dernier dans un entretien au Parisien, ont ravivé la polémique sur la propriété des compteurs. La réglementation doit être « revue afin de garantir pour mon entreprise un retour sur investissement , affirme le PDG d’EDF. Pour cela, il me semble normal de considérer que le nouveau compteur Linky m’appartient. » Une déclaration qui n’est pas du goût de la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies (FNCCR). « ERDF est concessionnaire, exploitant d’un réseau appartenant aux collectivités locales, qui le lui « prêtent » dans le cadre de contrats de concession », rappelle la fédération. Quant au retour sur investissement, Henri Proglio n’a pas à s’inquiéter : le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité lui garantit une rémunération annuelle de 7,25 % !

Linky = 4 000 emplois supprimés ?

À la Fédération Nationale des Mines et de l’Energie (FNME CGT), on s’inquiète de l’impact de ce déploiement pour les salariés d’ERDF. « Le gouvernement confie le déploiement et le financement de Linky à ERDF, et affirme que le nouveau compteur sera gratuit pour l’usager, renvoyant son financement à des gains de productivité réalisés par le distributeur public, indique la FNME CGT. Cela ne doit pas se traduire par des suppressions d’emplois et la dégradation des conditions de travail pour les salariés de l’entreprise. » Or, plus de 4 000 emplois de techniciens clientèle pourraient être supprimés, rappelle le syndicat. « Le recours à la sous-traitance doit être exceptionnel, car il est reconnu par la direction d’ERDF elle-même que sous-traiter revient plus cher que de faire réaliser les travaux par ses propres équipes », avertit la CGT. Ici comme à SUD Énergie, on s’oppose d’ores et déjà aux utilisations anti-sociales qui pourraient être associées à la mise en œuvre du compteur. Ce dernier, désormais doté d’un moyen de coupure télécommandé, pourrait fortement simplifier la tâche pour les impayés… [5]

Le PDG d’EDF évalue le coût unitaire du compteur « entre 200 et 300 euros par foyer », largement au-delà de l’estimation qui avait été faite lors de l’annonce de la généralisation du dispositif (120 euros). « Le consommateur risque de payer deux fois s’il veut agir sur sa consommation », regrette Catherine Dumas, directrice générale adjointe du Sipperec. Le consommateur va d’abord payer le changement de compteur. « S’il veut pouvoir agir sur sa consommation et faire des économies, il faudra qu’il paye une deuxième fois, côté fournisseur, des services pour maîtriser sa consommation », relève le Sipperec. « Ce compteur va être certainement très utile à ERDF pour mieux gérer le réseau, mais nous relevons de nombreuses insuffisances dans [ses] fonctionnalités […] pour le consommateur », résume Catherine Dumas, qui aurait souhaité un peu moins de précipitation de la part du ministère de l’Énergie.

Une pollution électromagnétique supplémentaire ?

Il n’y a pas qu’en France que l’arrivée de compteurs « intelligents » est contestée. « C’est comme les gaz de schiste, ça va trop vite ! » Cette phrase lâchée par une manifestante le 5 février dans la ville de Québec résume bien la situation. Alors que la société d’État Hydro-Québec prévoit d’installer 3,8 millions de compteurs intelligents d’ici à 2017, les manifestations pour exiger un moratoire se multiplient. Des rassemblements se sont tenus le 5 février au Québec. L’enjeu : alerter sur les radiations électromagnétiques émises par ces compteurs nouvelle génération. « Elles constituent un risque qu’on ne sait pas encore mesurer, indique José Levesque, l’un des membres fondateurs de la Coalition québécoise de lutte contre la pollution électromagnétique (CQLPE). Nous imposer ça est une grave atteinte à notre liberté de choix. »

Dans le doute, la ville de Saint-Colomban (Québec) a adopté en novembre 2011 une résolution [6] exigeant un moratoire sur l’installation des compteurs intelligents. Elle s’est inspirée de la pétition déposée à l’Assemblée Nationale qui a recueilli près de 10 000 signatures. Ses auteurs dénoncent la non-consultation des abonnés, le « coût exorbitant » du remplacement des compteurs électromécaniques actuels ainsi que l’absence d’évaluation des risques sanitaires.

compteur_intelligent_hydroquebec-22cc6 COMPTEURS ELECTRIQUES INTELLIGENTS

En complément du moratoire, la coalition réclame une commission d’enquête publique et transparente qui évalue le projet dans son ensemble et fasse le point sur les risques liés à l’électropollution. Et la possibilité pour un abonné de faire retirer le nouveau compteur (20 000 appareils ont déjà été installés). De son côté, Hydro-Québec assure que les taux d’ondes émises répondent aux normes recommandées par Santé Canada.

« Plus de rayonnements que les téléphones mobiles »

Les compteurs pointés du doigt au Québec sont les mêmes que les deux millions installés par le distributeur d’électricité PG&E en Californie. Depuis l’installation des compteurs intelligents, de nombreux résidents se disent aux prises avec des problèmes de santé, dont des maux de tête, des bourdonnements d’oreille, des nausées, des acouphènes et des troubles cardiaques. Deux mille plaintes ont été déposées. Des collectifs Stop Smart Meters (Stop aux compteurs intelligents) se sont créés ces derniers mois en Californie et dans une vingtaine d’autres États, multipliant les manifestations et actions de blocage des véhicules de PG&E. « Les nouveaux compteurs dits intelligents émettent plus de rayonnements que les téléphones mobiles », témoigne une militante dans le New York Times. « Avec les téléphones mobiles, vous pouvez choisir de ne pas en avoir, ou de l’éteindre lorsque vous ne l’utilisez pas. Mais avec ce nouveau compteur, vous n’avez pas le choix, c’est de façon constante, on vous l’impose, vous ne pouvez pas l’éteindre. »

Bombardement électromagnétique

Le comté de Santa Cruz, en Californie, a fini par décréter fin janvier un moratoire sur l’implantation de ces compteurs. Cette décision s’appuie sur un rapport [7] commandé en décembre 2011 au médecin Poki Stewart Namkung, l’officier de la santé publique du comté. L’exposition aux radiofréquences serait cumulative, notamment en raison du bombardement croissant auquel toute personne en milieu urbain est désormais la victime involontaire.

Le rapport relève, entre autres effets biologiques reconnus des radiofréquences, « une perméabilité accrue de la barrière hémato-encéphalique du cerveau (Eberhardt, 2008), des effets négatifs sur la qualité du sperme, des lésions de la double échelle de l’ADN qui peuvent déclencher un cancer (Phillips, 2011), l’activation du gène de stress comme s’il réagissait à une toxine (Blank, 2011), ainsi qu’une altération du métabolisme du glucose dans le cerveau (Volkow, 2011) ». Autant d’effets potentiels sérieux qui ont conduit le Dr Namkung à recommander l’application du principe de précaution.

Interdictions d’installation et sanctions financières

Le moratoire adopté par le comté de Santa Cruz s’inscrit dans un mouvement de contestation beaucoup plus large. On compte à ce jour 9 autres comtés et 38 villes en Californie ayant adopté des résolutions qui considèrent illégale l’installation des compteurs intelligents au sein de leur juridiction [8]. Début février, la Commission des Services Publics de Californie a ainsi autorisé les clients de la société PG&E à refuser l’installation dans leur résidence des compteurs intelligents. Ces clients pourront soit conserver leur ancien compteur analogique, soit accepter l’installation d’un compteur électronique multifonctions dont on aura désactivé l’émetteur qui permet de transférer les données.

Cette décision est néanmoins assortie d’une sanction financière. Alors que le relevé de consommation ne coûtait rien jusque-là, la Commission autorise désormais le distributeur à imposer des frais initiaux de 75 $ et des frais mensuels de 10 $ – respectivement 10 $ et 5 $ pour les personnes à faibles revenus. Le combat est loin d’être terminé puisque de nombreux abonnés sont catégoriquement opposés à payer ces frais qui, disent-ils, reviennent à de l’extorsion de fonds. Environ 90 000 abonnés ont déjà indiqué à la société PG&E qu’ils refusaient l’installation des compteurs intelligents chez eux.

« Aux Pays-Bas, on est davantage en avance dans le dossier car les citoyens peuvent, sur une base volontaire et sans pénalité, conserver les compteurs mécaniques », rapporte la Coalition Québécoise de Lutte contre la Pollution Electromagnétique. Selon The Telegraph, la Grande-Bretagne songerait, elle aussi, à permettre aux usagers de se retirer de son programme de modernisation des compteurs. Bien que le gouvernement britannique projette l’installation de 53 millions de compteurs intelligents entre 2014 et 2019, le mouvement ralentit du fait des craintes des usagers relatives aux radiofréquences. Le Ministre de l’Énergie, Charles Hendry, a ainsi récemment déclaré que le gouvernement « ne rendrait pas les compteurs intelligents obligatoires ».

Une technologie en France non exempte de risques sanitaires

En France, des associations comme Robin des Toits et Next-Up s’inquiètent des effets potentiellement nocifs sur la santé en raison des ondes émises par les nouveaux compteurs électriques. Certes, les technologies utilisées aux États-Unis et au Canada pour permettre la communication du compteur sont différentes de celles utilisées en France. « Aux États-Unis, précise Étienne Cendrier, porte-parole de Robin des Toits, les nouveaux compteurs ne fonctionnent qu’avec des radiofréquences. En France, on va essentiellement passer par du CPL, c’est-à-dire du courant porteur en ligne. » Les données émises par le compteur seront donc transportées via les lignes électriques existantes.

Mais la technologie CPL, qui superpose au courant électrique alternatif de 50 Hz (hertz) un signal à plus haute fréquence, n’est pas exempte de risques sanitaires car les câbles électriques actuels ne seraient pas aux normes CPL. « Les câbles du réseau électrique n’ont pas été conçus à l’origine pour transporter des signaux hautes fréquences, précise l’association Next-Up. Si ERDF veut déployer le Linky, elle doit installer des câbles blindés qui n’irradient pas de hautes fréquences. » Autre solution alternative préconisée par Robin des Toits : le raccordement du parc de compteurs actuels en filaire ou en fibre optique.

Totale absence d’études…

Une fois rassemblées dans un concentrateur, les données sont ensuite envoyées à un centre de traitement par la norme GPRS, la même que celle utilisée dans la téléphonie mobile. Or, les ondes électromagnétiques viennent d’être classées par l’Organisation Mondiale de la Santé dans la catégorie 2B, c’est-à-dire « des agents peut-être cancérigènes pour l’homme ». « À l’occasion de l’expérimentation menée par ERDF en Indre-et-Loire, plusieurs personnes sur place se sont plaintes de nuisances, relève Étienne Cendrier. C’est de l’ordre du déclaratif, mais aucune étude d’impact sanitaire n’a été menée pour approfondir cette question. »

Craignant la mise en danger des personnes électrosensibles, Robin des Toits n’envisage pourtant pas de se tourner vers l’ANSES, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire, en vue de mener des tests sur les compteurs et concentrateurs installés. Car, depuis la publication du rapport sur les radiofréquences, en octobre 2009, rien n’a été fait dans ce domaine par cette agence. Contactée, l’ANSES n’a pas été en mesure d’apporter des précisions sur ce thème. « C’est une véritable course de lenteur », dénonce Étienne Cendrier. Ce manquement total au principe de précaution a conduit Robin des Toits à déposer fin 2011 un recours au Conseil d’État, qui dispose d’un an pour l’examiner.

Sophie Chapelle

Notes:

[1] Lire à ce sujet « Le Nouveau Compteur électrique Linky : plus cher, plus intrusif, mais pas écologique. »

[2] Dario Carluccio et Stephan Brinkhaus ont présenté les résultats de leurs recherches à l’occasion de la 28e édition du Chaos Computing Congress, le rendez-vous annuel de la scène hacker internationale.

[3] Selon l’article L 322-4 du code de l’énergie.

[4] Ce recours est aussi engagé par le Syndicat Intercommunal d’Energie d’Indre-et-Loire (Sieil), où s’est déroulée une partie de l’expérimentation du compteur Linky menée par ERDF.

[5] Lire à ce sujet Le compteur électrique « intelligent » : outil écolo ou mouchard social ?.

[6] Lire la résolution adoptée par la Ville de Saint-Colomban au Québec

[7] Lire le rapport (en anglais).

[8] Voir la liste mise à jour sur le site Stop Smart Meters.

 

Compteurs intelligents –

« Hydro » fonce malgré les questions en suspens

 Louis-Gilles Francoeur   29 décembre 2011  Actualités en société 

Hydro-Québec compte installer 3,7 millions de nouveaux compteurs entre 2012 et 2017 au coût de 100 millions pour épargner 300 millions en 20 ans si, d'ici là, aucune poursuite ne modifie ses prévisions.

             Photo : Jacques Nadeau – Le Devoir
Hydro-Québec compte installer 3,7 millions de nouveaux compteurs entre 2012 et 2017 au coût de 100 millions pour épargner 300 millions en 20 ans si, d’ici là, aucune poursuite ne modifie ses prévisions.

Hydro-Québec continue l’installation de ses compteurs «intelligents» dans trois villes malgré la tempête sociale et politique que ces appareils soulèvent ailleurs au Canada et aux États-Unis, y compris dans la communauté scientifique.

En Colombie-Britannique, où se poursuit un programme d’installation de ces compteurs, réputés pour émettre des radiofréquences susceptibles d’affecter les personnes «électrosensibles», la bataille fait rage. Certains se sont attachés à leurs compteurs analogiques ou mécaniques pour empêcher leur remplacement. D’autres bloquent l’accès à leur demeure aux installateurs, mais n’y arrivent pas si le compteur est à l’extérieur.

En Californie, PG&E, l’un des plus importants distributeurs d’électricité de la côte ouest des États-Unis, a fini par annoncer, il y a dix jours, qu’elle respecterait le libre choix des consommateurs qui ne veulent pas des nouveaux compteurs émetteurs de radiofréquences. Au début du mois, elle avait provoqué un tollé médiatique après avoir coupé l’électricité à une mère de famille qui avait fait débrancher le nouveau compteur en raison des problèmes de santé qui frappaient ses enfants: maux de tête, problèmes de sommeil, vertiges, cauchemars, etc.

PG&E va en réalité plus loin que la régie californienne, qui avait suggéré comme compromis d’imposer des frais mensuels à ceux qui voudraient conserver leur compteur mécanique traditionnel. Pour éviter un désabonnement massif de clients, ce qui n’est pas possible au Québec en raison du monopole hydro-québécois, PG&E a plutôt choisi de respecter le choix de ses clients, quitte à faire approuver son choix par l’organisme réglementaire.

Au Québec

Jusqu’ici, Hydro-Québec a installé près de 20 000 des 25 000 compteurs intelligents qu’elle doit installer dans le quartier Villeray, à Montréal, puis à Boucherville et dans la région de Magog.

L’opposition à ce projet demeure dispersée, car aucun organisme de premier plan ne regroupe les protestataires, qui se découvrent aux prises avec le problème une fois le compteur installé. En revanche, les témoignages de particulier se multiplient dans les médias et devant la Régie de l’énergie.

Hydro-Québec compte installer 3,7 millions de nouveaux compteurs entre 2012 et 2017 au coût de 100 millions pour épargner 300 millions en 20 ans si, d’ici là, aucune poursuite ne modifie ses prévisions. L’opération va aussi lui permettre de se départir de ses 725 releveurs de compteurs.

Tous les compteurs et les entrées électriques, explique Stéphane Bélainsky, un spécialiste dans l’évaluation des ondes électromagnétiques, émettent ce type d’ondes. Mais les nouveaux compteurs Landis-Gyr — les mêmes que les 2 millions installés par PG&E en Californie, qui lui ont attiré 2000 plaintes — émettent en plus des radiofréquences, tout comme un Wi-Fi, un routeur ou un cellulaire.

Hydro-Québec prétend que son appareil n’émet que 6 fois par jour pour transmettre les données d’un compteur. En Californie, devant la juge Amy Yip Kikugawa, PG&E a admis que c’était exact, mais uniquement pour les données de consommation. La gestion du réseau et la transmission de données, qui passent d’un appareil à l’autre, exigent, selon les périodes ou selon l’emplacement d’une résidence dans le réseau, de 10 000 à 190 000 pulsions par jour.

En Californie, une vingtaine de municipalités et de comtés ont opté pour des moratoires par application du principe de précaution. En Europe, le Parlement Européen a demandé à tous les pays d’imiter la Suède dans ce domaine, qui a décidé d’accorder aux personnes qui souffrent d’hypersensibilité électromagnétique le statut de personnes à capacité réduite. Mme Gro Harlem Brundtland, qui avait lancé en 1988 le concept de développement durable et qui a présidé aux destinées de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), s’est déclarée frappée par cette affection qu’ici, au Québec, plusieurs médecins ridiculisent, y voyant un problème psychologique, voire de la paranoïa. Depuis, l’OMS a classé les champs électromagnétiques, y compris ceux émis par les cellulaires, comme étant de «classe 2 B», c’est-à-dire potentiellement cancérigènes, malgré les efforts de l’industrie de la téléphonie cellulaire et des Wi-Fi.

Des normes désuètes

Le problème, explique Stéphane Bélainsky, réside en partie dans les normes. Le Canada s’en tient à la vieille norme «thermique», basée sur le phénomène du réchauffement des cellules exposées aux radioféquences. C’était la norme mise au point en URSS avec les soldats exposés aux puissants radars militaires. Mais on s’est aperçu, dit-il, que cette norme avait été calibrée auprès d’adultes sains et forts, alors qu’il existe à côté une importante littérature scientifique qui démontre l’existence d’effets «biologiques» à des doses moindres chez des personnes vulnérables. C’est ainsi que plusieurs pays ont mis en place des normes de 100 à 1000 fois plus sévères que celles du Canada, «derrière lesquelles Hydro-Québec se retranche».

À la fin de l’automne, M. Bélainsky a signé une étude pour le compte de l‘Association Québécoise de Lutte contre la Pollution Atmosphérique (AQLPA) qui a permis d’ausculter les récents compteurs intelligents d’Hydro-Québec. Cette étude, déposée devant la Régie de l’Energie, démontre que ces appareils émettent jusqu’à 3600 fois par jour, plutôt que six.

Stéphane Bélainsky conclut: «Le problème de fond, que devront trancher les tribunaux sans aucun doute, est: Est-ce qu’une société d’État a le droit d’installer dans votre résidence un appareil qui va vous bombarder de radiofréquences pendant des années, et dont vous ne voulez pas en application du principe de précaution

Les compteurs électriques intelligents inquiètent l’Europe

Le Contrôleur Européen de la Protection des Données estime qu’un déploiement des compteurs électriques intelligents mal encadré pourrait aboutir à une collecte massive de données personnelles.

Un communiqué de presse et un avis(PDF en anglais), rendus publics le 11 juin 2012, le Contrôleur Européen de la Protection des Données (CEPD) déclare être inquiet des conséquences potentielles de la mise en place des nouveaux compteurs électriques intelligents. Il rejoint ainsi les recommandations émises par la Commission Relative à la Préparation de l’Introduction des Systèmes Intelligents de Mesure. En d’autres termes, les Smart Meters ou compteurs électriques communicants.

Ce texte prévoit de fournir des orientations aux Etats membres afin de préparer correctement le déploiement de ces nouveaux compteurs électriques « intelligents », qui devrait intervenir en 2020. Car, si la Commission ne remet pas en cause le fait que ces appareils contribueront globalement à un accroissement de l’efficacité énergétique, elle met l’accent sur la nécessité de définir des « solutions techniques et juridiques appropriées garantissant la protection des données personnelles ».

Le besoin de légiférer ?

Le CEPD pointe du doigt que la mise en corrélation des données collectées avec d’autres sources pourrait aboutir à un profilage ciblé à des fins marketing ou publicitaires, voire à une discrimination de prix par des tiers. Giovanni Buttarelli, contrôleur adjoint, déclare que certaines orientations peuvent encore être données : « Le CEPD invite la Commission à évaluer si des mesures législatives supplémentaires sont nécessaires au niveau de l’Union Européenne pour assurer la protection adéquate des données personnelles pour l’introduction de systèmes de compteurs intelligents et – dans son avis – fournit des recommandations pragmatiques en vue d’une telle action législative. »

Protection des données

Pour le contrôleur adjoint : « Certaines de ces recommandations peuvent déjà être mises en œuvre par le biais d’un amendement à la directive sur l’efficacité énergétique, qui est actuellement sur la table du Conseil et du Parlement. Celles-ci devraient au moins inclure une obligation pour les contrôleurs de procéder à une analyse d’impact sur la protection des données et de notifier les violations de données à caractère personnel. »
Ces compteurs intelligents sont capables – cela a été démontré à maintes reprises – d’analyser finement la consommation électrique et même de cibler les habitudes du consommateur ainsi que les divers types d’appareil qu’il utilise. La collecte de ces données est théoriquement très sécurisée. Ce que le service presse d’ERDF en France n’a pas manqué de nous rappeler. Sur ce point, il faut espérer que toutes les mesures relevées ne tomberont pas dans les mains de hackers mal intentionnés. En revanche, il est clair que l’autorité européenne a un rôle prépondérant à jouer auprès des opérateurs sur le créneau de la collecte, de la conservation et de l’utilisation des données personnelles.

Des hackers remettent en cause les pratiques des compteurs électriques « intelligents »

Deux hackers viennent de publier les résultats de leurs recherches portant sur les compteurs électriques dits « intelligents ». En se rendant sur une page insuffisamment sécurisée d’un opérateur américain, ils ont découvert que ces compteurs relayaient de nombreuses données d’analyse très fines de la consommation électrique.

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Lors de la 28ème édition du Chaos Computing Congress, Dario Carluccio et Stephan Brinkhaus ont présenté le résultat de leurs recherches. Ils ont commencé par souscrire un abonnement chez le fournisseur d’énergie américain Discovergy. Ce dernier leur a donc fourni un compteur intelligent capable de transmettre de façon électronique les index de consommation à l’opérateur de réseau.Une fois l’installation terminée, ils ont visité l’espace dédié aux consommateurs sur Internet. Au fil de leurs visites, ils ont alors constaté que le certificat SSL (Secure Socket Layer) du portail était mal configuré et ont été en mesure d’intercepter les informations transmises (certificat invalide permettant d’afficher des identifiants en clair, précise le site Naked Security) .Carluccio et Brinkhaus expliquent ensuite à The hacker News qu’ils ont été capable d’utiliser cette faille de sécurité et ainsi d’intercepter et modifier les communications émises par le compteur en utilisant leur propre routeur. En testant individuellement chaque appareil électronique de leur foyer, ils ont alors remarqué que chaque type d’appareil (réfrigérateur, écran TV…) possédait une signature électrique différente. Par exemple, en utilisant à tour de rôle un écran plasma, LCD, CRT (à tube cathodique), ils ont noté les écarts de consommation en fonction de la luminosité émise par l’appareil.Egalement présent à la conférence, le p-dg de Discovergy a confirmé que la consommation électrique était bien analysée de manière très fine par le compteur (toutes les 2 secondes). Nikolaus Starzacher a même ajouté que cette précision a été introduite afin d’avertir un client s’il part de son domicile en laissant un appareil électrique allumé (fer à repasser, four…). Tout en saluant le travail de recherche fourni, il a promis non seulement de corriger la vulnérabilité sur le site de la société mais également de laisser à l’abonné le pouvoir de configurer à loisir le délai entre chaque analyse de la consommation.

La CNIL appelle à la plus grande prudence

En France, le ministre de l’Economie Numérique a affirmé l’an dernier que ce type de compteurs allait être généralisé à l’ensemble des consommateurs. Le compteur Linky d’ERDF  devrait être installé sur les installations électriques françaises d’ici à 2020.

De son côté, la CNIL a déjà montré des réticences au sujet d’une généralisation de ce type d’appareil. Dans une note, la commission rappelait que la sécurité de ces dispositifs devait clairement être assurée pour les consommateurs. Elle précisait même que : « les informations précises obtenues sur la consommation électrique de l’abonné permettent de déduire quelles sont ses habitudes de vie (heure de lever, heure de coucher…) ou même, dans des cas spécifiques, le type d’appareils utilisés. C’est pourquoi, la Commission recommande une adaptation du niveau de détail des données en fonction des différents usages ».

Afin d’éviter tout abus, la CNIL expliquait qu’un simple relevé journalier était « suffisant pour la facturation d’un abonnement standard ».

 

Publié dans : REFLEXIONS PERSONNELLES |le 20 juillet, 2012 |Pas de Commentaires »

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