LA GRANDE TRAITRISE (Front de Lutte des Syndicalistes)
La grande traitrise
La collusion entre la hiérarchie syndicaliste européenne et l’oligarchie de l’UE sur fond de licenciements de masse, de réduction des droits, et d’austérité est en marche. Le Front de Lutte des Syndicalistes est une union de syndicalistes qui s’attaque au réformisme syndical par la création de l’unité sans sectarisme dans la lutte de classes et de masse. Il a produit 60 billets depuis décembre 2011.
« Interdiction des licenciements boursiers » était dans le programme du Front de Gauche tout au long des campagnes présidentielle et législative, Nous avions rajouté -restructuration- au mot boursier car nous savions que les grandes manœuvres allaient commencer après les élections, nous sentions le patronat dans les starting-blocks avec PSA en porte étendard de l’industrie et de sa branche patronale, digne remplaçante des Maîtres des Forges, l’UIMM, celle du Baron E.A. de Sellières et Gautier-Sauvagnac.
Utopie et populisme répondait ses détracteurs adeptes du capitalisme et soucieux de préserver l’idéologie libérale européenne, dont les maître-mots sont « libre concurrence non faussée » et « propriété privée des moyens de productions et d’échanges ». Quant aux fascistes dédiabolisés par l’arrivée de jeunes énarques et par l’éviction du « vieux » qui a repris sous son aile « les braves crânes rasés », c’était la faute de l’immigration et des pratiques religieuses non conformes avec les valeurs européennes, mais aujourd’hui, c’est un silence assourdissant de leur part, sans doute parce que la classe ouvrière d’Aulnay n’a pas la couleur requise du vrai français de souche vivant dans les beaux quartiers de Neuilly ou du 16ème. Au moins Dupont-Aignan ne s’est pas tu et a déclaré en bon souverainiste bourgeois : « Pourfendeur de la mondialisation il y a un an, Arnaud Montebourg est devenu depuis complice du crime social d’Aulnay. Le gouvernement n’accepte pas le plan social de PSA mais accepte pourtant la politique économique qui a conduit à ce désastre. Quand le ministre du redressement productif déclare que le gouvernement refuse le plan de PSA, ce ne sont que des mots. C’est une indignation de vierge effarouchée ! »
Alors que les centaines de millions de chômeurs et de très pauvres en Europe, dont une dizaine de millions ici en France, sont le résultat de cette politique de l’argent-roi et de la concurrence impérialiste, certains crient au scandale en pleurant des larmes de crocodile qui ne donneront pas de pain aux salariés quand d’autres bien-pensants avec des salaires mensuels à cinq chiffres, osent encore dire que PSA ne s’est pas assez impliqué dans la mondialisation ou que le syndicat CGT de PSA est composé d’extrémistes radicaux. Dans le même temps, le journal Challenge fait son classement des 500 plus grosses fortunes de France qui représentent des milliers de milliards d’euros.
Mais qu’ils sachent que PSA n’en a pas fini avec sa mission de déstabilisation, même si sa direction annonce qu’il n’y aura pas de licenciements secs, après la vague d’indignation suite à l’annonce des 8000. En effet, Varin a déclaré lors d’une conférence de presse qui a suivi le Comité Central d’Entreprise (CCE) extraordinaire : « Nous avons préparé le projet en trois volets. Il comprend un premier volet, c’est le projet de restructuration que nous avons présenté aujourd’hui avec la suppression de 8.000 postes en France, à l’usine d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) avec l’arrêt de la production, à Rennes (Ille-et-Vilaine) et les effectifs hors production. Le deuxième volet est un ajustement de nos investissements et le troisième volet qui est une action assez musclée sur notre prix de revient hors effectifs, qui inclut l’apport de l’alliance avec General Motors, conclue fin février ».
Les deux derniers volets du projet de PSA seront à l’ordre du jour du 2ème CCE extraordinaire du 25 juillet et pour alimenter encore plus les restructurations/réorganisations, Varin présentera les résultats du groupe pour le 1er semestre, sachant que tout le monde s’attend à des résultats négatifs. Aujourd’hui PSA demande que l’Etat baisse les « charges » qui pèsent sur le travail de manière massive…
La boucle se boucle et c’est encore une preuve que le patronat est à l’offensive et rappelez-vous ce qu’écrivait Marx dans « Das Kapital » : « Le capital a horreur de l’absence de profit. Quand il flaire un bénéfice raisonnable, le capital devient hardi. A 20% il devient enthousiaste ; à 50% il est téméraire ; à 100% il foule au pied toutes les lois humaines et à 300% il ne recule devant aucun crime… »
Dans le Nord-Pas de Calais, les emplois liés à l’automobile, directs ou indirects, représentent plus de 100 000 salariés, et de nombreux sites sont sous la menace de subir les dégâts collatéraux de la restructuration de PSA, car notre région compte de nombreux équipementiers et sous-traitants de PSA (Faurécia-FM-Bridgestone-Valéo-Vistéon, Plastic-Omnium, STA… les entreprises de services et de maintenance industrielles…), une usine de montage, Sevelnor et une usine de transformation, Durisoti.
Mais outre la crise sociale dans l’automobile, d’autres secteurs souffrent de la même maladie du capitalisme.
Dans le secteur de l’agro-alimentaire, entre 1.000 et 1.500 emplois sur les 3.400 salariés de Doux sont menacés dans trois usines, dont l’usine de Graincourt près de Bapaume. Quand on connaît les conditions de travail terribles et de salaires au rabais, de ces ouvriers-es travaillant par poste, à la chaîne et dans le froid, on en en droit de se demander jusqu’où le patronat est prêt à aller pour satisfaire son appétit en euros sonnants et trébuchants.
D’autres usines de la région, traitement du poisson, fabrication de mayonnaise… sont-elles aussi sous menace de fermetures.
5000 emplois menacés à Air France, de 3000 à 10 000 chez Carrefour, 2000 chez Sanofi-Aventis, 3 à 5000 dans le secteur bancaire, 1000 dans la téléphonie mobile, 2000 chez Arcélor-Mittal, 300 aux 3 Suisses, des milliers dans le BTP et dans la Métallurgie. Sans oublier les secteurs du nucléaire, du transport maritime et terrestre, de la pêche, des média, de l’assurance… et dans la fonction publique d’Etat ou territoriale…
La CGT avait annoncé une menace sur 45 000 emplois, mais c’est 80 000 qui sont aujourd’hui sur la sellette. Ce que vivent les grecs, les italiens, les portugais et les espagnols, nous sommes en cours de le vivre, même la précarité des salaires s’installe en silence en Allemagne, et si les milliers de licenciements sont prononcés, nous vivrons la crise des subprimes comme aux Etats-Unis.
Aussi, nous sommes surpris que la CGT au niveau de sa confédération ne soit pas plus à l’offensive, et ne tape pas plus du poing sur la table comme savait le faire en son temps Benoît Frachon et plus tard Georges Séguy.
Mais cette surprise est mitigée quand nous tombons sur un article de l’UE Observer du 16 juin 2012 dans lequel John Monks, le secrétaire général de la CES est interviewé sur la mise en place des plans d’austérité partout en Europe, la CGT-CFDT-FO-CFTC étant adhérentes de la CES.
Attention chers-es camarades, ce qui écrit et sera relaté ci-dessous n’est pas inventé et c’est très grave, cela démontre la nocivité de l’Europe du capital sur nos droits, nos acquis sociaux et nos libertés démocratiques dans chacun des pays. Et les dirigeants de toutes les confédérations affiliées à la CES ne peuvent ignorer cette interview, ni d’ailleurs les partis politiques.
L’interview de John Monks donne un aperçu révélateur des discussions qui se déroulent en coulisses entre dirigeants de l’establishment politique européen.
Dans cet entretien, John Monks déclare que les mesures imposées par les gouvernements dans tout le continent menacent de nous renvoyer aux années 1930. Il décrit la situation actuelle en Europe comme « extrêmement dangereuse. » Il continue : « C’est 1931, c’est le retour aux années 1930 avec la Grande dépression, et à l’époque, on s’est retrouvé sous des dictatures militaires. Je ne dis pas que nous y sommes déjà mais c’est potentiellement très sérieux, non seulement économiquement, mais politiquement aussi. »
John Monks révèle qu’il a relayé ses craintes au sujet de la stabilité politique de l’Europe au président de la Commission Européenne, José Manuel Barroso.
Trahissant la relation étroite existant entre le dirigeant de la CES et le dirigeant conservateur de l’UE, John Monks développe son point de vue : « J’ai eu une discussion avec Barroso vendredi dernier sur ce qui pourrait se faire pour la Grèce, l’Espagne, le Portugal et le reste, et son message a été direct : « écoutez, s’ils ne procèdent pas à ces mesures d’austérité, ces pays risquent probablement de ne plus exister tels qu’on les connaît, en tant que démocraties. » […] Il nous a choqués avec une vision apocalyptique de démocraties européennes s’effondrant du fait de leur taux d’endettement. »
Puis il révèle que Barroso lui a affirmé que les dictatures sont le seul choix possible si les mesures d’austérité ne sont pas appliquées en Europe. Aussi John Monks, secrétaire général de la Confédération Européenne des Syndicats affiche clairement et sans détour qu’ « il fera tout ce qui est en son pouvoir pour garantir que les mesures draconiennes exigées par l’UE et le Fonds Monétaire International soient appliquées avec succès ».
Et John Monks surenchérit en affirmant que la Grèce et les autres pays européens n’ont pas d’autre choix que d’accepter les termes de l’accord proposé par l’UE et le FMI pour le remboursement des prêts, à savoir l’application de programmes austérité drastiques : « Il faut évidemment que la Grèce change. Il faut qu’elle se discipline. Ils n’ont pas le choix, en Grèce. Ils doivent se contenter de ce qu’on leur a donné » et il se lâche en disant « La seule lueur à l’horizon pour la Grèce est la perspective d’une restructuration de ses dettes. Et la Grèce doit montrer qu’elle essaie vraiment de se plier aux décisions de l’UE et du FMI… » « les autres pays n’ont pas d’autre choix que de se plier aux termes sans concessions du renflouement établi par l’UE et le FMI, il y a l’Irlande, l’Italie, l’Espagne, la Hongrie et les Etats baltes »
Chers-es camarades, le moment où interviennent ces remarques de John Monks est significatif de la collusion entre les dirigeants de l’Europe libérale et la Confédération Européenne des Syndicats.
Ces remarques tombent au moment où, au fur et à mesure des semaines, de nombreux gouvernements à travers toute l’Europe, annoncent des plans d’austérité de grande envergure plus ou moins cachés par l’emploi de la sémantique, qui seront appliqués dans les mois à venir.
Les mesures communes à tous ces plans sont des coupes énormes dans les salaires, le droit du travail et les retraites, combinées avec des attaques plus larges contre le système de protection sociale et contre les fonctionnaires et les fonctions publiques ou semi-publiques.
Le but premier de ces coupes est de libérer des ressources pour que les gouvernements européens puissent remplir encore plus les comptes des grandes banques du continent et des institutions financières. Au début de la semaine, il a été révélé que les banques françaises et allemandes avaient prêté près de 1000 milliards de dollars aux économies les plus faibles d’Europe comme l’Espagne, la Grèce, le Portugal et l’Irlande. Cette somme est bien plus importante que ne l’avaient anticipée les analystes. La liste des économies européennes en difficulté et incapables de rembourser leurs dettes s’allongeant, des renflouements supplémentaires des banques par les États sont inévitables pour maintenir la zone euro dans l’ultralibéralisme exigé par la mondialisation.
Les mesures d’austérité déjà imposées dans les pays d’Europe occidentale et orientale ont provoqué une série de grèves et de manifestations.
En Roumaine, où le gouvernement planifie des réductions de salaire générales dans le secteur public de 25 pour cent et des réductions des retraites de 15 pour cent, les travailleurs ont riposté par les plus grandes manifestations et les employés des services publics ont fait grève encore une fois et manifesté devant le Parlement à Bucarest pour protester contre les réductions de salaires envisagées.
En Espagne, les mineurs ont entamé un incroyable bras de fer avec le gouvernement sur le maintien des aides publiques à ce secteur en concurrence avec les pays à bas coût de main d’œuvre. Le spectre d’un retour à la dictature franquiste plane sur l’Espagne qui vient d’annoncer une coupe de 65 milliards d’euros dans les budgets.
En Italie, le parlement vient de ratifier une restriction des droits du travail, la pire depuis la dictature mussolinienne, ce qui provoque des manifestations de grandes ampleurs sur tout le territoire.
Au Portugal, le système de santé et de soins est en faillite, des hôpitaux ferment par manque de produits de traitements et d’approvisionnement des produits de premières nécessités tels que l’oxygène et les poches de sang…
Alors que partout la colère montre dans la population laborieuse qui se lève contre les mesures d’austérité appliquées dans de nombreux pays européens, l’inquiétude monte à Bruxelles, ce qui entraîne un resserrement des rangs entre la commission européenne et la CES.
Aussi, comment admettre que Barroso, à son niveau de responsabilité politique en Europe, se permette de déclarer à John Monks que l’unique alternative à ces coupes brutales dans le niveau de vie de la classe ouvrière est la dictature, sans comprendre alors que la montée des mouvements ultranationalistes, néofascistes et même néonazis en Europe est mise en place par le capitalisme et la bourgeoisie européenne.
Cette mise en garde venant du plus haut sommet de l’oligarchie européenne implique une mise en garde : soit la CES et les syndicats acceptent des restrictions brutales soit seront interdits les syndicats. Et la réponse de Monks à la bourgeoisie européenne est tout à fait claire : il utilisera les ressources de l’appareil syndical pour démobiliser toutes les formes d’opposition à ces restrictions.
Rappelons que l’histoire a démontré à plusieurs reprises que les défaites de la résistance de la classe ouvrière et des travailleurs concernant les atteintes à leurs emplois et leur niveau de vie, sont le prélude à la mise en place des dictatures.
Tout ceci démontre qu’il n’y a pas de véritable et mécanique solution « démocratique » à la crise du capitalisme en dehors de la mobilisation des masses populaires luttant dans un front uni. C’est ce à quoi nous sommes confrontés avec la CES qui semble irrévocablement opposé à des luttes fortes et organisées pour gagner sur les légitimes revendications. Pourtant elle ose s’exprimer au nom des syndicats à l’échelle internationale, donc au nom des travailleurs alors qu’elle les trahit.
Ceci nous pose un véritable problème qu’il est urgent d’éclaircir, car dans la confrontation de classe contre classe qui se prépare avec les plans de super austérité à l’encontre des peuples et des travailleurs, nous pouvons imaginer qu’avec de tels comportements et une telle collaboration avec l’appareil capitaliste, nous devons savoir où se positionneront nos syndicats, du côté du peuple ou du côté des dictatures.
Monks ayant admis que l’Europe est confrontée au plus grand danger d’une dictature depuis les années 1930, il fait clairement comprendre que la CES a l’intention de ne rien faire aussi longtemps que possible, en excluant toute action de grande ampleur des travailleurs européens mais aussi pays par pays. Comme seule riposte, la CES prépare une « journée d’action » européenne le 29 septembre 2012 qui coïncidera avec la rencontre des ministres des finances à Bruxelles, ce qui sous-entend une protestation sans danger.
Et dans l’article du 16 juin 2012 dans l’UE-Observer, John Monks entend rassurer son interlocuteur mais aussi la direction politique de l’UE et le patronat, en indiquant que cette seule journée ne consistera pas en une grève de masse, en déclarant : « Nous encourageons nos membres à faire grève avec divers types d’actions, mais ce n’est pas un appel à une grève générale »
Nous ne ferons pas de conclusion, vous vous l’êtes déjà faite en lisant ce billet, mais il est clair que l’heure n’est pas à la division mais à l’unité de masse et de classe au niveau local et au niveau international, et sans aucun sectarisme pour empêcher toutes les manœuvres de déstabilisation patronale et politique, mais aussi les basses manœuvres syndicales venues de la CES et de ses adeptes, qui pourraient nous conduire à la dictature et au fascisme.
Aussi, il est important de demander aux confédérations syndicales de se positionner sur les déclarations de John Monks et aux partis politiques de se positionner sur les déclarations de Manuel Barroso. Ainsi ce billet doit parvenir au plus haut des organisations syndicales et politiques pour que ces propos soient dénoncés.
Vous pouvez laisser une réponse.
Intéressant mais
votre billet gagnerait à être plus concis.
Qui peut encore croire dans l’action syndicale ?
Qui peut encore croire dans les promesses des politiciens ?
Qui peut encore croire que l’Europe ne fait pas saliver
les spéculateurs & oligarques ?
Con-citoyennement vôtre